Une bibliographie - Médiathèque de Martigues

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REXISTENCE
Bibliographie réalisée par
La Médiathèque Louis Aragon
et la librairie L’Alinéa
mars 2009
Médiathèque Louis Aragon
Quai des Anglais
13500 Martigues
Tél. : 04.42.80.27.97
www.mediatheque-martigues.fr
Librairie L’Alinéa
rue Jean Roque
13500 Martigues
Tél. : 04.42.42.19.03
www.librairielaniea.fr
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Bibliographie établie pour enrichir et poursuivre le débat autour des
ouvrages :
Biaggi, Vladimir . – Eloge de la rexistence . – Aléas. – 20009
On peut considérer cet ouvrage comme un manuel de “savoir vivre”. En effet, après avoir lu, transcrit et
annoté les carnets intimes de son père, Émile Biaggi, Vladimir a compris qu’il découvrait dans ces
lignes rédigées en captivité (à partir de 1940) dans un camp de travail, près de Munich et de Dachau,
une étonnante leçon de vie et de survie au quotidien.
La question se pose ainsi : comment demeurer humain dans un univers déshumanisé ? Exister, c’est
d’abord résister. Telle est la réponse, examinée dans un bref essai préliminaire dont Vladimir Biaggi
révèle le sens dans le mot-valise du titre : “éloge de la réxistence”.
Rajchman, Chil. – Je suis le dernier juif : Tréblinka (1942-1943). – Les Arènes. – 2009.
Chil Rajchman a 28 ans quand il est déporté à Treblinka en octobre 1942. Séparé de ses compagnons à
la descente du train, il échappe aux chambres à gaz en devenant tour à tour trieur de vêtements,
coiffeur, porteur de cadavres ou « dentiste ». Le 2 août 1943, il participe au soulèvement du camp et
s'évade.Après plusieurs semaines d'errance, Chil Rajchman se cache chez un ami près de Varsovie. La
guerre n'est pas finie. Dans un carnet, il raconte ses dix mois en enfer.
À la Libération, il est l'un des 57 survivants parmi les 750 000 Juifs envoyés à Treblinka pour y être
gazés. Aucun camp n'avait été aussi loin dans la rationalisation de l'extermination de masse.
Ce texte, publié pour la première fois, est unique. Écrit dans l'urgence, avant même la victoire sur les
nazis, il s'inscrit parmi les plus grands.
SOURCES
OUVRAGES CITES DANS PREFACE DE Vladimir BIAGGI
Kertesz, Imre. - Etre sans destin. - Actes Sud. – 1998.
Né dans une famille juive de Budapest en 1929, Imre Kertész a été déporté en 1944, à l'âge de quinze ans,
à Auscbwitz puis à Buchenwald. Il est libéré en 1945. Depuis 1953, il se consacre à l'écriture et à la
traduction.
Et malgré la réflexion, la raison, le discemement, le bon sens, je ne pouvais pas méconnaître la voix d'une
espèce de désir sourd, qui s'était faufilée en moi, comme honteuse d'être si insensée, et pourtant de plus en
plus obstinée : je voudrais vivre encore un peu dans ce beau camp de concentration."
De son arrestation, à Budapest, à la libération du camp, un adolescent a vécu le cauchemar d'un temps
arrêté et répétitif, victime tant de l'horreur concentrationnaire que de l'instinct de survie qui lui fit
composer avec l'inacceptable. Parole inaudible avant que ce livre ne la vienne proférer dans toute sa force et ne pose la
question de savoir ce qu'il advient, quand il est privé de tout destin, de l'humanité de l'homme.
Imre Kertész ne veut ni témoigner ni "penser" son expérience mais recréer le monde des camps, au fil d'une impitoyable
reconstitution immédiate dont la fiction pouvait seule supporter le poids de douleur.
2
La Boétie, Etienne De. - Le discours de la servitude volontaire. - Payot. – Petite bibliothèque. - .
2002
Comment se fait-il que les hommes combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut
? Cette question, qui sera reprise par Spinoza et réactualisée par la domination totalitaire, est au cœur
du Discours de la servitude volontaire de La Boétie.
Loin d'être un pamphlet d'inspiration libérale et démocratique, comme l'a cru à tort la postérité, ce
livre reste à découvrir ; Pierre Clastres et Claude Lefort s'efforcent ici d'arracher La Boétie à la
méconnaissance. N'est-il pas le grand antagoniste à la hauteur de Machiavel ? Comme si leurs deux
noms symbolisaient le paradoxe du politique : Machiavel pensait le pouvoir avec la liberté ; La
Boétie pensait le pouvoir contre la liberté.
Levi, Primo. - Si c’est un homme. - Pocket. – 1988.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Primo Levi, vingt-quatre ans, juif, lutte aux côtés des maquisards
antifascistes du Piémont. Capturé en 1943, il se retrouve peu après à Auschwitz, où il demeurera plus d'un
an avant d'être libéré par l'armée russe en janvier 1945.
Au camp, il observe tout. Il se souviendra de tout, racontera tout : la promiscuité des blocks-dortoirs, les
camarades qu'on y découvre à l'aube, morts de froid et de faim ; les humiliations et le travail quotidiens,
sous les coups de trique des kapos ; les «sélections» périodiques où l'on sépare les malades des bienportants pour les envoyer à la mort ; les pendaisons pour l'exemple ; les trains, bourrés de juifs et de
tziganes, qu'on dirige dès leur arrivée vers les crématoires...
Et pourtant, dans ce récit, la dignité la plus impressionnante ; aucune haine, aucun excès, aucune exploitation des
souffrances personnelles, mais une réflexion morale sur la douleur, sublimée en une vision de la vie..
Platon . – Gorgias . – Flammarion . – 2005 . – GF
Sartre, Jean-Paul. - Situations III : lendemains de guerre. - Gallimard. – Blanche. - .
SOURCES : RECITS ET TEMOIGNAGES
- Des voix sous la cendre : manuscrits des Sonderkommandos d'Auschwitz-Birkenau
publié par Mémorial de la Shoah. - Calmann-Lévy. – Mémorial de la Shoah. - 2005.
Entre 1942 et novembre 1944, l'Allemagne nazie assassine dans les chambres à gaz d'AuschwitzBirkenau plus d'un million de personnes, des juifs européens dans leur immense majorité. Un
Sonderkommando (unité spéciale), constitué de détenus juifs qui se relaient jour et nuit, est contraint
d'extraire les cadavres des chambres à gaz, de les brûler dans les crématoires et de disperser les cendres.
Quelques hommes ont transcrit ces ténèbres et ont enfoui leurs manuscrits dans le sol de Birkenau.
Cinq de ces textes ont été retrouvés après la guerre. Aucun de leurs auteurs n'a survécu, les équipes
étant liquidées et remplacées à intervalles réguliers. Ce sont trois de ces manuscrits, dans une nouvelle
traduction du yiddish pour partie inédite en français, qui sont présentés ici. La terreur, qui est la règle à
Birkenau, est la toile de fond de cette histoire. C'est d'elle dont parlent tous les manuscrits retrouvés. Du silence, de
l'absence d'évasion, de ce monde à l'envers où le meurtre est devenu la norme et l'impératif moral d'un peuple saisi
d'une angoisse obsidionale.
S'y ajoutent les dépositions, lors du procès de Cracovie en 1946, de trois rescapés des Sonderkommandos, témoignages
qui confirment, entre autres, l'intensité du massacre des Juifs de Hongrie au printemps 1944, les documents d'histoire,
les photos de déportations, les archives allemandes. Témoignages qui racontent la panique de la chambre à gaz, des
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victimes mortes asphyxiées, piétinées avant même que n'opère le gaz, dans des scènes à proprement parler
inimaginables. Mais qui évoquent aussi la jouissance prise à humilier et à martyriser autrui, le sadisme sans limites,
puisque tout était permis contre un peuple placé hors humanité.
Amery, Jean. - Par-delà le crime et le châtiment : essai pour surmonter l’insurmontable. – Actes
sud. – Babel. - 2005.
Hans Maier (1912-1978) prit le nom de Jean Améry en 1955. Rescapé des camps, il se consacra à son
oeuvre critique et littéraire. Comment "penser" Auschwitz quand on en réchappa ? Comment l'intellectuel
réagissait-il devant la mort et la souffrance alors que toute représentation esthétique s'était effondrée ? Que
faire du ressentiment ? L'esprit peut-il sortir indemne de la confrontation avec l'univers concentrationnaire
? La foi est-elle indispensable à l'âme révoltée ?
En 1943, Jean Améry fut torturé par la Gestapo pour son activité dans la Résistance belge, puis déporté à
Auschwitz parce que juif. Au long des pages de cet Essai pour surmonter l'insurmontable, l'écrivain
autrichien explore avec lucidité ce que l'univers concentrationnaire lui a enseigné sur la condition de tout
homme meurtri par une réalité monstrueuse. Ce livre "sur les frontières de l'esprit" est la manifestation éclatante d'un
esprit sans frontières, d'un humaniste rayonnant.
Antelme, Robert. - L'espèce humaine. - Gallimard. – Tel. - 1979.
