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CHAPITRE 2
THERMODYNAMIQUE ET ORIGINES DE LA VIE
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© F. Cleri, Institut d’Electronique, Microélectronique et Nanotéchnologie,
Université de Sciences et Technologies de Lille, 2007
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2.1 – La vie et le deuxième principe
Le deuxième principe décrit le flux d’énergie dans des procès naturels irréversibles.
L’interprétation physique du 2PTD est que le flux d’énergie procède toujours en direction
d’une distribution uniforme de l’énergie dans le système fermé (l’univers).
La grandeur entropie, S, permet de décrire cette tendance d’une façon plus quantitative. Par
exemple, si l’on considère une maison chauffée à température T1 au milieu d’une froide nuit
d’hiver à la température T2, la définition calorique de l’entropie nous porte à écrire :
[1] ΔS = ΔSmaison + ΔSexterieur ΔQ/T1 + ΔQ/T2
Le signe négatif du premier terme indique que la chaleur est transférée de l’intérieur de la
maison à l’environnement extérieur. Évidemment, l’entropie augmente car T1>T2 . Si l’on
éteint le chauffage, le flux de chaleur persiste jusqu’à T1=T2 .
Comme il nous dit l’eq.(22), l’entropie est également une mesure des possibilités. Un volume
plus grand permet un nombre plus grand de configurations, d’un même système, donc il est
associé à une valeur d’entropie plus élevée.
Du point de vue de la thermodynamique, l’univers peut être caractérisé comme un système
fermé, dont l’énergie reste constante, mais vient d’être redistribuée et homogénéisée de façon
à augmenter l’entropie. Cela porterait à l’ainsi-dite mort thermique de l’univers.
Par contre, les mesures de calorimétrie effectuées sur plusieurs systèmes moléculaires vivants,
comme ADN, protéines, et même virus et bactéries, montrent que leur contenu en énergie est
plus élevé que celui des précurseurs élémentaires. En outres termes les réactions chimiques
qui portent aux systèmes vivants sont endothermiques, et pourtant il seront prohibés, ou
largement improbables, du seul point de vue de la thermodynamique. On dit parfois que
« Clausius et Darwin ne peuvent pas avoir raison en même temps » (R. Caillois, Cohérences
aventureuses, Gallimard, 1976).
Notre observation, dans le chap. 1.9, que la Terre n’est pas un système fermé, et donc elle
reçoit un flux d’énergie et d’entropie négative de l’extérieur, est qualitative. Mais elle ne nous
permet pas de progresser dans la complexité de l’organisation de la matière vivante.
La combinaison du premier et deuxième principe en une seule équation s’écrit :
[2] ΔS (ΔE + pΔV ) / T , ou ΔG 0
Cela est le critère pour définir des transformations (par exemple, des réactions chimiques, ou
des changements de phase) comme spontanés. Si la transformation se passe au cours d’un
temps Δt, il est nécessaire que :
[3] ΔG/Δt 0
À souligner que la notation ‘Δ’ se réfère à la différence entre les instants initial et final de la
transformation, ce qui n’empêche que certains stages de la transformation puissent passer à
travers de ΔG > 0. C’est pur cela qu’on évite la notation ‘d’ de dérivée, qui impliquerait une
décroissance monotonique de l’énergie libre.
L’approche à l’équilibre dans un système fermé est signalée par :
4
[4] ΔG/Δt 0
L’interprétation plus propre de l’eq.[3] se trouve en renversant les termes de la façon
suivante :
[5]
!
"S
"t#1
T
"E
"t+p"V
"t
$
%
& '
(
) *0
, ou
!
"S
"t#1
T
"H
"t$0
Le premier terme représente la variation d’entropie pour des procès internes au système, alors
que le deuxième représente la variation d’entropie suite aux échanges d’énergie mécanique
et/ou de chaleur avec l’extérieur.
Par exemple, au cours de la cristallisation de l’eau en glace, l’enthalpie mesurée est ΔH= –80
cal/g (réaction exothermique), alors que la variation d’entropie est ΔS= –0.293 cal/(gK-1). La
transformation d’eau en glace devient spontanée à la température :
[6] –0.293 – (–80.)/T > 0 , soit T 273 K
Peut-on faire un parallèle entre une réaction de cristallisation comme celle-ci, et l’agrégation
de monomères simples en protéines et molécules de la vie ?
2.2 – L’impossible agrégation spontanée des formes de vie
Un exemple iper-idéalisé en biologie est le calcul de la probabilité de former spontanément
une bactérie comme Eschirichia coli, à partir des précurseurs simples.
