I
140
R.
Waast
et
B.
Schlemmer
des temps
-
véritablement exister
à
I’ORSTOM
:
d’insensible, leur
proportion va passer, en dix ans,
à
près du quart des chercheurs
de l’organisme. Le recrutement puisait au vivier qui se constituait
en même temps dans quelques grandes universités,
à
la Sorbonne
en particulier,
où
Georges Balandier
-
directeur de la sociologie
à
I’ORSTOM
-
venait d’être nommé
à
la chaire nouvellement créée
de sociologie africaine.
A
l’heure du tiers-mondisme dominant et
de l’anti-impérialisme militant, le champ de la sociologie du déve-
loppement apparaissait comme central, et la discipline s’affichait
comme l’une des branches les plus dynamiques de la sociologie.
Elle apparaissait comme telle dans les manuels, elle disposait de
chaires
à
l’université
...
elle était,
à
I’ORSTOM,
la
raison d’être d’une
section de sociologie en pleine expansion et qui représentait, par
ailleurs, l’un des rares lieux
où
exercer concrètement la profession
dans cette branche. La sociologie est alors très sollicitée d’inter-
venir dans les grands débats qui partagent l’opinion. Or, la
méthode qualitative
-
généralement prônée par l’école française
-
permet un type de discours qui répondait mieux
à
l’attente du
public que celui répandu par la sociologie américaine jusque-là
dominante,. si aride dans sa volonté de quantification. En outre,
l’objet même de cette nouvelle branche de la sociologie se situait
au lieu d’une mauvaise conscience pour l‘ancienne puissance colo-
niale. Ces faits expliquent sans doute en partie la rapidité avec
laquelle elle sut se créer sa place institutionnelle. Sur le terrain,
les travaux donnèrent lieu
à
des avancées scientifiques tout
à
fait
importantes, et qui constituent sans doute l’essentiel d’un courant,
un temps très porteur, celui que l’on a appelé l’école française
d’anthropologie économique.
Mais celui-ci ne parvint pas
à
dépasser ses propres débats théo-
riques,
à
trouver d’autres publics. En France, pendant ce même
temps, les formations de recherche avaient vu rapidement dimi-
nuer leurs crédits propres, tandis que des fonds de financement
publics s’étaient créés
:
problèmes posés et problématiques se res-
serrèrent sur le champ de l’Hexagone et se redéfinirent autour des
enjeux nationaux. Des domaines spécialisés
-
qui vont devenir des
secteurs forts de la discipline
-
surent se structurer et se profes-
sionnaliser dans cette optique
:
sociologie électorale, sociologie
rurale, sociologie du travail, de l’éducation
...
Autour d’œuvres for-
tes, auxquelles était donné le temps de s’élaborer, de nouveaux
courants prirent forme, prirent parfois figure d’école
:
sociologie
de l’action, de la reproduction, de l’organisation
...
Bien entendu,
.
+
Sociologie
du
développement
?
141
ces nouvelles donnes répondaient
à
de nouvelles demandes, cha-
cune en rapport avec des publics et des milieux professionnels spé-
cifiques, dans des domaines de vives transformations sociales ou
de forts enjeux.
De ces recompositions, les jeunes praticiens d’une sociologie du
dévelqqement se trouvaient
à
l’écart. Cessant d’être portés par
un espoir de transformation du monde, pâtissant au contraire de
la désaffection des marxismes (qui
va
marginaliser encore l’anthro-
pologie économique), confrontés
à
I’échec de tous les modèles poli-
tiques et économiques du développement, ils ne surent ou
-
sans
doute
-
ne purent, faute de temps, consolider leur branche en un
courant dynamique, indispensable, de la sociologie française con-
temporaine. Exerçant en diaspora, dans des pays généralement
dépourvus de communautés scientifiques, tenus par les orienta-
tions d’un financement pour l’essentiel lié, directement ou non, aux
interventions de Coopération française et
h
l’articulation princi-
pale avec le seul milieu professionnel du développement agricole,
ils ne parvinrent pas davantage
à
se situer dans les nouvelles
découpes de champs spécialisés qui, se formaient en France
...
II.
-
LA
RCFORME
DE
1982
En 1981, l’existence et le devenir de
I’ORSTOM
viennent en dis-
cussion
:
doit-on conserver un tel institut spécialisé ou ne vaudrait-
il pas mieux l’intégrer dans des organismes classiques de la pro-
duction scientifique
?
La réforme conservera l‘atout d‘une commu-
nauté scientifique orientée vers les problèmes des
((
pays en
développement
D,
mais au terme d’un véritable
aggiornamento,
structurant l’Institut en huit
U
départements
))
multidisciplinaires,
constitués autour de thèmes facilitant la finalisation des recher-
ches. Pour les sciences sociales, nous nous proposons d’analyser
cette
mise
àjour selon une double approche:
-
celle de l’aventure institutionnelle et scientifique qui s’est jouée
là, avec ses changements de cours (organisationnel, géographi-
que, thématique), ses reculs,
ou
ses avancées, devant des
contraintes peu
à
peu révé1Ces;
-
celle du repositionnement qui en est résultd, avec un rappro-
chement vers la découpe générale des sciences sociales en
France, comme avec de symptomatiques décalages.
.