« Il y a deux ans, durant les premiers jours qui ont suivi notre retour, nous avons été, tous je pense,
en proie à un véritable délire. Nous voulions parler, être entendus enfin. On nous dit que notre
apparence physique était assez éloquente à elle seule. Mais nous revenions juste, nous ramenions
avec nous notre mémoire, notre expérience toute vivante et nous éprouvions un désir frénétique de la
dire telle quelle. Et dès les premiers jours cependant, il nous paraissait impossible de combler la
distance que nous découvrions entre le langage dont nous disposions et cette expérience que, pour la
plupart, nous étions encore en train de poursuivre dans notre corps. Comment nous résigner à ne pas
tenter d'expliquer comment nous en étions venus là ? Nous y étions encore. Et cependant c'était
impossible. À peine commencions-nous à raconter, que nous suffoquions. À nous-mêmes, ce que nous avions à dire
commençait alors à nous paraître inimaginable… »
Bettelheim, Bruno. - Survivre. - Laffont. - 1979.
A la fois somme et testament Survivre fait le point de trente ans de réflexion sur l'homme d'aujourd'hui, à
partir de grands thèmes que Bettelheim nous a rendus familiers : la menace que représente une "
civilisation de masse " écrasante et destructrice : les problèmes posés par l'éducation ; la sexualité, la
violence, la " volonté d'échec " ; le témoignage porté par le survivant du camp de concentration, la
culpabilité qu'il ressent d'avoir survécu.
Autant de réflexions et de témoignages qui bousculent les diagnostics péremptoires stéréotypés et
confortables dont nous nous contentons trop souvent.
Buber-Neumann, Margarete . - Déportée en Sibérie . - Seuil. - 1986.
Déportée en Sibérie. En 1926, à vingt-cinq ans, Margarete Buber-Neumann, qui était née à Potsdam,
entre au parti communiste allemand. Après un premier mariage, elle devient la compagne de Heinz
Neumann, l'un des leaders du Parti, auquel il avait adhéré dès l'âge de dix-sept ans. Heinz était député
au Reichstag et membre du bureau politique et, comme tel, il jouera un rôle très important dans la vie
politique allemande au cours des années décisives qui précédèrent l'arrivée au pouvoir de Hitler. Ayant
fui le nazisme en Suisse - qui refusera l'extradition réclamée par Hitler -, le couple se retrouvera à
Moscou. Mais, en 1937. Heinz est arrêté et disparaît. Plus tard, Margarete, jugée à son tour
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"déviationniste", est arrêtée et condamnée à cinq ans de travail forcé dans un "camp d'amélioration", à Karaganda, dans
les steppes du Kazakhstan sibérien. Un "geste d'amitié" de Staline à Hitler, en 1940, lui vaut d'être livrée à la Gestapo,
avec d'autres prisonniers allemands et autrichiens, à Brest-Litowsk. Margarete sera internée au camp de concentration
pour femmes de Ravensbrück, d'août 1940 jusqu'en avril 1945. C'est dans ce camp qu'elle rencontrera Milena Jesenská,
célèbre journaliste tchèque à qui, au début des années vingt, Kafka avait adressé les magnifiques Lettres à Milena. En
1963, Margarete consacrera à son amie un bouleversant témoignage d'amour, Milena, tenant ainsi la promesse qu'elle
avait faite à Milena, alors que celle-ci, en mai 1944, agonisait à l'infirmerie du camp. Après la guerre, le témoignage de
Margarete Buber-Neumann au procès Kravchenko devait faire sensation. C'était la première fois qu'un témoin digne de
foi venait attester l'existence des camps de déportés politiques en Sibérie.
Le présent livre est une réédition de l'ouvrage publié en 1949 par les Cahiers du Rhône (La Baconnière et Editions du
Seuil), avec une postface d'Albert Béguin. En 1948, l'Allemagne et la Suède avaient déjà publié ce document dans un
gros livre qui regroupait à la fois ce récit et celui concernant la déportation à Ravensbrück, sous le titre unique :
Déportée sous Staline et Hitler
Buber-Neumann, Margarete . - Déportée à Ravensbrück . - Seuil. – 1988.
Margarete Buber-Neumann, née en 1901 à Potsdam, elle fut la compagne de Heinz Neumann, l'un des
leaders du Parti communiste allemand dans les années 20. A Moscou, où ils se sont réfugiés pour fuir le
nazisme, Heinz est arrêté et porté disparu. Margarete est envoyée en Sibérie puis, en 1940, livrée à la
Gestapo par Staline. Libérée en 1945, Margarete Buber-Neumann vivra à Francfort où elle décédera le 6
novembre 1989.
En 1940, Margarete Buber-Neumann est internée au camp de Ravensbrück où elle survivra jusqu'en
avril 1945. C'est dans ce camp qu'elle rencontre Milena Jesenskà, dont elle veillera l'agonie sur une
paillasse de l'infirmerie en mai 1944, et à qui elle consacrera une admirable biographie, Milena. A la
sortie du camp, épuisée, enfin libre, elle entreprend un extraordinaire périple à travers l'Allemagne exsangue. La
précision du témoignage sur Ravensbrück a fait de ce livre un document capital sur la déportation, second volet de son
ouvrage Prisonnière de Staline et de Hitler.
Delbo, Charlotte . - Le convoi du 24 janvier. - Minuit. – Grands documents. - 1998.
Venues de toutes les régions de France et de tous les horizons politiques, issues de toutes les couches
sociales, représentant toutes les professions, d'âges mêlés mais où dominait la jeunesse, deux cent trente
femmes quittaient Compiègne pour Auschwitz, à trois jours et trois nuits de train dans les wagons à
bestiaux verrouillés, le 24 janvier 1943.
Sur deux cent trente, quarante-neuf reviendraient, et plus mortes que vives.
La majorité d'entre elles étaient des combattantes de la Résistance, auxquelles était mêlée la proportion
habituelle de “ droit commun ” et d'erreurs judiciaires.
Nous disons “ proportion habituelle ” parce qu'il est apparu que deux cent trente individus constituaient
un échantillon sociologique, de sorte que ce livre donne une image de tous les convois de déportés, montre tous les
aspects de la lutte clandestine et de l'occupation, toutes les souffrances de la déportation.
Charlotte Delbo, comme Picasso (Guernica), comme Alain Resnais (Nuit et brouillard), comme Claude Lanzmann
(Shoah), a choisi de rendre compte des camps nazis par la distance particulière de l’art – cette fois l’écriture.
Charlotte Delbo fut l’une des quarante-neuf rescapées du camp d’Auschwitz sur les deux cent trente femmes déportées
“ politiques ” que comptait le convoi du 24 janvier 1943.
Elle est décédée le 1er mars 1985.
Edelman, Marek. - Mémoires du ghetto de Varsovie : un dirigeant de l'insurrection raconte. Liana Levi. – Piccolo. - 2002.
Marek Edelman, né en 1921, militant au Bund, membre de l'état-major de l'insurrection du ghetto,
prend part à l'insurrection de la ville de Varsovie en 1944. Après la guerre, il fera des études de
médecine, et dirigera un service de cardiologie à l'hôpital de Lodz. Membre de Solidarnosc dans les
années 80, il est aujourd'hui une figure incontournable de la vie publique polonaise.
Varsovie, 19 avril 1943 : la Wehrmacht attaque le ghetto pour liquider ses derniers occupants. Ceux-ci
ripostent par les armes. Marek Edelman, vingt ans, fait partie de l'état-major de cette insurrection qui
tiendra vingt jours. Le 10 mai, alors que le ghetto est en flammes, il parvient à s'échapper par les
égouts. En 1945, il fera le récit sobre de ce combat désespéré et de cette "vie à la frontière de la mort".
C'est ce témoignage d'exception qui est présenté ici.
"Il ne s'agissait pas pour eux de vaincre l'adversaire, le nazi, mais de l'emporter sur le silence, l'indifférence, l'oubli."
5
Ehrenbourg, Ilya - Grossman, Vassili. - Le livre noir. - Solin. – 1999.
Le 22 juin 1941, les troupes allemandes envahissent l'union soviétique. " L'opération Barberousse ",
aux yeux d'Hitler, le début de la guerre d'anéantissement du "judéo-bolchévisme". Alors que son armée
est obligée de reculer, Staline accepte la création d'un Comité antifasciste juif. Au cours d'une tournée
aux Etats-Unis, une délégation de ce comité rencontre Albert Einstein qui suggère que soient désormais
consignées dans un " livre noir les atrocités commises par les Allemands sur la population juive de
l'URSS. Réalisée sous la direction d'Ilya Ehrenbourg et de Vassili Grossman, cette relation " sur
l'extermination scélérate des Juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions
provisoirement occupées de l'URSS et dans les camps d'extermination en Pologne pendant la guerre de
1941-1945 " est assez avancée en 1945 pour être envoyée au procureur soviétique du procès de Nuremberg, puis aux
Etats-Unis où elle est publiée. L'édition russe du " livre noir ", elle, ne verra jamais le jour : d'abord censurée, elle sera
définitivement interdite en l947. En 1952, les principaux dirigeants du Comité antifasciste juif sont condamnés à mort et
exécutés d'une balle dans la nuque. Après l'écoulement de l'URSS et grâce à Irna Ehrenbourg, la première édition
intégrale en russe du Livre noir a enfin pu être publiée en 1993 à Vilnius. La présente édition se veut le plus fidèle
possible à ce livre retrouvé, terrible page d'histoire directe et témoignage bouleversant.