L’Escherichia coli, autrement appelé colibacille ou E. coli,
est une bactérie intestinale des mammifères très commune
chez les humains. Découverte en 1885 par Théodore
Escherich, dans des selles de nourrissons, c'est un
coliforme fécal généralement commensal. Cependant,
certaines souches d’E. coli peuvent être pathogènes.
L’E.coli est très souvent utilisé en biologie comme exemple
d’organisme modèle pour les procaryotes, c’est-à-dire une
espèce qui est étudiée de manière approfondie pour
comprendre un phénomène biologique particulier, en
supposant que les résultats de ces expériences seront aussi partiellement valables pour la
connaissance d'autres organismes.
Cela est possible parce que les principes biologiques fondamentaux comme les voies
métaboliques, régulatrices, et développementales, et les gènes qui portent leur code, sont
conservés au cours de l'évolution.
De la photo précédente d’un microscope à balayage, on peut estimer le volume pseudo-
cylindrique de la bactérie comme:
[7] V =
π
(D/2)2L = 0.56 µm3 , avec D=diamètre=0.6µm et L=longueur=2µm
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La cellule individuelle de cette bactérie contient env. 2x1010 atomes, principalement C, H et
O, avec un nombre de masse moyen A=10, NA=6.02x1023 nombre d’Avogadro et
ρ
=1 g/cm3 la
densité, assimilée à celle de l’eau :
[8] n=densité d’atomes=
ρ
(NA/A) = 6.02x1022 at/cm3 N = (Vn)-1 = 1.92x1010 atomes
Calcul du nombre moyen de protéines : La concentration typique des protéines dans le
cytoplasme (mesurée) est de ~180 mg/ml. Donc, dans le volume de 0.56 µm3=0.56x10-12 ml,
on a MP=180*0. 56x10-12=10-10 mg de masse en protéines. Si l’on prend pour la masse
moyenne d’une protéine la valeur typique de 60 kDalton (1 Dalton est égal à 1/NA grammes)
on trouve NP=MP/60kDa=10-13/10-19=106 protéines, dans la typique cellule prokariote de
e.coli.
Les types de protéines presentes ne sont pas infinis : on compte env. 10.000 protéines
differentes pour une cellule eukariote, et env. 2000 protéines differentes pour une cellule
prokariote. Donc, on trouve env. 500 copies d’une meme protéine dans notre bacterie.
Calcul du nombre d’atomes d’une protéine : Si l’on prend comme structure moléculaire
typique le sucre, C6H12O6, on a une masse d’env. 180 Da pour 24 atomes. Donc, on peut
simuler qu’une protéine contient env. 60.000/180*24=8000 atomes. Le total des atomes
engagés dans les protéines dans e.coli est env. 500*2000*8000=8x109. Le reste des atomes,
1.92x1010–8x109=1.12x1010 represente l’ADN et le cytoplasme : eau, nutrients (sucres) etc.
Des mesures de la chaleur d’évaporation de la bactérie donnent une quantité d’énergie de
+0.0095 erg, ou +9.5x10-10 J. Puisque 1 eV=1.602 x10-19 J, cela fait +5.93 x109 eV, ou +0.31
eV/atome en moyenne.
Donc, la liaison des atomes dans les structures moléculaires et protéiques d’une bactérie
demande une contribution ΔH positive, elle n’est pas du tout spontanée (à toute température T
le ΔG>0). Alors que dans l’eau, la liaison chimique force les molécules d’eau dans un ordre
cristallin, à une température telle que le terme ΔH/T devient suffisamment petit, un bouillon
de monomères organiques résiste à l’organisation à toute température.
Même si la question n’a pas tellement de sens, car le système Terre est toujours hors
d’équilibre, on peut calculer la probabilité d’une telle fluctuation d’énergie pour un système à
l’équilibre, au seul but de démontrer que cette idée ne peut avoir rien à voir avec l’insurgence
de la vie. Sur l’exemple de l’eq.[24] du chap. 1, cette probabilité serait de l’ordre de :
[9] prob [exp(+0.31)]-1.92x10^10 ~ 10-2580000000
Dès que l’énergie libre des systèmes vivants est aussi grande et positive, la formation et la
survie de ces systèmes impliquent un apport constant d’énergie et une réduction de l’entropie
de l’extérieur.
Pourtant, le maintien des systèmes vivants ne serait pas possible suite à la simple provision
d’énergie, en absence d’un moyen de convertir cette énergie en travail utile. Une automobile
est un ensemble de moteur, transmission et chaîne de guide, pour convertir l’énergie chimique
de l’essence en travail mécanique de locomotion. Simplement mettre des bidons de gazoline
sur les fauteuils d’une voiture ne donne pas du travail de locomotion. De la même manière,
sans une structure organisée pour transformer la nourriture en travail, les systèmes vivants ne
pourraient réaliser aucune des fonctions vitales.
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