revue
Introduction
Malgré les progrès constants des traitements contre le virus
de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1), le
développement d’un vaccin efficace dans la prévention de
l’infection et/ou le contrôle de la progression de la maladie
reste aujourd’hui un objectif majeur. Grâce aux nombreux
travaux visant à établir des corrélats de protection vis-à-vis
de l’infection par le VIH-1, confortés par l’expérience des
stratégies vaccinales utilisées dans d’autres maladies virales
comme la grippe ou la poliomyélite, il est actuellement
admis que la réponse humorale, par le biais des anticorps
neutralisants, constitue un élément central dans le déve-
loppement d’un vaccin préventif. L’association de cette
réponse humorale à une réponse cellulaire T cytotoxique
détruisant toute cellule infectée par des virus qui auraient
échappé aux anticorps neutralisants devrait théoriquement
permettre d’obtenir une réelle immunité stérilisante vis-
à-vis de l’infection par le VIH-1. Malheureusement, les
échecs relatifs des essais cliniques vaccinaux réalisés chez
l’homme ces dernières années rappellent la complexité de
cet objectif dans le cas de ce pathogène très particulier
qu’est le VIH [1-4].
Le VIH, un virus particulier ?
Face aux agents pathogènes bactériens ou viraux, le système
immunitaire développe une réponse immunitaire adaptative
impliquant, d’une part, des anticorps neutralisants capables
d’inhiber l’infectiosité des particules virales et, d’autre part,
des lymphocytes T CD8+cytotoxiques qui reconnaissent et
détruisent les cellules cibles infectées. La coordination de
ces réponses est médiée par les lymphocytes T CD4+auxi-
liaires. Dans le cadre d’une infection par le VIH, la réponse
immunitaire est inefficace et ne permet pas d’éliminer le
virus. En effet, aucun cas de guérison spontanée d’une
personne séropositive n’a été décrit à ce jour. Différentes
propriétés propres au VIH-1 permettent d’expliquer le
manque d’efficacité de la réponse immunitaire et les dif-
ficultés de conception d’immunogènes efficaces.
Parmi celles-ci il y a tout d’abord l’extraordinaire diver-
sité du VIH-1. De par son énorme capacité réplicative
(1010 virions produits par jour au sein d’un individu), sa
propension à se recombiner et le taux d’erreur élevé de la
transcriptase inverse (3,4 ×10−5mutations par base et par
cycle), la capacité de mutation et d’adaptation du VIH-1
est particulièrement élevée. L’extraordinaire diversité géné-
tique du VIH est illustrée tant par les nombreux sous-types
circulants à l’échelle de la planète que par la multipli-
cité des variants viraux constituant les « quasi espèces »
à l’échelle d’un individu. Le groupe M du VIH-1 est divisé
en neuf sous-types purs et 43 formes recombinantes circu-
lantes. Au sein d’un même sous-type, la diversité du VIH-1
peut atteindre 20 % et, dans certaines régions d’Afrique où
plusieurs sous-types circulent, les virus circulants peuvent
présenter une diversité allant jusqu’à 38 % dans certaines
régions variables de leur glycoprotéine d’enveloppe. Chez
un seul individu, la diversité génétique du VIH-1 géné-
rée après six années d’infection serait supérieure à celle
des virus de la grippe A sur la planète en une année [5].
Cette diversité du VIH-1 constitue un obstacle majeur au
développement d’immunogènes représentatifs de tous les
variants circulants. Elle lui permet en effet d’échapper aux
lymphocytes T CD8+cytotoxiques ainsi qu’aux anticorps
neutralisants.
Un second obstacle rencontré est lié au fait que le VIH
infecte les cellules du système immunitaire, en particulier
les lymphocytes T CD4+, cellules clés de la mise en place
des réponses immunes adaptatives. La chute rapide et pré-
coce du nombre de lymphocytes T CD4+, en particulier
dans les organes lymphoïdes associés au tractus digestif,
dans lesquels 60 % de la quantité totale des lymphocytes T
CD4+sont présents, constitue un élément déterminant de
l’échec de la clairance virale [6, 7].
Enfin, la capacité du VIH-1 à établir, dès la primo-infection,
un réservoir latent de lymphocytes T CD4+infectés consti-
tue un obstacle majeur à l’élimination du virus. Dans ce
réservoir latent, le virus dont le génome est intégré dans
celui de la cellule hôte n’est pas reconnu par le système
immunitaire et ne peut pas être éliminé par les traitements
dont on dispose actuellement [8-10].
Cela signifie que, pour être optimale, une stratégie vaccinale
préventive nécessiterait le développement d’une réponse
immunitaire humorale large reconnaissant des virus très
divers et agissant très rapidement afin d’éviter tout archi-
vage génomique [11, 12].
Les anticorps neutralisants : définition et
méthodes d’étude
Les anticorps neutralisants sont classiquement définis par
un rôle fonctionnel d’inhibition de l’infection des cellules
cibles déterminé in vitro. Ces anticorps agissent aux stades
précoces de l’infection en empêchant la fixation du virus
à la surface cellulaire et/ou sa libération dans le cyto-
plasme cellulaire [13]. Comme rappelé dans une revue
antérieure, il est considéré que, dans les modèles viraux
où une protection par vaccination est obtenue, les anti-
corps protecteurs in vivo sont neutralisants in vitro [14]. Les
tests de détermination de l’activité neutralisante de sérums
de patients ou d’anticorps monoclonaux utilisent désor-
mais comme cellules cibles, soit des cellules mononuclées
du sang périphérique (PBMCS), soit des lignées cellu-
laires adhérentes modifiées pour exprimer les récepteurs
et co-récepteurs du VIH. Bien qu’il soit toujours néces-
saire d’améliorer la robustesse des tests pour des études
24 Virologie, Vol 15, n◦1, janvier-février 2011
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