Gradowski, Zalmen. - Au coeur de l'enfer : témoignage d'un Sonderkommando d’Auschwitz. Kimé. – Le sens de l’histoire. - 2001.
Zalmen Gradowski faisait partie de ces «équipes spéciales», Sonderkommandos en allemand, qui,
assurant le fonctionnement des chambres à gaz et des crématoires d'Auschwitz-Birkenau, assistaient
aux opérations de gazage. En écrivant Au cœur de l'enfer, Gradowski témoigne de la disparition de son
peuple et de tout ce que cette disparition entraîne avec elle. En ce sens, à la valeur historique de ce
document, s'ajoute une remarquable valeur de transmission de la culture et du monde que Gradowski
voit disparaître devant ses yeux. L'étonnante qualité de ce texte vient de la vocation d'écrivain que
l'auteur avait déjà manifestée avant-guerre, sans que la possibilité de publier lui soit donnée à temps ;
accomplissement tragique, il ne réalise son destin littéraire que dans des conditions d'existence
infernales.
Gradowski rédige ce texte en 1944 et il l'enfouit près d'un crématoire avant d'être assassiné. Infortune de la mémoire, le
manuscrit, découvert après-guerre, n'est édité en yiddish en Israël que tardivement (éd. Wollnerman, 1977) et seuls
quelques extraits sont, par la suite, traduits aux Etats-Unis. Cette édition française est la première édition intégrale,
disponible publiquement, de Au Cœur de l'enfer.
Cette édition a été dirigée et son appareil critique préparé par Philippe Mesnard, auteur d'ouvrages sur la mémoire et la
représentation, et Carlo Saletti, éditeur, en 1998, de Il racconto della catastrophe (Société littéraire de Vérone, 1998) et
de La Voce dei Sommersi (Marsilio, Venise, 1999).
Guterman, Simha. - Le livre retrouvé. – Plon. - 1991.
En 1942, en Pologne, un juif, Simha Guterman, cache dans une bouteille de longues et étroites bandes
de papier, couvertes de sa fine écriture yiddish. En 1978, deux maçons polonais découvrent la bouteille
sous la marche d'un escalier
Ce récit du calvaire des Juifs de Plock entre le début de la guerre, en septembre 1939, et la destruction
du ghetto, en mars 1941, est bien plus qu'un nouveau témoignage sur la Shoah. Au plus fort du danger,
Simha Guterman s'était fait écrivain, s'efforçant de tout dire dans un mélange d'émotion et de réserve, de
colère et de dérision. Le résultat est une œuvre, ultime acte de résistance contre l'oubli et la mort, où
l'écriture donne sens à l'existence, au cœur du non-sens. Enfermé dans une bouteille enfouie trente-six
ans durant, ce manuscrit fut découvert par hasard. Une série d'aléas favorables, un enchaînement de rencontres
opportunes ont jalonné son histoire, de Radom à Varsovie, puis à New York, à Tel-Aviv et enfin à Paris. A chaque
étape, il y eut un passeur pour le sauver de l'oubli.
6
Hillesum, Etty. - Une vie bouleversée : journal 1941-1943 ; Suivi de Lettres de Westerbork. Seuil. – Points. - 1995.
De 1941 à 1943, à Amsterdam, une jeune femme juive de vingt-sept ans tient un journal. Le résultat: un
document extraordinaire, tant par la qualité littéraire que par la foi qui en émane. Une foi indéfectible en
l'homme alors qu'il accomplit ses plus noirs méfaits.
Partie le 7 septembre 1943 du camp de transit de Westerbork, d'où elle envoie d'admirables lettres à ses
amis, Etty Hillesum meurt à Auschwitz le 30 novembre de la même année.
«Je sais déjà tout. Et pourtant je considère cette vie belle et riche de sens. À chaque instant.»
«Avec une grande liberté, elle pose toutes les questions de la vie, de l'amour, du rapport à Dieu.»
Hoess, Rudolf. - Le commandant d'Auschwitz parle. – La Découverte. – 1995.
Dans sa première édition, en 1959, le Comité international d'Auschwitz présentait ainsi ce livre :
«Rudolf Hoess a été pendu à Auschwitz en exécution du jugement du 4 avril 1947. C'est au cours de sa
détention à la prison de Cracovie, et dans l'attente du procès, que l'ancien commandant du camp
d'Auschwitz a rédigé cette autobiographie sur le conseil de ses avocats et des personnalités polonaises
chargées de l'enquête sur les crimes de guerre nazis en Pologne. [...]
«Conçu dans un but de justification personnelle, mais avec le souci d'atténuer la responsabilité de son
auteur en colorant le mieux possible son comportement, celui de ses égaux et des grands chefs SS, ce
document projette une lumière accablante sur la genèse et l'évolution de la "Solution finale" et du
système concentrationnaire. Ce "compte rendu sincère" représente l'un des actes d'accusation les plus écrasants qu'il
nous ait été donné de connaître contre le régime dont se réclame l'accusé, et au nom duquel il a sacrifié, comme ses
pairs et supérieurs, des millions d'êtres humains en abdiquant sa propre humanité.»
Lanzmann, Claude. - Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures : scénario. - Cahiers du cinéma. –
Cahiers du cinéma - récit. - 2001.
«C'est à partir d'un entretien que m'avait accordé Yehuda Lerner à Férusalem, en 1979, pendant le
tournage de Shoah, que j'ai réalisé Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, lieu, jour, mois, année, heure de
la seule révolte réussie d'un camp d'extermination nazi. Dans les paysages et les lieux d'aujour d'hui qui
sont immuablement ceux d'alors, le David non-violent qui porta le premier coup mortel, se fait le héraut
d'un film mythologique et le maître d'un suspense qui croît jusqu'à la dernière image, à l'instant où se
réinstaurent l'ordre humain et le règne de la liberté.»
Lanzmann, Claude. - Shoah. - Fayard. – 1985.
Il n'est pas facile de parler de Shoah. Il y a de la magie dans ce film, et la magie ne peut pas s'expliquer.
Nous avons lu, après la guerre, des quantités de témoignages sur les ghettos, sur les camps
d'extermination ; nous étions bouleversés. Mais, en voyant aujourd'hui l'extraordinaire film de Claude
Lanzmann, nous nous apercevons que nous n'avons rien su. Malgré toutes nos connaissances, l'affreuse
expérience restait à distance de nous. Pour la première fois, nous la vivons dans notre tête, dans notre
cœur, notre chair. Elle devient la nôtre. Ni fiction ni documentaire, Shoah réussit cette re-création du
passé avec une étonnante économie de moyens : des lieux, des voix, des visages. Le grand art de Claude
Lanzmann est de faire parler les lieux, de les ressusciter à travers les voix, et, par-delà les mots,
d'exprimer l'indicible par des visages. [...]
La construction de Claude Lanzmann n'obéit pas à un ordre chronologique, je dirais - si on peut employer ce mot à
propos d'un tel sujet - que c'est une construction poétique.
Jamais je n'aurais imaginé une pareille alliance de l'horreur et de la beauté. Certes, l'une ne sert pas à masquer l'autre, il
ne s'agit pas d'esthétisme : au contraire, elle la met en lumière avec tant d'invention et de rigueur que nous avons
conscience de contempler une grande œuvre. Un pur chef-d'œuvre.
S. de B.
7
Levi, Primo. - Les Naufragés et les rescapés : quarante ans après Auschwitz. - Gallimard. –
Arcades. - 1989.
Primo Levi (1919 - 1987) n'examine pas son expérience des camps nazis comme un accident de
l'Histoire, mais comme un événement exemplaire qui permet de comprendre jusqu'où peut aller
l'homme dans le rôle du bourreau ou dans celui de la victime.
Quelles sont les structures d'un système autoritaire et quelles sont les techniques pour anéantir la
personnalité d'un individu ? Quel rapport sera créé entre les oppresseurs et les opprimés ? Comment se
crée et se construit un monstre ? Est-il possible de comprendre de l'intérieur la logique de la machine de
l'extermination ? Est-il possible de se révolter contre elle ?
Primo Levi ne se borne pas à décrire les aspects des camps qui restaient obscurs jusqu'à aujourd'hui,
mais dresse un bilan pour lutter contre l'accoutumance à la dégradation de l'humain.
Muller, Filip. - Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz. - Pygmalion. – 2005.
«Le livre de Filip Müller est un document unique. En prendre connaissance est un devoir, si nous
voulons assurer la survie de notre civilisation.»
Traumatisé à vie, Filip Müller, après avoir surmonté les limites extrêmes du désespoir, a finalement
décidé, en 1979, de se souvenir. Afin que nul n'oublie.
