Quai ouest
texte Bernard-Marie Koltès
mise en scène Ludovic Lagarde
CRÉATION
du jeudi 6 au vendredi 14 novembre 2014
mercredi et jeudi à 19h30, vendredi à 20h30 et samedi à 18h30
relâche du dimanche 9 au mardi 11 novembre
spectacle en grec, surtitré en français
La Comédie de Reims-CDN
3, chaussée Bocquaine
03 26 48 49 00 | www.lacomediedereims.fr
tarifs : 5 à 22€
Contact presse Comédie
Florence Lhermitte, secrétaire générale
[email protected] - 06 03 24 47 18
Quai ouest
texte Bernard-Marie Koltès
mise en scène Ludovic Lagarde
traduction grecque Vassilis Papavassiliou
assistant Alexandros Vamvoukos
avec
Samuel Akinola Abad
Themis Bazaka Cécile
Nikos Hatzopoulos Maurice Koch
Anastasia Konidi Claire
Yiorgos Kotanidis Rodolphe
Dimitris Lalos Charles
Maria Nafpliotou Monique Pons
Yiannis Niarros Fak
dramaturgie Marion Stouf et
scénographie Antoine Vasseur
lumières Sébastien Michaud
son David Bichindaritz
vidéo Grigoris Rentis
costumes Eva Nathena
coproduction
la Comédie de Reims - CDN
Théâtre National de Grèce
avec le soutien de l’Institut Français de Grèce
durée 2h30
Dans le cadre de l’opération “Grèce France Alliance 2014”, initiée par L’Institut
Français en écho aux célébrations des quarante ans du retour de la démocratie en Grèce,
la Comédie de Reims et le Théâtre National d’Athènes s’associent pour une production.
Ludovic Lagarde choisit de mettre en scène
Quai ouest
de Bernard-Marie Koltès avec
une distribution entièrement grecque et une équipe artistique qui réunit des dèles de
ses céations.
Le spectacle a été créé le 5 juin 2014 au Théâtre National d’Athènes. L’invitation
d’artistes étrangers fait partie du projet du Théâtre National d’Athènes depuis plusieurs
saisons. Olivier Py a mis en scène
Vitrioli
de Yannis Mavritsakis, Bob Wilson
L’Odyssée
d’Homère et Gotcho Gotchev a également été invité.
Entretien avec Ludovic Lagarde
Pourquoi avez-vous choisi
Quai ouest
de Bernard-Marie Koltès ?
Quand Olivier Descotes le directeur de l’Institut français de Grèce m’a demandé de proposer
une pièce au Théâtre National, j’ai tout de suite pensé à
Quai ouest
. J’aime ce texte depuis
longtemps. En France je n’ai jamais mis en scène Koltès. J’ai pensé que c’était le moment,
d’autant que les sujets traités dans la pièce me semblaient pertinents en miroir de la Grèce
contemporaine, et des situations que la crise a entrainées.
Cette pièce communique-t-elle un message au spectateur d’aujourd’hui ?
Le personnage de Koch vient pour se suicider sur ces quais au bord de l’eau, comme si le
chemin se terminait là, comme une impasse. Or Koch est un nancier ruiné, qui a perdu,
dépensé, dilapidé une fortune qu’on lui avait con ée. Koltès est parti d’un idée simple, celle de
faire se rencontrer des gens qui ne se rencontrent jamais dans la vie: un homme d’affaire qui
vit dans le monde du luxe et de l’abondance accompagné de son assistante Monique issue de
ce même monde, et des gens exclus du système qui habitent une sorte de ghetto, dans ces
hangars près de l’eau. Ils y vivent d’expédients, de tra c, de deal. Ils survivent grâce à l’espoir
de pouvoir s’en sortir un jour. Parmi ces habitants, se trouvent des immigrés de la 1ère et de
la 2ème génération, venus d’Amérique latine et d’Afrique. Et c’est l’impossibilité pour Koch de
rembourser sa dette qui le mène vers ces lieux et produit cette rencontre.
Quel a été votre axe de travail pour la mise en scène ?
Deux axes ont guidé mon travail. D’une part je me suis rendu compte que chaque scène de
Quai ouest
repose sur un enjeu commercial. Chacun veut obtenir quelque chose de l’autre, et
va échanger, dealer un objet, de l’argent, du sexe, de l’amour, de l’espoir pour obtenir ce qu’il
veut. Koch va être d’ailleurs littéralement « dépecé » tout au long de la pièce. Sa montre, son
argent, son briquet, sa bague, sa voiture, son corps vont servir de monnaie d’échange.
Deux ans après la création de
Quai ouest
par Patrice Chéreau aux Amandiers de Nanterre,
Koltès écrira son chef d’oeuvre, sa pièce de référence :
Dans la solitude des champs de coton
.
Cette pièce est un duo dans lequel dialoguent un client et un dealer. Koltès a trouvé son sujet
en écrivant
Quai ouest
et l’a en quelque sorte compressé et creusé avec
Dans la solitude des
champs de coton
.
