Principales données scientifiques pouvant expliquer l`auriculothérapie

Résumé
Le pavillon de l’oreille dispose d’une innervation particulièrement dense et variée :
V3 trijumeau pour le pavillon, X pneumogastrique pour la conque, nerfs cervicaux
pour le lobule et la queue de l’hélix, ainsi que le VII bis nerfintermédiaire et le IX
glosso-pharyngien.
L’oreille entretient des relations intimes avec le tronc cérébral.La convergence
neuronale sur les unités réticulaires et ses liaisons avec la substance grise périaquedu-
cale permettent d’expliquer son importance dans le domaine de l’analgésie.
Le diagnostic auriculaire a été évalué :il est valide, mais pas infaillible.
L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle a permis de noter la corréla-
tion d’une partie du cerveau et d’une zone de l’oreille.Les travaux en téléthermogra-
phie dynamique montrent que l’oreille pourrait avoir un rôle thermorégulateur sur
les organes.Les travaux de recherche clinique n’en sont que plus convaincants.
La neurophysiologie.
Les travaux de Jean Bossy
Jean Bossy a été neuro-anatomiste à la Faculté de médecine montpellier-Nîmes.Il a
toujours tenté d’expliquer l’acupuncture et l’auriculothérapie, de la manière à la fois
la plus précise, à l’éclairage de la neuro-anatomie et de la neurophysiologie (1-4).Il a
reçu le prix de l’école internationale Paul Nogier en 2000.
La neuro-anatomie de l’oreille
Bossy a décrit l’innervation sensitive de l’oreille.Ses dissections ont été reprises (thèse
de M.Séouane, Montpellier 1974).Il a reconnu l’existence de fquentes variations
anatomiques individuelles, et admis la possibilité d’innervation par le nerfintermé-
diaire VII bis et par le glosso-pharyngien IX (fig.7 du chapitre écrit par Jean Bossy).
Principales données scientifiques
pouvant expliquer l’auriculothérapie
Y.Rouxeville
Le pavillon de l’oreille est le seul lieu du corps disposant d’une innervation aussi
complexe, essentiellement une triple innervation :
– le nerfauriculo-temporal, branche du trijumeau V 3, orthosympathique, pour le
pavillon (support des représentations musculo-squelettiques) et la branche mon-
tante de l’hélix ;
un rameau auriculaire du pneumogastrique X, parasympathique, pour la conque
(support de la représentation des viscères) ;
le grand nerfauriculaire (nerfs cervicaux C1-C2-C3), orthosympathique, pour le
lobule (support des localisations ectodermiques) et la queue de l’hélix.
De plus, le pourtour du conduit auriculaire est innervé par le VII bis (nerfinter-
médiaire), et le tragus par le IX (glosso-pharyngien).
La neurophysiologie
Bossy a toujours insisté sur les phénomènes de convergence sur des unités neurales
de la formation réticulaire.Il a précisé et détaillé le rôle fondamental de cette struc-
ture nerveuse particulière du tronc cérébral et du sous-cortex (3, 4).
La formation réticulaire est une sorte de une toile d’araignée reliant entre eux
directement les centres hypothalamiques, rhinencéphaliques et du tronc cérébral.Les
nerfs du pavillon de l’oreille sont impliqués, l’oreille étant une sorte de dérivation par
rapport aux voies nerveuses.
La formation réticulaire est en relation étroite avec le tonus, avec le système végé-
tatif(centres respiratoires et circulatoires), ainsi qu’avec les fonctions d’éveil et de
sommeil.Elle est en relation étroite avec le noyau rouge, le cervelet, l’hypothalamus
et le cortex.
La formation réticulaire a un rôle capital et non spécifique :
« Il n’est pas possible de donner une explication aux microsystèmes d’acupuncture, à
l’auriculopuncture, à partir de l’organisation des centres primaires… Aussi est-il indis-
pensable de faire appel aux centres supra segmentaires… La formation réticulaire appa-
raît comme le seul centre permettant d’en comprendre les mécanismes d’action. » (4).Le
pavillon de l’oreille recueille les informations périphériques passant par les nerfs crâ-
niens et la formation réticulaire.Sur les unités réticulaires convergent à la fois les
influx venant du corps et les influx venant du pavillon de l’oreille (fig.1).
Le phénomène de convergence peut être compris de la façon suivante.Sur une
même unité réticulée d’influx provenant d’organes malades et de zones cutanées de
l’oreille, les très nombreuses informations éloignées les unes des autres arrivant sur la
même unité nerveuse seront associées, combinées et traduites en une information
unique.Ce phénomène permet d’expliquer deux anomalies apparentes des cartogra-
phies :plusieurs organes peuvent avoir la même localisation à l’oreille.De même, des
cartographies différentes ne seront pas obligatoirement fausses (cf. chapitre du
Pr Bossy, fig.13).
64 Auriculothérapie
L’auteur médical
Bossy, rigoureux linguiste médical, auteur d’un livre fondamental préfacé par J.C.
Sournia (5), nous a toujours conseillé l’emploi des mots justes.En particulier, il l’a
précisé à l’égard du mot « projection » trop souvent utilisé à la place du terme exact
qui est « représentation », pour éviter un contresens et l’incompréhension des neuro-
logues !
