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Durant des lustres, l’économie languit, alors que celle de l’Europe
occidentale prend son essor, alors que les maîtres turcs abandonnent
aux Grecs, aux Arméniens, aux Juifs et aux Levantins le soin de
commercer, de fréquenter Marseille, Londres ou Odessa, d’accumuler
le capital et de jouer avec les idées qui bouillonnent en Occident.
Aussi le XIX
e
siècle sonne-t-il un douloureux réveil pour les fils
d’Osman (1259-1326, le premier chef de la tribu turque des Osmanlis à
prendre le titre de sultan, il est le fondateur de la dynastie ottomane).
Convoité par la puissance russe dont le but stratégique est de faire
sauter le verrou des Détroits (Bosphore et Dardanelles) afin d’accéder
aux mers libres de glace, le vieil empire, encore impressionnant par son
étendue, se rend compte qu’il n’a plus les moyens de se défendre contre
des impérialismes européens résolus à profiter de leur écrasante
supériorité économique, technologique, militaire : la France s’empare
de l’Algérie en 1830 avant d’imposer son protectorat à la Tunisie en
1881 ; le Royaume-Uni occupe Chypre en 1878 contre la promesse
d’aider le sultan en cas de guerre russo-turque ; l’Autriche proclame
son protectorat sur la Bosnie et l’Herzégovine (1878) en attendant de
les annexer en 1908. Jusqu’à l’Italie qui, en mal d’empire colonial, se
jette sur la Libye puis sur le Dodécanèse en 1911-12.
Dans le sillage des révolutions françaises de 1789, 1830 et 1848,
l’Empire est par ailleurs confronté aux mouvements centripètes que
génère la diffusion des idées nationales et libérales, c’est-à-dire, pour
faire vite, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’aspiration à
remplacer la souveraineté d’un monarque absolu de droit divin – le
sultan est aussi calife (commandeur des croyants) –, par celle du peuple
que représente une assemblée élue.
Les révolutions serbes (1807, 1815) et grecque (1821) donnent le signal
aux peuples de la partie européenne de l’Empire qui obtiennent, les uns