Voici à nouveau disponible le récit de son innommable expérience vécue qui a suscité une intense
émotion à sa parution. Müller, dont le témoignage sur la réalité des camps de la mort n'est comparable à
aucun autre, est en effet l'un des uniques survivants des commandos spéciaux des fours crématoires,
commandos où se trouvaient enrôlés de force de jeunes déportés suffisamment robustes pour exécuter,
sous la menace d'une mort immédiate en cas de refus, les tâches les plus immondes et les plus éprouvantes jamais
demandées à des hommes. A intervalles réguliers, l'effectif complet de ces commandos était à son tour radicalement
éliminé, afin qu'aucun survivant ne puisse jamais parler.
Filip Müller, par un extraordinaire concours de circonstances, a miraculeusement survécu. Il a, pendant trois ans,
pratiquement assisté au massacre de tout un peuple, partagé les derniers instants de tous ceux qui allaient mourir,
procédé, avec ses propres mains, et dans d'indicibles conditions au transfert et à l'incinération de leurs cadavres.
Son histoire, véritablement dantesque, dépouillée de tout artifice littéraire ou artistique, ne s'embarrasse d'aucune
considération d'ordre psychologique. C'est uniquement le constat détaillé et souvent insoutenable d'un hallucinant
cauchemar, un document historique exceptionnel à l'état brut, au ton volontairement neutre, car il est des expériences
qui coupent à jamais toute envie de philosopher.
Perechodnik, Calel. - Suis-je un meurtrier ? - L. Levi. – Histoire. - 1995.
Calel Perechodnik, juif polonais, fut policier dans le ghetto d'Otwock, près de Varsovie. Il entreprit le
7 mai 1943, neuf mois après la déportation de sa femme et de sa fille, de rédiger une sorte de
confession, mêlant des souvenirs, les éléments d'une chronique et d'un journal intime.
Ringelblum, Emmanuel. - Chronique du ghetto de Varsovie. - Laffont. – 1993.
Emmanuel Ringelbaum a 39 ans en 1939 quand les Allemands envahissent la Pologne. Il est historien,
sociologue, mais aussi homme d'action et militant politique. Il commence à tenir son journal dès octobre
1939, pour porter témoignage de la catastrophe qui va s'abattre sur les Juifs. Le texte sera enterré à la
veille de la première tentative d'insurrection du ghetto, et ne sera retrouvé qu'en 1946.
8
Rotem, Simha. - Mémoires d'un combattant du ghetto de Varsovie. - Ramsay. – L’Indicible. 2008.
Au coeur de la résistance du ghetto de Varsovie, femmes et hommes d'à peine vingt ans, affamés,
armés de leur seul courage et de quelques pistolets, défient la machine de guerre nazie. Ils font entrer
armes et nourriture en contrebande, conçoivent des explosifs artisanaux, libèrent des camarades
emprisonnés.
En avril 1943, après avoir cerné le ghetto, les Allemands, équipés d'armes lourdes, de chars d'assaut et
soutenus par l'aviation, se lancent à l'assaut. Simha Rotem, surnommé Kazik, et l'Organisation juive de
combat livrent dans les ruines fumantes une bataille désespérée. Ils parviennent à résister pendant près
d'un mois avant l'inéluctable destruction.
En un épisode devenu célèbre, Kazik réussit alors à faire échapper les rares rescapés en empruntant les égouts vers le «
côté aryen » de Varsovie. D'autres insurgés auront moins de chance, se perdront et se noieront. Ensuite, Kazik et son
mouvement organiseront le sauvetage des Juifs encore terrés dans la capitale.
Lors du déclenchement de l'insurrection nationale de 1944, Kazik rejoint les rangs de la résistance polonaise et affronte
une nouvelle fois l'occupant nazi.
Ce témoignage brut, spontané, parfois naïf d'un adolescent offre une perspective nouvelle sur le combat et la survie des
Juifs pendant la Shoah. Aujourd'hui encore, la lutte impossible de ces femmes et de ces hommes reste une inspiration
pour toutes les résistances.
Kazik vit de nos jours en Israël. Conseiller technique sur le film de télévision 1943, L'Ultime révolte, il conclut le film
Shoah de Claude Lanzmann par ces mots : « Je me souviens quand je me suis dit : " Je suis le dernier Juif. Je vais
attendre le matin. Je vais attendre les Allemands. " »
Rousset, David. - L’univers concentrationnaire. - Minuit. - 1981.
Cet ouvrage a été écrit en août 1945.
Premier regard politique sur les camps. D. Rousset, déporté, décrit les fonctionnements internes, les
différentes bureaucraties qui permettent la bonne marche ainsi que l'idéologie nazie qui les soutient. Il
dénonce la connivence du capitalisme et de l'impérialisme dans la mise au point de tels camps : main
d'oeuvre gratuite pour l'industrie, élimination de tous les opposants.
Prix Renaudot 1946.
Seidman, Hillel. - Du fond de l'abîme : journal du ghetto de Varsovie. - Plon. – Terre humaine. 1998.
Le ghetto de Varsovie, 350 000 Juifs ; juillet 1942. Des rumeurs insistantes font état de la déportation
imminente des Juifs. C'est à ce moment précis que le jeune archiviste de la communauté, Hillel
Seidman, décide de consigner dans un journal le récit de l'horreur quotidienne pour le transmettre à la
postérité. Il poursuivra cette chronique de l'angoisse jusqu'à son arrestation en janvier 1943, sauvé par
un extraordinaire passeport paraguayen.
Le "Journal du ghetto", rédigé en hébreu, a paru en 1946, suivi d'une traduction yiddish en 1947.
N'ayant jamais fait l'objet d'une édition dans une langue à diffusion internationale, ce texte est resté
méconnu alors qu'il s'agit d'un document humain bouleversant qui nous restitue, à travers le vécu d'un
homme profondément religieux, la résistance obstinée et multiforme des Juifs de Varsovie à l'entreprise génocidaire
nazie, infamante dans l'histoire de l'Allemagne.
Préfacé, traduit de l'hébreu et du yiddish et annoté par Nathan Weinstock, le "Journal du ghetto" de Seidman est
accompagné d'un dossier documentaire et critique composé par Nathan Weinstock et Georges Bensoussan, avec la
collaboration de Micheline Weinstock, qui fait de ce livre un document unique.
9
ETUDES ET REFLEXIONS
- Au sujet de Shoah, le film de Claude Lanzmann . - Belin. – 1990. – L’extrême contemporain.
Rassemble les principales interviews données par C. Lanzmann, notamment celles qui ont trait à la
controverse polonaise au sujet de Shoah, des études portant sur des parties du film inaugurant une
analyse de sa composition et de son rayonnement, enfin des méditations de l'ensemble où se lit le
retentissement de l'oeuvre.
- Robert Antelme : textes inédits sur L'espèce humaine : essais et témoignages. - Gallimard. – . 1979.
Chaque texte, ici, témoigne en propre de "sa capacité de reconnaissance" ; tous les textes, dans leur
singularité, leur résonance, leur affiliation non concertée et donc libre témoignent de ce besoin de
rendre tangible cette "reconnaissance infinie" de l'Autre ou, pour reprendre les mots de Robert
Antelme, l'auteur de L'espèce humaine, le "sentiment ultime d'appartenance à l'espèce humaine".
Adorno, Theodor Wiesengrund. - Minima moralia : réflexions sur la vie mutilée. - Payot. – 2003 .
- Petite bibliothèque.
Minima Moralia est, selon Habermas, «le chef d'oeuvre d'un écrivain égaré parmi les fonctionnaires»;
autrement dit, l'invention d'une écriture anti-autoritaire. Entre les moralistes français, Marx et les
romantiques allemands, Adorno entreprend, à travers de courts chapitres, vignettes, instantanés, une
critique du mensonge de la société moderne, pourchassant au plus intime de l'existence individuelle les
puissances objectives qui la déterminent et l'oppriment.Ce livre, qu'il convient d'étudier comme une
somme, est à accueillir comme un art d'écrire, à méditer comme un art de penser et à pratiquer comme
un art de vivre. Mieux: un art de résister.
Traduit de l'allemand par Éliane Kaufholz et Jean-René Ladmiral - Postface de Miguel Abensour
Agamben, Giorgio. - Ce qui reste d'Auschwitz. - Rivages. – 2003. - .
La recherche ici entreprise dans le sillage de Homo sacer ne porte pas sur les circonstances historiques
dans lesquelles s'est accomplie la destruction des juifs d'Europe, mais sur la structure et la signification
du témoignage.
Il s'agit de prendre au sérieux le paradoxe de Primo Levi, selon lequel tout témoignage contient
nécessairement une lacune, le témoin intégral étant celui qui ne peut témoigner. Il s'agit de ceux qui "ont
touché le fond", des déportés dont la mort "avait commencé avant la mort corporelle" - bref, de tous
ceux que, dans le jargon d'Auschwitz, l'on appelait les "musulmans". On a essayé ici de regarder cet
invisible, de tenir compte des "témoins intégraux" pour l'interprétation d'Auschwitz. On propose, par là,
une réfutation radicale du révisionnisme.
Dans cette perspective, en effet, Auschwitz ne se présente pas seulement comme le camp de la mort, mais aussi comme
le lieu d'une expérience encore plus atroce, où les frontières entre l'humain et l'inhumain, la vie et la mort s'estompent;
et, mise à l'épreuve d'Auschwitz, toute la réflexion de notre temps montre son insuffisance pour laisser apparaître parmi
ses ruines le profil incertain d'une nouvelle terre éthique: celle du témoignage. En marquer le sujet en tant que reste, tel
est le but de ce livre.