Ses deux ouvrages parus chez Masson (3, 4) sont épuisés.Malgré tout, de nom-
breux collègues français ou étrangers les considèrent comme des références.Ces deux
ouvrages nous ont apporté l’explication médicale de l’auriculothérapie et des micro-
systèmes réflexes de l’acupuncture.
L’universitaire
Jean Bossy a créé le diplôme inter universitaire d’acupuncture en 1990.Lors de cette
création dans de nombreuses universités françaises, il a souhaité la création parallèle
d’un diplôme inter universitaire d’auriculothérapie.Ses propositions n’ayant pas reçu
l’écho souhaité, il a tenu à laisser la possibilité de créer, au sein du DIU d’acupunc-
ture, et dans les universités le souhaitant, une unité de valeur optionnelle d’auriculo-
thérapie (à savoir une présentation limitée et non exhaustive de la méthode).
Principales données scientifiques pouvant expliquer l’auriculothérapie 65
Fig. 1 - L’oreille recueille les informations périphériques passant par les nerfs crâniens et la réticulée.
L’analgésie réflexe et son transfert
plasmatique
(6, 7)
Pierre Rabischong a dirigé l’unité 103 de l’Inserm à Montpellier, de 1972 à 1992.
Parmi les recherches qu’il a dirigées, nous retiendrons celles qui furent effectuées par
Claudie Terral dans le cadre de l’analgésie réflexe.
La stimulation par l’électricité d’aiguilles posées sur les oreilles d’un lapin a per-
mis l’analgésie de la patte postérieure droite de ce lapin.Les premiers signes de cette
analgésie apparaissaient en 20 minutes pour être manifestes en 30 minutes.Il s’agit
bien d’une analgésie, car l’animal ne présente pas de signes de paralysie ni de troubles
de la vigilance.Cependant, la réponse motrice est réduite, en cas de stimulation
mécanique du mollet.
Dans un second temps, du plasma prélevé chez ce lapin « donneur » a été injecté à
un autre lapin.Ce lapin « receveur » a présenté une analgésie à la même patte posté-
rieure droite ! Le fait que cette analgésie apparaissait dans le même temps et persistait
quelques heures à quelques jours, fit penser à un phénomène neurosécrétoire.la
conclusion était qu’il devait exister des neurotransmetteurs type enképhaline d’origine
métamérique capables de contrôler la douleur dans les différents métamères (fig.2).
66 Auriculothérapie
Fig. 2 - Transfert plasmatique de l’analgésie chez le lapin par Claudie Terral.Unité 103 de l’Inserm, dirigée par le
Pr Pierre Rabischong.Avec l’aimable autorisation du Pr Pierre Rabischong.
L’équipe de l’unité 103 de l’Inserm a pratiqué en juillet 1974 le premier transfert
plasmatique d’un animal stimulé à un receveur n’ayant reçu aucun traitement.La
naloxone n’inhibait pas les effets de ce type d’analgésie.Les recherches se sont pour-
suivies au centre Sanofi pour isoler les substances actives responsables.
Nous tenons à signaler que Pierre Rabischong avait préfacé le livre-princeps rela-
tifà l’auriculothérapie, le fameux « Traité d’auriculothérapie » de Paul Nogier, paru en
1969.Pierre Rabischong (et son équipe) a reçu le prix de l’école internationale Paul
Nogier en 2003.
Les explications neurophysiologiques
de Durinyan
(8)
Ce chercheur russe (Moscou) a apporté un faisceau de preuves scientifiques irréfuta-
bles pouvant expliquer l’action des stimulations de l’oreille et leur mode d’action.
L’innervation si particulière de l’oreille explique pour lui qu’à son avis, la réflexo-
thérapie auriculaire serait plus efficace que la seule réflexothérapie somatique.Ce
neurophysiologiste russe nous a bien expliqque l’oreille est une zone réflexogène
unique, en raison de son innervation complexe qui fait intervenir des nerfs crâniens
(V, VII, IX, X) et des nerfs cervicaux (C1, C2, C3).
Durinyan a insisté sur les liaisons de l’auricule avec la substance grise périaque-
ducale (SGPA) « l’une des principales formations antinociceptives du cerveau ».
Ces voies nerveuses sont des voies à double sens, qui vont informer l’oreille à
partir du système nerveux central, et dont les stimulations vont être transmises au
système nerveux central, puis au système nerveux périphérique.D’où l’importance
de la projection des nerfs sensitifs auriculaires sur les formations centrales du cer-
veau, et sur la formation réticulaire du tronc cérébral.Cette formation a un rôle bien
connu comme régulateur multiple de nombreuses fonctions (digestive, respiratoire,
circulatoire, éveil, etc.).
Il a étudié l’effet cérébral des stimulations auriculaires, chez le chat anesthésié à
l’éther et mis sous respiration artificielle, en mesurant les potentiels évoqués (PE).
Ses premiers travaux sur le chat
La stimulation électrique de points auriculaires augmente l’activité de populations de
neurones de la SGPA (effet analgésique).
La stimulation électrique de points auriculaires augmente les PE de la SGPA, alors
que les PE sont peu augmentés par la stimulation électrique de points somatiques.
Cela donne à croire que l’effet analgésique de l’auriculothérapie est dû à l’excita-
tion de neurones de la SGPA.Ces stimulations ont un effet analgésique, mais restent
sans effet sur les sensations tactiles.
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