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2
pour s’installer dans celle bâtie dans la nouvelle forteresse.
1
Si ce projet resta lettre morte, il
est intéressant de noter que l’idée d’un quartier neuf ou lotissement hors les murs de Toulon,
sur la presqu’île du Mourillon, à l’est du port, revint à plusieurs reprises au XVIIIe siècle
comme option des projets généraux des ingénieurs militaires royaux.
Au mois de janvier 1552, Claude de Savoie, comte de Tende-Sommerive, grand
sénéchal et gouverneur de Provence (de 1525 à 1566), soumettait au conseil de ville de
Toulon le projet d’une nouvelle enceinte urbaine, plus vaste que l’ancienne et fortifiée « à la
moderne » . La lettre du gouverneur proposait de « fère amplier, agrandir et fortifier la ville
de Thoulon et, ce fesant, y fère nouveaulx foussez, murailhes, balloards et plattes formes
requises pour la tuition et deffence de la dicte ville et port d’icelle ». Le sieur Mottet, premier
consul de Toulon, parent de Pierre Mottet, qui avait été, pour la ville, de 1517 à 1524, le
trésorier principal de la construction de la « Grosse Tour », réunit dès le 17 janvier 1552 un
conseil général extraordinaire de la communauté composé des deux conseils « vieil et
moderne » et de trente-cinq chefs de famille pour délibérer de cette question. La décision
soulevait un problème de financement, le gouverneur de Provence posant pour condition une
participation de la ville de dix mille écus, sur un montant total de vingt-cinq mille, en sorte
que le conseil répondit qu’il ne pouvait contribuer aux frais que pour la somme de dix mille
livres (soit le tiers des dix mille écus demandée), payable en cinq ans, par annuité de deux
mille livres, et seulement à compter du jour où les quinze mille écus engagés par le
gouvernement de Provence seraient dépensés, « veu que aultrement ne se sauroit fère sans
estre ruynés » . La délibération précisait que « ladicte ampliation et fortification de la ville de
Thoulon » était devisée « suyvant le pourtraict et exemplaire faict et monstré au conseil par le
sieur de Sainct-Rhemy, commissaire des fortifications »
2
Jean de Saint-Remy, commissaire de l’artillerie, expert en fortification mentionné à
partir de 1536, était alors à la fin de sa brillante carrière d’ingénieur militaire propagateur du
bastion –le seul alors qui ne fût pas italien. Il s’était illustré notamment par la conception de la
première enceinte bastionnée réalisée en Provence, et l’une des plus anciennes en France,
celle de Saint-Paul-de-Vence, achevée peu après la mort de François Ier en 1547. Il fut
chargé de diverses missions par François Ier, puis Henri II. Le premier de ces deux souverains
l’avait chargé d’une tournée des villes fortifiées de Provence en 1546, d’où il devait rapporter
« les portraitz et dessaing (des fortifications) pour les veoir et sur le tout oyr et entendre
votre advis et rapport », lui exprimant sa confiance en indiquant « que n’y pourrions envoyer
personnage qui soyt pour mieux satisfaire à nostre desir volompté intentions que vous, par
l’expérience et bonne intelligence que vous avez esd. fortifications »
3
. La mise de fonds de la
ville ayant été estimée insuffisante, le projet fut abandonné.
L’entrée de la petite rade de Toulon étant bien défendue par la Grosse Tour royale, la
fortification de la ville proprement dite n’était sans doute pas considérée comme
suffisamment névralgique pour que le gouvernement de Provence remît rapidement le projet à
l’ordre du jour. Cette circonstance n’intervint que vingt huit ans plus tard : Au début de mars
1580, le gouverneur de Provence récemment nommé était Henri d’Angoulême, fils naturel du
roi Henri II, abbé commendataire de la Chaise-Dieu et Grand Prieur de France. Lors d’une
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Toulon, Arch. Communales, BB, Délibérations du Conseil de Ville, Séance du 7 novembre 1531, f°346.
Gustave Lambert, Histoire de Toulon , chapitre XI, « Toulon sous Charles VIII, Louis XII et François Ier ,1487-
1544», Bulletin de l’académie du Var, nouv. Série, t. XIV, 1888, , p. 266-269.
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Arch. Comm. série BB art. 52, fortifications ; citations par Gustave Teissier, « Agrandissements et
fortifications de la ville de Toulon », Bulletin de la société académique du Var, 1873 (p. 325-481), p. 349 et par
Gustave Lambert, Histoire de Toulon, chapitre XII « Toulon pendant les guerres de Religion, 1530-1589»,
Bulletin de l’académie du Var, nouv. Série, t. XIV, 1888, p. 320-323.
3
BNF, Ms, coll. Dupuy, ms. 273, f° 73, cité par H. Charnier, « Notes sur les origines du génie, du Moyen Âge à
l’organisation de l’an VIII », Revue du génie militaire, t. LXXXVII, 1954, p. 39, et par H. Vérin, La gloire des
ingénieurs , l’intelligence technique du XVIe au XVIIe siècle, Paris, 1993, p. 120.