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Alterman, Aline. - Visages de Shoah : le film de Claude Lanzmann. - Cerf. – 2006. - Passages.
Shoah, de Lanzmann, est un film qui s'intègre dans l'histoire du cinéma par un suspens de l'action
négatif, et un suspens des Visages singulier. Événement inaugural en ce qu'il fait sauter les cadres qui
habituellement au cinéma balisent l'humanité.
Shoah présente les Visages de revenants de l'extermination là où elle a été en son centre, et de témoins.
Et présente aussi les paysages actuels où l'extermination a eu lieu. Le film laisse désespérance quant à
l'Histoire, ne laisse pas subsister les mythes, les illusions qui paraissaient légitimes. La remémoration
qu'il met en acte invalide les constructions de l'histoire fallacieuses, mais elle vise aussi à fonder des
pratiques historiennes échappant aux stéréotypes. Et c'est la remémoration, par l'inscription des traces
mémorielles, qui autorise l'émergence d'un sujet de l'histoire.
C'est par les Visages, d'abord comme événement visible sur l'écran, que Shoah rencontre la philosophie de façon telle
que celle-ci ne peut se dérober. La puissance de pensée de la présentation des Visages dans le film détruit les illusions
d'un sens assuré de l'Histoire passant outre les Visages, et même d'une fuite possible vers le Bien au-delà les Visages.
Shoah oblige à penser les Visages avec une exigence absolue. Par les Visages narrant la mort et la souffrance advenues,
cette pensée du film pose ses contenus de vérité.
L'esthétique du film rencontre encore la pensée de Walter Benjamin. C'est le montage qui crée l'oeuvre
cinématographique. L'oeuvre a sa légalité propre, impose sa nuit et sa lumière singulières.
Anders, Gunther . - Nous, fils d'Eichmann : lettre ouverte à Klaus Eichmann . - Rivages. – 2003 .
Les deux lettres ouvertes de Günther Anders adressées au fils d'Adolf Eichmann constituent un petit
traité, avec mode d'emploi, sur la condition humaine aujourd'hui, considérée sous l'angle d'une
catastrophe à répétition, qui entraîne l'obsolescence toujours croissante de l'humain lui-même.
L'homme apparaît ici, de nouveau, comme le détenteur d'une capacité de production infiniment
supérieure à sa capacité de représentation, et tout aussi bien à sa capacité de sentir. Dans ce contexte,
l'idée même de responsabilité se trouve profondément atteinte ou profondément pervertie, de sorte que
nous sommes tous, d'une manière ou d'une autre, des enfants d'Eichmann. Plus exactement, nous
sommes tous devant un choix comparable à celui auquel Günther Anders confronte le destinataire de ses
deux lettres : le choix de la continuité ou de la rupture.
Un choix d'autant plus urgent que se réduit de jour en jour la marge de jeu dont dispose l'humain dans le monde tel qu'il
devient.
Arendt, Hannah . - La nature du totalitarisme . - Payot. – 2006.
Ce livre rassemble trois textes de Hannah Arendt qui se situent dans le sillage immédiat de son ouvrage
majeur, Les Origines du totalitarisme (1951), qu'il contribue à éclairer et à prolonger.
Deux articles de 1953, «Compréhension et politique» et «Religion et politique», développent une
analyse plus fine du phénomène totalitaire. Le second texte récuse la représentation du communisme
comme «religion séculière». Le texte central, «La nature du totalitarisme», est la matière des conférences
que Hannah Arendt donna en 1954 à la New School for Social Research. L'auteur prolonge, d'un point
de vue philosophique, les réflexions du Système totalitaire et poursuit l'analyse de la terreur et du
caractère singulier du totalitarisme.
Bauman, Zygmunt . - Modernité et Holocauste . - Complexe. – 2008 .
Ce livre récuse les lieux communs sur le génocide des juifs tragédie interne à l'histoire juive, point
culminant d'un antisémitisme allemand, accident de parcours inexplicable de la civilisation occidentale.
Au contraire, cet essai étudie tout spécialement la manière dont le génocide a calqué ses procédures et
ses dispositifs sur la modernité industrielle, reprenant dans une logique de « production de cadavres »
les schèmes de l'action bureaucratique et de l'usine rationalisée des pays développés. Cette analyse
11
pointe ainsi la rencontre unique entre des facteurs « normaux » du processus civilisateur et une forme particulière de
criminalité de masse.
Démontrant qu'Auschwitz est une extension du système industriel moderne, et les criminels nazis des personnalités
ordinaires saisis par la dynamique du processus exterminateur, Zygmunt Bauman resitue le judéocide au coeur de la
société moderne. Il va à rencontre de la tendance à l'exaltation narcissique et morale de la souffrance juive. Ce livre, lors
de sa traduction en France en 2002 et dans tous les pays où il a été publié, a suscité une ample discussion. Il est
considéré désormais comme l'un des ouvrages essentiels sur les significations d'un génocide qui ne cessent de hanter la
mémoire et l'actualité du monde contemporain.
Broch, Hermann . - Théorie de la folie des masses . - L’Eclat. – 2008 .
«Chacun sait quelle folie s'est aujourd'hui emparée du monde, chacun sait qu'il participe lui-même à
cette folie, comme victime active ou passive, chacun sait donc à quel formidable danger il se trouve
exposé, mais personne n'est capable de localiser la menace, personne ne sait d'où elle s'apprête à fondre
sur lui, personne n'est capable de la regarder vraiment en face, ni de s'en préserver efficacement.» Ainsi
s'ouvre la Théorie de la folie des masses de Hermann Broch. Mais nul ne sait où elle commence, ni où
elle finit, tant son élaboration fut problématique, au point qu'on peut se demander si le sujet n'a pas eu
raison de l'oeuvre, et si celle-ci ne se devait pas d'être retravaillée sans cesse, comme n'a de cesse cette
folie des masses contre laquelle la raison vient buter sans parvenir à l'infléchir.
Commencée vraisemblablement à la fin des années 1930, la Théorie de la folie des masses accompagne Hermann Broch
jusqu'à sa disparition en 1951 sans qu'il parvienne à lui donner une forme définitive. C'est donc un véritable laboratoire
d'idées qui est donné à lire - laboratoire d'une vie tout entière consacrée à la pensée, qu'elle prit la forme des célèbres
romans tels que La mort de Virgile ou Le Tentateur, ou d'essais sur la Logique d'un monde en ruine, parus il y a
quelques années dans cette même collection.
Browning, Christopher R. . - Des hommes ordinaires : le 101e bataillon de réserve de la police
allemande et la solution finale en Pologne . - Tallandier. – 2007 . - Texto.
A l'aube du 13 juillet 1942, les hommes du 101e bataillon de réserve de la police allemande entrent
dans le village polonais de Jozefow. Au soir, ils ont arrêté 1 800 Juifs : 300 hommes sont sélectionnés
pour le travail, les autres, femmes, enfants et vieillards, sont abattus à bout portant. Les quelque 500
policiers de réserve du 101e bataillon n'avaient rien de nazis militants ou de racistes fanatiques. Ces «
hommes ordinaires » ont eu, à plusieurs reprises, l'occasion de s'abstenir. Ils ont, dans leur immense
majorité, préféré obéir, faisant en seize mois plus de 83 000 victimes, assassinées sur-le-champ ou
déportées vers Treblinka. Analysant les témoignages de 210 anciens du bataillon, Christopher
Browning retrace leur parcours, analyse leurs actions et leurs motivations, dans un des livres les plus
forts jamais écrits sur la Shoah et sur l'ordinaire aptitude de l'homme à une extraordinaire inhumanité
Declerck, Patrick . - Les naufragés : avec les clochards de Paris . - Plon. – 2001 . - Terre humaine.
Nous les côtoyons tous les jours. Souvent ils sont ivres et peinent à mendier. Ils sentent mauvais,
vocifèrent et font un peu peur. Nos regards se détournent. Qui sont ces marginaux aux visages ravagés ?
Des exclus ? Des pauvres ? Ce sont les clochards. Fous d'exclusion. Fous de pauvreté. Fous d'alcool. Et
victimes surtout. De la société et de ses lois. Du marché du travail et de ses contraintes. Mais au-delà,
c'est contre la vie même qu'ils se révoltent. C'est elle qu'ils combattent. C'est elle qu'ils haïssent.
Hallucinés, ivres, malades, c'est un autre et impossible ailleurs dont ils s'obstinent à rêver furieusement.
Patrick Declerck, psychanalyste et ethnologue, a suivi la population des clochards de Paris, durant plus
de quinze ans : dans la rue, dans les gares, dans les centres d'hébergement, au Centre d'accueil et de
soins hospitaliers de Nanterre, au Samu social. En 1986, dans le cadre de Médecins du Monde, il a ouvert la première
consultation d'écoute destinée aux SDF en France.
Ce livre montre toute l'ambiguïté de ces hommes écrasés qui, avec une sombre dignité, se détournent du monde, pour
mieux se détruire sous nos yeux. Au travers d'observations ethnologiques et psychopathologiques, d'histoires de vie, de
fragments autobiographiques et de souvenirs d'enfance, c'est en filigrane, à une promenade philosophique aux limites de
l'humain que le lecteur est convié
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Didi-Huberman, Georges . - Images malgré tout . - Minuit. – 2004 .
