LES MINEURS ET LA PUBLICITE TELEVISEE1 Adeline LACOSTE Juriste La préoccupation de la protection de l‘enfant face { la publicité télévisée est ancienne. Ainsi, l’article 15 du règlement déontologique de la Régie Française de Publicité2 disposait : « Une prudence toute particulière peut être observée en ce qui concerne les enfants. En effet, la puissance des moyens de la radio et de la télévision n’étant pas proportionnée à leur fragilité, la publicité radiophonique et télévisée doit respecter la personnalité de l’enfant et ne pas nuire { son épanouissement ». Cette préoccupation majeure constitue aujourd’hui l’une des missions clé du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), ce dernier considérant que « certaines catégories de publics peuvent, en effet, ne pas disposer de la maturité suffisante pour établir clairement la différence entre ce qui relève d’un message publicitaire et ce qui relève des programmes »3. Constitue une publicité télévisée « toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou de services, (…) dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d’assurer la promotion commerciale d’une entreprise publique ou privée »4. L’enfant faisant l’objet d’une réglementation protectrice face { la publicité télévisée est l’enfant mineur de moins de 18 ans, conformément à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant5. Le présent texte est la version remaniée du Mémoire sous la direction de Maître Alain HAZAN en vue de l’obtention du Master 2 (R) en droit de la communication de l’Université Panthéon-Assas. Nos remerciements vont à Mme Anne CHANON, de la Direction générale en charge du développement déontologique et des relations institutionnelles au Bureau de vérification de la publicité, Mme Laurence FRANCESCHINI, Directeur du développement des médias (DDM), M. Arnaud ESQUERRE, chef de bureau des industries de programmes à la Direction du développement des médias, ainsi qu’{ Maître Alain Hazan. 2 Créée en 1969 et liquidée en 1993, la Régie française de publicité était la société qui gérait la publicité des trois chaînes de télévision et des quatre radios du service public audiovisuel français. 3 Recommandation du CSA du 7 juin 2006, aux éditeurs de services de télévision, relative { des pratiques publicitaires liées { la diffusion d’œuvres d’animation et de fiction { destination des mineurs. 4 Article 2 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992, transposant l’article 1 de la Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989. 5 Article 1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Organisation des nations unies (ONU) le 20 novembre 1989. 1 © Tous droits réservés 2 Il existe aujourd’hui une multitude de chaînes spécialisées en programmes destinés aux enfants, dites « chaînes jeunesse »6. Ce foisonnement s’explique par le fait que les mineurs sont des consommateurs assidus de télévision et par conséquent de publicité télévisée. Ainsi, selon l’association Action – Consommation, un quart des enfants entre 8 et 12 ans en France aurait un téléviseur propre7, de même que selon une enquête du journal de Genève en France et en Belgique, les enfants entre 7 et 12 ans regarderaient en moyenne la télévision 2h30 par jour8. Or l’enfant est un être humain en construction, dont l’esprit, le sens critique et l’expérience se forgent progressivement. Le risque consiste alors { ce que l’enfant ne dispose pas d’un regard suffisamment critique pour appréhender la publicité en tant que telle. Ainsi, selon Barbara Caplan, viceprésidente de l’entreprise marketing Yankelovitch Partners en 1996 : « Face à la publicité, les adultes sont circonspects, flairent l’arnaque et le baratin. (…) Les enfants, eux, regardent la télé et s’exclament juste : c’est super ! »9. Par ailleurs, le danger réside également dans le fait que selon de nombreuses études l’enfant influencerait très largement les achats au sein d’une famille, les parents suivant très souvent son avis concernant notamment ses jouets, vêtements, mais aussi pour les aliments tels que les desserts et les boissons10. Ainsi, selon une étude Ipsos-Sofinco effectuée en Europe en avril 2003, l’influence des enfants sur les achats de leurs parents serait à hauteur de 84% pour les vêtements, 80% pour les loisirs et 76% pour les produits alimentaires concernant la majorité des parents11. De même que selon Moeata Melard, spécialiste du marché des enfants de l’agence MSM Marketing Research, « plus de la moitié des innovations parviennent dans les foyers par le biais des enfants ». Le caractère influençable et le rôle prescripteur de l’enfant expliquent cet engouement des publicitaires pour les mineurs. Cette sollicitation permanente, de même que la sensibilité et la fragilité Pour n’en citer que quelques une : Gulli, Canal J, Cartoon Network, Disney Chanel, Fox Kids, Mangas, Télétoon, Tiji et Baby first. 7 Association Action Consommation, « Enfants et publicité : entre réglementation et autodiscipline », mars 2007, www.actionconsommation.org. 8 DUMONT Pascaline, journaliste française indépendante, « Publicitaires, lâchez les enfants ! », Le courrier Unesco, septembre 2001, www.unesco.org. 9 MOREIRA Paul, « Les enfants malades de la publicité », Le Monde Diplomatique, 1996. 10 Cf. Annexe Etude sur « l’impact de la publicité télévisée sur les mineurs », janvier à mai 2008, Lacoste Adeline. 11 RAMJAUN Tauheed, « Nouvelle génération : le soulèvement des tweens », 23 février 2005, www.lexpress.mu. 6 © Tous droits réservés 3 des enfants, nécessitent une protection spécifique du mineur face à la publicité télévisée. Ainsi, l’intérêt de l’enfant doit être préservé et le Conseil national de la consommation « reconnaît que la valeur à protéger, le développement mental, spirituel, éthique, civique et psychique des enfants est un intérêt social majeur »12, conformément à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant13. Toutefois, les chercheurs, les professionnels et les associations de consommateurs ne sont pas tous d’accord quant { l’étendue de cette protection. Ainsi, le psychologue et chercheur Jeffrey Goldstein14, estime que « les gens exagèrent le pouvoir de la publicité car elle est omniprésente et parce qu’ils ne comprennent pas complètement leur propre comportement en tant que consommateur »15. Il en découle qu’il convient de s’interroger sur l’efficacité et la suffisance du système de protection des mineurs face à la publicité télévisée. Il s’agit donc de déterminer dans un premier temps l’étendue actuelle de la protection des mineurs face à la publicité télévisée eu égard aux réglementations française, européenne et internationale (Partie I), pour dans un second temps, dresser le bilan de l’efficacité de cette protection et étudier l’opportunité d’une protection plus large ou différente au regard du droit comparé (Partie II). Avis du Conseil national de la consommation sur la publicité et l’enfant, NOR : ECO0000416V, du 25 octobre 2000. 13 Article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant de l’ONU, du 20 novembre 1989 : «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt de l’enfant doit être une considération primordiale ». 14 Jeffrey Goldstein est psychologue et chercheur au Département des communications de masse { l’Université d’Utrecht, aux Pays – Bas. 15 GOLDSTEIN Jeffrey, « Enquêtes sur les enfants et la publicité », étude pour le compte de la Commission européenne, Newsletter 13, http ://europa.eu. 12 © Tous droits réservés 4 PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION DES MINEURS VIS-A-VIS DE LA PUBLICITE TELEVISEE «Toute publicité doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique »16. Plus que tout autre téléspectateur, l’enfant doit être protégé du système publicitaire et de ses pièges. C’est pourquoi le législateur français et l’Union européenne se sont attachés à mettre en place un système de protection renforcée du consommateur encore mineur. C’est ainsi que, d’une part, l’obligation de clarté et de loyauté de l’annonceur et du diffuseur envers le consommateur se trouve accentuée lorsque le message publicitaire est destiné à des enfants (Chapitre premier) et que, d’autre part, des mesures de protection de la santé tant physique que morale du mineur ont été instaurées (Chapitre II). Chapitre premier – Une obligation de clarté et de loyauté renforcée Les acteurs publicitaires doivent veiller à ce que tout message publicitaire destiné à être perçu par un mineur soit facilement identifiable en tant que tel par ce dernier et se distingue donc très nettement des autres programmes (§ 1). Par ailleurs, le publicitaire ne devra pas chercher { tirer profit de l’inexpérience de l’enfant (§ 2). § 1. L’exigence accrue d’une identification claire de la publicité Tout message publicitaire doit être clairement distingué des autres programmes et « identifiable comme tel » par le consommateur17 (A). Est ainsi interdite toute publicité clandestine, effectuée dans la violation des règles d’identification de la publicité (B). Article 1er du Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de Commerce internationale, in C. GRELIER-LENAIN, « L’enfant et la publicité », Gaz. Pal., 26-30 mai 1996, Doctrine, p.524. 17 Article 73, alinéa 1 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 : « le message publicitaire doit être clairement identifiable comme tel ». Idem article 8 du Décret n°87-239, du 6 avril 1987 ; article 10.1 de la Directive n°89/552 du 3 octobre 1989 « Télévision sans frontière », modifiée par la Directive n°97/36 du 30 juin 1997 ; article 12 du Code international des pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de commerce internationale. 16 © Tous droits réservés 5 A – La distinction nette entre le programme et la publicité Afin de garantir une identification effective du message publicitaire en tant que tel par les mineurs, le législateur a imposé la diffusion d’un avertissement encadrant chaque séquence publicitaire (1) et a strictement réglementé la publicité en faveur de dérivés commerciaux de programmes destinés à la jeunesse (2). 1 – L’exigence d’un avertissement sonore et visuel Chaque séquence de publicité diffusée par une chaîne de la télévision doit être précédée et suivie par des « écrans reconnaissables à leurs caractéristiques optiques et acoustiques » permettant de clairement identifier le message publicitaire et de le distinguer nettement des autres programmes18. Dans l’hypothèse où les caractéristiques du service de télévision ne permettraient pas le respect de la règle précédente, la convention et le cahier des charges conclus entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la chaîne concernée pourront alors définir les conditions permettant à la publicité d’être clairement identifiée. En pratique, l’avertissement encadrant les séquences publicitaires télévisées se caractérise le plus souvent par l’apparition { l’écran du mot « pub » ou « publicité », accompagné d’un jingle qui lui est propre. Lorsque le message publicitaire s’adresse { un enfant, l’exigence de clarté a été renforcée par le Bureau de vérification de la publicité19 et implique que celle-ci soit « nettement distinguée » de l’ensemble des programmes diffusés20 et « rapidement identifiable »21 par l’enfant. Cette règle spécifique étant issue d’une recommandation du Bureau de vérification de la publicité n’a donc pas valeur législative. Toutefois, il est établi que les recommandations du Article 14 du Décret n°92-280, du 27 mars 1992, pris pour l’application des articles 27 et 33 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage de télé-achat ; ainsi que l’article 10.1 de la Directive n°89/552 du 3 octobre 1989, « Télévision sans frontière », modifiée par la Directive n°97/36 du 30 juin 1997. 19 Le BVP est devenu en 2008 l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP). 20 Recommandation du BVP « Enfant » de juin 2004, §1-1. 21 Recommandation du BVP « Enfant » de juin 2004, §1-2 : « Lorsqu’il s’adresse aux enfants, le caractère du message doit être rapidement identifiable ». 18 © Tous droits réservés 6 Bureau sont très largement suivies par les publicitaires dans le cadre du système français d’autorégulation22. Par ailleurs, il découle du principe selon lequel les messages publicitaires ont l’interdiction d’exploiter la crédulité et l’inexpérience du jeune consommateur23, que les avertissements encadrant les séquences publicitaires doivent être suffisamment clairs pour être perçus par un enfant. De plus, le Conseil supérieur de l’audiovisuel exige des chaînes jeunesse que la durée des génériques introduisant la publicité soit d’au moins 6 secondes et de 4 secondes concernant TF1 et M6 lors de la diffusion de programmes destinés aux mineurs. Une telle exigence permet aux enfants d’assimiler le passage du programme qu’ils suivaient au message publicitaire24 et inversement. L’écran d’avertissement utilisé lors de la diffusion de programmes jeunesse est en pratique adapté aux enfants. En effet, si l’on prend pour exemple la chaîne TF1, l’écran d’avertissement se compose ainsi : l’image bien visible du mot « PUB » en lettres animées et colorées et des voix d’enfants disant : « A tout de suite », marquant bien l’interruption momentanée du programme25. La nécessité d’aider l’enfant { distinguer le message publicitaire des autres programmes, afin de mieux appréhender la sollicitation commerciale dont il pourra faire l’objet, ressort de certains travaux26 démontrant que les enfants de moins de 10 ans sont dans l’incapacité de distinguer une publicité d’un autre programme. Il est cependant à noter qu’il semblerait que les enfants d’aujourd’hui, gros consommateurs de médias, intègrent de plus en plus tôt la différence entre les programmes et les messages publicitaires, certains ayant même acquis le réflexe de « zapper » au moment de ladite publicité. Cf. Partie II, Chapitre I, Paragraphe I. Article 6 du Décret n°87-239, du 6 avril 1987, pris pour l’application de l’article 27-I de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication et fixant pour les services privés de radiodiffusion sonore diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite le régime applicable à la publicité et au parrainage. 24 « La protection de l’enfance et de l’adolescence { le télévision et { la radio », Rapport d’activité du CSA de l’année 2006, octobre 2006. 25 Ecran d’avertissement observé en mai 2008 sur la chaîne TF1 le samedi matin. 26 Notamment les travaux d’Erling BJÜRSTROM, professeur de communication en Suède. 22 23 © Tous droits réservés 7 2 – L’encadrement de la publicité en faveur des dérivés commerciaux La diffusion de publicités en faveur de produits dérivés d’émissions pour enfants est susceptible d’amener la confusion dans l’esprit de ceux-ci, notamment si elle a lieu juste avant ou juste après le programme en question. En effet, l’enfant risque non seulement de ne plus distinguer la publicité du programme qu’il vient de voir mais également d’avoir tendance { être plus réceptif au message publicitaire du fait de l’utilisation d’un personnage qu’il connaît bien. Ainsi, selon Michael Jacobson27 : « Les gens du marketing se sont aperçus que ce qui marchait le mieux avec les enfants, c’était le bombardement du logo de la marque. Mais intelligemment, sans que cette saturation se ressente… Voil{ pourquoi on utilise leurs personnages favoris. Les enfants aiment naturellement ce qui leur est familier, ce qu’ils reconnaissent. Cela fait partie de leur besoin de sécurité. Les marques ainsi associées deviennent des amis qu’ils sont heureux de retrouver… ». Afin d’éviter toute confusion dans l’esprit de l’enfant, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a récemment adopté une recommandation28 visant { encadrer la diffusion des œuvres mettant en scène des personnages repris ensuite dans une publicité. Ainsi, concernant les œuvres ayant donné naissance à des produits ou services dérivés tels que du matériel scolaire ou des jouets, le Conseil préconise que les messages publicitaires soient « chronologiquement aussi nettement séparés que possible de l’œuvre ». La diffusion d’un tel message est en conséquence prohibée juste avant et juste après l’œuvre dont il s’inspire. L’obligation d’identifier clairement la publicité comme telle interdit toute annonce en dehors des plages de diffusion prévues. Dans le cas contraire, la publicité est alors dite « clandestine ». Michael JACOBSON, Directeur du CSPI (Center for Science in the Public Interest) en 1996, propos tenus lors du colloque « Consumer Kids » des 26 et 27 avril 1994, in MOREIRA Paul, « Les enfants malades de la publicité », Le Monde Diplomatique, 1996. 28 Recommandation du CSA du 7 juin 2006, aux éditeurs de services de télévision, relative { des pratiques publicitaires liées { la diffusion d’œuvres d’animation et de fiction à destination des mineurs. 27 © Tous droits réservés 8 B – L’interdiction de la publicité clandestine « La publicité clandestine est interdite ». C’est ainsi qu’un décret du 27 mars 199229 a expressément consacré l’interdiction de la publicité clandestine en droit français (1 et 2). Le droit antérieur30 imposait simplement que les messages publicitaires soient clairement annoncés comme tels et programmés dans des écrans spécialisés, ce qui impliquait cependant que toute publicité hors écrans spécialisés était interdite. 1 – L’interdiction de toute publicité en dehors des cas autorisés La diffusion de messages publicitaires à la télévision est strictement réglementée, notamment lorsque le message en question est destiné aux mineurs. Ainsi, toute coupure publicitaire est interdite au sein d’un programme pour enfants dont la durée est inférieure à 30 minutes31. Lorsque le programme est supérieur à 30 minutes, une séquence publicitaire pourra être diffusée toutes les 35 minutes au maximum32. Toute séquence publicitaire interrompant un programme pour enfants doit respecter l’intégrité et la valeur de l’émission en tenant compte notamment des interruptions naturelles de celle-ci, de sa durée et de sa nature33. Dans le cas d’une émission se composant de plusieurs parties autonomes, le diffuseur a l’obligation d’insérer les séquences publicitaires entre ces différentes parties34. Ainsi, toute publicité diffusée en dehors des cas autorisés est donc considérée comme clandestine et interdite35. Selon les termes de l’article 9 du décret du 27 mars 1992, « constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but Article 9 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. Article 9du Décret n°87-37 du 26 janvier 1987. 31 Article 15, III du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. 32 Directive du Conseil « Services de médias audiovisuels sans frontières » du 11 décembre 2007, n°2007/65/CE. 33 Article 15, I n°92-280 du Décret du 27 mars 1992. 34 Article 15, II n°92-280 du Décret du 27 mars 1992. 35 Article 9 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992 et article 10.4 Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989, modifiée par la directive n°97/36 du 30 juin 1997. 29 30 © Tous droits réservés 9 publicitaire ». Le législateur entend par « but publicitaire » toute démarche élaborée dans l’intention de promouvoir un produit auprès du consommateur et non seulement d’informer celui-ci des caractéristiques du produit36. Par conséquent, une émission n’évoquant qu’un seul produit ou service, sans traiter de produits ou services concurrents, se rend coupable de publicité clandestine. La définition de la publicité clandestine est plus ambiguë dans la directive « Télévision sans frontières » du 3 octobre 198937. En effet, une publicité est considérée comme clandestine au sens de la directive dès lors que la présentation du produit est faite intentionnellement par le diffuseur dans un but publicitaire et qu’il existe un « risque d’induire en erreur le public sur la nature d’une telle présentation ». La directive précise que toute présentation faite en contrepartie d’une rémunération ou toute autre forme de paiement est considérée comme intentionnelle. La preuve de l’intention et de la rémunération se révèle très difficile à rapporter. C’est pourquoi la Commission européenne a consacré un critère objectif permettant de qualifier ou non une publicité de clandestine38 : la « proéminence indue ». Il s’agit de présenter un produit de façon récurrente lorsque cela n’est pas justifié par les besoins éditoriaux de l’émission39. Un tel critère permet de ne pas avoir { prouver l’intention de publicité clandestine et l’existence d’une contrepartie40. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel utilisait déjà ce même faisceau d’indices, se fondant sur la définition de la publicité clandestine de l’article 13§3 de la Convention européenne sur la télévision transfrontière41. Ainsi, il recherche si l’émission présentatrice du produit en question a fait preuve de « complaisance affichée » envers le produit ; si d’autres produits, services ou marques ont également été présentés ; quelle a été la fréquence de la citation et/ou de la visualisation du produit/service/marque ; si les coordonnées de l’annonceur ont été indiquées et enfin s’il a été fait preuve d’un « regard critique » au cours de la présentation42. ANGELO Didier, « La publicité clandestine », Légicom, 1/1998, p.55 à 61. Article 1er de la Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989. 