J’ai donc pensé à minimiser le décorum et l’importance des représentations réalistes dans la
pièce - le hangar, le bord de l’eau, l’autoroute - pour concentrer le jeu en organisant l’espace
comme pour jouer la pièce
Dans la solitude....
La scénographie est un espace de deal,
d’échange, de passage et de rencontre au coeur d’un labyrinthe dans lequel les personnages
nissent par se perdent eux-mêmes.
L’autre axe qui a conforté ce choix de mise en scène est venu de la construction même de
la pièce. En effet je me suis aperçu à quel point Koltès s’était inspiré du Théâtre classique
français. Comme chez Racine et surtout Marivaux (car en dépit du thème assez grave, l’auteur
voulait écrire une comédie) la pièce est une succession de scènes à deux ou trois personnages,
croisant les enjeux de désir et de pouvoir, tissant l’intrigue avec des con its familiaux et
politiques. Or dans le répertoire classique français, l’action se déroule très souvent dans un
vestibule, un espace qui distribue les autres pièces du palais ou de la maison, comme un lieu
de passage obligé, un carrefour des passions.
À ce propos j’ai cité Racine, mais l’in uence de Shakespeare est aussi très forte. Koltès avait
d’ailleurs traduit
Le Conte d’hiver
.
Quels sont les enjeux de la mise en scène ?
J’ai souhaité transmettre la beauté de la pièce et de l’écriture de Koltès, sa force poétique et
politique. Il pose la question de la liberté et de la possibilité ou non de vivre en marge de la
société, pour peu qu’on en ait le désir ou qu’on en soit exclu au départ. Il revient - c’est un
thème central dans son oeuvre - sur les conséquences de la colonisation et ses mécanismes
destructeurs. Koltès montre de façon assez visionnaire à quel point le système dans lequel
nous vivons aujourd’hui, même s’il est à bout de souf e, ne tolère aucune marge, ne laisse
place à aucune alternative. Et il traite, comme l’ont fait avant lui de grands écrivains comme
Pier Paolo Pasolini ou Jean Genet, de l’humanité exacerbée que l’on trouve dans les micro-
sociétés organisées hors-système, les prisons, les ghettos....
Parlez-moi de l’approche scénographique. Le plateau apporte-il une valeur symbolique ?
Lors de mon arrivée à Athènes il y a deux ans, j’ai été frappé par la vue de ces immenses
panneaux d’af chage publicitaire que l’on peut voir de l’autoroute qui mène de l’aéroport
au centre-ville. Ils étaient vides. Je veux dire sans aucune af che publicitaire les recouvrant,
comme à l’abandon, patinés par le soleil et le vent, certains en lambeaux. Je m’étais guré
que c’était un effet spectaculaire de la crise économique et qu’il n’y avait plus rien à vendre en
Grèce, ou que les gens ne pouvaient plus acheter, et la publicité n’avait donc plus lieu d’être.
J’ai appris depuis que cela n’a rien à voir et que ces panneaux étaient trop dangereux pour les
automobilistes qui les regardaient et provoquaient des accidents… Mais j’ai vu ces panneaux
comme des vestiges d’une civilisation disparue, celle de la consommation de masse, et ces
panneaux m’évoquaient certains lms de Federico Fellini, les studios de Cinecittà à l’abandon,
ou encore d’immenses statues comme celles de l’île de Pâques, vestiges éternels en pleine
nature d’une société disparue… Tout ceci a in uencé l’élaboration de l’espace et les enjeux de
la scénographie qu’Antoine Vasseur a réalisée avec les équipes des ateliers de construction
du Théâtre National.
En me rendant à Épidaure, j’ai également été frappé par la vue d’immenses citernes à pétrole
qui nous ont donné par la suite l’idée des formes arrondies des murs leur conférant, dans la
scénographie, leur caractère de carrousel sensuel.
Comment la musique s’inscrit-elle dans le spectacle ?
Il y a beaucoup de didascalies sonores écrites par Koltès dans cette pièce : pluie, vent,
tempêtes, envol d’oiseaux etc… Nous avons choisi avec David Bichindaritz de les traiter soit
en nous servant d’archives, soit en enregistrant des matières sonores une nuit, à Athènes,
dans le port du Pyrée… Certains lieux évoqués dans la pièce, en particulier le euve, sont
représentés par des sons (les vagues, le ressac…) qui les font exister hors champs.
Et puis je souhaitais intégrer de la musique à des moments précis. La musique produit du
lyrisme, mais aussi agrandit l’espace, renforce la ction si elle est bien utilisée, et crée du
temps qui passe étrangement, le temps frictionnel. L’in uence du cinéma est importante dans
mon travail. J’utilise le son, la musique et toutes les possibilités qu’offre le mixage.