Voir une image, cela peut-il nous aider à mieux savoir notre histoire?
En août 1944, les membres du Sonderkommando d'Auschwitz-Birkenau réussirent à photographier
clandestinement le processus d'extermination au coeur duquel ils se trouvaient prisonniers. Quatre
photographies nous restent de ce moment. On tente ici d'en retracer les péripéties, d'en produire une
phénoménologie, d'en saisir la nécessité hier comme aujourd'hui. Cette analyse suppose un
questionnement des conditions dans lesquelles une source visuelle peut être utilisée par la discipline
historique. Elle débouche, également, sur une critique philosophique de l'inimaginable dont cette
histoire, la Shoah, se trouve souvent qualifiée. On tente donc de mesurer la part d'imaginable que
l'expérience des camps suscite malgré tout, afin de mieux comprendre la valeur, aussi nécessaire que lacunaire, des
images dans l'histoire. Il s'agit de comprendre ce que malgré tout veut dire en un tel contexte.
Cette position ayant fait l'objet d'une polémique, on répond, dans une seconde partie, aux objections afin de prolonger et
d'approfondir l'argument lui-même. On précise le double régime de l'image selon la valeur d'usage où on a choisi de la
placer. On réfute que l'image soit toute. On observe comment elle peut toucher au réel malgré tout, et déchirer ainsi les
écrans du fétichisme. On pose la question des images d'archives et de leur «lisibilité». On analyse la valeur de
connaissance que prend le montage, notamment dans Shoah de Claude Lanzmann et Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc
Godard. On distingue la ressemblance du semblant (comme fausseté) et de l'assimilation (comme identité). On interroge
la notion de «redemption par l'image» chez Walter Benjamin et Siegfried Kracauer. On redécouvre avec Hannah Arendt
la place de l'imagination dans la question éthique. Et l'on réinterprète notre malaise dans la culture sous l'angle de
l'image à l'époque de l'imagination déchirée.
Faye, Jean-Pierre . - Langages totalitaires : critique de la raison narrative, critique de l’économie
narrative. - Hermann. – 2004 .
Le paradoxe méconnu de l'histoire, c'est de constituer un espace où le récit de l'action agit sur l'action
même. Et en change la face.
Dans l'entre-deux-guerres, les «récits idéologiques» de l'extrême-droite italienne et allemande
racontent l'histoire sur la base de certains termes : le Stato totalitario et le totale Staat. Discours qui
s'articulent de façon matérielle, dans les contextes de crise les plus graves pour l'économie mondiale.
Les topographies de ces narrations actives dessinent l'esquisse d'une topologie. Elle fait apparaître «les
transformations qui opèrent sous le couvert du jargon» (Rauschning). Celles-ci se mettent en mains les
formules du pouvoir.
Ce qui est en jeu : la mise en acceptabilité du nazisme - ou d'autres secousses redoutables dans l'histoire et son «roman
criminel».
Première étude approfondie du discours politique propre au nazisme. Épopée fascinante de la sémantique historique.
L'économie des mots n'est plus séparée de l'économie des choses. Chacun apprend, ou refuse d'apprendre, que de
simples mots peuvent tuer.
Le Monde
La naissance du nazisme, étudiée à travers son langage. Un ouvrage monumental, écrit par un linguiste qui serait
sociologue et un poète qui serait historien.
Le Nouvel Observateur
Sortir l'archive dans le mouvement même de sa formation, comme un discours se mêlant au mouvement même..., c'est
la ligne de ce que Faye a fait.
Michel Foucault
Un des livres majeurs du vingtième siècle.
François Mitterrand
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Hilberg, Raul. - La destruction des juifs d’Europe . - Fayard. – 1988.
Il est de très grands ouvrages que les lecteurs n'appellent plus par leur titre, mais par le nom de leur
auteur.
Le Hilberg est de ces quelques-là.
Il s'agit, il est vrai, de l'ouvrage de référence sur le génocide.
Raul Hilberg n'a pas voulu traiter seulement de la dimension éthique de la Catastrophe : "indicible",
"innommable", "passage à la limite de l'humanité", a-t-on répété, le génocide est d'abord - on l'oublie
trop souvent - un fait historique. En cela il est justiciable des procédures qu'applique l'historien à ses
objets d'études.
La Destruction des juifs d'Europe est le premier grand livre qui explique exhaustivement le comment de la Solution
finale, sans prétendre pouvoir définitivement comprendre le pourquoi - qui le pourra jamais ? - de la volonté qu'eurent
des hommes de détruire jusqu'aux cadavres, à la langue et à la mémoire d'autres hommes.
Le génocide - unique dans l'histoire par son caractère systématique - fut l'oeuvre de toute une société moderne et
industrielle, mobilisant spécialistes, comptables, juristes, ingénieurs, médecins, fonctionnaires, policiers et soldats, tous ancrés, à leurs divers niveaux, dans les habitudes d'ordre, de respect de la hiérarchie et de souci de l'efficacité -,
pour conduire sans grands heurts le mécanisme de la Solution finale. Les étapes majeures en furent les décrets
définissant le terme "Juif", l'expropriation des biens juifs, la séparation et l'isolement physique des victimes, le travail
forcé, la déportation, les chambres à gaz. Aucun élément organisé de la société allemande - bureaucratie, ministères,
forces armées, Parti, industrie, services publics - ne demeura jamais complètement étranger ni extérieur au processus de
destruction.
Le génocide, ce n'est pas la banalité du mal, mais sa quotidienneté routinière : chacun, à son échelon, appliqua les
procédures normales à une situation exceptionnelle, déployant machinalement, ou par amour du travail bien fait, des
trésors d'ingéniosité pour définir, classer, transporter, comme si rien - malgré la volonté de camouflage par le
vocabulaire - ne distinguait la Solution finale des affaires courantes.
Le génocide demeure, en fin de compte, un fait éminemment humain, terrible manifestation de ce qu'à l'extrême la
société des hommes peut commettre et de ce que l'homme peut accepter.
N'était la nature chaque jour plus galvaudée du qualificatif, nous n'aurions pas hésité à dire de la publication en langue
française de la version intégrale de cet ouvrage, augmentée de substantiels ajouts et compléments par l'auteur, qu'elle
constitue un véritable événement.
Hilberg, Raul . - Exécuteurs, victimes, témoins : la catastrophe juive, 1933-1945 . - Gallimard. –
2004 . - Folio Histoire.
Les exécuteurs : officiers, médecins, anthropologues, juristes, fonctionnaires allemands, nouveaux
Allemands mais aussi volontaires non allemands, Ukrainiens, Baltes ou autres, enthousiastes à la tâche.
Tous participèrent au génocide dans la pleine conscience de la fonction qu'ils exerçaient et en sachant
que, pris dans l'engrenage, jamais leur action ne pourrait être annulée, effacée.
Les victimes, identifiables et recensables à tout instant, et que la mort collective agrégea en une masse
sans forme, inscrite dans la mémoire sous l'évocation froide des millions qu'elles furent. Or, toutes ne
vécurent pas semblablement dans le temps ni dans l'espace l'impact du génocide : élites
communautaires, hommes, femmes, enfants, couples mixtes, Juifs christianisés, célibataires, pauvres et
marginaux subirent, selon les stratifications et les inégalités sociales, démographiques, voire politiques et religieuses, la
Catastrophe qui finit par les engloutir.
Les témoins : les sauveurs, individuels ou collectifs, les Alliés, les puissances neutres, les organisations sionistes, les
Églises, dont nombre se crurent - ou se voulurent - impuissants, si bien qu'ils le devinrent.
Les vingt-quatre chapitres de ce livre sont autant de vignettes qui, inscrivant chacun à sa place dans le processus
génocidaire, nous donnent non plus l'anatomie de la Catastrophe, mais sa physiologie.
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Klemperer, Viktor . - LTI, la langue du IIIe Reich : carnets d'un philologue . - Pocket. – 2003 . Agora.
Le philologue allemand Victor Klemperer s'attacha dès 1933 à l'étude de la langue et des mots employés
par les nazis. En puisant à une multitude de sources (discours radiodiffusés d'Adolf Hitler ou de Joseph
Paul Goebbels, faire-part de naissance et de décès, journaux, livres et brochures, conversations, etc.), il a
pu examiner la destruction de l'esprit et de la culture allemands par la novlangue nazie. En tenant ainsi
son journal il accomplissait aussi un acte de résistance et de survie.
En 1947, il tirera de son travail ce livre: "LTI, Lingua Tertii Imperii, la langue du IIIe Reich", devenu la
référence de toute réflexion sur le langage totalitaire. Sa lecture, à cinquante ans de distance, montre
combien le monde contemporain a du mal à se guérir de cette langue contaminée; et qu'aucune langue
n'est à l'abri de nouvelles manipulations.
Langbein, Hermann . - La Résistance dans les camps de concentration nationaux socialistes . Fayard. – 1981 . - Nouvelles études historiques.