38 Communication interprétative de la Commission européenne, publiée au JOCE du 28 avril 2004. 39 Dossier d’actualité sur « La présence des marques dans la fiction : le Conseil apprécie au cas par cas », Lettre du CSA n°181, Février 2005. 40 ANGELO Didier, « La publicité clandestine », Légicom, 1/1998, p.55 à 61. 41 Convention européenne du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière, Conseil de l’Europe. 42 Dossier d’actualité sur « La présence des marques dans la fiction : le Conseil apprécie au cas par cas », Lettre du CSA n°181, Février 2005. 36 37 © Tous droits réservés 10 Par conséquent, une œuvre mettant en scène des personnages inspirés de produits ou services commercialisés sera qualifiée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel de publicité clandestine si sa première diffusion se fait simultanément avec le lancement commercial du produit ou service en question. De même qu’elle ne pourra faire l’objet d’une diffusion 45 minutes avant ou après la promotion du produit ou service si cette dernière utilise les mêmes personnages que ceux de l’œuvre43. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel est ici très strict, cherchant ainsi { protéger l’enfant contre son inclination à faire confiance aux personnages de ses programmes préférés. Au regard de l’ensemble des mises en demeure et des sanctions ayant pu être prononcées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en matière de publicité clandestine, il semblerait que cette pratique soit quasi-inexistante s’agissant des programmes spécifiquement destinés aux enfants. Toutefois, la sociologue Elisabeth Baton-Hervé, chargée de mission { l’Union nationale des associations familiales a relevé dans un épisode de « Totally Spies », diffusé sur TF1, une publicité clandestine : les 3 héroïnes disaient « Une petite robe de chez Fabio Salsa, c’est totale tendance ! », en référence au salon de coiffure Fabio Salsa dont le slogan est « Totale tendance ». 2 – L’interdiction des images subliminales et du placement de produits Le placement de produits et les images subliminales peuvent être assimilés à de la publicité clandestine. En effet, la première technique consiste { mettre en évidence des produits ou services au sein d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle par le biais notamment de gros plans insistants ou de discours ambigus prononcés par des acteurs ou personnages de l’œuvre. L’exemple le plus frappant de cette pratique est le film « I-Robot »44, diffusé sur TF1 au début de l’année 2008, dans lequel l’acteur principal ne cesse de faire la promotion de ses nouvelles chaussures « des Converses année 2004 » ; où un robot humanoïde au rôle prépondérant s’appelle « Sony » et dans lequel figurent bien d’autres promotions { peine cachées pour les marques Audi, Fedex et Apple. Ce procédé, admis dans les œuvres cinématographiques, est interdit par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans les œuvres de Recommandation du CSA du 7 juin 2006, aux éditeurs de services de télévision, relative { des pratiques publicitaires liées { la diffusion d’œuvres d’animation et de fiction { destination des mineurs. 44 Classé « Tout public ». 43 © Tous droits réservés 11 fiction ou d’animation audiovisuelles, destinées à la jeunesse45. En conséquence, le diffuseur doit s’assurer que les produits apparaissant dans une telle oeuvre s’insèrent naturellement dans le scénario et voient leur présence justifiée. Ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a mis en demeure en juillet 2002 la chaîne de télévision M6 suite { la diffusion d’un épisode de la série « Chérie, j’ai rétréci les gosses » se déroulant presque exclusivement dans un restaurant Mac Donald’s46. De même que la chaîne de télévision TF1 a été mise en demeure par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 25 mars 1992, pour la diffusion dans le Club Dorothée d’un dessin animé « Pleingaz » faisant de nombreuses fois référence aux marques Elf et Honda47 Le second procédé, l’image subliminale, consiste en la diffusion d’une image qui ne sera perçue qu’inconsciemment par le téléspectateur car diffusée sur une durée extrêmement courte48. Ainsi, le cerveau du téléspectateur capte l’image d’un produit sans que le téléspectateur n’en prenne conscience. Aucune étude scientifique n’a jusqu’{ présent rapporté la preuve d’une quelconque influence de telles images sur le comportement du consommateur. Cependant, cette promotion d’un produit { l’insu du consommateur est prohibée par le législateur français49 et le droit européen50. Dans une recommandation du 27 février 200251 adressée { l’ensemble des services de télévision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel rappelle le principe « d’honnêteté de l’information et des programmes »52, l’interdiction de la publicité clandestine et de l’utilisation de la technique subliminale, ainsi que la responsabilité du diffuseur concernant les programmes mis à disposition du public. Cette recommandation a été faite suite à la mise en demeure adressée par le Conseil de l’audiovisuel { la chaîne M6 concernant plus de trente images subliminales, montrant un appareil photo Kodak jetable, Dossier d’actualité sur « La présence des marques dans la fiction : le Conseil apprécie au cas par cas », Lettre du CSA n°181, Février 2005 et Directive du Conseil « Services de médias audiovisuels sans frontières » du 11 décembre 2007, n°2007/65/CE. 46 Dossier d’actualité sur « La présence des marques dans la fiction : le Conseil apprécie au cas par cas », Lettre du CSA n°181, Février 2005. 47 ANGELO Didier, « La publicité clandestine », Légicom, 1/1998, p.55 à 61. 48 « Subliminal. Qui ne dépasse pas le seuil de la conscience. » - Dictionnaire encyclopédique universel, éd. Précis, 1996. 49 Article 10 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992 50 Article 10.3 Décret n°92-280 du 27 mars 1992, modifiée par la directive n°97/36 du 30 juin 1997. 51 Lettre du CSA n°149 du 22 février 2002. 52 Articles 28, 33-1 et 43-11 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. 45 © Tous droits réservés 12 diffusées dans l’émission « Popstar »53, très regardée par les mineurs. Il semblerait que la chaîne n’ait pas tenu compte de cette mise en demeure et de la recommandation puisque le 4 juin 2003, le Conseil supérieur de l’audiovisuel demande { M6 de se s’expliquer sur la diffusion d’une image subliminale dans le générique de « Caméra café ». Néanmoins, il ressort de l’étude des rapports d’activité du Conseil supérieur de l’audiovisuel des quatre dernières années54 que ce procédé n’est plus utilisé, ou tout du moins n’a pas été récemment détecté par le Conseil. § 2. – L’interdiction de toute exploitation de l’enfant Selon Isabelle Bufflier, responsable du Master 2 Droit du multimédia et des systèmes d’information { Strasbourg55, la vulnérabilité de l’enfant devrait être reconnue comme un principe supérieur, fondé sur la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et notamment sur ses articles 32 et 36. Les droits positifs français et européen interdisent toute forme d’exploitation de l’enfant, qu’il s’agisse de l’enfant consommateur (A) ou de l’enfant mannequin (B). A – L’exploitation de la crédulité de l’enfant « La publicité ne doit pas exploiter la crédulité naturelle des enfants ou le manque d’expérience des adolescents, ni mettre leur loyauté { l’épreuve »56 (1 et 2). 1 – L’interdiction d’exploiter l’inexpérience et la crédulité des mineurs Les droits français, européen et international connaissent le même principe : il est interdit au message publicitaire d’exploiter la crédulité et l’inexpérience des enfants57. Ainsi, une délibération du Lettre du CSA n°148 du 15 janvier 2002. Rapports annuels d’activité de 2004, 2005, 2006, www.csa.fr. 55 BUFFLIER Isabelle, « De la vulnérabilité de l’enfant face aux médias », Légicom, n°37, 2007/1, p.5 à 11, p.10. 56 Article 13 du Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale, in C. GRELIER-LENAIN, « L’enfant et la publicité », Gaz. Pal., 26-30 mai 1996, Doctrine, p.524 57 Article 6, al.1er, décret n°87-239, du 6 avril 1987 ; article 16 a) et c) de la Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989 ; article 14.a) du Code 53 54 © Tous droits réservés 13 Conseil supérieur de l’audiovisuel du 13 novembre 2007, relative à la diffusion de messages publicitaires en faveur de services téléphoniques ou SMS surtaxés susceptibles d’exploiter l’inexpérience ou la crédulité des mineurs, interdit la diffusion de ces messages entre 5h et minuit. Il s’agit de publicité proposant notamment de découvrir, par le biais d'envois de SMS, l'affinité amoureuse entre deux personnes à partir de leurs prénoms, la probabilité de devenir riche dans le futur ou le personnage que l'on était censé être dans une vie antérieure. La diffusion de tels messages promotionnels avait déj{ attiré l’attention du Conseil supérieur de l’audiovisuel en 2003, concernant les chaînes AB1, RFM TV et Zik sur lesquelles avait été diffusée une publicité incitant les adolescents à envoyer un SMS pour calculer l’affinité amoureuse des prénoms58. Le Conseil supérieur de l‘audiovisuel considère en effet que les mineurs étant particulièrement réceptifs à ce genre de messages, pourtant peu crédibles aux yeux des adultes, et les services proposés ne reposant sur aucune règle scientifique, ces messages sont susceptibles d’abuser de la crédulité et de l’inexpérience des enfants et adolescents. Dans une recommandation de juin 2006, le Conseil estime qu’il « convient ainsi de ne pas exposer le jeune public, qui n'a pas l'expérience nécessaire pour apprécier par son propre jugement la valeur des services qui lui sont proposés, à des messages l'incitant à la consommation de tels services, nécessitant au surplus un débours financier significatif »59 et rappelle par ailleurs qu’il s’agit également d’une violation de l’article 7,1° du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 selon lequel la publicité ne doit pas inciter directement les mineurs à l’achat d’un produit ou d’un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité. Cette recommandation ne semble pas être suivie par la chaîne M6 qui, bien qu’ayant significativement réduit ce type de publicité, continue d’en diffuser régulièrement. Par ailleurs, de la protection des mineurs en raison de leur crédulité et de leur inexpérience se déduit également l’interdiction pour le publicitaire d’exploiter ou d’altérer la confiance particulière que les mineurs ont en leurs parents, enseignants ou toute autre personne60. international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale. 58 Rapport d’activité de l’année 2003 du CSA, IV. Le contrôle des programmes, www.csa.fr. 59 Recommandation n° 2006-5 du 7 juin 2006 relative à des messages publicitaires en faveur de services SMS susceptibles d'exploiter l'inexpérience ou la crédulité des mineurs. 60 Article 7, 3° du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. © Tous droits réservés 14 2 – L’interdiction d’une publicité mensongère ou trompeuse L’annonceur a une obligation de véracité concernant son message publicitaire61. La publicité doit informer le consommateur, ne doit pas lui mentir ou l’induire en erreur. Ainsi, toute publicité doit être faite dans l’intérêt du consommateur62. Constitue une publicité trompeuse au sens de l’article L.121-1 du Code de la Consommation, toute publicité créant une confusion avec un autre bien ou service ou reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur et est punie de deux ans d’emprisonnement et 37 500 € d’amende. Une pratique commerciale est également trompeuse si « elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle »63. Les informations substantielles correspondent notamment aux caractéristiques principales du produit ainsi qu’au prix toutes taxes comprises. La réglementation en matière de protection des mineurs est plus stricte. Ainsi, le Bureau de vérification de la publicité considère que « le caractère éventuellement trompeur d’une publicité s’apprécie en fonction du public auquel s’adresse le message. La publicité qui s’adresse aux enfants doit tenir compte de leur maturité et de leur expérience »64. Reprenant le Code international des pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de commerce internationale dans ses articles 3, 5 et 14, le Bureau de vérification de la publicité pose les principes suivants concernant les messages publicitaires à destination des enfants : - Ces messages doivent être clairs, simples et adaptés au niveau de connaissance et de vocabulaire de l’enfant65. Cette règle s’ajoute à celle exigeant l’emploi de la langue française dans tout type de publicité, quel que soit le public auquel elle est destinée66. Il faut donc que le message soit compréhensible par un mineur. - L’enfant doit être clairement informé des caractéristiques, des dimensions, de la valeur, de la nature, de la durée de vie et des performances du produit présenté67. A ce titre, le Bureau de vérification de la publicité recommande aux publicitaires de placer l’objet { proximité d’une personne afin que l’enfant ne soit pas induit Article 3, al.1 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. 6 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. 63 Article L.121-1 du Code de la Consommation. 64 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §6, §6-2 et 6-1. 65 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §6-1, al.2. 66 Article 7 du décret n°87-239, du 6 avril 1987. 67 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §6-2. 61 62Article © Tous droits réservés 15 en erreur quant à la taille réelle du produit68. En outre, concernant les caractéristiques du produit, il devra être clairement indiqué si le produit s’actionne avec la main ou fonctionne seul69. Ainsi, une publicité représentant un hélicoptère volant seul alors que ce dernier ne le peut que transporté par la main de l’enfant sera considérée comme pouvant induire en erreur le jeune consommateur. - Tout accessoire supplémentaire nécessaire au fonctionnement du produit, tel que des piles, doit être indiqué au jeune consommateur70. De même que si le produit appartient à un ensemble71. L’enfant ne doit donc pas être amené { croire que le produit peut être utilisé tel qu’il est vendu lorsque l’ajout d’autres éléments est indispensable. - L’habileté, la force, l’adresse et l’âge requis ne doivent pas être minimisés par la publicité72. - L’indication du prix ne doit pas inciter l’enfant { croire que ce dernier est accessible { tous et qu’il s’agit d’une « bonne affaire », amenant alors l’enfant à une perception erronée du prix. Est ainsi proscrite la mention « seulement » ou « juste » lors de l’indication du prix73. La publicité ne doit donc pas exploiter à son profit la particulière crédulité des enfants. B – L’utilisation de l’enfant en tant que prescripteur L’enfant d’aujourd’hui ayant une grande influence sur les achats familiaux, il est nécessaire de le protéger contre toute forme d’exploitation économique par des publicitaires désireux de toucher les parents par l’intermédiaire de leurs enfants74. L’enfant est en effet très courtisé par les annonceurs en raison, tout d’abord, de son pouvoir prescripteur au sein de sa famille, le message publicitaire s’adresse alors en priorité { l’enfant, mais également en raison de l’attention qu’il attire auprès du téléspectateur attendri ou amusé par l’enfant mannequin ou acteur. Entretien téléphonique avec Anne Chanon, Adjoint de la Direction Générale (déontologie et relations institutionnelles), le 15 mai 2008. 69 Recommandation BVP « Jouets », Octobre 1998, §3. 70 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §6-3. 71 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §6-4. 72 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §6-2. 73 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §7-3. 74 Article 32.1 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (ONU, 1989). 68 © Tous droits réservés 16 L’utilisation de l’enfant en tant que prescripteur du produit est strictement réglementée (1), de même que les conditions de son apparition { l’antenne (2). 1 – L’interdiction d’incitation directe de l’enfant à l’achat d’un produit Afin de protéger le mineur de tout préjudice moral ou physique, le droit français interdit { la publicité d’inciter directement le mineur { acheter ou { persuader ses parents ou un tiers d’acheter un produit ou service75. Est ainsi interdite toute mention « achète » ou « demande { maman d’acheter » au sein d’un message publicitaire. Bien entendu, seule l’incitation directe est prohibée, en effet, dans le cas contraire plus aucune promotion commerciale ne serait possible, il s’agirait uniquement d’information du consommateur. L’utilisation de l’enfant en tant que prescripteur au sein de sa propre famille ne doit donc pas être directe. Contrairement au décret n°87-239 du 6 avril 198776, le décret de 1992 ne limite pas l’autorisation d’utilisation des enfants en tant qu’acteurs principaux au seul cas où il existe un rapport direct entre ces derniers et le produit ou service dont il est fait la promotion. La pratique de l’enfant prescripteur au sein même de la publicité n’est également plus prohibée. Un enfant peut donc faire directement la promotion d’un produit. Le droit français intègre ainsi les dispositions plus libérales de la directive Télévision transfrontière77. Cependant, l’annonceur ne doit pas faire tenir { l’enfant des propos nécessitant un niveau de connaissance dont il serait selon toute logique dépourvu78. Ainsi, un enfant faisant la promotion d’une voiture pourra dire qu’elle est belle, confortable, spacieuse mais ne pourra porter aucun jugement sur les caractéristiques techniques de celles-ci (ABS, airbag, Moteur, etc.). Ce qui explique l’interdiction catégorique de toute publicité dans laquelle un enfant prescrirait un médicament. Ainsi, L’Agence du Médicament a élaboré un guide { l’attention des annonceurs et publicitaires79, dans lequel elle explique qu’une publicité en faveur d’un médicament ne peut s’adresser exclusivement ou Article 7, 1° et 2° du Décret n°92-280 du 27 mars 1992 et Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §7-4. 76 Article 6, al.2. 77 Article 16 b. 78 Recommandation BVP « Enfant » Juin 2004, §6-5. 79 « Publicité et bon usage », Juin 1995, in C. GRELIER-LENAIN, « L’enfant et la publicité », Gaz. Pal., 26-30 mai 1996, Doctrine, p.524. 75 © Tous droits réservés 17 principalement aux enfants, qu’il n’est pas admis que les enfants préconisent un médicament, que les textes doivent être essentiellement dits par des voix perçues comme de véritables voix d’adultes. Elle ajoute que les enfants ne peuvent avoir de gestes prescripteurs tels que présenter le médicament, ne peuvent être habillés aux couleurs, logos, nom du produit ou de l’annonceur et ne pourront être acteurs principaux que s’il existe un rapport direct entre eux et le médicament concerné. Cette réglementation stricte cherche notamment { éviter toute banalisation de l’utilisation de médicaments tant aux yeux des mineurs que des adultes. 2 – Les conditions d’apparition de l’enfant à l’antenne En vertu de l’article 32.1 de la Convention internationale sur les droits de l’Enfant : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint { aucun travail comportant des risques susceptibles de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social »80. La fixation et l’exploitation de l’image d’une personne exigent l’accord de cette dernière à chacune de ces étapes81. Lorsque la personne en question est mineure, le consentement des personnes titulaires de l’autorité parentale (les parents le plus souvent) est nécessaire82. Lorsque les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale, ce qui est le cas en matière de défense des droits extrapatrimoniaux de l’enfant, tel que le droit { l’image, l’autorisation de chacun est requise83. Dans le cas contraire, le juge des tutelles pourra néanmoins autoriser une telle action sur le consentement de l’un des deux parents. Afin de pallier tout conflit ultérieur, il est préférable que soit établi un contrat écrit, clair et précis, conclu entre les parents et le professionnel. En cas de non respect du droit du mineur sur son image, ses parents pourront agir sur le fondement de l’article 9 du Code Civil relatif au droit à la vie privée. Outre l’obligation d’obtenir l’accord des titulaires de l’autorité parentale, un enfant de moins de seize ans ne pourra être engagé en vue d'exercer une activité de mannequin, au sens de l'article L. 7123- Article 32.1 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (ONU, 1989). 81 Article 9 du Code Civil. 82 Civ. 1e, 18 mai 1972, JCP 1972, II, n°17209. 83 Articles 464, al.3 et 389-5 du Code Civil. 