telemedecine problemes ethiques et medico-legaux

TELEMEDECINE
PROBLEMES ETHIQUES ET MEDICO-LEGAUX
INTERNATIONAL TELEMEDICINE SYMPOSIUM
FOR THE ARAB WORLD AFRICA AND EUROPE
TUNIS, 24 - 26 SEPTEMBER 1998
Pr Bechir HAMZA
Président du Comité National d’Ethique Médicale
L’on peut considérer qu’en matière de télé-médecine, les nouvelles techniques
d’information et de communication recouvrent notamment, l’aide à la décision apportée par
des spécialistes ou experts à un médecin qui se trouve éloigné, c’est le télédiagnostic ; l’aide
médicale directe apportée à un patient, c’est la télé-assistance.
De l’expérience menée dans différents pays, il ressort que la télé-médecine, est
justifiée, tant elle enrichit le rôle du médecin et apporte un bienfait aux malades dans des
situations incertaines, critiques et urgentes. Dans la mesure où elle apporte un bienfait aux
malades et assure l’égalité à l’accès aux soins de qualité, l’on peut considérer qu’elle répond
au principe de l’éthique médicale « la bienfaisance » et à celui de l’acquisition de
connaissances scientifiques et techniques qui doivent guider l’agir médical devant des
situations problématiques, dégager les lignes directrices de l’action et prendre une décision
diagnostique ou thérapeutique. Il s’agit alors d’un comportement à la fois éthique et
déontologique, dans le sens où le praticien est tenu de dispenser des soins, non seulement dont
les connaissances sont acquises et qui ont fait leurs preuves, mais aussi des soins conformes
aux acquisitions nouvelles de la recherche médicale. A cet effet, le code de déontologie
précise dans son article 32 : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec la plus
grande attention et s’il y a lieu en s’aidant ou en se faisant aider dans toute la mesure
possible des conseils les plus éclairés et des méthodes scientifiques les plus appropriées ».
Mais la télé-médecine, peut-t-elle s’étendre à de multiples problèmes tels la télé-
radiologie, la télé-cardiologie, la télé-obstétrique, la télésurveillance, le télédiagnostic et la
télé-consultation, sans porter atteinte à certaines libertés et faire naître de nombreuses
responsabilités, à la vie privée et au libre choix.
Un malade en difficulté et à distance peut consulter un médecin, répondre à ses
questions, se placer face à la caméra, lui montrer des lésions apparentes à n’importe quel
endroit de son corps et lui demander conseil.
Dans cette évocation, la télé-médecine semble justifiées et promise à un grand
avenir, mais il importe de se demander, si face à cette explosion d’images et de sons, le
malade ne subira pas une intrusion dans sa vie privée, dans le secret qu’il est en droit de
défendre et dans le libre choix de son médecin. En effet en dehors de l’atteinte à la vie privée
dont le médecin aurait à répondre, le secret médical risque d’être bafoué par la télé-médecine,
dans des situations à un émetteur ne peut être certain de l’identité du receveur.
Certes des artifices ont été mis au point pour assurer la confidentialité des
informations transmises tout au long du cheminement du dossier. Celui-ci est protégé par des
dispositifs de sécurité permettant de vérifier la bonne réception des images par le récepteur.
Cette protection est-elle totale dans certains cas où existent plusieurs récepteurs non-
praticiens, et non tenus au secret médical ?
Le libre choix du malade quant au praticien qu’il veut consulter pose également
un problème délicat. La jurisprudence considère habituellement que le libre choix se reporte
sur le consultant choisi par le médecin, à défaut d’opposition du patient, mais le consentement
tacite pourra-t-il être admis lorsqu’il est guidé par des considérations propres à l’organisation
de l’équipe ayant la charge du télédiagnostic ?
La télé-médecine peut être, par ailleurs confrontée à des problèmes tels la
responsabilité médicale et les limites qui freinent son application.
Dans les cas où le médecin praticien est confronté à des dilemmes concernant un
diagnostic et désirant avoir une télé-expertise, il transfère des données à un système expert
aux fins de l’aider dans l’élaboration de son diagnostic. Lorsque le diagnostic final se trouve
erroné. Qui est responsable ? La situation peut être comparable à la consultation utilisant des
relations qui n’ont aucun rapport avec la télématique. C’est le médecin qui a en charge le
patient qui est responsable et qui va signer le compte rendu. Cependant, la responsabilité du
médecin interrogé dont les connaissances spéciales sont reconnues et qui auraient pu le garder
d’une erreur, doit être abordée, car il demeure responsable du diagnostic qu’il donne.