Est-il vrai que les détenus des camps de concentration nationaux-socialistes se soient laissés conduire
comme des moutons à l'abattoir, qu'ils aient supporté passivement la tyrannie de gardiens très inférieurs
en nombre? Non, répond Hermann Langbein, même là où l'inhumanité pouvait se déchaîner sans frein
ni masque, l'humanité n'a jamais été complètement étouffée: l'existence de la résistance à l'intérieur des
camps le prouve.
Dans une première partie, l'auteur étudie le milieu, fait ressortir les différences entre camps anciens et
camps récents, expose le fonctionnement de l'administration autonome des détenus, examine les
sources et leur critique (examen très émouvant quand on pense à ce que ces quelques manuscrits ont
représenté de sacrifices et de souffrances pour ceux qui sont parvenus à les soustraire aux tortionnaires), les
circonstances et les buts, différents selon les camps et les époques.
La deuxième partie est consacrée aux acteurs Allemands en proie à de terribles tensions intérieures; communistes que
l'habitude de la discipline, de la hiérarchie et de la solidarité rend très aptes à la résistance; Polonais, les plus
controversés avec leur élite d'officiers et d'intellectuels, trop souvent d'un chauvinisme et d'un antisémitisme féroces;
Français méprisés et divisés, etc.
La troisième partie examine les faits de résistance: sauvetage de vies, rupture de l'isolement, évasions, rébellions et
sabotages, lutte contre la démoralisation.
La quatrième partie, enfin, se penche sur les problèmes de la dernière période: l'évacuation.
Comme dans Hommes et Femmes à Auschwitz, on est frappé ici par la hauteur de vue et la conscience exigeante de
l'auteur: il n'avance pas un fait qui ne s'appuie sur un témoignage _ ou sur plusieurs lorsque des divergences existent.
Livre grave, qui ne laisse rien dans l'ombre ni rien au hasard, La Résistance dans les camps de concentration nationauxsocialistes (1938-1945) est la seule étude complète et impartiale sur ce sujet.
Hermann Langbein est depuis plusieurs années secrétaire du Comité international des Camps. Autrichien né à Vienne
en 1912, membre des Brigades internationales en Espagne, il fut d'abord interné dans divers camps français, puis à
Dachau (1941), à Auschwitz (1942) et à Neuengamme (de 1944 à la fin de la guerre). Il a consacré de nombreuses
études aux KZ nazis.
Neumann, Franz . - Béhémoth, structure et pratique du National socialisme (1933-1944) . - Payot.
– 1987 . - Critiques de la politique.
Ce livre à la fois classique et méconnu présente une analyse paradoxale du système national-socialiste comme système
monstrueux, c'est-à-dire un non-Etat, un chaos, une situation de non-droit, de désordre et d'anarchie, ambitionnant
d'établir son hégémonie sur de gigantesques étendues de terre. Objet de débat au sein du groupe de
Francfort, on a d'abord retenu de cette interprétation du nazisme son orientation marxiste, surtout de
par son opposition aux thèses de F. Pollock sur le capitalisme d'Etat, formation sociale originale qui
succéderait au capitalisme de monopoles. Pour Neumann, il s'agit en vérité d'une économie
monopolistique totalitaire qui se définit par deux caractères : «C'est une économie monopoliste et en
même temps une économie dirigée. C'est une économie capitaliste privée encadrée par l'Etat
totalitaire.» Aussi une lecture plus à distance des controverses de l'époque peut-elle discerner dans
Béhémoth : - à travers l'étude du national-socialisme, une analyse concrète de la primauté du politique
15
sur l'économique au XXe siècle, en tentant d'articuler la problématique wébérienne des formes de domination à une
interprétation marxiste des antagonismes de classe ; - une étude minutieuse des mécanismes de l'Etat totalitaire décrit
comme un complexe de quatre groupes sociaux dominants qui, sous couvert d'unité, est menacé en permanence
d'éclatement et de désintégration. Contre les représentations superficielles d'un fascisme monolithique, Neumann
démontre que «l'Etat national-socialiste était en réalité pluraliste, en un sens funeste du terme. La volonté politique s'y
formait à travers la concurrence sauvage des lobbies sociaux les plus puissants.» (Adorno) Béhémoth, le monstre qui
règne sur la terre où le désert croit. A l'encontre du mouvement "révisionniste" et des tendances apologétiques qui
visent, en Allemagne, à banaliser la socialisation totalitaire propre au national-socialisme et à engendrer en douceur
l'oubli de l'imprescriptible, Béhémoth, même s'il méconnaît la destruction du peuple juif, rappelle que dans la société
nouvelle, sous l'emprise d'une domination directe et d'un procès d'atomisation généralisée, c'est bien d'auto-destruction
de l'humanité qu'il s'agissait.
Pollak, Michael . - L’expérience concentrationnaire : essai sur le maintien de l’identité sociale . Métaillé. – 2000 . - Suites.
L’expérience extrême est révélatrice des constituants et des conditions de l’expérience "normale", dont
le caractère familier fait écran à l’analyse. L’expérience concentrationnaire est prise ici comme
révélateur de l’identité. La volonté de témoigner de beaucoup de déportés pendant la détention n’a
finalement produit qu’un nombre restreint de témoignages. Le silence délibéré est sans doute
l’indicateur le plus saillant du caractère doublement limite de leur expérience : limite du possible et, de
ce fait, limite du dicible. Ce livre approche les récits de vie comme de véritables instruments de
reconstruction de l’identité comme image de soi, pour soi et pour autrui.A partir de trois récits
exemplaires — Margareta, Ruth et Myriam — l’auteur nous invite à suivre la constitution du langage
de l’indicible. Attentif à l’ambiguïté de toute réalité, Michael Pollak met en question la théorie de Bruno Bettelheim, sur
le même sujet, théorie trop exclusivement centrée sur les ressources morales et politiques de la personne.
« Sur ce sujet particulièrement difficile et douloureux, que la banalisation menace et que la sacralisation tend à
dérober à l’analyse, cet ouvrage est à la fois courageux et scrupuleux. Attentif à la complexité irréductible de la réalité
qu’il étudie, Michael Pollak apporte sa contribution à un débat plus général sur l’articulation de l’individuel et du
social dans la constitution et le maintien de l’identité, sans parti pris, ni certitudes pré-construites ». (Le Monde)
Todorov, Tzvetan. - Face à l’extrême . - Seuil. – 1994 . - Points.
« Le XXe siècle touche à sa fin, et nous sommes tous tentés de nous demander : quelle sera sa place
dans l'histoire ? Comment s'en souviendra-t-on un jour ? Pas plus qu'un autre, je ne connais la réponse
complète à ces questions; mais je suis sûr que l'une des inventions du siècle sera durablement attachée à
son souvenir : les camps totalitaires. Nous avons fait la découverte du régime politique extrême, le
totalitarisme, et de son extrême à lui, les camps. Cette institution macabre se prête à toutes sortes de
commentaires, historiques, politiques, psychologiques. Celui que je propose ici, à travers une enquête
narrative et personnelle, est différent : il a trait à la morale. Non seulement, contrairement à un préjugé
répandu, la vie morale ne s'est pas éteinte aux camps, mais de plus, il se pourrait que nous y trouvions de
quoi fonder une morale quotidienne à la mesure de notre temps. » T. Todorov
Welzer, Harald . - Les exécuteurs : des hommes normaux aux meurtriers de masse . - Gallimard. –
2007 . - NRF Essais.
« Je ne suis pas le monstre qu'on fait de moi. Je suis victime d'une erreur de raisonnement », déclare
Adolf Eichmann à l'issue de son procès. Comme après lui tous les exécuteurs allemands, rwandais,
serbes et croates, dont les cas sont étudiés dans ce livre, il récuse résolument l'idée qu'il aurait agi
monstrueusement et en dehors des catégories morales de la communauté des hommes. Pourtant tous
ont tué systématiquement ceux qu'eux et leurs semblables avaient exclus de l'humanité par définition.
Qu'on puisse les qualifier de meurtriers est une idée restée jusqu'à ce jour étrangère aux exécuteurs
dans leur immense majorité, car leur projet anti-humain avait bâti un système de responsabilité morale
dans lequel le meurtre de masse était une évidence.
Dans un dispositif social, montre Harald Welzer, il suffit qu'une seule coordonnée - l'appartenance sociale ou ethnique se décale pour que tout l'ensemble change et que s'établisse une réalité autre que l'antérieure. Ce décalage, observable
dans le national-socialisme, où il est fondé scientifiquement sur une théorie des races, et dans l'ex-Yougoslavie et au
Rwanda, où il est fondé ethniquement, consiste en une redéfinition radicale de qui fait partie ou non de l'univers
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d'obligation générale. La distinction inéluctable et absolue entre appartenants et non-appartenants est commune à ces
sociétés meurtrières, par ailleurs extrêmement différentes.
Une fois lancée, la pratique d'exclusion conduit à la spoliation, et la déportation et la violence dont elle est assortie
transforment, avec une régularité terrifiante, le déplacement en « nettoyage », en extermination pure et simple des nonappartenants.
PERSPECTIVES
- Music : l'oeuvre graphique, édition de Jean Clair. - Ed. du Centre Pompidou. – 1988.