80 © Tous droits réservés 18 2 nouveau du Code du Travail84, que s’il donne son consentement écrit (s’il a plus de treize ans) et que le préfet du département où l’entreprise a son siège donne son autorisation après avis d’une commission85, sous peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende86. La commission chargée d’émettre un avis concernant l’emploi d’un mannequin mineur de moins de seize ans se compose du préfet (ou de son secrétaire général), du président du tribunal pour enfants (ou de son suppléant), du directeur de l’enseignement (ou de son représentant), du directeur départemental de la main-d’œuvre, du directeur général de l’action sanitaire et sociale, d’un médecin inspecteur de la santé, d’un représentant du ministre chargé des Affaires culturelles et d’un représentant du ministre de l’Information87. La commission apprécie si le rôle proposé « peut être normalement confié à un enfant »88, selon le caractère pornographique et violent des scènes mais également selon les conditions de tournage elles-mêmes et les conséquences que la diffusion du spot publicitaire pourrait ensuite avoir sur la vie de l’enfant. Les agences de mannequin titulaires d’une licence pourront obtenir une autorisation générale et non spécifique à chaque enfant engagé89. L’emploi de l’enfant ne pourra excéder des durées journalières et hebdomadaires maximales déterminées par décret en Conseil d'État90. Lorsque l’enfant n’est pas scolarisé, il pourra être employé au maximum deux jours par semaine { l’exclusion du dimanche91. S’il est scolarisé, il ne pourra exercer que les jours de repos { l’exclusion du dimanche en période scolaire92. L’employeur qui ne respecte pas « Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n'est exercée qu'à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : 1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; 2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image ». 85 Articles L.7124-1 et L.7124-2 nouveaux du Code du Travail. 86 Article L.7124-23 nouveau du Code du Travail. 87 Décret du 9 septembre 1992, in BRUEL Alain , Président du tribunal pour enfants de Paris ({ l’époque), « L’exploitation de l’image de l’enfant en France », Petites affiches, 30 novembre 1999, N°238, p.14 à 17. 88 BRUEL Alain, Président du tribunal pour enfants de Paris ({ l’époque), « L’exploitation de l’image de l’enfant en France », Petites affiches, 30 novembre 1999, N°238, p.14 à 17. 89 Articles L.7124-4 et L.7124-5 nouveaux du Code du Travail. 90 Article L.7124-6 nouveau du Code du Travail. 91 Article L.7124-7 nouveau du Code du Travail. 92 Article L.7124-8 nouveau du Code du Travail. 84 © Tous droits réservés 19 ces règles encourt cinq ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende93. Malgré un encadrement aussi strict, Servane Cherouat, Président du Syndicat des enfants mannequins, rappelle que l’enfant mannequin est confronté à un climat de concurrence permanent, où il doit être performant et se retrouve seul. Cette situation étant bien trop souvent voulue non par l’enfant lui-même mais par ses parents, fiers d’avoir un « enfant star ». Servane Cherouat rappelle également l’existence de la pratique assez répandue des castings sauvages, organisés par des sociétés non autorisées et rendus possibles notamment par l’ignorance des parents quant aux droits de leurs enfants et leur aveuglement face à la joie de voir leur enfant « choisi »94. L’apparition de l‘enfant dans une publicité pose également la question du respect de l’intégrité physique et morale de l’enfant. Ainsi, « la publicité doit être conforme aux exigences de véracité, de décence et de respect de la dignité de la personne humaine ». Le Bureau de vérification de la publicité présente le respect de la dignité de la personne humaine comme un principe universel95. Il ressort également de l’article 4 du Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale que le message publicitaire ne doit pas exploiter abusivement ou dévaloriser le corps humain. Par conséquent, la publicité ne doit pas choquer, provoquer ou heurter la sensibilité en véhiculant une image de l’enfant portant atteinte { sa dignité ou { la décence96. La mise en scène de l’enfant ne doit ni porter atteinte { son intégrité physique ou morale, ni le dévaloriser97. Le délicat problème de la nudité enfantine se pose alors. Le droit français n’admet une telle représentation de l’enfant que lorsque la nudité est en rapport avec le produit dont il fait la promotion et que les positions adoptées par l’enfant correspondent « aux attitudes qu’il est susceptible d’adopter habituellement dans son environnement quotidien »98.Il est par conséquent admis qu’un enfant soit nu dans une publicité pour des Article L.7124-24 nouveau du Code du Travail. CHEROUAT Servane, Président du Syndicat des enfants mannequins, « Protéger l’enfant occulté par l’image diffusée », Petites affiches, 30 novembre 1999, n°238, p.18 à 24. 95 Recommandation « Image de la personne humaine », BVP, octobre 2001. 96 Recommandation « Enfant », BVP, Juin 2004, §3-1. 97 Recommandation « Enfant », BVP, Juin 2004, §3-2. 98 Recommandation « Enfant », BVP, Juin 2004, §3-4. 93 94 © Tous droits réservés 20 couches, sous réserve que l’enfant soit toujours en âge de porter des couches…99. L’image du mineur est par ailleurs protégée pénalement, puisque le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique et le fait d'offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende100. Le mineur n’est pas seulement protégé contre sa crédulité et son manque d’expérience, mais également contre toute influence néfaste de la publicité télévisée sur son comportement. Un mineur âgé de 10 ans ne pourrait donc pas se retrouver nu pour vanter les mérites de la couche de sa petite sœur. 100 Article 227-23 du Code Pénal. 99 © Tous droits réservés 21 Chapitre II – Une protection de la santé et de la moralité du mineur La protection des enfants face au message publicitaire est renforcée en comparaison à celle des adultes en raison de l’importante influençabilité des mineurs. Des dispositions spécifiques aux mineurs ont ainsi été prises, tant { l’échelle nationale qu’au niveau communautaire et international, afin de prévenir au mieux toute influence néfaste de la publicité sur la santé (§ 1) et la moralité (§ 2) de l’enfant. Ainsi, la Chambre de commerce internationale préconise que : « La publicité qui s’adresse aux enfants ou aux adolescents ou qui est de nature à les influencer, ne doit comporter aucune déclaration ou présentation visuelle qui risquerait de leur causer un dommage mental, moral ou physique »101. De même que la directive « Services de médias audiovisuels », prône la « protection de l’épanouissement physique, mental et moral du mineur »102. Cette protection est l’aboutissement de différents textes adoptés au sein de l’union européenne : le « Livre Vert », adopté par la Commission européenne le 16 octobre 1996, relatif à la protection des mineurs et de la dignité humaine dans les services audiovisuels et d’information, la Recommandation 98/560/CE du Conseil, du 24 septembre 1998, relative au développement de la compétitivité de l’industrie européenne des services audiovisuels et d’information par la promotion de cadres nationaux visant { assurer un niveau comparable et efficace de protection des mineurs et de la dignité humain, ainsi que la Recommandation 2006/952/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006 sur la protection des mineurs et la dignité humaine dans les services audiovisuels et d’information. Article 14 du Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale, in C. GRELIER-LENAIN, « L’enfant et la publicité », Gaz. Pal., 26-30 mai 1996, Doctrine, p.524 102 Il en est de même pour la Recommandation 2006/952/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative à la protection des mineurs et de la dignité humaine. 101 © Tous droits réservés 22 § 1. – Des mesures protectrices de la santé des enfants Les mesures protectrices de la santé physique de l’enfant visent { éviter d’inciter les enfants { des comportements { risque (A), notamment en matière alimentaire (B). A – La protection de la sécurité et de la santé de l’enfant La publicité ne doit pas encourager des comportements préjudiciables à la santé (2) ou à la sécurité (1)103 du consommateur. Ces règles sont d’autant plus strictes lorsqu’il s’agit de mineurs. 1 – Les comportements dangereux Il est certes indispensable qu’une publicité montre ce qu’il ne faut pas faire lors de l’utilisation de tel ou tel produit, cependant, il est tout aussi nécessaire qu’elle soit sans équivoque afin d’éviter tout résultat contraire vis-à-vis des enfants ou adolescents104. Ainsi, les scènes encourageant les comportements dangereux d’imprudence ou de négligence sont interdites105. Toute publicité s’adressant aux enfants devra donc présenter le produit dans une situation répondant aux normes en vigueur et veiller à ne pas laisser croire à l’enfant qu’un comportement dangereux est acceptable et peut être reproduit, même dans le cadre d’un jeu106. Il est par conséquent interdit de représenter un enfant en situation de danger sans justification107. Cette précaution vis-à-vis de la sécurité des mineurs s’explique aisément par le fait que ces derniers ont tendance à reproduire ce qu’ils voient. Un enfant visionnant une publicité représentant une personne (enfant ou adulte) traversant une rue en courant pourrait ensuite faire de même dans un esprit de mimétisme, sans prendre Article 4 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992, transposant l’article 12 c) de la Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989. 104 Recommandation « Sécurité », BVP, Octobre 1998, §1. 105 Article 4 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992 et article 13 du Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale. 106 Recommandation « Enfant », BVP, Juin 2004, §5-1 et 5-2. 107 Article 7.4° du Décret n°92-280 du 27 mars 1992, transposant l’article 16.d) de la Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989 et repris par la Directive du Conseil « Services de médias audiovisuels sans frontières » du 11 décembre 2007, n°2007/65/CE. 103 © Tous droits réservés 23 conscience du danger encouru. C’est pourquoi le Bureau de vérification de la publicité et le Conseil supérieur de l’audiovisuel veillent particulièrement au respect de ces règles. En effet, le Bureau de vérification de la publicité contrôle que certains comportements ne soient pas représentés dans une publicité, tels qu’une personne sans ceinture, sans casque de vélo, appuyée à une fenêtre, un enfant se servant directement dans une poêle, etc.108 Le Conseil supérieur de l’audiovisuel effectue ensuite un deuxième contrôle, cette fois-ci sur les publicités effectivement diffusées et peut demander l’arrêt de la diffusion de campagnes publicitaires pour violation des règles de sécurité. Ont ainsi été stoppées une publicité pour la marque Audi, dans laquelle la conductrice roulait à très grande vitesse109 ; une publicité pour la marque Flunch, où un enfant était assis { l’arrière d’une voiture sans ceinture de sécurité110 ; ainsi qu’une publicité en faveur de la marque Look-O-Look, dans laquelle une petite fille se trouvait sur une patinoire une sucette à la main111. Le Conseil a également écrit au Bureau de vérification de la publicité concernant une publicité de Microsoft en faveur du jeu vidéo de course automobile « Project Gotham Racing 3 ». Le Conseil considère en effet que le slogan « Vitesse rime avec classe », qui accompagnait le message, valorise la vitesse et, de ce fait, est contraire à l'article 4 du décret du 27 mars 1992 qui prohibe toute incitation à des comportements préjudiciables à la sécurité des personnes et des biens. Il a donc demandé au Bureau de la publicité d'informer ses interlocuteurs de la nécessité de ne plus diffuser ce message en l'état112. De même pour un message publicitaire en faveur de la compagnie d'assurance MMA, qui mettait en scène une jeune femme assise sur le siège arrière d'une voiture sans ceinture de sécurité113. 2 – L’alcool et le tabac Le droit européen autorise la diffusion de messages publicitaires en faveur du tabac et de l’alcool { la télévision sous certaines Entretien téléphonique avec Anne Chanon, Adjoint de la Direction Générale (déontologie et relations institutionnelles), le 15 mai 2008. 109 Lettre du CSA n°119, juillet 1999, « Le CSA demande l’arrêt d’une campagne Audi ». 110 Lettre du CSA n°121, septembre 1999, « 3 messages publicitaires épinglés par le CSA ». 111 Lettre du CSA n°120, juillet 1999, « Publicité en faveur de bonbons : un message jugé dangereux par le CSA ». 112 In Rapport d’activité de 2006, www.csa.fr. 113 In Rapport d’activité de 2003, www.csa.fr 108 © Tous droits réservés 24 conditions, notamment le fait qu’elle ne soit pas spécifiquement adressée aux mineurs et, en particulier, qu’elle ne présente pas des mineurs consommant ces boissons. Il préconise par ailleurs que la publicité n’associe pas la consommation d’alcool { une amélioration des performances physiques, à la réussite sociale ou sexuelle, à des propriétés thérapeutiques, à un effet stimulant, sédatif ou anticonflictuel, ou encore à la conduite automobile. Il est également interdit d’encourager la consommation excessive d’alcool, de présenter comme une qualité positive la forte teneur en alcool d’une boisson ou de donner une image négative de la sobriété et de l’abstinence114. Cependant, au nom du principe selon lequel les droits nationaux peuvent être plus stricts que le droit européen en matière de contraintes pesant sur des organismes de radiodiffusion relevant de leur compétence, l’État français a fait le choix d’une législation plus protectrice des mineurs. En effet, la publicité télévisée en faveur du tabac et de l’alcool est interdite par la loi n°91-32 du 10 janvier 1991 dite « loi Evin » 115. Il en est de même pour la publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique (ou du tabac) qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique (ou un produit contenant du tabac)116. Le non respect de l’interdiction de publicité télévisée en faveur de l’alcool ou du tabac constitue une infraction pénale punie de 75 000 euros d'amende pour l’alcool et 100 000 euros pour le tabac. Le maximum de l'amende pouvant être porté à 50 % du montant des dépenses consacrées à l'opération illégale117. L’annonceur et le diffuseur sont tous deux responsables : le premier pour avoir réalisé une telle publicité et le second pour avoir accepté de la diffuser. Le tribunal pourra ordonner la suppression, l'enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais des délinquants. L’interdiction totale de publicité télévisée en faveur du tabac et de l’alcool semble aujourd’hui entièrement respectée par les annonceurs et diffuseurs français, sous réserve de publicités clandestines tel que le placement de produit dans une œuvre audiovisuelle tous publics. En revanche, la question se pose Article 15 Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989 et la Convention du Conseil de l’Europe « Télévision transfrontière » du 5 mai 1989. 115 Articles L.3323-2 et L.3511-3 du Code de la santé publique. 116 Articles L.3323-3 et L.3511-4 du Code de la santé publique. 117 Articles 3351-7 et L.3512-2 du Code de la santé publique. 114 © Tous droits réservés 25 concernant les chaînes émettant d’un autre pays et dont le droit national est plus souple. L’État français se réserve en effet le droit de stopper la réception d’une chaîne émettant d’un pays étranger non membre de l’Union Européenne qui diffuserait des publicités en faveur du tabac et de l’alcool. En revanche, lorsque le pays émetteur est membre de l’Union Européenne, le pays récepteur (la France), ne peut stopper la réception du programme, à moins que ce ne soit en raison d’une violation « manifeste, sérieuse et grave » des dispositions de protection des mineurs118. Toutefois, la Cour de justice des communautés européennes a jugé qu’il ne peut être dérogé au principe d’application de la loi du pays d’émission au contenu du programme lorsque la loi du pays de réception « dispose qu’une séquence publicitaire diffusée au cours des plages horaires prévues pour la publicité télévisée ne doit pas viser { capter l’attention des enfants de moins de douze ans » 119. B – La question de l’obésité enfantine En 2004, 19% des enfants français étaient en surpoids120. La publicité alimentaire { destination des mineurs est aujourd’hui sur la sellette. En effet, la Ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Roselyne Bachelot, envisage d’alourdir la réglementation concernant ce type de publicité (2), déjà très encadré (1). 1 – La réglementation en vigueur En vertu de l’article L.2133-1, alinéa 1er du Code de la santé publique121 : « Les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire. Dans le cas des messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés, cette obligation ne s'applique qu'aux messages émis et diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire ». Il est possible pour l’annonceur ou le promoteur de déroger { cette règle s’il verse { l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé 1,5% du Article 2 bis de la Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989. CJCE, 9 juillet 1997, KO et De Agostini, JCP, éd. G, n°6, 4 février 1998, I, 109. 120 Communiqué de l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) du 6 juillet 2004, « Obésité de l’enfant : impact de la publicité télévisée ». 121 Issu de la Loi n°2004-806 du 9 août 2004 et modifié par la Loi n°2005-1579 du 19 décembre 2005, relative au financement de la sécurité sociale pour 2006. 118 119 © Tous droits réservés 26 montant annuel des sommes qu’il destine { l’émission et { la diffusion des messages publicitaires. La possibilité d’une telle dérogation, au terme d’une contribution financière peu significative, remet quelque peu en question l’utilité d’une telle interdiction… Roland Muzeau, sénateur, lors du vote de ces dispositions, parle alors de « droit { la malnutrition contre paiement d’une taxe »122. Toutefois, il est à souligner que cette contribution est destinée à financer la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelles et qu’en pratique, la grande majorité des annonceurs incluent ce message dans leurs publicités télévisées. Par ailleurs, le décret d’application de la loi du 9 août 2004 instituant l’obligation de message { caractère sanitaire n’a été pris que très tardivement (le 27 février 2007)123. Ce décret, de même qu’un arrêté du même jour124, fixent le contenu de l’information sanitaire exigée. Ainsi, l’annonceur devra présenter de manière lisible ou audible et clairement distinguable du message publicitaire en lui-même, l’un des messages suivants, en alternant à chaque diffusion dans la mesure du possible : « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour », « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière », « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé », « Pour votre santé, éviter de grignoter entre les repas ». Concernant les publicités à destination des mineurs, l’annonceur peut utiliser le tutoiement et des formulations plus proches des enfants : « Pour bien grandir, mange au moins cinq fruits et légumes par jour », « Pour être en forme, dépense-toi bien », « Pour bien grandir, ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé » et « Pour être en forme, évite de grignoter dans la journée ». Certaines chaînes jeunesse ont choisi de diffuser également ces messages lors de l’avertissement de début et de fin de publicité au sein de leurs programmes jeunesse. Ainsi, lors de l’été 2007, pouvait-on voir sur TF1 et France télévision des légumes, une salière ou encore un morceau de sucre mis en scène pour expliquer aux enfants les critères d’une alimentation saine. Le message sanitaire doit soit être MUZEAU R., examen en séance publique, 9 juillet 2004, Sénat, 2 e lecture projet de loi sur la politique de santé publique, www.senat.fr, in BOYER Dorothée, « Des incidences de l’obésité sur les publicités agroalimentaires », Contrats, concurrence et consommation, n°5, étude 7, mai 2006. 123 Décret n°2007-263 du 27 février 2007, relatif aux messages publicitaires et promotionnels en faveur de certains aliments et boissons et modifiant le Code de la santé publique. 124 Arrêté du 27 février 2007, fixant les conditions relatives aux informations à caractère sanitaire devant accompagner les messages publicitaires ou promotionnels en faveur de certains aliments et boissons. 122 © Tous droits réservés 27 diffusé tout au long du message publicitaire dans un bandeau recouvrant au moins 7% de la hauteur de l’écran, soit { la suite de la publicité. Lorsque la durée du message publicitaire le permet, l’information { caractère sanitaire devra être complétée par une mention de l’adresse suivante : www.manger-bouger.fr. Le contenu même du message publicitaire à caractère alimentaire a également été encadré. Le Bureau de vérification de la publicité a en effet interdit à ce type de publicité de présenter le produit comme indispensable à une bonne santé125. De plus, le Bureau de vérification de la publicité a posé sept grands principes relatifs à la publicité alimentaire destinée aux mineurs126. En premier lieu, il convient à la publicité de montrer une situation d’alimentation équilibrée lorsqu’elle représente un acte de consommation. La représentation d’un enfant au petit déjeuner consommant des céréales dont il est fait la promotion devra donc inclure un verre de jus de fruit, un yaourt ou toute autre composante d’un petit déjeuner équilibré. En second lieu, il est interdit d’encourager l’enfant { la consommation excessive d’un produit. En conséquence, la représentation d’un enfant consommant sans retenue ou de façon répétitive un produit est proscrite. Ce qui explique certainement l’arrêt de la saga publicitaire de Nestlé débutée en 2001 et mettant en scène un petit garçon et son poisson rouge Maurice, dans laquelle l’enfant, ayant mangé à outrance du produit présenté, accuse son poisson rouge en disant notamment : « Tu pousses le bouchon un peu trop loin Maurice ! » { l’arrivée de sa maman, tandis qu’il présente des traces de chocolat sur les contours de la bouche… 2 – Le projet de réforme Selon une étude publiée en 2007 par l’association de consommateurs UFC Que Choisir127, 87% des publicités alimentaires diffusées lors des émissions pour enfants seraient en faveur de produits gras et sucrés. Or 62% des publicités destinées aux mineurs et diffusées le mercredi seraient relatives à des produits Recommandation « Allégations santé », BVP, novembre 2002. Recommandation « Enfant » BVP Juin 2004, §8 « Comportements alimentaires ». 