Come Rain
or Come Shine
, le morceau de Ray Charles que l’on entend vers la n de la pièce pendant
la scène où Claire fait une déclaration d’amour à son frère Charles, est une trouvaille qu’a
faite Marion Stouf et, notre conseillère dramaturgique. Il se trouve que certains passages des
répliques de Claire sont empruntés à cette chanson. L’idée est venue de l’entendre comme si
elle venait d’un Ferry au loin quittant le port de nuit ; et comme si la pièce se déroulait le temps
d’une escale de ce navire. Les touristes et voyageurs à bord gurent soudainement l’existence
du monde extérieur au ghetto où la l’intrigue se joue, et dont on avait ni par oublier l’existence.
Gregoris Rentis, qui a réalisé la partie vidéo du spectacle, est parti lmer un soir, sur une plage
du Pyrée le départ d’un Ferry vers les îles…
La lumière joue un rôle primordial. Quelle était votre approche ?
Je travaille depuis plus de vingt ans avec Sébastien Michaud qui a créé les lumières de ce
Quai ouest
. Nous avons ensemble une grande complicité. La lumière est pour moi un élément
fondamental dans mon approche du Théâtre. Elle sculpte l’espace, dessine les corps, crée du
temps, de la matière, et constitue un élément rythmique essentiel à la composition d’une mise
en scène. Comme pour le son, Koltès donne de nombreuses indications de lumière qui ne
sont nullement décoratives mais font partie intégrante de l’écriture. Pour exemple, le rôle et la
présence du soleil lié organiquement aux apparitions de Cécile, la mère de Charles ; le rôle de
l’ombre et de l’obscurité qui produit le mystère, la crainte ou l’attirance. La pièce ne cesse de
traiter du « passage » de l’ombre à la lumière, de la lumière à l’ombre… et Koltès écrit avec la
lumière pour dire la vie, la mort, le sexe, la reconnaissance, la disparition…
Avez-vous eu des dif cultés à ajuster à travers le texte grec les signes linguistiques et
paralinguistiques, c’est-à-dire les signes du jeu ?
Ma première surprise fut de découvrir que la langue grecque est plus longue à exprimer une
idée que le français. Cela m’a valu quelques soucis rythmiques au début du travail. À plusieurs
reprises pendant les répétitions, pour moi en suivant dans la brochure le texte original une
réplique était terminée… pourtant l’acteur continuait à parler. Mais, je me suis vite réglé sur
ce nouveau ryrhme. L’autre question un peu dif cile fut de ne pas pouvoir me rendre compte
suf samment de la manière dont le texte était traduit. Alexandros Vamvoukos qui connaît bien
la langue française et m’a très bien assisté sur ce projet fut précieux. Nicos Radzopoulos qui
interprète Maurice Koch a été également d’une grande aide pour ces questions parfois un peu
délicates.
Comment avez-vous travaillé avec des comédiens grecs ? La langue est-elle un obstacle?
Nous avons en fait beaucoup parlé en anglais durant les répétitions. Tous le parlent bien et
certains acteurs maîtrisent un peu le français. Ce fut donc un joyeux mélange de langues et
nous avons, je crois, réussi à bien nous comprendre.
Ce qui est une expérience étrange c’est qu’après le travail de détail sur une scène pendant
laquelle je garde sous les yeux le texte français, nous lons la scène en entier, je lâche alors
mon livre, regarde et écoute une scène dans une langue que je ne comprends pas et pourtant
je sais, en tout cas je crois savoir, je ressens, je vibre et comprends si la scène est juste, si les
acteurs sont au bon endroit du jeu. En cela, sans verser dans la démagogie, je crois vraiment
que le Théâtre est un langage universel. Une double écriture se déroule sur la scène, celle
de l’écriture au sens stricte celle du texte, mais aussi une écriture scénique incarnée par les
acteurs qui écrivent eux aussi, sur le plateau, avec leur corps, leur voix, leur rythme, leurs
émotions. Et je pro te de cet entretien pour dire le grand plaisir que j’ai eu à travailler avec tous
ces acteurs formidables !
L’accueil du public grec est-il différent de l’accueil du public français ?
Je ne sais pas. Je ne crois pas. Comme en France, chaque soir de représentation est différent.
Parfois les gens rient et réagissent beaucoup, d’autres soir moins… je ne vois pas de différence
importante. Et puis vous savez, il y en France autant de public différents qu’il y a de villes, de
régions, voire même de Théâtres. La même pièce suscitera des rires et des commentaires
joyeux à Lille ou à Marseille, et sera accueillie dans un silence respectueux à Reims ou à Paris.
Les tempéraments, les mentalités, les habitudes des spectateurs… tout compte.
Pensez-vous que Koltès peut être classé parmi les auteurs classiques ?
Non je ne pourrais pas dire ça. Même s’il est entré maintenant dans le répertoire du Théâtre
français, il reste pour moi un auteur contemporain, dont le Théâtre pose encore aujourd’hui des
questions brûlantes. Les années 80 furent un tournant. Le virage néo-libéral fut pris dans ces
années là, c’est le début de la globalisation du monde, de la marchandisation à outrance, de
la révolution technologique... nous sommes encore dans la résonance de cette époque. Koltès
écrit, comprend et anticipe.
Revue Theatrographies
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !