La Métaphysique
insiste sur la dimension logique, c’est-à-dire ici, dialectique et spéculative, de
l’identification hegelienne de l’être avec Dieu.
2. C’est à propos du savoir absolu de l’absolu, dans la béatitude de la
possession de soi qui caractérise la vie de l’Esprit divin, que Heidegger
introduit le concept d’onto-théo-logie (plus loin : onto-théo-ego-logie, à la suite
de la métaphysique moderne de la subjectivité, reprise par l’idéalisme
allemand).
3. Cette appellation vient du fait que Hegel accomplit la démarche
traditionnelle de l’ontologie, rechercher l’être de l’étant, à partir d’un étant
particulier, l’absolu. C’est parce que la pensée de Hegel est une ontologie de
l’absolu, une ontologie du divin, qu’elle est une onto-théo-logie.
4. Mais ce que stigmatise Heidegger, ce n’est pas que le divin soit
déterminé à partir de l’être, thèse banale depuis Duns Scot et Suarez. C’est
précisément l’inverse, une thèse proprement hegelienne : que l’étant et le logos
sont déterminés à partir du divin : « C’est à partir de son être que tout étant et
que le sont déterminés ». – autrement dit, que le commencement soit déjà
un résultat, ou que l’être soit déjà divin, et que le logos soit déjà concept.
5. Par conséquent, Heidegger pourra insister sur une thèse : l’onto-théo-
logie hegelienne ne constitue pas une simple théologie rationnelle, une branche
de l’ontologie comme la métaphysique spéciale. Car chez Hegel, la théologie
détermine de fond en comble l’ontologie : « Cette expression ne doit pas
signifier simplement que la philosophie est orientée vers la théologie, ou même
qu’elle en est une au sens du concept – [...] – de la théologie spéculative ou
rationnelle ». – L’onto-théo-logie au sens strict ne se confond pas avec l’onto-
théologie au sens kantien, celle qui achève la théologie transcendantale. « Or
puisque toutes les preuves purement spéculatives aboutissent à une seule preuve
de Dieu, la preuve ontologique, la théologie transcendantale, même si elle a une
dimension cosmothéologique [...], est fondamentalement une ontothéologie »
5
.
Ainsi, Kant fait de l’ontothéologie la vérité inéluctable de la métaphysique,
désignant par là son couronnement par un idéal transcendantal, la preuve
ontologique étant alors ce qui prétend achever l’unité systématique de
l’ontologie. Mais l’onto-théo-logie au sens strict, celle que Heidegger déchiffre
chez Hegel, est au commencement et non à la fin comme chez Kant. Elle
correspond à ce que Heidegger appelle « absolute Metaphysik » dans le cours
de l’été 29
6
.
6. L’onto-théo-logie, au sens primordial, ne doit donc pas être confondue
avec l’accomplissement de la métaphysique d’Aristote en
, que Heidegger mentionne pour mémoire et pour s’en distinguer :
5
I. Kant, Kritik der reinen Vernunft ; trad. fr. par A. Delamarre et F. Marty, Critique de la
raison pure, in Œuvres philosophiques I, Pléiade, Paris, 1980 (A 816 / B 844 ; tr. fr. I,
1373).
6
M. Heidegger, Der deutsche Idealismus (Fichte, Schelling, Hegel) und die
philosophische Problemlage der Gegenwart, GA Bd. 28, hrsg. v. C. Strube, Klostermann,
Frankfurt am Main, 1997, § 3, 33.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 10h24. © Vrin
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