127 « Etude de l’influence de la publicité télévisée sur les préférences et les comportements alimentaires des enfants », UFC Que Choisir, septembre 2006, étude réalisée auprès de 704 parents. 125 126 © Tous droits réservés 28 alimentaires128. De plus, selon l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, certaines études démontreraient que les pays où les chaînes destinées aux enfants présentent le plus de publicités alimentaires seraient les mêmes que ceux comptant le plus grand nombre d’enfants obèses129. Face à ce constat, le collectif d’associations « Obésité : protégeons nos enfants », composé de six associations130 dont notamment l’Union fédérale des consommateurs (UFC Que Choisir), a adressé le mardi 4 décembre 2007 une lettre ouverte à Roselyne Bachelot sur le sujet. Déplorant une croissance annuelle de 5,7% de l’obésité infantile, le collectif d’associations propose notamment une réglementation plus stricte concernant la publicité relative aux produits gras ou sucrés et l’interdiction totale de la publicité en faveur de produits trop gras ou trop sucrés dans les programmes destinés aux enfants. Le président de l’UFC Que Choisir, Alain Bazot, explique cette demande du collectif en qualifiant la publicité alimentaire de « Cheval de Troie »131. Le député Jean-Marie Le Guen avait déjà proposé la suppression de la publicité autour des programmes jeunesse le 2 avril 2001, sans résultats132. Suite à la lettre du collectif, la Ministre de la Santé, de la jeunesse et des sports a déclaré lors d’une conférence de presse du 4 février 2008 vouloir supprimer avant le mois d’avril la publicité alimentaire pour les produits trop gras, trop sucrés ou trop salés lors des émissions jeunesse. Cette suppression se fera si possible sur la base d’engagements volontaires des professionnels, dans le cas contraire la Ministre indique qu’elle aura recours { la loi133. Cette Communiqué de l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) du 6 juillet 2004, « Obésité de l’enfant : impact de la publicité télévisée ». 129 Communiqué de l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) du 6 juillet 2004, « Obésité de l’enfant : impact de la publicité télévisée ». 130 L’Association française des diabétiques, l’Association nationale des directeurs de la restauration municipale, le Comité de coordination des collectivités, la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public, ainsi que l’UFC Que Choisir. 131 « Lettre ouverte de six associations sur l’obésité infantile », hebdo.nouvelobs.com, publié le 09/02/2008 sur le site. « Contre l’obésité infantile, un projet de loi limitant la pub », marianne2.fr, publié le 05/01/08 sur le site. «Obésité. Bachelot veut moins de sucre à la télé », lexpress.fr, publié le 04/02/08 sur le site. 132 BERTHIER Florence , CB News, 19 avril 2001, in www.cbnews.fr. 133 « L’autorégulation cède du terrain sous la pression réglementaire », Stratégies, 14 février 2008, n°1488, p.20. 128 © Tous droits réservés 29 mesure n’a pas encore été mise { exécution { ce jour (Mai 2008), la Ministre et les professionnels étant actuellement en négociation. Il s’agirait pour ces derniers, conscients depuis l’adoption de la loi sur les messages sanitaires qu’une telle réforme serait entreprise prochainement, de limiter l’interdiction { quelques produits seulement. La difficulté est alors de définir les critères qualifiant un produit de « trop gras, trop sucré ou trop salé »134. En outre, certaines dispositions ont été prises bien avant cette démarche de Madame Bachelot. En effet, Coca Cola, McDonald’s, Ferrero ainsi que le Syndicat du chocolat se sont retirés des écrans jeunesse depuis 2006. De même, l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) a pris neuf engagements en mars 2004135 en faveur de la lutte contre l’obésité. Ainsi, l’association s’engage { mieux informer et former les professionnels aux questions de nutrition, à créer une Commission de déontologie, à créer des guides de bonne pratique définissant les portions raisonnables pour chaque type de produit, à améliorer la compréhension de l’information nutritionnelle du consommateur, { élargir les destinataires du programme « Alimentation et insertion », à promouvoir le modèle alimentaire français, qu’elle qualifie de « garde-fou du dérèglement des comportements », à tirer les enseignements des actions menées partout dans le monde, à mettre en œuvre des programmes pédagogiques de sensibilisation { la nutrition et enfin, à participer durablement au débat public. Roselyne Bachelot a par ailleurs dressé un bilan positif de l’impact des messages sanitaires diffusés lors des publicités alimentaires télévisées lors de sa conférence de presse du 4 février 2008, qui selon elle auraient permis un ralentissement de la progression de l’obésité infantile. Ce bilan s’oppose { celui de l’UFC Que Choisir qui, { l’issue de son étude de 2007, constate que 91% des consommateurs sont dans l’incapacité d’appliquer correctement les messages sanitaires au produit dont il fait la promotion136. De même que Marie-France Delhoste, docteur en droit public, estime que de tels messages entraînent la confusion dans l’esprit de l’enfant qui se S.D., « Compromis autour des messages alimentaires à destination des enfants », Le Figaro, 12/13 avril 2008, p.28. 135 Communiqué de presse de l’ANIA, « Prévention de l’obésité : l’industrie alimentaire s’engage », du 16 mars 2004. 136 L.D., « Les sucreries bientôt interdites de publicité », lefigaro.fr, publié le 04/02/08 sur le site. BEUTH M.C., « Obésité : la publicité très surveillée », , lefigaro.fr, publié le 28 février 2007 sur le site. 134 © Tous droits réservés 30 retrouve alors face à deux messages contradictoires : le message publicitaire et le message sanitaire137. § 2. – Des mesures protectrices de la moralité des enfants La santé mentale du mineur doit être protégée contre toute agression visuelle ou sonore de la publicité. A cette fin, le droit français, mais également les droits européen138 et international139, ont érigé des règles interdisant aux publicitaires de prôner des valeurs contraires aux valeurs sociales actuelles (A) et de comporter des scènes violentes ou de nature pornographique (B). A - L’interdiction d’un message contraire aux valeurs sociales La publicité à destination des mineurs ne peut véhiculer un message portant atteinte aux valeurs sociales du moment. Ainsi, il est interdit d’encourager des comportements antisociaux, délictueux ou contraires aux principes de citoyenneté et du savoir-vivre140. De même qu’il ne peut être porté atteinte { la confiance que les enfants portent à leurs parents141. L’autorité, notamment parentale, ne peut également être dévalorisée. Une publicité ne doit donc pas monter des enfants qui sonnent aux portes puis s’enfuient ou ridiculiser le jugement des parents. Il ne peut non plus être porté atteinte au crédit de l’État142. De même, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a demandé l’arrêt de la diffusion de la campagne Orangina dont le slogan était : « Les Givrés, boivez-les », considérant que cette DELHOSTE Marie-France, « Obésité et publicité télévisuelle alimentaire : la loi sur la politique de santé publique, un coup d’épée dans l’eau », Communication et commerce électronique, janvier 2005, n°1, étude 3. 138 Les émissions télévisuelles ne doivent comporter « aucun programme susceptible de nuire gravement { l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite », article 22.1 de la Directive 2007/65/CE « Services de médias audiovisuels » du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007. 139 « La publicité doit proscrire toute déclaration ou présentation visuelle contraire aux convenances selon les normes couramment admises », article 2 du Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale. 140 Recommandation « Enfant » BVP de juin 2004, §2 et article 4 du Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale. 141 Article 7.3° Décret n°92-280 du 27 mars 1992. 142 Article 3 al.2 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. 137 © Tous droits réservés 31 incorrection grammaticale, « même si elle se veut humoristique, ne saurait être tolérée »143. La prohibition de messages encourageant l’incivilité s’explique notamment par le fait que l’enfant a besoin de connaître les limites, qu’il est dans une phase de sa vie où il les intègre et qu’un message encourageant un comportement contraire à ce qu’on lui enseigne serait susceptible de le déstabiliser. Néanmoins, d’aucun pourrait répondre que chacun doit être libre de se faire sa propre opinion sur ce qui est bien ou non… Le Bureau de vérification de la publicité ajoute, dans une recommandation « Image de la Personne Humaine » d’octobre 2001, une série de règles s’inscrivant dans cette logique de respect des valeurs de la société et s’appliquant { tout type de publicité, destinée ou non aux mineurs. Ainsi, la publicité ne doit pas encourager à des stéréotypes sexuels, sociaux ou raciaux. A cette fin, elle ne doit donc ni réduire la personne à un objet144, ni encourager l’idée selon laquelle une personne est inférieure en raison de son groupe social145, ni véhiculer des stéréotypes en évoquant des caractères censés être représentatifs d’un groupe ethnique, social, ou tout autre146, ni valoriser les comportements d’exclusion, d’intolérance et de racisme147, ni encourager l’idée de soumission et de dépendance de certaines personnes, notamment des femmes148. Par l’ensemble de ces mesures, le Bureau de vérification de la publicité entend protéger les enfants contre toute idée reçue sur certaines catégories de la population, protégeant de même ces personnes contre la multiplication de ces idées au sein de la société française. Il ressort de l’ensemble des dispositions concernant le respect des valeurs de la société française que la publicité a une responsabilité sociale dans la représentation qu’elle donne de la société et de ces composantes, tout particulièrement envers les jeunes consommateurs. Lettre du CSA n°121, « 3 messages épinglés par le CSA », septembre 1999. §2.1 de la recommandation « Image de la Personne Humaine » d’octobre 2001. 145 §2.2 de la recommandation « Image de la Personne Humaine » d’octobre 2001. 146 §2.3 de la recommandation « Image de la Personne Humaine » d’octobre 2001. 147 §2.4 de la recommandation « Image de la Personne Humaine » d’octobre 2001. 148 §3.1 de la recommandation « Image de la Personne Humaine » d’octobre 2001. 143 144 © Tous droits réservés 32 B – L’interdiction de la violence et de la pornographie Les messages publicitaires ne doivent pas présenter de caractère violent149 et doivent « être conformes aux exigences (…) de décence et de respect de la personne humaine »150. 1 – Principe La diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, d’un message { caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, constitue une infraction pénale et est puni de 75 000 euros d’amende151. Le Bureau de vérification de la publicité ainsi que le Conseil supérieur de l’audiovisuel ont précisé les dispositions d’interdiction de la violence et de la pornographie en publicité posées par le décret du 27 mars 1992 et le Code pénal. Le Bureau de vérification de la publicité préconise en effet que le message publicitaire n’incite pas à la violence morale ou physique, notamment en encourageant la commission d’actes illégaux, illicites, répréhensibles, ou de domination et de harcèlement. Toute banalisation de la violence est également proscrite. L’interdiction de toute scène de violence s’applique, selon le Bureau de vérification de la publicité, tant aux scènes de « violence directe », où l’acte de violence est expressément représenté, qu’aux scènes de « violence suggérée », dans lesquelles l’ambiance générale évoque la violence ou lorsque le résultat de la violence est montré152. Concernant plus spécifiquement les publicités susceptibles d’être vues par des mineurs, le Bureau de vérification de la publicité considère qu’elles ne doivent en aucun cas créer un sentiment d’angoisse ou de malaise chez l’enfant153. L’annonceur devra donc adapter son message publicitaire à la particulière sensibilité des enfants. Le caractère violent et/ou pornographique de certaines œuvres cinématographiques ou audiovisuelles et de certains jeux vidéo a nécessité un encadrement strict élaboré en 1997154 et largement Article 4 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. Article 3 du Décret n°92-280 du 27 mars 1992. 151 Article 227-24 du Code pénal. 152 Recommandation « Image de la Personne Humaine », BVP, octobre 2001, §33 et 3-4. 153 Recommandation « Enfant » du BVP de Juin 2004, §3. 154 Lettre du CSA n°89, janvier 1997. 149 150 © Tous droits réservés 33 complété en 2006155 par le Conseil supérieur de l’audiovisuel concernant leur publicité à la télévision. Le Conseil considère en effet que : « violences, érotisme, pression commerciale sont [ses] préoccupations premières (…) en matière de protection du jeune public »156. Ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a dans un premier temps demandé { l’ensemble des chaînes de ne pas diffuser de message publicitaire en faveur de vidéocassettes de films interdits aux mineurs de moins de 12 ans en dehors des horaires autorisés pour la diffusion de tels films, suite à la programmation de telles publicités lors des émissions jeunesse. Ce n’est qu’en 2006 que le Conseil encadre la promotion { la télévision en faveur de jeux vidéo et d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles faisant l’objet de restrictions aux mineurs. Cette recommandation s’applique aux présentations effectuées dans le cadre des émissions télévisées mais également aux promotions faites dans le cadre de messages publicitaires et d’opérations de parrainage. La présentation et la promotion en faveur de tels produits sont réglementées en fonction de leur degré de violence et/ou de pornographie, du contexte de la programmation, de l’heure de diffusion et de l’éventuelle présence du jeune public devant la télévision. Ainsi, tout extrait ou bande annonce d’une œuvre cinématographique, d’une oeuvre audiovisuelle ou d’un jeu vidéo déconseillés aux moins de 12 ans, de même que toute promotion en faveur de ces produits, sont interdits de diffusion dix minutes avant, pendant et dix minutes après les émissions jeunesse. En effet, l’enfant qui regarde une telle émission n’allume pas sa télévision au moment même où son programme commence et ne l’éteint { l’instant même où il se termine, débordant donc sur les autres programmes. Concernant les œuvres déconseillées aux moins de 16 ans, la même restriction s’applique { la présentation de celles-ci dans le cadre d’une émission. S’y ajoute par ailleurs l’obligation pour le diffuseur d’accompagner l’extrait ou la bande annonce « d’un contenu éditorial qui tienne compte de la présence éventuelle de jeunes téléspectateurs devant l’écran en permettant notamment de contextualiser les images de violence ou de sexualité et en évitant la promotion de formes de violence », lorsque la diffusion a lieu avant 22 heures. La promotion d’œuvres déconseillées aux moins de 16 ans Recommandation du CSA du 4 juillet 2006, relative à la présentation faite à la télévision d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, de jeux vidéo et de services téléphoniques, télématiques ou de sites Internet qui font l’objet de restrictions aux mineurs. 156 « La protection de l’enfance et de l’adolescence { le télévision et { la radio », Bilan de l’action du CSA, octobre 2006, p.6. 155 © Tous droits réservés 34 est interdite avant 20h30 et 22h30 pour les jeux vidéos qui n’ont pas de caractère pornographique mais sont déconseillés aux moins de 18 ans. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel interdit la présentation d’œuvres déconseillées aux moins de 18 ans par la diffusion d’extraits ou de bandes annonces avant 22 heures. Concernant les œuvres interdites aux moins de 18 ans et les jeux vidéo à caractère pornographique, leur promotion doit être diffusée lors des plages horaires réservées à la diffusion de ces programmes, en utilisant la signalétique prévue et sur les services autorisés157. La promotion des services téléphoniques, télématiques ou des sites Internet destinés aux adultes ne pourra quant à elle être diffusée qu’entre minuit et 5 heures du matin. Il est à souligner que, lorsque la présentation des œuvres audiovisuelles ou cinématographiques et des jeux vidéo est autorisée dans le cadre d’une émission télévisée, sous réserve du respect des conditions vues précédemment, la classification par tranche d’âge ou l’interdiction aux mineurs dont l’œuvre présentée fait l’objet doit impérativement être signalée aux téléspectateurs de manière claire et intelligible. De plus, quelle que soit l’heure de diffusion de l’émission dans laquelle la promotion de l’œuvre sera réalisée, il reste interdit de diffuser des images à caractère pornographique ou d’extrême violence. La mise en place de la signalétique jeunesse par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en 1996 (modifiée en 2002) a permis de renforcer la vigilance des chaînes sur ce qu’elles diffusent ainsi que la surveillance des parents sur ce que leurs enfants regardent, qu’il s’agisse des programmes eux-mêmes ou de la bande annonce les concernant158. La question des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles anciennes, ainsi que leurs bandes annonces, se pose au regard de l’évolution des mœurs au sein de la société. En effet, certains films interdits aux moins de 12 ans en 1970 ne risquent plus aujourd’hui Les programmes pornographiques ou de très grande violence sont interdits aux moins de dix-huit ans. Le logo devant les accompagner est un carré dans lequel est inscrit : « -18 ». Seules certaines chaînes accessibles par abonnement, dont les chaînes cinéma et des chaînes de paiement à la séance, sont autorisées à diffuser ces programmes, dans la mesure notamment où elles mettent en place un système de verrouillage de ces programmes permettant d’éviter que des mineurs y aient accès. Ils ne peuvent être diffusés qu’entre minuit et 5 h du matin. 158 « La protection de l’enfance et de l’adolescence { le télévision et { la radio », Bilan de l’action du CSA, octobre 2006. 157 © Tous droits réservés 35 de choquer la sensibilité du jeune public et pourront être diffusés à 20h30. C’est pourquoi le Conseil supérieur de l’audiovisuel laisse la possibilité, depuis mars 1991, aux chaînes de télévision de choisir de diffuser un tel film en première partie de soirée si elles l’estiment non choquant pour la jeunesse d’aujourd’hui159. 2 – Application du principe Le Bureau de vérification de la publicité veille au respect de la réglementation en matière de violence et de pornographie à la télévision contrôlant la publicité avant même qu’elle ne soit diffusée. Toutefois, il arrive que le Bureau de vérification de la publicité n’ait pas perçu le caractère choquant d’un spot publicitaire, le critère de l’évolution des mœurs restant relatif. Anne Chanon, adjoint de la Direction Générale du Bureau de vérification de la publicité, rappelle par ailleurs que l’une des principales difficultés dans l’appréciation du caractère violent d’une publicité réside dans l’importante variabilité de la sensibilité selon la tranche d’âge du téléspectateur160.Ainsi, des parents ont pu notamment se plaindre au Bureau de vérification de la publicité d’une campagne publicitaire pour des crêpes dans laquelle les bras des personnages s’arrachaient. Le BVP avait en effet estimé que le stylisme accompagnant la scène enlevait à celle-ci tout caractère choquant161. De même, certains parents se sont plaints des campagnes de la sécurité routière. En effet, nombreuses sont celles qui présentent des scènes morbides de nature { choquer la sensibilité des plus jeunes. C’est le cas notamment de la publicité montrant un conducteur ayant eu un accident, la voiture se retrouve au milieu de la route sur le toit, le conducteur, sa femme et leur petite fille ont survécu, l’homme commence à sortir de sa voiture, à ce moment précis une autre voiture arrive et les percute de plein fouet162. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a également été amené à demander le retrait de certaines campagnes publicitaires trop violentes ou à caractère pornographique. Ainsi, suite à de « La protection de l’enfance et de l’adolescence { le télévision et { la radio », Bilan de l’action du CSA, octobre 2006, p.10. 160 Entretien téléphonique avec Anne Chanon, Adjoint de la Direction Générale (déontologie et relations institutionnelles), le 15 mai 2008. 161 Entretien téléphonique avec Anne Chanon, Adjoint de la Direction Générale (déontologie et relations institutionnelles), le 15 mai 2008. 162 Campagne « Respectons toujours les limitations de vitesse ». Autre exemple : quatre jeunes sont dans une voiture, le conducteur grille un feu rouge, puis voit tous ses amis défigurés et en sang… 159 © Tous droits réservés 36 nombreuses plaintes reçues au sujet d'un message publicitaire télévisé de la marque SFR sur le contrôle parental, le Conseil a écrit en août 2006 au Bureau de vérification de la publicité, aux chaînes et aux téléspectateurs qui l'avaient saisi, les informant qu'il considérait que le message incriminé mettait autant en valeur l'existence d'un contrôle parental que la diffusion de programmes pour adultes par SFR, ce qui tendait à banaliser leur accessibilité aux mineurs et paraissait de nature à leur nuire163. De même, le Conseil a transmis au Bureau de vérification de la publicité les lettres de téléspectateurs concernant un message publicitaire diffusé par Canal+, intitulé « Point de vue », mettant en scène des images de guerre qu’ils estimaient violentes et choquantes164. Le 18 janvier 2006, le Conseil a mis en garde la chaîne Game One, principalement consacrée aux jeux vidéo donc touchant surtout des enfants et adolescents, suite à l’indication pendant 58 secondes de l’adresse d’un site pornographique lors des diverses diffusions de l’émission Game Zone165. Eu égard aux différents rapports annuels du Conseil supérieur de l’audiovisuel, il semblerait néanmoins que les dispositions interdisant la violence et la pornographie dans les publicités susceptibles d’être vues par des mineurs soient relativement bien suivies par les annonceurs et les diffuseurs. La réglementation protectrice des mineurs face à la publicité télévisée a donc pour objectif de préserver la santé, la moralité, la sensibilité et l’intégrité des enfants. Il reste alors { juger de l’efficacité de cette réglementation quant au but qu’elle s’est fixée. Rapport d’activité du CSA de l’année 2006, www.csa.fr. Rapport d’activité du CSA de l’année 2006, www.csa.fr. 165 Rapport d’activité du CSA de l’année 2005, www.csa.fr. 163 164 © Tous droits réservés 37 DEUXIÈME PARTIE : L’EFFICACITÉ DE LA RÉGLEMENTATION PROTECTRICE DES MINEURS FACE À LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE L’efficacité de la réglementation relative { la protection des enfants face à la publicité télévisée tient à ce que le Bureau de vérification de la publicité et le Conseil supérieur de l’audiovisuel veillent à son respect (Chapitre premier). Son importance pourrait être cependant étendue au regard du droit comparé (Chapeau II). Chapitre premier – Une réglementation largement respectée du fait de nombreux contrôles Le respect de la réglementation protectrice des mineurs est tout d’abord assuré par une association d’autorégulation de la publicité regroupant les professionnels du secteur (les annonceurs, les agences de communication et les supports) : le Bureau de vérification de la publicité (§ 1), mais également par une autorité administrative indépendante : le Conseil supérieur de l’audiovisuel (§ 2). § 1. – Un système basé principalement sur l’autorégulation Selon l’Accord institutionnel européen de décembre 2003, l’autorégulation consiste en « la possibilité pour les opérateurs économiques, les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales ou les associations, d’adopter entre eux et pour euxmêmes des lignes directrices communes »166. Ainsi, il s’agit de « se gouverner soi-même, grâce aux règles que l’on fixe librement »167. Le Bureau de vérification de la publicité est chargé de vérifier la conformité des campagnes publicitaires aux textes applicables avant toute diffusion (A). La légitimité d’un tel système est cependant contestée (B). A – Le contrôle a priori exercé par le Bureau de Vérification de la Publicité Le Bureau de vérification de la publicité exerce un contrôle a priori sur les publicités télévisées à destination des mineurs, rendant un avis sur le respect de la réglementation applicable (1). Ce type de contrôle responsabilise les professionnels, ce qui contribue largement à son efficacité (2). 166 167 www.bvp.org www.bvp.org © Tous droits réservés 38 1 – La procédure de contrôle Selon Joseph Besnainou, Directeur général du Bureau de vérification de la publicité, « nous n’existons, depuis 70 ans tout de même, que pour permettre à la publicité de respecter un certain nombre de règles qu’elle se donne volontairement afin de ne pas dépasser les limites supportables par les consommateurs »168. Ainsi, le Bureau de vérification de la publicité contrôle impérativement chaque publicité télévisée avant sa diffusion { l’antenne et ce depuis un accord interprofessionnel de 1991169. Toutefois, l’avis rendu par le Bureau de vérification de la publicité n’est pas contraignant et l’annonceur n’est donc pas tenu de s’y conformer. Lorsqu’il contrôle une publicité, le Bureau doit chercher { concilier { la fois l’intérêt du professionnel et du public. A cette fin, les règles déontologiques sur lesquelles il se fonde, outre les lois et règlements, sont prises en accord avec les professionnels. Le bureau de vérification de la publicité doit donc vérifier que les campagnes publicitaires qui lui sont soumises sont en conformité avec les différentes réglementations existantes et particulièrement celles prises pour la protection des mineurs. Il contrôle environ 13 000 visuels par an dont la moitié feront l’objet d’une demande de modification de la part du Bureau. En effet, celui-ci rend soit un avis favorable à la diffusion du message publicitaire, soit un avis de modification, soit un avis défavorable. Il a par ailleurs la faculté de s’autosaisir lors de la diffusion d’une campagne, afin de demander la modification voire le retrait du message en cause. Le Bureau assure également un rôle de médiateur entre les consommateurs et les professionnels. Ainsi, les premiers ont la possibilité de se plaindre à lui afin d’obtenir la modification ou le retrait de l’antenne d’une campagne publicitaire. Le Bureau de vérification de la publicité exerce alors un contrôle a posteriori sur les campagnes dénoncées170. Lorsque la plainte concerne une publicité diffusée en France mais par une chaîne de télévision étrangère, le Bureau de vérification de la publicité transmet la plainte Définition du rôle du BVP selon Joseph BESNAINOU, Directeur général du BVP, suite { l’occupation des locaux par « les Publicidaires » le 11 février 2005, HAZENE Fatima, CB News, 28 février 2005, in www.cbnews.fr. 169 Décision du CSA n°91-690 du 25 juillet 1991. 170 Le Bureau de vérification de la publicité peut également s’autosaisir lorsqu’il constate la diffusion d’une publicité en violation avec la réglementation. 168 © Tous droits réservés 39 à son homologue étranger, qui agira directement auprès de l’émetteur171. 2 – L’efficacité du contrôle L’autorégulation repose sur le principe de la responsabilisation des professionnels. Ceux-ci établissent des règles déontologiques qu’ils sont ensuite tenus de suivre. Ainsi, selon le Bureau de vérification de la publicité : « parce qu’il y a engagement volontaire des opérateurs, parce qu’il y a appropriation des règles, parce qu’il y a plus { gagner qu’{ perdre, (…) le système fonctionne grâce à la mobilisation librement consentie des acteurs »172. En conséquence, l’avis donné par le Bureau de vérification de la publicité lorsqu’il contrôle un message promotionnel, bien qu’il ne s’impose pas au professionnel, est le plus souvent suivi par ce dernier. Ainsi, sur environ 17 000 avis rendus par le Bureau, seuls dix par an ne sont pas suivis. En outre, sur environ 600 plaintes de consommateurs en 2007, très peu concernaient la protection des mineurs. En effet, les avis dans ce domaine sont en général suivis à presque 100%173. Cette efficacité du contrôle du Bureau de vérification de la publicité s’explique par le fait que le domaine de la publicité à destination des mineurs est un secteur bien trop sensible pour que les annonceurs et autres professionnels puissent se permettre de passer outre un avis défavorable du Bureau. Ainsi, le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) considère que les télévisions, les producteurs de programmes ainsi que les annonceurs ont toujours « été conscients de leur responsabilité en matière de publicité { l’égard des enfants. Comprenez que, encore plus dans la société d’information actuelle, aucune entreprise ne prendra le risque de porter irrémédiablement atteinte { son image sur ce sujet, d’où une vigilance de tous les instants »174. L’intervention d’autres instances au sein du système de régulation contribue à une plus grande efficacité de celui-ci. Le Conseil national de la publicité175 a ainsi rendu des avis dans le but de guider les www.bvp.org www.bvp.org 173 Entretien téléphonique avec Anne Chanon, Adjoint de la Direction Générale (déontologie et relations institutionnelles), le 15 mai 2008. 174 Stockholm, les 12 et 13 février 2001, Contribution du SNPTV { l’atelier n°3 « Publicité télévisée adressée aux enfants –comment créer une situation de ‘fair play’ ? », in www.snptv.org. 175 Créé en 1988, il regroupe : l’Association des Agences Conseil en Publicité, le Syndicat National de la Presse Quotidienne Régionale, la Fédération Nationale 171 172 © Tous droits réservés 40 annonceurs et autres professionnels. La Chambre de commerce internationale a quant à elle élaboré un code de déontologie en matière de publicité176. D’autres organismes conseillent les professionnels : les Syndicats et organismes professionnels tels que l’Association agence – conseil en communication (AACC) et l’Union des annonceurs (UDA), ainsi que le Conseil national de la consommation, l’Institut national de la consommation et l’European group of television advertising (EGTA) { l’échelle européenne. En outre, l’Alliance européenne pour l’éthique en publicité177, créée en 1992 est composée des organismes d’autodiscipline publicitaire de différents pays178, dont la France, et de tout organisme professionnel qui le souhaite. Cette organisation a notamment pour mission de promouvoir et d’appuyer les systèmes actuels d’autodiscipline, de coordonner l’action de ses membres en matière de traitement des plaintes transfrontalières et de donner des informations sur l’autodiscipline publicitaire en Europe. Elle doit également réaliser des enquêtes auprès de ses membres pour faire le point sur le respect de certains principes en publicité et échanger des informations avec les organismes d’autodiscipline extérieurs { l’Europe afin de s’assurer que la régulation fonctionne dans un contexte global179. A cette fin, l’Alliance européenne pour l’éthique en publicité (AEEP) a notamment adopté une Charte européenne pour l’autodiscipline en publicité180. Cette Charte a pour but de fixer un objectif commun { tous les systèmes d’autodiscipline européens, qui est de protéger le consommateur et de lui donner les moyens d’avoir confiance en la publicité. Les États membres de l’Alliance européenne pour l’éthique en publicité s’engagent donc, d’une part, à ce que leur propre système d’autodiscipline couvre toutes les formes de publicité et tous les membres de l’interprofession publicitaire. de la Presse Française, le Syndicat National des Régies de Publicité, l’Union des Chambres Syndicales Françaises d’affichage des Publicité Extérieures, le Syndicat National des Régies de le Publicité Cinématographique, Radiophonique et Télévisée. 176 Code international des pratiques loyales en matière de publicité, de la Chambre de commerce internationale. 177 Ou European Advertising Standards Alliance. 178 24 pays situés en Europe : Autriche, Belgique, République Tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie et Royaume-Uni, et six pays non-européens : Canada, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, Australie, Brésil et Inde. 179 www.bvp.org et www.easa-alliance.org. 180 Sommet de l’AEEP, du 25 juin 2004, adoption de la Charte européenne pour l’autodiscipline en publicité, in www.bvp.org. © Tous droits réservés 41 D’autre part, ces États s’engagent à élaborer des codes de pratique publicitaire exhaustifs et efficaces et à consulter largement les professionnels concernés et les consommateurs lors de leur élaboration. La Charte exige également des États membres de l’alliance que les organismes d’autodiscipline disposent de moyens financiers suffisants, que le traitement des plaintes soit rapide, efficace, gratuit et réalisé par des personnes réellement indépendantes des pouvoirs publics. Enfin, la Charte demande aux États de proposer des formations aux membres de la profession publicitaire et de les sensibiliser, ainsi que les consommateurs, au système d’autodiscipline. Pour finir, les États doivent impérativement mettre en œuvre des sanctions réelles, comprenant la publication des décisions, associées au contrôle et à la vérification du respect des codes. Il semblerait que la France, par le biais du Bureau de vérification de la publicité, respecte assez bien l’ensemble de ses engagements vis-à-vis de l’alliance. Toutefois, certaines associations contestent la légitimité du système d’autorégulation français, notamment en matière de protection des mineurs, lui préférant un système basé sur des règles législatives et réglementaires que les juges se chargeraient de faire respecter. B – La légitimité d’un tel système d’autorégulation Le Bureau de vérification de la publicité, considère que “l’autorégulation est { l’écoute de la société, de ses demandes, de ses inquiétudes”. Ainsi le Bureau de vérification de la publicité estime que, contrairement à un système principalement basé sur des textes législatifs et règlementaires qu’un tribunal se chargerait de faire respecter, un système basé sur l’autorégulation permet la prise en compte des contraintes et des possibilités du secteur de la publicité et de modifier rapidement les règles déontologiques en réponse à une évolution de la société181. La légitimité du système d’autorégulation est cependant contestée (1), notamment par des associations de consommateurs, bien que le Bureau de vérification de la publicité s’attache { lui fournir toujours plus d’éléments de légitimité (2). 181 www.bvp.org © Tous droits réservés 42 1 - Une légitimité contestable Le système d’autorégulation implique que les annonceurs et les agences de publicité se contrôlent eux-mêmes par le biais du Bureau de vérification de la publicité auquel ils ont adhéré. Ainsi, bien que quelques règles soient édictées par le parlement ou le gouvernement182, de nombreuses dispositions régissant le droit de la publicité sont issues des recommandations élaborées par le Bureau de vérification de la publicité lui-même. Le système de protection des mineurs repose alors en partie sur le bon vouloir des professionnels, { la fois dans l’élaboration des règles et dans le contrôle de leur respect. D’autant plus que les avis rendus par l’organe de contrôle qu’est le Bureau de vérification de la publicité ne s’imposent pas { l’annonceur. Par ailleurs, les consommateurs et les associations ne semblent pas réellement intégrés au système d’autorégulation puisqu’ils ne participent { l’élaboration des règles déontologiques et ne peuvent dénoncer une publicité auprès du Bureau qu’une fois celle-ci diffusée. Ces arguments sont ainsi utilisés par les opposants au système d’autorégulation, qui considèrent qu’un tel système ne peut être que favorable aux professionnels et non aux consommateurs. Ainsi, l’UFC Que Choisir estime par exemple que les mesures prises par le Bureau de vérification de la publicité pour la lutte contre l’obésité infantile sont loin d’être suffisantes, notamment en ce qu’aucun critère nutritionnel sur le type de produit alimentaire pouvant être diffusé n’a été défini. L’association constate en effet que 89% des publicités diffusées pendant les programmes pour enfants en 2006, après validation du Bureau de vérification de la publicité, portaient sur des produits trop gras ou trop sucrés183. L’association estime que « l’incapacité des professionnels { établir des règles suffisamment exigeantes en matière de comportements alimentaires, démontre qu’il est nécessaire de recourir { d’autres moyens que l’autorégulation pour appliquer les principes de prévention de l’obésité infantile { la publicité télévisée » et en conclut que « seul un texte réglementaire, Loi n°86-1067 du 30 septembre 1983, Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 et Décret n°92-280 du 27 mars 1992 182 « Obésité infantile et publicités télévisées », 18 septembre 2007, in Bilan 2006-2007, www.ufcquechoisir.org. 183 © Tous droits réservés 43 d’application obligatoire, est { la hauteur de l’enjeu sanitaire que constitue le développement de l’obésité »184. 2 - Une légitimité grandissante Les critiques prononcées { l’encontre du système d’autorégulation doivent être modérées au regard de certains éléments. D’une part, il est nécessaire de rappeler que le contrôle a priori exercé par le Bureau de vérification de la publicité, quel qu’il soit, permet d’empêcher dans la grande majorité des cas, voire la totalité concernant les publicités destinées aux mineurs, la diffusion de publicités contraires aux lois, règlements et recommandations du Bureau de vérification de la publicité. Or le principe du contrôle a priori n’est possible que dans un tel système, puisque dans le cas contraire il conduirait à un système de censure par les pouvoirs publics. En conséquence, la suppression de l’autorégulation conduirait à la seule existence d’un contrôle a posteriori, ne pouvant alors empêcher une première diffusion d’une publicité susceptible de heurter la sensibilité des plus jeunes. Sous réserve d’une sanction dissuasive, telle qu’une amende significative. Il convient ici de noter que le Bureau de vérification de la publicité, en devenant en 2008 l’Autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARPP), s’est doté d’un Conseil paritaire de la publicité et d’un Jury de l’éthique publicitaire. Le premier, composé de professionnels et d’associations, constitue une ouverture du système aux consommateurs. Ainsi, il est un « lieu de dialogue et de travail en commun sur la déontologie publicitaire, entre représentants des associations et représentants des professions publicitaires »185. Quant au second, il se compose pour un tiers, par le Conseil paritaire de la publicité, pour un autre tiers, par le Conseil de l’éthique publicitaire186 et pour un dernier tiers, par le Conseil d’administration du Bureau de vérification de la publicité. Le Conseil paritaire de la publicité participe { l’élaboration des règles déontologiques par le biais d’avis préalables sur la modification ou la simplification d’une règle déj{ existante ou sur l’élaboration d’une règle nouvelle. Il peut également alerter l’ARPP sur des campagnes pouvant poser problème. Enfin, il évalue chaque année le degré de respect des règles. La mise en place d’un tel conseil « Obésité infantile et publicités télévisées », 18 septembre 2007, in Bilan 2006-2007, www.quechoisir.org. 185 Communiqué de presse du BVP du 3 avril 2008. 186 Le Conseil de l’éthique publicitaire a été créé { la fin de l‘année 2005. Il est composé pour moitié de personnalités extérieures au monde de la publicité. 184 © Tous droits réservés 44 était supposée permettre une participation plus importante des consommateurs et une plus grande transparence du système, légitimant ainsi un peu plus le principe d’autorégulation. Le Jury de l’éthique publicitaire doit quant à lui traiter les plaintes concernant des campagnes publicitaires susceptibles de contrevenir aux règles déontologiques. Par sa création, l’ARPP cherche à « améliorer l’efficacité du système et accentuer le contrôle des publicités diffusées ». Le contrôle exercé par le BVP devenu ARPP de la publicité semble efficace et évite ainsi dans la majorité des cas la diffusion à la télévision d’un message publicitaire violant la réglementation de protection des mineurs. Toutefois, certaines publicités contraires aux règles passent au travers de ce contrôle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel entre alors en scène. § 2. – Un contrôle a posteriori du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel187 Créée par la loi du 29 juillet 1982, sous le nom de Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), puis modifiée par la loi du 30 septembre 1986 pour devenir la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), l’instance de régulation de la communication audiovisuelle est devenue le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avec la loi du 17 janvier 1989. Cette autorité administrative indépendante a pour rôle de garantir et de contrôler l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle en matière de radio et de télévision par tout procédé de communication électronique188. A cette fin, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a pour mission essentielle de garantir la protection de l’enfance et de l’adolescence (A) et dispose d’un large pouvoir de sanction contre celui qui diffuse un message publicitaire contraire à la réglementation (B). A – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, protecteur de l’enfance Le Conseil supérieur de l’audiovisuel définit sa mission de protection de l’enfance (1) ainsi : DERIEUX Emmanuel , « Le pouvoir de sanction du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel », Petites affiches, 15 mars 2005, n°52, p.3 à 12 ; et CLEMENTCUZIN Sylvie, « Le pouvoir de sanction du Conseil supérieur de l’audiovisuel », l’Actualité juridique Droit Administratif, 20 octobre 2001, spécial, p.111 à 115. 