REIN et MYELOME MULTIPLE Nouveautés pathogéniques et applications thérapeutiques Thierry FACON Service des Maladies du Sang Hôpital Claude Huriez CHRU LILLE Le myélome multiple (MM) ou maladie de Kahler est une hémopathie maligne caractérisée par le développement d’un clone de plasmocytes tumoraux envahissant la moelle hématopoïétique. Il représente 1 à 2% de l’ensemble des cancers et 10 à 12% des hémopathies malignes (environ 3500 nouveaux cas par an en France). L’incidence s’accroît avec l’âge. L’âge moyen au diagnostic est de 65 ans (moins de 2% des patients ont un âge inférieur à 45 ans). L’impact du MM augmentera dans les années à venir, du fait du vieillissement de la population. Pendant trois décennies, il n’y a eu aucun progrès tangible dans la prise en charge du MM, en particulier dans le traitement initial qui est longtemps resté l’association Melphalan/Prednisone, introduite à la fin des années 1960 et résultant en une médiane de survie d’environ 3 ans. Depuis une dizaine d’années, on assiste de nombreux progrès dans plusieurs domaines. Tout d’abord, les connaissances de la physiopathologie du MM ont rapidement progressé. Le phénotype et les anomalies génétiques des plasmocytes malins ont fait l’objet de nombreuses études. Le rôle des cytokines, notamment de l’interleukine-6, dans la survie et la prolifération des cellules myélomateuses a été mis en évidence. Plusieurs équipes se sont également attachées à préciser les interactions entre les plasmocytes malins et le microenvironnement médullaire, avec leurs applications thérapeutiques potentielles. L’inclusion de très nombreux patients dans les essais cliniques a permis de redéfinir les facteurs pronostiques. Si la béta-2-microglobuline sérique et l’albumine constituent toujours d’excellents marqueurs pronostiques, il faut insister sur l’influence des anomalies cytogénétiques, mises en évidence par la technique d’hybridation in situ. La translocation t(4;14) et la délétion 17p sont maintenant des facteurs de mauvais pronostic bien identifiés et ces anomalies doivent être recherchées chez tout patient présentant un MM au moment du diagnostic. Deux types de progrès thérapeutique se sont succédés à partir de la fin des années 1980. D’abord, la chimiothérapie intensive avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ACSH) a permis d’augmenter la fréquence et la qualité des réponses, et d’allonger la durée de réponse et la survie. La procédure d’ACSH s’est améliorée, depuis la fin des années 1980 jusqu’à nos jours, avec de meilleures chimiothérapies d’induction, des progrès dans la collecte des cellules souches du sang périphérique, et la mise au point du conditionnement de référence à l’autogreffe -- qu’est le melphalan 200 mg/m2. Le traitement intensif avec ASCH a, globalement, été responsable d’une amélioration de la médiane de survie des patients d’environ 1 an, pour les patients les plus jeunes, habituellement âgés de moins de 65 ans. Ces traitements intensifs, du fait de leur toxicité, ne sont pas accessibles, le plus souvent, aux patients âgés de plus de 65 ans. L’autre progrès décisif a été l’introduction successive, à partir de la fin des années 1990, de trois molécules nouvelles, actives non seulement sur le clone malin mais aussi sur le microenvironnement médullaire ; thalidomide, bortezomib et lénalidomide. Initialement développées pour traiter le MM en rechute, ces molécules sont maintenant utilisées dans le traitement de première ligne, avec l’établissement de nouveaux standards de traitement, melphalan – prednisone – thalidomide (MPT) ou melphalan – prednisone – bortezomib (MPV), tous deux supérieurs à l’association historique melphalan – prednisone (MP). Ces molécules nouvelles ont prolongé la survie des patients âgés d’environ 18 mois par rapport aux traitements historiques, avec des médianes maintenant de l’ordre de 50 mois. Enfin, l’utilisation de ces molécules avant et/ou après le traitement intensif avec ASCH augmente très nettement les taux de réponse complète et la durée de survie sans progression. Le bortezomib était le premier inhibiteur du protéasome utilisé en thérapeutique humaine et d’autres inhibiteurs du protéasome, peut-être plus puissants et mieux tolérés, sont en cours de développement (carfilzomib). De même, de nouveaux dérivés du thalidomide sont en cours d’investigation (pomalidomide). Jamais les médecins n’ont disposé d’autant de médicaments prometteurs dans le traitement du MM. L’objectif n’est maintenant plus de soulager les douleurs osseuses en obtenant des réponses partielles brèves mais bien d’obtenir les réponses les plus complètes et les plus prolongées possibles, y compris chez les sujets très âgés. L’introduction de ces nouvelles molécules laisse entrevoir la possibilité d’une guérison, au moins chez certains patients jeunes de bon pronostic. • --