L'itinéraire d'un grand peintre européen très marqué par son internement à Dachau. Une centaine d'oeuvres sur papier
sont reproduites accompagnées d'une biographie et de photos documentaires.
- Parler des camps penser les génocides, textes réunis par Catherine Coquio . – Albin Michel . 1999
Comment parler des camps ? Peut-on penser les génocides aujourd'hui ? L'institution des «devoirs de
mémoire» cache une culture polémique qui dénie ou hiérarchise les souffrances, pendant que se
succèdent de nouveaux crimes de massé. Mais quelle place ces destructions laissent-elles à
l'imagination de l'humain, là où le réalisme montre sa déroute ? Peuvent-elles s'inscrire dans la
«culture» sans nouvelle «barbarie», et faire l'objet d'une vivante transmission ?
Pour tenter de répondre à ces questions, trente-trois chercheurs - aussi différents que Janine Altounian,
Omer Bartov, Jean Bollack, Alain Brossat, Muhamedin Kullashi, Véronique Nahoum-Grappe, Myriam
Revault d'Allonnes, Tzvetan Todorov, Enzo Traverso, Irving Wohlfarth... - se sont prêtés à un échange
intercommunautaire et transdisciplinaire lors d'un colloque qui s'est tenu à la Sorbonne en mai 1997.
Né de la volonté de mettre en présence les champs cloisonnés de l'historiographie et du témoignage littéraire, la
conscience européenne et ses points aveugles, et d'échapper ainsi à la logique binaire qui oppose l'Universel au
Particulier, le «savoir» objectif à l'«expérience» subjective, le présent recueil met en relation le décryptage
d'événements récents (Rwanda, ex-Yougoslavie, Algérie) ou mal connus (génocide cambodgien, famine planifiée en
Ukraine) avec l'héritage d'événements plus anciens (génocide arménien, génocide juif). La phénoménologie des
violences politiques y conduit à une interrogation sur l'humain
Celan, Paul . - Pavot et mémoire . - Bourgois . – Détroits. - .2001
Ce sont, en édition bilingue, les premiers poèmes de Celan. La langue allemande y est déjà travaillée
comme une matière, mais qu'il laisse encore chanter jusqu'à rejoindre des effets proprement
musicaux.
Chalamov, Varlam Tikhonovitch . - Récits de la Kolyma . - Verdier. – Slovo . - 2003.
Les Récits de la Kolyma, réunis pour la première fois en français, retracent l'expérience de Varlam
Chalamov dans les camps du Goulag où se sont écoulées dix-sept années de sa vie.
Fragments qui doivent se lire comme les chapitres d'une oeuvre unique, un tableau de la Kolyma, ces
récits dessinent une construction complexe, qui s'élabore à travers six recueils. Chaque texte s'ouvre sur
une scène du camp. Il n'y a jamais de préambule, jamais d'explication. Le lecteur pénètre de plain-pied
dans cet univers. Les premiers recueils, écrits peu après la libération, portent en eux toute la charge du
vécu. À mesure que le narrateur s'éloigne de l'expérience, le travail de la mémoire se porte aussi sur la
possibilité ou l'impossibilité de raconter le camp. Certains thèmes sont alors repris et transformés. La
circulation des mêmes motifs entre différents récits, différentes périodes, constitue à elle seule un élément capital pour
le décryptage de la réalité du camp; on y retrouve la grande préoccupation de Chalamov: comment traduire dans la
langue des hommes libres une expérience vécue dans une langue de détenu, de «crevard», composée de vingt vocables à
peine?
Les récits s'agencent selon une esthétique moderne, celle du fragment, tout en remontant aux sources archaïques du
texte, au mythe primitif de la mort provisoire, du séjour au tombeau et de la renaissance.
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On y apprend que le texte est avant tout matière: il est corps, pain, sépulture. C'est un texte agissant. À l'inverse, la
matière du camp, les objets, la nature, le corps des détenus, sont en eux-mêmes un texte, car le réel s'inscrit en eux. Le
camp aura servi à l'écrivain de laboratoire pour capter la langue des choses.
Le camp, dit Chalamov, est une école
Clair, Jean . - La barbarie ordinaire : Music à Dachau. - Gallimard. – Blanche. - 2001.
Plutarque raconte que, des sept mille Athéniens faits prisonniers durant les guerres de Sicile,
échappèrent aux travaux forcés dans les latomies, et donc à la mort, ceux qui surent réciter à leurs
vainqueurs, Grecs comme eux, quelques vers d'Euripide.
Les nazis n'appliquèrent pas ce trait de clémence antique aux déportés des camps. Citer Goethe ou
Schiller ne fut à ces derniers d'aucun secours.
Pourtant la mémoire - la culture - joua un rôle majeur dans le destin des déportés. Savoir par cœur un
poème met à l'abri du désastre. Ce que l'on garde en esprit, aucune Gestapo, aucune Guépéou, aucune
C.I.A. ne peut vous le retirer.
En septembre 1944, le peintre Zoran Music est déporté à Dachau. Il y réalise, au risque de sa vie, une centaine de
dessins décrivant ce qu'il voit : les scènes de pendaison, les fours crématoires, les cadavres empilés par dizaines, c'est-àdire l'indescriptible.
Plus que la formule trop citée d'Adorno sur Auschwitz, la question que pose ce livre est la suivante : que pouvait alors
la mémoire contre la mort, l'art contre l'indicible ? Non pas «après», mais dans le quotidien de la vie des camps ? Que
peut-elle aujourd'hui dans une modernité qui, par son déni de la culture au nom de l'égalitarisme, et par sa tentation, au
nom du progrès biologique, de légaliser l'euthanasie et l'eugénisme, semble souscrire au nomos de la vie
concentrationnaire même ?
Grossman, Vassili . - La dernière lettre, Suivi de Les carnets d'Ikonnikov . - Age d’homme. –
Petite bibliothèque slave. - 2002.
Comme tous les grands romans, Vie et Destin est un monde aux aspects multiples : le récit de guerre y
côtoie une réflexion profonde sur la société russe, la vie des hommes et sa destruction par le
totalitarisme. Comme la Légende du Grand Inquisiteur chez Dostoïevski, cette Dernière lettre est la clef
de voûte, psychologique et morale, d'un grand édifice romanesque et spirituel. A travers le testament
d'une mère juive attendant la mort dans son ghetto cerné par les Allemands, Grossman livre sa
confession, en même temps qu'il dépeint le drame de millions d'Européens se voyant soudain rappeler,
au travers de la persécution nazie puis soviétique, leur participation à une tragédie immémoriale.
Mais, comme le rappelle Sémion Lipkine dans son témoignage sur son ami Grossman, l'auteur de Vie et
Destin était avant tout un très grand écrivain russe, attaché par tout son être à la Russie. Les Carnets d'Ikonnikov,
également reproduits dans ce volume, sont la quintessence de cette autre face d'une culture composite : la résistance, la
poésie et la spiritualité du peuple russe.
Ainsi, au travers de la Dernière lettre et des Carnets, le lecteur occidental pénètre au coeur des contradictions créatrices
d'un génie romanesque, qui expliquent également, sous d'autres formes et alliances, le drame et la puissance de la
littérature russe.
JABES, Edmond . - La Mémoire des mots : comment je lis Paul Celan ; illustrations de Gisèle
Celan-Lestrange. – Fourbis. - 1990
Levi, Primo . - Maintenant ou jamais . - 10/18 . - 2000.
Basée sur des documents et des témoignages authentiques, l'admirable fresque de P. Levi nous entraîne
dans les coulisses de l'histoire officielle, à la rencontre de héros anonymes dont la foi souleva des
montagnes
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Traverso, Enzo . - L'histoire déchirée : essai sur Auschwitz et les intellectuels . - Cerf. – Passages.
- 1997.
Auschwitz nous confronte à une déchirure de l'histoire qui ne cesse de s'approfondir, dialectiquement, au
fur et à mesure qu'elle s'éloigne de nous dans le temps. Aujourd'hui central, voire obsédant dans notre
mémoire du XXe siècle, le génocide juif a été presque ignoré par la culture occidentale au moment où il
a été perpétré. Face à cet aveuglement - dont les Réflexions sur la question juive de Sartre constituent
sans doute l'exemple le plus paradoxal et le plus frappant -, ce sont les exilés judéo-allemands et les
rescapés du massacre nazi qui, entre les années quarante et soixante, essayent de penser Auschwitz. Ce
livre leur est consacré. Il explore un paysage intellectuel qui va de Paris à New York, d'une Europe
encore en ruine à une Amérique devenue terre d'exil. Il prête son attention à la philosophie (Adorno,
Anders) et à la pensée politique (Arendt), sans exclure certaines manifestations littéraires (Levi, Améry) ou même
poétiques (Celan). Ethique et épistémologique à la fois, la réflexion de ces intellectuels sonde la relation d'Auschwitz
aux violences du XXe siècle, analyse la complicité inédite et terrifiante que les camps de la mort révèlent entre la
modernité et la barbarie, entre la rationalité technique et l'extermination de masse, désigne enfin les interrogations que
ce génocide pose et les blessures qu'il inflige à la culture. Autant de questions qui demeurent au centre du débat actuel.
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