L’éventuelle faute de ce dernier, serait de nature à dégager totalement ou partiellement le
médecin utilisateur, en engageant une action contre le médecin expert dans le cadre d’une
responsabilité contractuelle. Le médecin receveur devrait donc conserver du point de vue
médico-légal non seulement les arguments basés sur le choix, mais également les données des
images apportant la preuve de son raisonnement. Dans l’hypothèse d’une télé-assistance,
demandée par un patient, la recherche de la responsabilité se fera selon les critères dégagés de
la responsabilité médicale en général, cependant si le dommage résulte d’un
dysfonctionnement du réseau de communication ou de données insuffisantes fournies par le
patient, le médecin interrogé se trouvera-t-il dégagé de toute responsabilité ? De tels
dilemmes vont se poser à ceux qui auront à apprécier les responsabilités à l’occasion de
l’exercice de la télé-médecine, à apprécier les comportements, les juger, tout en sachant que
dans le domaine médical, il n’y a pas de risque zéro et que s’y mêlent des considérations de
conscience, de sensibilité personnelle et valeurs éthiques, morales et que la jurisprudence par
son réalisme sera appelée à s’adapter au progrès de la télé-médecine et à tester au fur et à
mesure des facteurs médico-légaux nouveaux.
La télé-médecine est un merveilleux outil, en faveur de la santé du patient par sa
qualité, sa rapidité, ses techniques d’information et de communications de plus en plus
performants et que s’il existe encore des problèmes de confidentialité, de choix et médico-
légaux, ceux-ci trouveront une adaptabilité au progrès et des réponses, si possible, exactes au
questionnement, du médecin interrogateur à qui il importe de considérer que la combinaison
machines et individus est un facteur d’accroissement du service rendu au malade en raison des
prestations des soins de qualité, il faudrait alors utiliser la télé-médecine comme partenaire et
non comme un concurrent critique.
Nous ne pouvons terminer cet exposé, sans soulever l’aspect éthique des
dépenses de santé et de coût-efficacité. La santé publique en Tunisie envisage d’entrer dans
des investissements médicaux où l’explosion technologique va se multiplier pour des raisons
de sécurité et éthiques non seulement au niveau des structures universitaires mais surtout au
niveau des services insuffisamment pourvus de spécialistes. Les dépenses de santé seront
alors augmentées d’où la nécessité de l’impératif de l’évaluation. Le Comité National
d’Ethique Médicale, dans le contexte de maîtrise des dépenses de santé a recommandé de se
doter des moyens d’évaluation lors de sa 3ème conférence annuelle.
Il est certain que l’évaluation des prestations de santé est celle qui pourrait
conduire à changer les attitudes, les investissements, les décisions sur le plan institutionnel.
Le comité d’éthique pense que face aux différents enjeux, l’évaluation est une nécessité
appropriée à la valeur, l’efficacité et le coût des équipements.
L’évaluation est justifiée en raison des considérations économiques. Elle est
justifiée aussi en raison des considérations sociales et juridiques tant la santé s’insère non
seulement dans le processus d’accès aux soins, mais aussi, à la recherche de leur qualité.
Dans le domaine spécifique de la télé-médecine, à l’évaluation économique,
sociale et juridique, devrait s’ajouter l’évaluation professionnelle et de la compétence
d’utilisation des outils télématiques appelés à connaître un caractère évolutif. Chaque progrès
technique est susceptible de transformer leur mise en oeuvre d’une année à l’autre. La
conséquence de la rapidité de l’évolution technique sera la difficulté d’assurer le
renouvellement du matériel que d’aucuns pourrait considérer comme non actualisé ou périmé
et nécessite des investissements nouveaux.
Ce caractère évolutif nécessitera des évaluations objectives et actualisées pour
pouvoir libérer des ressources nouvelles et développer des structures médicales de haut
niveau, sans entrer en concurrence avec les objectifs nationaux de prévention et d’accès des
soins au plus grand nombre.
La Tunisie sera appelée tôt ou tard à se doter d’outils de télédiagnostic. Ils existent
déjà dans des services publics qu’adviendrait-il lorsque les structures privées seront dotées
des mêmes outils. Les différents spécialistes (en médecine ou en chirurgie) pourront-ils faire
interpréter des examens dans des institutions utilisant en routine des services de télé-médecine
? Il s’agira alors d’un problème déontologique que le Conseil de l’ordre des médecins et les
autorités de tutelles auront à réglementer en définir les implications professionnelles, les
responsabilités et de la formation.
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