CAPITALISME ET MORALITÉ :
UNE JUXTAPOSITION IMPERTINENTE
L’organisation des besoins humains repose essentiellement sur une valeur, suivant la
logique d’Ayn Rand; celle de la vie. Il y aurait formation de valeurs dès lors que s’impose un
choix entre des alternatives, choix trouvant leur source dans « le maintien de la vie de
l’organisme
». Dès lors qu’est acceptée la prémisse de la survie comme valeur suprême, les
progrès techniques et rationnels doivent être mis au service de la croissance dans les domaines du
travail et des loisirs, afin d’assurer le bien-être des humains. Le modèle économique capitaliste,
s’appropriant cette valeur, est devenu un repère identitaire et social, que nous approuvions sa
pratique ou non; le monde qui nous entoure en est empreint, et même les individus critiques à son
égard ne peuvent nier leur position d’être-dans-le-système-capitaliste. Or, avant même de pouvoir
se prononcer sur les impacts de cette idéologie, il incombe de se questionner sur cette
considération : une théorie économique visant l’accumulation du capital peut-elle légitimement se
targuer d’être morale, sachant que « la fin de toutes les spéculations morales est de nous
enseigner notre devoir et (…) d’engendrer des habitudes correspondantes
»?
Il semble, nous dit Max Weber, que la montée du libéralisme moderne, en quelque sorte le
triomphe des assises du capitalisme, soit due à une configuration de cet « esprit
» dans l’éthos
des individus; le mode de vie « vers le capital» ne veut plus seulement assurer la subsistance, il
devient fin en soi – il revêt un caractère éthique. L’utilitarisme benthamien est posé à la base de
chaque action entreprise : l’arithmétique des plaisirs (sujétion aux maitres souverains que sont le
plaisir et la douleur), au nom du principe du plus grand bonheur possible, justifie le mode de vie
capitaliste, qui se veut garantir par la croissance une pleine satisfaction des besoins.
Ayn Rand (1964), La Vertu d’Égoïsme, p. 18
David Hume (1751), Enquête sur les principes de la morale, p. 26
Max Weber (1905), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, p. 11