188 Article 3-1 al. 1er de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée par loi du 21 juin 2004. 187 © Tous droits réservés 45 « Loin de toute idée de censure, le Conseil veut faire de la protection du jeune public le domaine d’une responsabilité partagée entre les télévisions et les radios, les parents et le régulateur »189(2). 1 - Une mission de protection de l’enfance Conformément aux articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est le garant de la protection de l’enfance et de l’adolescence dans les programmes mis { la disposition du public par un service de communication audiovisuelle. A cette fin, le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille { ce qu’aucun programme susceptible de nuire { l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à leur disposition. Ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a pour mission de veiller à ce que ce type de programme ne soit pas diffusé à une heure à laquelle des mineurs sont susceptibles de se trouver devant la télévision, { moins qu’un dispositif de contrôle d’accès n’ait été mis en place. « La violence, l’érotisme, la pornographie présents dans certains programmes, ainsi que la pression publicitaire, font partie des préoccupations constantes du CSA »190 dans le domaine de la protection des mineurs. Au nom de sa mission de protection de l’enfance, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a notamment mis en place un site Internet191 { l’attention des parents, dans lequel il rappelle la signalétique jeunesse instaurée depuis 1997 afin de permettre aux parents de contrôler ce que leurs enfants regardent à la télévision. Le Conseil explique également aux parents la conduite à tenir lorsque l’enfant a visionné un programme violent, le parent devant alors chercher le dialogue avec l’enfant afin que ce dernier se libère du stress et de l’angoisse occasionnés par la vision d’un tel programme. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel contrôle régulièrement chaque programme de chaque opérateur afin de vérifier le respect de la réglementation. Dans le cas où il ne détecte pas une violation de la réglementation, les téléspectateurs et les associations ont la possibilité d’en alerter le Conseil. Ainsi, les parents peuvent notamment attirer l’attention du Conseil sur un programme violent diffusé en violation des règles applicables, par le biais d’un formulaire disponible sur le site www.csa.fr/protection_mineurs_TV/. www.csa.fr www.csa.fr 191 www.csa.fr/protection_mineurs_TV/ 189 190 © Tous droits réservés 46 2 – Un système de responsabilité et non de censure Au titre notamment de sa mission de protection de l’enfance, le Conseil supérieur de l’audiovisuel dispose d’un pouvoir de sanction s’il constate une violation par les entreprises privées ou publiques de communication audiovisuelle des conditions d'exploitation et des obligations qui s'imposent à elles (lois, règlements et conventions). Le contrôle effectué par le Conseil supérieur de l’audiovisuel est réalisé après la diffusion des programmes et peut notamment conduire { l’arrêt de la diffusion du message publicitaire non respectueux des règles. Toutefois, il ne s’agit pas de censure mais bien de responsabilité des annonceurs et des diffuseurs. En effet, le Conseil explique sur son site Internet qu’il « n'entend être ni l'instrument d'une répression automatique, ni, à l'inverse, laisser inutilisés les moyens dont le législateur l'a doté » et qu’« à l'exception d'infractions inadmissibles appelant une sanction exemplaire, le CSA préfère toujours le dialogue et la prévention, n'hésitant pas à interrompre les procédures engagées si une solution se dégage ». Ainsi, { l’instar du Bureau de vérification de la publicité, le Conseil en appelle à la responsabilité des professionnels. En effet, lorsqu’il constate un manquement grave ou répété à une obligation légale, règlementaire ou conventionnelle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit adresser une mise en demeure au diffuseur, préalable indispensable avant le prononcé de toute mesure de sanction192. Ainsi, l’opérateur ne sera sanctionné qu’en cas de récidive. Dans un tel cas, le Conseil supérieur de l‘audiovisuel doit dans un premier temps notifier par lettre recommandée les griefs à l’opérateur concerné qui peut alors présenter ses observations écrites dans le délai d'un mois193. Suite à la réception par le Conseil supérieur de l’audiovisuel des observations de l’opérateur, la direction juridique du Conseil établit un rapport de synthèse. Ce rapport est ensuite présenté à l'assemblée plénière du Conseil qui peut soit décider d'arrêter la procédure soit décider de la poursuivre. Dans ce dernier cas, l’opérateur doit être entendu par le Conseil. Ce dernier peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer utilement à son information. A la fin de cette procédure d'instruction, le collège du Conseil rend sa Articles 42 et 48-1 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. En cas d'urgence, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel peut réduire ce délai sans pouvoir le fixer à moins de sept jours. 192 193 © Tous droits réservés 47 décision qui n'est pas suspensive sauf exception. Cette dernière doit être motivée, notifiée et publiée au journal officiel. L’opérateur a la possibilité, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision de sanction du Conseil, de former un recours de plein contentieux devant le Conseil d’État194. En pratique le Conseil d’État, s’il reçoit peu de recours contre des décisions de sanction prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, est souvent saisi par des particuliers ou des associations de téléspectateurs ou de producteurs d’œuvres audiovisuelles contestant le refus de l’instance de régulation d’engager une procédure de sanction { l’encontre d’un opérateur ayant commis un manquement. Il considère cependant qu’il appartient souverainement au Conseil de décider ou non de mettre en demeure ou de sanctionner un opérateur fautif. Le recours de pleine juridiction devant le Conseil d’État n’est, par principe, pas suspensif. L’opérateur sanctionné par le Conseil supérieur de l’audiovisuel devra par conséquent exécuter la décision de l’autorité administrative indépendante en attendant une éventuelle annulation ou réformation de la décision par le Conseil d’État. Une exception existe néanmoins en matière de retrait de l’autorisation, à moins que la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel ne soit motivée par une atteinte { l’ordre public (sécurité, salubrité, tranquillité, dignité humaine) ou à la santé publique. Dans ce cas, le juge devra statuer dans les trois mois. Le pouvoir de l’instance de régulation présente cependant une limite dans son application. En effet, seul le diffuseur d’une publicité contraire aux lois, règlements et autres textes applicables pourra faire l’objet d’une sanction par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Toutefois, si le Conseil ne peut sanctionner directement que les chaînes de télévision en matière de publicité télévisée, ses décisions ont un impact indirect, mais non moins important, sur les annonceurs. En effet, la sanction d’un opérateur implique le retrait de l’antenne de la publicité litigieuse. L’annonceur se voit donc contraint de stopper sa campagne publicitaire, il en découle alors une perte économique importante pour celui-ci. Il a par conséquent tout intérêt à respecter la réglementation et les avis du Bureau de vérification de la publicité concernant ses messages publicitaires s’il ne veut pas se voir interdire de diffusion une campagne dans laquelle il aura beaucoup investi. 194 Articles 42-8 et 48-8 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. © Tous droits réservés 48 B – Le caractère dissuasif du pouvoir de sanction du Conseil supérieur de l’audiovisuel Le Conseil supérieur de l’audiovisuel dispose d’un large pouvoir de sanction (1) assurant l’efficacité de son contrôle (2). 1 – Du communiqué au retrait de l’autorisation d’émettre Le Conseil supérieur de l’audiovisuel dispose d’un large pouvoir de sanction. Il peut ainsi prononcer la suspension ou le retrait de l’autorisation d’émettre, la réduction de la durée de l’autorisation, une sanction pécuniaire ou ordonner { l’opérateur de publier un communiqué. Toutefois, certaines de ces sanctions ne sont pas applicables aux entreprises du secteur public étant donné que ces dernières n’ont pas besoin d’autorisation. En effet, si les opérateurs privés se voient délivrer des autorisations d’usage des fréquences après appel { candidature, les opérateurs publics bénéficient d’un droit d’usage prioritaire. Ainsi, les sanctions consistant en la suspension, le retrait ou la réduction de la durée de l’autorisation dans la limite d’un an ne sont applicables qu’aux entreprises privées. Tandis que la sanction pécuniaire, le communiqué et la suspension de tout ou partie du programme sont possibles à la fois dans le secteur privé et le secteur public. Le retrait d’une autorisation d’exploiter, qui constitue la sanction la plus grave, ne peut être prononcé qu’{ l’occasion de la violation d’une obligation légale ou réglementaire, une telle sanction étant exclue en cas de manquement à une obligation conventionnelle. Il est permis au Conseil supérieur de l’audiovisuel de retirer une autorisation sans mise en demeure préalable en cas de modification substantielle des données au vu desquelles elle avait été délivrée195. Il s’agit notamment du cas où la société a changé d’actionnaire majoritaire. Quant à la suspension de tout ou partie d’un programme, elle ne peut excéder un mois au même titre que la suspension de l’autorisation d’exploiter196. La sanction la plus prononcée concernant les télévisions reste l’amende, qui peut être assortie d’une suspension de l’autorisation concernant les opérateurs privés. Le montant de la sanction pécuniaire est alors calculé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement par le service concerné, sans excéder 3% (5% 195 196 Article 42-3 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. Articles 42-1 et 48-2 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. © Tous droits réservés 49 en cas de récidive) du chiffre d’affaires hors taxes197. Une sanction pécuniaire pourra par ailleurs être prononcée en cas de refus d’insérer dans ses programmes un communiqué dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel a fixé les termes et les conditions de diffusion198. L’instance de régulation dispose également d’un pouvoir de sanction indirect envers les diffuseurs. En effet, elle a notamment le pouvoir de saisir le juge administratif aux fins de sanctions contre tel établissement qui aura violé la réglementation protectrice des mineurs. Par ce biais, l’instance de régulation provoque une sanction qu’elle ne peut prononcer elle-même. Le président de la section du contentieux du Conseil d’État pourra ainsi être saisi en référé par le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de manquement { une obligation légale afin qu’il ordonne { la personne concernée de mettre fin { l’irrégularité constatée ou d’en supprimer les effets199. Le juge pourra par ailleurs prononcer d’office toute mesure conservatoire et une astreinte pour l’exécution de l’ordonnance. En pratique, le référé audiovisuel n’est cependant presque jamais utilisé. 2 – Un système efficace Le rapport d’activité du Conseil supérieur de l’audiovisuel de l’année 2006 révèle que seules sept sanctions ont été prononcées sur les vingt-quatre procédures de sanction engagées au cours de l’année, dont deux seulement s’adressaient { des chaînes de télévision. De même que sur les cent treize mises en demeure prononcées par le CSA en 2006, seulement 20% (environ) ont donné lieu à une procédure de sanction par la suite. Parmi l’ensemble de ces mises en demeure, une seule concernait la protection de l’enfance et de l’adolescence, sans qu’il ne s’agisse toutefois de publicité. Il s’agit de la décision du 13 juin 2006 par laquelle le Conseil a mis en demeure la société Canal+ de se conformer, au plus tard le 1er septembre 2006, { l’obligation selon laquelle l’abonné ne doit avoir accès aux programmes interdits aux mineurs de 18 ans, pornographiques ou de très grande violence que s’il en a expressément fait le choix200. Il ressort également des rapports d’activité du Conseil supérieur de l’audiovisuel des années 2004 et Articles 42-1 et 48-2 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. Articles 42-4 et 48-3 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. 199 Article 42-10 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986. 200 Recommandation du Conseil supérieur de l’audiovisuel, du 15 décembre 2004. 197 198 © Tous droits réservés 50 2005 que les chaînes ont globalement bien respecté leurs obligations en matière de protection de l’enfance et de l’adolescence201. Le pouvoir de sanction, accordé au Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le but d’assurer une certaine efficacité de son rôle de tutelle et de contrôle de la communication audiovisuelle, semble par conséquent atteindre son objectif. Cette efficacité ne s’explique pas seulement par la faculté de prendre des mesures de sanction dont dispose l’instance de régulation, mais également par la souplesse dont celle-ci peut faire preuve afin d’instaurer un dialogue constructif avec les différents opérateurs du secteur audiovisuel. Par ailleurs, en cas de carence du Conseil, les consommateurs, les associations de consommateurs ainsi que le Ministère public ou la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF)202, ont la possibilité d’agir devant le juge pénal en cas d’infraction, telle que la publicité mensongère. Ainsi, le consommateur203 peut saisir le parquet ou la DDCCRF et se constituer partie civile afin d’obtenir une indemnisation. Une association peut également agir si son objet social le prévoit. Ainsi, une association de consommateurs agréée204 peut toujours agir dès lors que l’infraction porte atteinte aux intérêts des consommateurs. Dans ce cas, l’association représente l’intérêt collectif des consommateurs et agit en tant que partie civile. En cas d’absence d’infraction pénale, le consommateur ou l’association pourra agir en référé s’il y a urgence { faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent205. Le système français de protection des mineurs face à la publicité télévisée semble donc efficace. La question se pose cependant concernant une possible optimisation de ce système eu égard aux divers droits nationaux européens et nord américains. www.csa.fr Article 31 du Code de procédure pénale. 203 Article 2 du Code de procédure pénale. 204 Article L.421-1 du Code de la Consommation. 205 Articles 808 et 809 du Nouveau code de procédure civile. 201 202 © Tous droits réservés 51 Chapitre II – Un regard sur le droit comparé Les États n’abordent pas tous la question de la protection des mineurs de la même manière. Ainsi, certains ont opté pour une interdiction pure et simple de la publicité à destination des mineurs de 12 ans, d’autres ont préféré adopter des règles plus souples (§ 1). Le système français semble quant à lui en phase d’être réformé206 et tendrait alors à devenir moins permissif, à moins que le projet européen d’éducation des jeunes consommateurs ne soit finalement suivi (§ 2). § 1. – Les différents systèmes de protection dans le monde Les systèmes de protection des mineurs face à la publicité télévisée peuvent se regrouper en deux catégories : ceux en faveur d’une interdiction pure et simple de la publicité (A) et ceux en faveur d’une réglementation du contenu publicitaire (B). A – Le modèle Suédois d’interdiction totale Le système suédois de protection des mineurs consiste en l’interdiction totale de toute publicité télévisée destinée aux enfants moins de 12 ans (1). Il constitue un modèle pour nombre de pays, bien que ces derniers ne soient pas tous aussi catégoriques (2). 1 – Le système suédois La Suède interdit la diffusion à la télévision de tout message publicitaire à destination des enfants de moins de douze ans, quel que soit son contenu. Cette interdiction se base sur le principe que l’on ne peut exposer les enfants { la publicité qu’une fois qu’ils sont en mesure de comprendre le sens du message publicitaire207. En effet, de nombreuses études suédoises considèrent que les enfants de moins de douze ans sont dans l’incapacité de percevoir la publicité comme telle et d’en comprendre le but. Les publicités à destination des enfants de moins de 12 ans sont les messages publicitaires portant sur des produits que les enfants sont susceptibles de consommer. Il ne s’agit donc pas seulement de Notamment : projet de réforme pour la lutte contre l’obésité enfantine, premier trimestre 2008. 207 Madame ULVSKOG Marita, Ministre Suédoise de la culture, in AFP, 12 février 2001. 206 © Tous droits réservés 52 produits destinés uniquement aux enfants tels que des vêtements ou des jouets, mais également des produits de consommation « tout public » tels que les aliments. Outre le contenu du message, il convient de prendre en considération le moment de sa diffusion pour déterminer s’il s’agit ou non d’une publicité { destination des mineurs de moins de 12 ans. Ainsi, toute publicité est interdite lors de la diffusion des programmes jeunesse. De même que les publicités pour adultes ne peuvent pas suivre ou précéder immédiatement les émissions pour enfants208. Le système suédois refuse donc toute exposition de l’enfant { la publicité télévisée jusqu’{ l’âge de 12 ans. 2 – Les autres systèmes d’interdiction de la publicité Certains pays se sont inspirés du modèle suédois, mais tous ne sont pas aussi catégoriques209. Ainsi, le Québec interdit toute publicité visant les mineurs de moins de 13 ans, de même que la Belgique interdit sur les chaînes flamandes la publicité pendant les programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans, au même titre que les Pays-Bas. La Belgique interdit également sur les chaînes flamandes la diffusion de publicités cinq minutes avant et après la fin des programmes jeunesse, tandis que l’Allemagne, interdit la diffusion de messages publicitaires pendant les programmes pour enfants simplement sur les chaînes du secteur public. La publicité à destination des enfants n’est proscrite en Italie que lorsqu’elle coupe un dessin animé, elle limite ainsi l’interdiction stricte aux programmes touchant les jeunes enfants. La Grèce a adopté une réglementation plus souple et interdit toute publicité pour les jouets entre sept heures et vingt-deux heures. Seuls les parents peuvent donc être les destinataires de messages promotionnels télévisés en faveur de jouets destinés à leurs enfants. Depuis le mois de janvier 2008, la Grande-Bretagne interdit la publicité pour les aliments très riches en matières grasses ou en sucre avant, pendant et après les émissions destinées aux enfants de moins de 16 ans210, ainsi qu’autour des émissions pour adultes ayant un attrait particulier pour les moins de 16 ans211. La Grèce et la « Enfants et publicité : entre réglementation et autodiscipline », mars 2007, www.actionconsommation.org. 209 « La lutte contre l’obésité enfantine », Etude de législation comparée n°147, juin 2005, www.senat.fr. 210 « Obésité infantile et publicités télévisées », Bilan 2006-2007 de l’UFC Que Choisir, www.quechoisir.org, publié le 18 septembre 2007 sur le site. 211 LECLERC Tanguy, CB News, 21 novembre 2006, www.cbnews.fr. 208 © Tous droits réservés 53 Belgique interdisent également la publicité en faveur des jouets de guerre. Afin de protéger particulièrement les enfants contre l’exploitation de leur crédulité et de leur confiance naturelle, l’Allemagne interdit la publicité en faveur de produits dérivés des programmes jeunesse avant ou après ces derniers. L’utilisation de personnages issus de programmes pour enfants dans un message publicitaire est interdite au Danemark et autorisée en Finlande si le message n’est pas diffusé autour du programme dont est issu le personnage. La Finlande ajoute la prohibition de tout message promotionnel à caractère animé et coupant un programme pour enfant. Outre les systèmes de protection des enfants face à la publicité télévisée basés sur l’interdiction de toute publicité, certains États ont préféré ne pas interdire ce genre de messages publicitaires mais plutôt de strictement les réglementer. B – Les systèmes basés sur une réglementation du contenu publicitaire La réglementation du contenu publicitaire est plus ou moins stricte selon les États. Cependant, certaines règles se retrouvent dans de nombreuses législations nationales (1). Face à cette diversité de réglementation et à la souplesse de certains pays en comparaison au système suédois, la Suède a cherché à étendre son système à toute l’Europe, sans succès (2). 1 – Les différentes mesures d’encadrement du contenu publicitaire Les États qui n’interdisent pas la diffusion de publicité à destination des mineurs encadrent strictement cette pratique afin d’éviter tout abus de l’annonceur212. Nombreux sont ceux qui ont un « code d’autorégulation » ou « code de bonne conduite » (Espagne, Belgique, Canada, Italie). La présence de mineurs au sein d’une publicité doit ainsi répondre à certaines conditions : il est interdit de montrer un mineur comme objet de désir sexuel en Allemagne ; l’utilisation d’un enfant de moins de 14 ans n’est admise au Danemark et en Espagne que si l’enfant est présenté dans son élément naturel ou que sa présence est nécessaire à la démonstration du produit ; l’enfant ne doit pas prononcer de slogan publicitaire en Finlande ; l’utilisation de l’image du mineur ne 212 Cf. Partie I concernant la législation française. © Tous droits réservés 54 doit pas nuire à son honneur ou sa réputation (Espagne) ; enfin, les publicités utilisant des enfants ne doivent pas abuser des sentiments naturels que leur portent les adultes (Italie). La majorité de ces règles se retrouvent plus ou moins dans la législation française. Ainsi, malgré une diversité des réglementations, le même objectif est poursuivi ici et les moyens mis en œuvre sont assez proches. Il est également interdit d’utiliser l’attrait des enfants pour le jeu, comme les loteries par exemple, en Allemagne. L’Espagne interdit quant à elle aux messages publicitaires faisant la promotion de jouets d’inciter { la guerre ou la violence. Ainsi, contrairement à la Grèce et la Belgique qui ont fait le choix d’interdire la publicité pour les jouets de guerre, l’Espagne a préféré l’autoriser sous certaines conditions. Le même objectif de protection des mineurs contre l’incitation { la violence est alors atteint, mais les moyens mis en œuvre sont radicalement différents. La Finlande quant à elle prohibe toute publicité entraînant chez l’enfant une trop grande émotion (peur, tristesse, angoisse, …), ce qui se rapproche de la réglementation française selon laquelle la publicité ne doit pas provoquer un sentiment de peur et d’angoisse chez l’enfant. En matière de publicité alimentaire, de nombreux pays exigent que la publicité n’encourage pas les comportements alimentaires d’excès et préjudiciables pour la santé et ne dévalorise pas les comportements alimentaires sains (Belgique, Italie et Angleterre). La Belgique ajoute qu’il est interdit d’associer aux aliments consommés le succès sportif, la popularité ou l’intelligence et l’Angleterre demande à ce que toute allégation santé repose sur des preuves scientifiques213. 2 – L’échec de l’extension européenne du modèle Suédois Lors de sa présidence au sein de l’Union Européenne, au premier semestre 2001, la Suède a cherché à étendre son système d’interdiction { l’ensemble des pays européens par le biais d’une modification de la Directive « Télévision sans frontière », sans succès. C’est ainsi qu’en mai 2001, Marita Ulvskog, la Ministre suédoise de la Culture, a organisé une rencontre sur ce thème à Falun. Si plusieurs États soutiennent la Suède (la Grèce, le Portugal, la Grande-Bretagne, le Danemark et les Pays-Bas), d’autres ne souhaitent pas modifier la réglementation actuelle qui laisse chaque pays membre seul juge des « La lutte contre l’obésité enfantine », Etude de législation comparée n°147, juin 2005, in www.senat.fr. 213 © Tous droits réservés 55 mesures { prendre. Finalement, cette mesure n’a pas été adoptée et les législations nationales restent aujourd’hui assez divergentes. La Suède a par ailleurs cherché à empêcher toute diffusion de programmes étrangers incluant des publicités destinées aux enfants de moins de 12 ans sur son territoire. En l’espèce214, il s’agissait de programmes transmis par la chaîne TV3, émettant depuis Londres. La juridiction suédoise, le Marknadsdomstolen, pose alors une question préjudicielle215 à la Cour de justice des communautés européennes afin de savoir si elle est en droit d’empêcher la diffusion de ces programmes. La Cour rappelle alors que « l’objectif premier de la directive216 consiste à assurer la libre diffusion des émissions télévisées »217. Elle indique ensuite que le droit applicable au programme est celui du pays d’émission et que c’est { l’État émetteur de s’assurer du respect de ces règles218 ainsi que des règles posées par la directive en la matière219. L’État de réception a cependant le pouvoir de prendre , « sur la base des dispositions de sa législation nationale, des mesures à l'encontre d'un annonceur en raison d'une publicité télévisée, à moins que ces dispositions n'affectent pas de la même manière, en droit ou en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux provenant d'autres États membres, qu'elles ne soient pas nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant à l'intérêt général ou à l'un des objectifs énoncés à l'article 36 du traité CE, qu'elles ne soient pas proportionnées à cet effet ou que ces objectifs ou exigences impératives puissent être atteints par des mesures restreignant d'une manière moindre les échanges intracommunautaires »220. Ainsi, l’État de réception ne peut donc prendre aucune mesure contre le diffuseur de la publicité et ne peut donc pas interdire la diffusion de ces programmes lorsque les conditions précédentes ne sont pas remplies, ce qui serait contraire Arrêt de la Cour du 9 juillet 1997, Konsumentombudsmannen (KO) contre De Agostini (Svenska) Förlag AB (C-34/95) et TV-Shop i Sverige AB (C-35/95 et C-36/95), in eur-lex.europa.eu. 215 Question soumise à la CJCE par le Marknadsdomstolen, par ordonnances du 7 février 1995. 216 Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle 217 Dispositions générales de la directive, 3/, arrêt de la Cour du 9 juillet 1997, De Agostini. 218 Arrêt de la Cour du 9 juillet 1997, De Agostini. 219 Articles 16 et 22 de la Directive « Télévision sans frontière » du 3 octobre 1989. 220 §63 et 65, arrêt de la Cour du 9 juillet 1997, De Agostini. 214 © Tous droits réservés 56 au principe de libre échange communautaire221. En effet, l’application de la règle nationale au programme en question reviendrait à exercer un second contrôle s’ajoutant { celui de l’État d’émission, créant ainsi une inégalité avec les programmes nationaux. La Cour de justice des communautés européennes en conclut donc que : « La directive 89/552 doit être interprétée comme faisant obstacle à l'application aux émissions de radiodiffusion télévisuelle en provenance d'autres États membres d'une disposition d'une loi nationale sur la radiodiffusion qui dispose qu'une séquence publicitaire diffusée au cours des plages horaires prévues pour la publicité télévisée ne doit pas viser à capter l'attention des enfants de moins de 12 ans »222. Deux systèmes coexistent donc en matière de protection de l’enfance et de l’adolescence : l’interdiction de la publicité aux mineurs de moins de 12 ans et la réglementation du contenu d’une telle publicité. La France s’inscrit dans le second système mais semble s’orienter progressivement vers le premier. § 2. – Vers un système français d’interdiction ou d’éducation ? Le modèle suédois est fortement contesté et ne semble pas constituer la bonne réponse { la montée de l’obésité enfantine et au risque que peuvent présenter des images violentes ou pornographiques au regard de certaines études (A). Il semblerait en effet que le choix d’une éducation des jeunes consommateurs lui serait préférable (B). A – L’efficacité contestée de l’interdiction totale de la publicité destinée aux mineurs Les études sur lesquelles s’appuient les partisans d’une interdiction pure et simple de la publicité destinée aux mineurs en France et dans le monde, trouvent autant de recherches qui les contredisent radicalement et remettent ainsi en question les « La directive ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre prenne, en application d'une réglementation générale relative à la protection des consommateurs contre la publicité trompeuse, des mesures à l'égard d'un annonceur en raison d'une publicité télévisée diffusée à partir d'un autre État membre, pourvu que ces mesures n'empêchent pas la retransmission proprement dite sur son territoire des émissions de radiodiffusion télévisuelle en provenance de cet autre État membre », §64, arrêt de la Cour du 9 juillet 1997, De Agostini. . 222 Arrêt de la Cour du 9 juillet 1997, De Agostini, §67. 221 © Tous droits réservés 57 fondements même d’un tel système (1). Toutefois, la violence et la pornographie à la télévision semblent être un cas à part (2). 1- Des études contradictoires Selon certaines études américaines il y aurait un lien direct entre l’obésité enfantine et la télévision223. Ainsi, la télévision donnerait aux enfants « le sentiment de pouvoir manger autant qu’ils veulent »224. De même que l’American psychological association considère que l’importance des sommes investies dans la publicité à destination des mineurs témoigne de son impact auprès des jeunes consommateurs et que les enfants de moins de 8 ans ne sont pas en mesure de percevoir le but commercial d’un message publicitaire225. De nombreuses études ont ainsi été menées dans le monde afin de déterminer l’impact réel de la publicité télévisée sur les enfants. Jeffrey Goldstein, psychologue et chercheur au Département des communications de masse { l’Université d’Utrecht (Pays-Bas), a étudié ces différents travaux sur la demande de la Commission européenne226, pour en conclure que la preuve d’effets néfastes de la publicité sur les enfants, notamment concernant leur comportement alimentaire, n’est pas rapportée. En effet, les experts ne sont tout d’abord pas d’accord concernant l’âge auquel l’enfant perçoit le message publicitaire en tant que tel et le comprend. Ainsi, selon Erling Bjürstrom, professeur de communication en Suède, les enfants sont dans l’incapacité de distinguer une publicité d’un autre programme jusqu’{ 10 ans et n’en comprennent le but qu’{ partir de 12 ans227. Tandis que selon le Dr Reinhold Bergler, professeur à l’Université de Bonn228, 33,6% des moins de 6 ans n’hésitent pas { remettre en cause la publicité. De même qu’il semblerait que 62,5 des moins de 3 ans et 68,2 % des enfants de 3 à 5 ans distinguent MOREIRA Paul, « Les enfants malades de la publicité », in Le Monde Diplomatique, 1996. 224 DIETZ William, directeur de nutrition clinique au New England Medical Center de Boston en 1996. 225 Report of the APA task force on advertising and children, 20 février 2004, www.apa.org/releases/childrenads.pdf, in DELHOSTE Marie-France, « Obésité et publicité télévisuelle alimentaire: la loi sur la politique de santé publique, un coup d’épée dans l’eau », Communication commerce électronique, n°1, Etude 3, janvier 2005. 226 GOLDSTEIN Jeffrey, « Enquêtes sur les enfants et la publicité », Newsletter 13, in http ://europa.eu . 227 Ce sont ses travaux qui ont servis { l’élaboration de la loi d’interdiction de la publicité aux moins de 12 ans en Suède. 228 Etude demandée par la Commission européenne. 223 © Tous droits réservés 58 clairement la publicité des autres programmes. Ainsi, Jeffrey Goldstein en conclut qu’il « n’existe pas d’âge magique auquel on comprend la publicité », cela résulte d’un apprentissage progressif. Le professeur rappelle par ailleurs que certains adultes ne comprennent pas eux-mêmes la publicité. De plus, Jeffrey Goldstein souligne qu’il ressort de différentes études que les enfants sont bien plus influencés par leurs parents et camarades d’école que par la publicité, ce que constate également Nathalie Guichard, membre du laboratoire Sorbonne information marketing229. Ainsi, 55 % des enfants seraient plus influencés par les camarades d’école, amis et voisins, contre 24 % par la publicité télévisée230. Le chercheur néerlandais considère qu’il n’existe aucune preuve d’un lien de causalité entre la compréhension de la publicité et l’influence de cette dernière. En effet, comment tenir compte d’un message commercial qu’on ne peut distinguer comme tel ? Selon les différentes études, la publicité créerait donc des besoins chez les enfants puisque ceux-ci ne la comprennent pas. Ces derniers contraindraient ensuite leurs parents à acheter le produit, ceux-ci cherchant à éviter tout conflit avec leurs enfants. Jeffrey Goldstein considère que cet « argument standard » n’est pas fondé et précise : « en Europe de l’Ouest, les enfants sont exposés chaque année { des milliers de publicités télévisées. Cependant aucun enfant ne réclame des milliers de produits ». De même que le pédiatre français Julien Cohen-Solal rappelle que les parents ont leur responsabilité concernant ce qu’ils acceptent d’acheter { leurs enfants et que les relations parent/enfant ne doivent pas être régies par le législateur, ce qui reviendrait à décharger les parents de leur responsabilité. Par ailleurs, le président du Bureau de vérification de la publicité, Monsieur Jean-Pierre Teyssier, constate que l’interdiction de la publicité à destination des enfants de moins de 12 ans au Québec et en Suède n’a pas empêché l’obésité enfantine de progresser. Ainsi, Jeffrey Goldstein conteste l’impact de la publicité sur le comportement des mineurs et par conséquent l’utilité d’une interdiction pure et simple de la publicité télévisée destinée aux mineurs. D’autant plus qu’une étude de l’Advertising education GUICHARD Nathalie, « Publicité télévisée et comportement de l’enfant », Edition Economia. 230 Cf. Annexe Etude sur « l’impact de la publicité télévisée sur les mineurs », janvier à mai 2008, Lacoste Adeline. 229 © Tous droits réservés 59 forum231 révèle que selon 85% des parents sondés, la publicité influencerait peu ou pas du tout leurs enfants. Une étude de juillet 2004, de l’Organisme national de régulation de la communication audiovisuelle en Angleterre, va dans le même sens et conclut que l’interdiction totale de la publicité { destination des enfants serait inefficace compte tenu des autres facteurs d’obésité chez les enfants232. En effet, l’inactivité physique et le grignotage qu’engendre le temps passé devant la télévision sont des facteurs incontestables de l’obésité chez les jeunes. Arnaud Esquerre, chef du bureau des industries de programmes à la Direction du développement des médias rappelle par ailleurs que les nutritionnistes soulignent que c’est l’excès qui pose problème et que l’obésité dépend également du profil de chacun233. Cependant, l’Agence française de sécurité sanitaire préconise la mise en place par le gouvernement français d’un système d’interdiction de la publicité dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), considérant qu’il est illusoire de croire que les enfants sont protégés par leur sens critique234. 2 – Le cas particulier de la violence et la pornographie De nombreuses études publiées en 2002 révèlent que certains programmes télévisés, jeux vidéo et films de cinéma ont un « impact perturbant » sur le comportement, la socialisation et la santé des enfants et des adolescents235. Ainsi, selon certains rapports, la violence dans les médias serait en partie { l’origine de la violence et Advertising Education Forum, étude concernant 5000 parents, dans 20 pays européens, publiée au premier trimestre 2007, in « Enfants et publicité : entre réglementation et autodiscipline », mars2007, www.actionconsommation.org. 232 Etude de législation comparée n°147, juin 2005, « La lutte contre l’obésité enfantine », www.senat.fr. 233 Entretien du 21 avril 2008 avec Madame Laurence Franceschini, directeur de la Direction du développement des médias (DDM) et Monsieur Arnaud Esquerre, Chef du bureau des industries de programmes à la DDM. 234 Communiqué de l’AFSSA, du 6 juillet 2004, « Obésité de l’enfant : impact de la publicité télévisée ». 235 Rapport du CIEM – Collectif interassociatif enfance et médias« L’environnement médiatique des jeunes de 0 { 18 ans, que transmettons-nous à nos enfants ? », mai 2002 ; Rapport de Blandine KRIEGEL, « La violence à la télévision », novembre 2002 ; Rapport de Claire BRISSET, « Les enfants face aux images et aux messages violents diffusés par les différents supports de communication », décembre 2002 ; in « La protection de l’enfance et de l’adolescence { le télévision et { la radio », Bilan de l’action du CSA, octobre 2006, p.6. 231 © Tous droits réservés 60 de l’incivilité chez les jeunes236. L’ancien psychologue militaire Dave Grossman237 considère que la violence dans les médias est un facteur de violence chez les jeunes et est notamment responsable des fusillades récentes dans les lycées et campus nord américains238. De non moins nombreuses études reconnaissent un faible lien de causalité entre le comportement des enfants et le message publicitaire véhiculé239. Selon l’American Booksellers Foundation for Free Expression, l’interdiction de la violence à la télévision conduirait à une censure, portant ainsi atteinte à la liberté d’expression des artistes et { la liberté de choix du consommateur qui doit être libre de déterminer ce que est bien ou mal, et une telle interdiction ne changerait rien aux vraies causes de la violence, plus profondes selon elle. Cependant, l’impact de la violence à la télévision sur les mineurs ne doit pas seulement être étudié du point de vue de l’incitation { la violence ou { l’incivilité de ces derniers, mais également sous l’angle de la déstabilisation que de telles images peuvent provoquer chez l’enfant et l’adolescent. En effet, de telles images peuvent notamment occasionner chez les enfants stress, colère, honte, anxiété, agressivité ou troubles du sommeil240. Ainsi, l’interdiction française de toute forme de violence dans les messages publicitaires permet notamment de protéger les enfants contre toute image susceptible de les choquer et d’entraîner, chez les plus jeunes, des traumatismes graves. Ainsi, l’interdiction de toute forme de violence à la télévision peut s’interpréter comme une censure et une atteinte { la liberté d’expression, { moins qu’elle ne soit limitée { certains horaires au cours desquels les enfants ne sont pas susceptibles de se trouver devant un poste de télévision. Afin d’éviter d’interdire certains programmes jugés trop violents pour les mineurs, le Canada a mis en place un système de puce électronique dite « puce anti-violence ». Toutefois, ce système ne semble pas avoir fonctionné. En effet, il a d’une part très peu été « Les répercussions de l’usage des médias sur les enfants et les adolescents », www.cps.ca. 237 « Débat sur la violence dans les médias », Réseau Education-médias, in www.media-awarness.ca. 238 Lycée Columbine de la petite ville de Littleton, Colorado, 20 avril 1999 ; Le lycée SuccessTech Academy, Cleveland, le 17 octobre 2007 ; La Northern Illinois University, le 14 février 2008. 239 Cf. Partie II, Chapitre II, §II, A, 1. 240 FAVRO Karine, « La doctrine du CSA en faveur de la protection de l’enfance et de l’adolescence », Legicom, n°37, 2007/1, p.43 à 57. 236 © Tous droits réservés 61 utilisé, puisque 68% des Canadiens se sont déclarés pas particulièrement ou pas du tout intéressés, d’autre part, le filtre installé n’a pas répondu aux attentes puisqu’il laissait passer de nombreux programmes violents et/ou pornographiques241. Ce système a également été écarté en France en raison de la déresponsabilisation des parents que cela pouvait entraîner242. La question de la violence constitue donc un cas particulier établissant le bien fondé d’une certaine forme d’interdiction, sans pour autant justifier l’interdiction pure et simple de toute publicité télévisée à destination des mineurs. B – Une alternative { l’interdiction : l’éducation du jeune consommateur La volonté européenne d’éducation du jeune consommateur exprimée récemment, ainsi que certaines mesures déjà existantes dans quelques pays (1), dessinent une alternative au caractère radical du modèle suédois et au caractère insuffisant, selon certains, du système français (2). 1 - Le projet consommateurs européen d’éducation des jeunes L’Union européenne a laissé jusque l{ les États élaborer leur propre législation concernant la publicité télévisée destinée aux mineurs, instaurant simplement quelques règles communes243 et refusant d’étendre le système suédois { l’ensemble des États membres. Par la directive « Services de Médias audiovisuels » du 11 décembre 2007, l’Union européenne consacre sa volonté d’avancer vers une éducation des jeunes consommateurs. La directive sollicite ainsi des États membres qu’ils prennent des mesures visant { ce que les enseignants apprennent à leurs élèves les rouages de la société de consommation et à organiser des campagnes nationales { l’intention des citoyens. Ce texte s’inscrit dans un processus entamé avec la recommandation du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, sur la protection des mineurs et de la dignité humaine, par laquelle l’Union européenne demandait aux États de Kaiser Family Foundation, Etude du 24 septembre 1998, in « La puce antiviolence et les systèmes de classification de émission », www.educationmedias.ca. 242 FAVRO Karine, « La doctrine du CSA en faveur de la protection de l’enfance et de l’adolescence », Legicom, n°37, 2007/1, p.43 à 57. 243 Cf. Partie I. 241 © Tous droits réservés 62 prendre les mesures adéquates en vue d’une meilleure sensibilisation des parents et enseignants et d’adopter un code de bonne conduite pour ceux qui n’en étaient pas déj{ dotés. Il était également demandé aux États de développer les échanges interétatiques dans le but d’élaborer un meilleur système de signes ou messages pour avertir l’utilisateur du contenu. Certains États européens disposent déj{ de mesures d’éducation des jeunes consommateurs244. En effet, l’Agence gouvernementale danoise d’information des consommateurs a créé un programme multimédia destiné aux écoles, apprenant aux enfants à décrypter une publicité. Les téléspectateurs néerlandais et belges245 peuvent également voir sur chaque publicité télévisée en faveur de sucreries un logo représentant une brosse à dent et du dentifrice. Quant aux publicitaires américains, ils ont pour obligation de présenter les produits alimentaires de manière à encourager leur bonne utilisation dans la perspective d’un développement sain de l’enfant et de la diffusion de bonnes habitudes alimentaires. En outre, certains professionnels, de la publicité ou non, ont élaboré des œuvres contribuant { l’éducation du jeune consommateur. En effet, la firme de jeu américaine Hasbro a lancé en 2005 un jeu sur la publicité et le marketing. Distribué dans les écoles, « The Game of Life » apprend aux enfants, ceux-ci jouant le rôle de publicitaires, le fonctionnement d’une campagne publicitaire et des médias246. De même que Turner Broadcasting, le premier groupe audiovisuel britannique de chaînes jeunesse, a créé six films d’animation de deux minutes en faveur des fruits et légumes, appelés « Elfy food »247. 2 - L’opportunité du choix de l’éducation du jeune consommateur Selon une étude menée en Ile de France de janvier à mai 2008, 61% des parents interrogés pensent qu’il serait préférable d’éduquer les jeunes consommateurs à comprendre et appréhender la publicité, Etude de législation comparée n°147, juin 2005, « La lutte contre l’obésité enfantine », www.senat.fr. 245 Uniquement sur les chaînes flamandes. 246 MARQUIE David, CB News, 16 avril 2005, in www.cbnews.fr. 247 En référence à « Heathly food », qui signifie : « nourriture saine », et aux personnages qui sont des Elfes. MARQUIE David, CB News, 3 mai 2005, www.cbnews.fr. 244 © Tous droits réservés 63 contrairement { 26 % d’entre eux qui considèrent que le mieux est de supprimer la publicité télévisée destinée aux enfants248. L’interdiction totale de la publicité télévisée { destination des mineurs ne semble pas toujours la meilleure des solutions au regard des études citées précédemment. En effet, les enfants seront tôt ou tard confrontés au système publicitaire, les en exclure le temps de quelques années n’est pas pour les aider dans leur appréhension du système. Ainsi, le Conseil national de la consommation considère que « les régimes fondés sur l’interdiction ne constituent pas une solution réaliste. Dans un monde où la publicité sous toutes ses formes fait partie de la vie, il serait illusoire et inefficace de mettre { l’écart les enfants de cette dimension économique de la société »249. Pourtant, les enfants doivent être protégés de certaines de ces images auxquelles ils peuvent être confrontés. C’est pourquoi Jeffrey Goldstein préconise d’enseigner aux enfants { faire le bon choix et non forcément celui que leur propose le message publicitaire250. Ainsi, quelles que soient les publicités alimentaires auxquelles l’enfant est soumis (dans le respect de la réglementation actuelle), celui-ci doit apprendre à reconnaître un comportement alimentaire sain ou nuisible { sa santé et savoir choisir de ne pas tomber dans l’excès : « il n’y a pas de bon ou de mauvais aliments : tout aliment a sa place dans une alimentation équilibrée »251. Laurence Franceschini, directeur de la Direction du développement des médias, rappelle ainsi que c’est l’excès qui est dangereux et non la consommation du produit en elle-même252. Elle ajoute qu’il est préférable d’enseigner l’équilibre, la maîtrise de soi { l’enfant et non de lui interdire la consommation de tel produit, d’autant plus que cela peut ensuite induire une volonté de transgression de l’interdit. En ce qui concerne la violence, le même raisonnement peut être tenu : pour comprendre cette violence, prendre du recul et intégrer le fait qu’il ne s’agit que de fiction et que la réalité est bien souvent moins noire que celle qui Cf. Annexe, Etude sur « l’impact de la publicité télévisée sur les mineurs », janvier à mai 2008, Lacoste Adeline. 249 Rapport du Conseil national de la consommation sur la publicité et l’enfant, NOR : ECOC0000415X, 25 octobre 2000, www10.finances.gouv.fr. 250 « Enquêtes sur les enfants et la publicité », Newsletter 13, Etude de GOLDSTEIN Jeffrey pour le compte de la Commission européenne, in http ://europa.eu. 251 Communiqué de presse de l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires), « Prévention de l’obésité : l’industrie alimentaire s’engage », 19 mars 2004. 252 Entretien du 21 avril 2008 avec Mme Laurence FRANCESCHINI, directeur de la Direction du développement des médias (DDM) et M. Arnaud ESQUERRE, Chef du bureau des industries de programmes à la DDM. 248 © Tous droits réservés 64 est représentée dans les films, l’enfant doit être préparé et ne pas s’y voir confronter brusquement. Néanmoins, il convient de conserver les limites actuelles, garantes de l’intégrité physique, mentale et morale des mineurs. Le choix de s’orienter vers une éducation des mineurs afin de mieux les protéger et non vers un système d’interdiction pure et simple semble donc plus opportun dans la société actuelle. Par ailleurs, l’interdiction de la publicité à destination des mineurs peut être considérée comme une atteinte { la liberté d’expression et la liberté de créer et de communiquer. En effet, la Commission européenne a rappelé lors de sa révision de la directive « Télévision sans frontières » que « les mesures de protection des mineurs et de la dignité humaine doivent être soigneusement mises en balance avec le droit fondamental { la liberté d’expression prévu par la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne »253. Concernant la liberté d’entreprendre, les chaînes jeunesse seraient les plus touchées par une suppression de la publicité à destination des mineurs, celle-ci étant leur principale ressource. En effet, Arnaud Esquerre, chef du bureau des industries de programmes à la Direction du développement des médias, souligne que les deux principaux annonceurs en matière de publicité télévisée destinée aux enfants sont les industries du jouet et celles de l’alimentaire. Ainsi, la suppression de la publicité alimentaire à destination des mineurs entraînerait la perte d’un quart des investissements publicitaires actuels. L’impact serait d’autant plus grave sur les chaînes jeunesses qui, { l’instar de la chaîne Gulli, n’ont que ces deux annonceurs254. Or ces chaînes contribuant financièrement à la création de programmes jeunesse, la qualité des programmes s’en ressentirait donc. En effet, selon une étude de l’European group of television advertising, 94% des revenus retirés de la publicité destinée aux mineurs seraient réinvestis dans les programmes pour enfants255. L’European group of television advertising en conclut que « limiter la publicité pour les enfants constitue une menace pour l’industrie européenne audiovisuelle ». La suppression de toute publicité alimentaire lors des programmes jeunesse entraînerait alors l’augmentation des « Enfants et publicité : entre réglementation et autodiscipline, mars 2007, in www.actionconsommation.org. 254 Entretien du 21 avril 2008 avec Madame Laurence FRANCESCHINI, directrice de la Direction de développement des médias (DDM) et Monsieur Arnaud ESQUERRE, Chef du bureau des industries de programmes à la DDM. 255 Contribution du SNPTV { l’atelier n°3 : « Publicité télévisée adressée aux enfants –comment créer une situation de ‘fair play’ ? », Stockholm les 12 e 13 février 2001, in www.snptv.org. 253 © Tous droits réservés 65 programmes américains sur les écrans, dans lesquels les personnages mangent bien souvent très mal. Il en est ainsi du dessin animé « Bob l’éponge », dans lequel les personnages ne mangent que des hamburgers256. Arnaud Esquerre propose une éditorialisation des programmes plutôt qu’une suppression de la publicité alimentaire. Il s’agirait de créer des dessins animés dans lesquels les personnages ont un comportement alimentaire sain et de dédier des émissions familiales ainsi que des programmes courts { l’éducation alimentaire de l’enfant257. Une telle proposition serait également applicable en matière d’éducation du jeune consommateur aux pièges de la publicité et plus généralement au fonctionnement de la société de consommation. Laurence FRANCESCHINI, lors d’un entretien le 21 avril 2008. Entretien du 21 avril 2008 avec Mme Laurence Franceschini, directeur de la Direction du développement des médias (DDM) et M. Arnaud Esquerre, Chef du bureau des industries de programmes à la DDM. 256 257 © Tous droits réservés 66 Conclusion La protection spécifique dont les mineurs font l’objet face { la publicité télévisée, tend à prévenir toute exploitation de ces derniers par les professionnels. Ainsi, l’enfant est protégé { la fois en tant que consommateur et mannequin. A ce titre, la publicité doit être, claire et nettement identifiable par un enfant. De même, le professionnel a une obligation de loyauté envers le jeune consommateur et ne doit pas chercher { l’induire en erreur du fait de son manque d’expérience. Enfin, la santé, la moralité, la sensibilité et l’intégrité de l’enfant mannequin ou consommateur doivent être préservées. Il ressort de l’étude du système de contrôle des messages publicitaires par le Bureau de vérification de la publicité et le Conseil supérieur de l’audiovisuel que la réglementation protectrice des mineurs est largement respectée. L’efficacité de ce système alliant autorégulation et contrôle a posteriori par une autorité administrative indépendante, semble donc établie. Cependant, nombreux sont ceux qui considèrent que la protection accordée aux enfants reste insuffisante. Certains demandent l’interdiction de toute publicité télévisée destinée aux mineurs, tandis que d’autres lui préfèrent des mesures d’éducation des enfants aux médias. Le second choix apparaît le plus pertinent eu égard au système économique actuel. En effet, l’enfant fait partie intégrante de ce dernier dès son plus jeune âge et sera dans tous les cas exposé tôt ou tard { la publicité télévisée. Supprimer la publicité télévisée { l’égard des mineurs ne ferait que repousser l’échéance et ne leur permettrait pas de l’appréhender par la suite avec un regard critique. Le choix français ne semble pas arrêté pour le moment concernant le débat d’actualité relatif { l’obésité infantile. Cependant, la menace d’une loi prohibitive plane sur les professionnels si ces derniers venaient { ne pas s’entendre afin de lutter efficacement contre la progression de ce phénomène en France. © Tous droits réservés 67 BIBLIOGRAPHIE Ouvrages généraux BONNET-DESPLAN Marie-Pierre, FABRE Régis, GENTY Nicolas, SERMET Nadine, Droit de la publicité et de la promotion des ventes, Paris, Dalloz, 3e éd., 2006, coll. Dalloz référence, 610 p. DERIEUX Emmanuel, Droit européen et international des médias, Paris, LGDJ, 2003, coll. Manuel, 282 p. GREFFE Pierre, GREFFE François, La publicité et la loi, Paris, JurisClasseur, 10e éd., 2004, coll. Lexis Nexis Litec, 1230 p. PETIT Etienne, RONDEY Céline, VEYSSIERE Laurence, Publicité et promotion des ventes. Concevoir, valider, diffuser, Paris, Dalloz, 1ère éd., 2002, coll. Encyclopédie Delmas, 369 p. RAVAZ Bruno, RETTERER Stéphane, Droit de l’information et de la communication, Paris, 2006, Ellipses, 2006, coll. Infocom, 176 p. 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Juris-Classeur Concurrence - Consommation, Fascicule « Publicité et protection du consommateur », cote : 02, 2005. 900 : © Tous droits réservés 69 Index A I Agence du médicament ............... 16 Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments ...... 25, 28 Avertissement .................5, 6, 26, 70 Images subliminales ......... 10, 12, 70 Incivilité .................................. 31, 60 B Bureau de vérification de la publicité (devenue Autorité de régulation de la publicité professionnelle) 1, 5, 14, 19, 23, 27, 31, 32, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43, 46, 47, 58, 66 C Chaînes jeunesse ....... 2, 6, 26, 62, 64 Code international des pratiques loyales en matière de publicité 4, 12, 13, 14, 19, 21, 22, 30, 40 Commission chargée d’émettre un avis concernant l’emploi d’un mannequin mineur de moins de seize ans ................................... 18 Conseil supérieur de l’audiovisuel1, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 13, 23, 30, 32, 34, 35, 36, 37, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 66, 68, 71 Convention internationale relative aux droits de l’enfant ...... 1, 3, 12 Convention internationale sur les droits de l’Enfant ..................... 17 D Dérivés commerciaux .............. 5, 70 Directive « Services de médias audiovisuels » .......................... 21 E Enfant consommateur ................. 12 Enfant mannequin .......12, 15, 19, 66 Enfants stars ................................. 19 L Loi Evin ......................................... 24 M Mannequin .................................... 17 N Nudité enfantine ........................... 19 O Obésité 25, 28, 29, 30, 42, 43, 52, 57, 59, 67, 68 Oeuvres cinématographiques ..... 10, 32, 33, 34 P Placement de produits ........... 10, 70 Pornographie . 30, 31, 32, 33, 35, 36, 45, 57, 59, 70, 71 Publicité clandestine .. 4, 8, 9, 10, 11, 67, 70 Publicité trompeuse ............... 14, 56 R Régie Française de Publicité .......... 1 S Santé mentale ............................... 30 Stéréotypes ................................... 31 Syndicat des enfants mannequins ................................................... 19 V Violence .... 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 45, 49, 54, 57, 59, 60, 61, 63, 70, 71 © Tous droits réservés 70 TABLE DES MATIERES PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION DES MINEURS VIS-A-VIS DE LA PUBLICITE TELEVISEE ................................................................................. 4 Chapitre premier – Une obligation de clarté et de loyauté renforcée .. 4 § 1. L’exigence accrue d’une identification claire de la publicité ...... 4 A – La distinction nette entre le programme et la publicité ......... 5 1 – L’exigence d’un avertissement sonore et visuel .................. 5 2 – L’encadrement de la publicité en faveur des dérivés commerciaux ................................................................................ 7 B – L’interdiction de la publicité clandestine ................................. 8 1 – L’interdiction de toute publicité en dehors des cas autorisés ....................................................................................... 8 2 – L’interdiction des images subliminales et du placement de produits ...................................................................................... 10 § 2. – L’interdiction de toute exploitation de l’enfant ...................... 12 A – L’exploitation de la crédulité de l’enfant ................................ 12 1 – L’interdiction d’exploiter l’inexpérience et la crédulité des mineurs ....................................................................................... 12 2 – L’interdiction d’une publicité mensongère ou trompeuse14 B – L’utilisation de l’enfant en tant que prescripteur .................. 15 1 – L’interdiction d’incitation directe de l’enfant { l’achat d’un produit ........................................................................................ 16 2 – Les conditions d’apparition de l’enfant { l’antenne .......... 17 Chapitre II – Une protection de la santé et de la moralité du mineur. 21 § 1. – Des mesures protectrices de la santé des enfants .................. 22 A – La protection de la sécurité et de la santé de l’enfant ........... 22 1 – Les comportements dangereux .......................................... 22 2 – L’alcool et le tabac ................................................................ 23 B – La question de l’obésité enfantine .......................................... 25 1 – La réglementation en vigueur ............................................. 25 2 – Le projet de réforme ............................................................ 27 § 2. – Des mesures protectrices de la moralité des enfants ............ 30 A - L’interdiction d’un message contraire aux valeurs sociales . 30 B – L’interdiction de la violence et de la pornographie............... 32 1 – Principe ................................................................................. 32 2 – Application du principe ....................................................... 35 © Tous droits réservés 71 DEUXIÈME PARTIE : L’EFFICACITÉ DE LA RÉGLEMENTATION PROTECTRICE DES MINEURS FACE À LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE ......... 37 Chapitre premier – Une réglementation largement respectée du fait de nombreux contrôles........................................................................... 37 § 1. – Un système basé principalement sur l’autorégulation .......... 37 A – Le contrôle a priori exercé par le Bureau de Vérification de la Publicité .......................................................................................... 37 1 – La procédure de contrôle .................................................... 38 2 – L’efficacité du contrôle ........................................................ 39 B – La légitimité d’un tel système d’autorégulation .................... 41 1 - Une légitimité contestable ................................................... 42 2 - Une légitimité grandissante ................................................. 43 § 2. – Un contrôle a posteriori du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel .............................................................................................................. 44 A – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, protecteur de l’enfance ......................................................................................................... 44 1 - Une mission de protection de l’enfance ............................. 45 2 – Un système de responsabilité et non de censure .............. 46 B – Le caractère dissuasif du pouvoir de sanction du Conseil supérieur de l’audiovisuel ............................................................. 48 1 – Du communiqué au retrait de l’autorisation d’émettre .... 48 2 – Un système efficace.............................................................. 49 Chapitre II – Un regard sur le droit comparé........................................ 51 § 1. – Les différents systèmes de protection dans le monde ........... 51 A – Le modèle Suédois d’interdiction totale................................. 51 1 – Le système suédois .............................................................. 51 2 – Les autres systèmes d’interdiction de la publicité ............ 52 B – Les systèmes basés sur une réglementation du contenu publicitaire...................................................................................... 53 1 – Les différentes mesures d’encadrement du contenu publicitaire ................................................................................. 53 2 – L’échec de l’extension européenne du modèle Suédois .... 54 § 2. – Vers un système français d’interdiction ou d’éducation ? ..... 56 A – L’efficacité contestée de l’interdiction totale de la publicité destinée aux mineurs ..................................................................... 56 1- Des études contradictoires ................................................... 57 2 – Le cas particulier de la violence et la pornographie ......... 59 B – Une alternative { l’interdiction : l’éducation du jeune consommateur................................................................................ 61 © Tous droits réservés 72 1 - Le projet européen d’éducation des jeunes consommateurs ..................................................................................................... 61 2 - L’opportunité du choix de l’éducation du jeune consommateur ........................................................................... 62 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................... 67 Index ............................................................................................................. 69 TABLE DES MATIERES................................................................................ 70 © Tous droits réservés