Cas clinique Toxocarose oculaire présumée Toxocarose • Uvéite • Enfant • Sérologie • Western blot • Impasse parasitaire. Presumed ocular toxocariasis L. Kodjikian Toxocariosis • Uveitis • Child • Serology • Western blot • Parasitic impasse. (Service d’ophtalmologie, CHU de la Croix-Rousse, Lyon) Observation et examen Un enfant âgé de 8 ans, d’origine marocaine et ayant voyagé au Maroc peu de temps auparavant, consulte pour une baisse de l’acuité visuelle de l’œil gauche, découverte par la médecine scolaire. Il nous est adressé par son ophtalmologiste pour un syn­ drome des taches blanches. Il présente une acuité visuelle de 10/10 P2 à l’œil droit et 5/10 P3 à l’œil gauche. Les segments antérieurs sont calmes. Le fond d’œil droit est normal. À gauche, les taches blanches correspondent en réalité à de multiples exsu­ dats du pôle postérieur et en nasal de la papille (figure 1). Il existe une minime hyalite. L’examen de la périphérie retrouve des exsudats à la partie inférieure de la rétine et, plus en antérieur, une lésion choriorétinienne blanchâtre légèrement saillante avec un discret soulèvement rétinien (figures 2 et 3). L’échographie en mode B est peu contributive, car la lésion est à la limite de la visibilité. Elle semble correspondre à une masse solide hyperréflective. Aucune calcification ou corps étranger n’est visua­ lisé. À l’OCT (Optical Coherence Tomography), il y a des micrologettes maculaires avec interruption de la ligne de jonction des articles internes/externes des photo­ récepteurs. Une uvéite liée à une toxocarose oculaire, avec un granulome rétinien inférieur périphérique, est donc évoquée en priorité. Le diagnostic différentiel doit éliminer un rétinoblastome, une maladie de Coats, une endophtalmie, d’autres causes d’uvéite (sarcoïdose) et un corps étranger intraoculaire. Le bilan de l’uvéite va consister en des sérologies négatives pour la toxoplasmose, la maladie de Lyme et la syphilis. La sérologie de la toxocarose est positive en ELISA, mais la confirmation par Western blot se révèle négative. Néanmoins, cela n’élimine pas le diagnostic. En raison du jeune âge du patient, une ponction de la chambre antérieure n’est pas réalisée. Le reste du bilan permettra de retrouver une sérologie de filariose positive (anticorps anti­Acanthocheilonema vitae : 2,9). La recherche de microfilaires se révèlera négative dans le sang et les selles. Aucun syndrome inflam­ matoire ni hyper­éosinophilie (non attendue) n’est retrouvé. La radiographie thora­ cique est normale. Une surveillance est décidée. À 1 an, les exsudats ont diminué (figure 4). L’acuité visuelle est remontée faiblement, pour atteindre 6/10 P2. Une occlusion contrôlée de l’œil droit dans le but de traiter l’amblyopie est proposée à la famille. Discussion La toxocarose est une parasitose liée à Toxocara canis, ver nématode intestinal du chien (et tout particulièrement des chiots). La contamination humaine se fait par ingestion de terre ou d’aliments souillés par des œufs contenus dans les selles des chiens. L’homme est une impasse parasitaire. Ainsi, la larve n’atteint jamais son déve­ loppement adulte (l’examen des selles est donc inutile, car aucun œuf n’est excrété). La toxocarose est une cause rare d’uvéite (1 % des cas). Elle touche les jeunes enfants (7 ans en moyenne), jusqu’à l’adolescence ; elle est rare chez les adultes. Sa préva­ lence augmente dans les pays aux conditions socioéconomiques défavorables. Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 4 • juillet-août 2013 91 Cas clinique L’atteinte oculaire est unilatérale, responsable d’une baisse de la vision, de myo­ désopsies, d’une photophobie douloureuse, d’une leucocorie et d’un strabisme. Le granulome rétinien est périphérique ou polaire postérieur (blanc ou gris en relief, non hémorragique avec des brides vitréorétiniennes, il est parfois entouré d’exsudats jaunes). Une hyalite, plus ou moins importante, est toujours présente. Il peut y avoir une inflammation de la chambre antérieure minime. La sérologie sanguine par ELISA puis Western blot n’élimine pas le diagnostic en cas de négativité. Seule la sérologie dans l’humeur aqueuse ou dans le vitré le confirme. Le traitement curatif n’est utile qu’en cas de grosse inflammation ou de complication à type de décollement de la rétine. La larve intraoculaire est le plus souvent inaccessible au traitement médical, mais les antihelminthiques (albendazole) peuvent être tentés. Ils doivent toujours être associés à une corticothérapie systémique, car, en cas de lyse de la larve, une inflammation majeure peut apparaître. La chirurgie du décollement de rétine est ab interno avec ablation chirurgicale de la larve. Légendes Figure 1. Exsudats polaires postérieurs. Le traitement préventif passe par l’emploi de vermifuge pour les chiots et chiennes allaitantes ainsi qu’une hygiène rigoureuse des mains et de la préparation des ali­ ments. Il faut empêcher les jeunes enfants d’ingérer de la terre. Figure 2. Fond d’œil gauche. La toxocarose oculaire est une infection intraoculaire grave de l’enfant due à une larve, sans traitement efficace. L’homme est une impasse parasitaire. Ce diagnostic est à évoquer devant une inflammation postérieure unilatérale de l’œil chez l’enfant. II Figure 4. Disparition des exsudats polaires postérieurs. Figure 3. Aspect angiographique du granulome rétinien inférieur. Pour en savoir plus… • Kodjikian L, Dufour JF, Nguyen AM, Sève P. Ocular zoonoses. Expert Rev Ophthalmol 2009;4:331-49. 03 L. Kodjikian déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. EDIMARK éditeur de la nouvelle publication de l’AFDET Juillet-Août-Septembre 2013 Prochain numéro à paraître en septembre 2013… Nouvelle formule Former, informer ! Éducation thérapeutique : comment vous former et informer vos patients Publication à destination de tous les professionnels de santé CPPAP et ISSN : en cours Trimestriel Association française pour le développement de l’éducation thérapeutique Association régie selon la loi de 1901 (J.O. :15.07.87 N°28) Publication trimestrielle 92 Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 4 • juillet-août 2013 * Abonnez-vous au 01 46 67 62 74 / 87 1 Hyalite 1/4+ Taches blanches au pôle postérieur suivant les choriocapillaires Lésion choriorétinienne en périphérie inférieure, blanchâtre, légèrement saillante avec discret soulèvement rétinien Vaisseaux déshabités Nombreux exsudats secs en périphérie 2 3 4 Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 4 • juillet-août 2013 93