En tant que telle, elle préexisterait à la connaissance qu’on peut en avoir.
Et, puisque la vérité est cachée dans les faits comme une noix dans sa
coquille (Bergson, La Pensée et le Mouvant, in Œuvres, Éd. du Centenaire,
PUF, 1963, p. 1445), la connaissance (la science) se limiterait à une activité de
découverte, c’est-à-dire que son rôle serait seulement de dévoiler la vérité,
autrement dit d’ôter le voile qui jusqu’alors la masquait. En ce sens, le savoir
se réduirait à une simple mise en évidence de ce qui existe déjà : il
n’ajouterait rien à la réalité. L’emploi systématique, dans les deux premières
phrases, du mode conditionnel, traduit de la part de Bergson une intention
critique : c’est là le signe qu’il refuse une telle conception de la vérité.
II. Mais, avant de réfuter cette conception de la vérité, Bergson, dans une
seconde étape de son raisonnement, nous en explique l’origine. Elle a ses
racines, selon lui, dans une disposition naturelle de notre esprit à considérer
la réalité comme constituant un tout ordonné, et par conséquent stable (cf.
lignes 8-9 : « un tout parfaitement cohérent et systématisé », et ligne 9 : «
armature logique »). L’idée de Bergson, c’est qu’il y a là une exigence, un
besoin impérieux de notre esprit. Notre intelligence est caractérisée, dit-il, par
« un certain besoin de simplifier et de généraliser ce qu’elle perçoit » (Cours
I, PUF, 1990, p. 152). Nous avons donc spontanément tendance à organiser, à
unifier la réalité qui nous entoure, et cette mise en ordre du réel, c’est ce qui
constitue la raison. Pour Bergson donc, l’ordre n’est pas dans les choses, c’est
notre esprit qui l’y introduit. Mais pourquoi ? Parce que cela satisfait notre
raison qui retrouve dans la réalité comme une image d’elle-même (La Pensée
et le Mouvant, in Œuvres, op. cit., p. 1442). C’est ce qui explique que les
vérités scientifiques, les lois, constituent tout naturellement pour nous l’«
armature logique » de la réalité, c’est-à-dire que nous concevons le réel
comme étant en lui-même ordonné. Et ce que nous appelons vérité se
confondrait avec cet ordre immanent à la réalité.
III. Pourtant, si nous nous en tenons à ce que James appelait : «