que nous proposons de retenir principalement dans la journée d’étude du 6 avril, afin d’explorer différents
contextes dans lesquels le texte des Eléments d’Euclide a été, suivant le cas, modifié, réorganisé, préfacé ou
commenté de façon à en faire un texte d’apprentissage, que ce soit de manière effective ou paradigmatique. Il
s’agit donc d’examiner dans différents contextes (liés entre eux ou non) dans quel mesure les différentes
éditions des Eléments d’Euclide ont pu être considéré comme un texte ‘élémentaire’, c’est-à-dire un texte
d’apprentissage, et si c’est le cas de quelle manière, en fonction des buts assignés aux éditions en question.
Le contexte de la Renaissance a paru particulièrement pertinent pour approfondir ce questionnement, en
raison de la richesse des éditions d’Euclide dans cette période.
Annexe : journées 2006
Présentation de la problématique
Dans le cadre de ce séminaire, nous proposons de nous intéresser au contexte d’élaboration de textes
scientifiques anciens. Certains d’entre eux, notamment parmi les textes mathématiques et astronomiques
grecs, mésopotamiens, chinois, arabes, indiens semblent être étroitement dépendants d’activités
d’enseignement. Deux questions se posent alors :
- Cette dépendance à un contexte d’enseignement est-elle avérée ? Plus précisément, quels indices
textuels et matériels permettent de la déceler?
- Dans l’affirmative, comment la prise en compte de ce contexte modifie-t-il en profondeur notre
compréhension des ces corpus ?
La première question conduit à reconsidérer certains biais de l’historiographie traditionnelle. En effet,
des catégories relatives à l’apprentissage scolaire ont souvent été mobilisées à titre de facteur explicatif
au point de devenir pour certaines traditionnelles, là où d’autres explications ou d’autres approches
auraient été possibles. Des exemples célèbres sont les éditions faites dans le monde gréco-romain tardif
des grands textes hellénistiques, dont on a souvent dit qu’elle visaient à les rendre accessibles à des
étudiants ; ou bien les textes versifiés de l’Inde, qu’on présuppose inscrits dans une tradition scolastique
à caractère oral. Or ces explications, qui ne sont pas à rejeter a priori, ne sont peut-être pas les seules
possibles.
La seconde question quant à elle conduit à interroger un autre biais de l’historiographie classique, en quelque
sorte symétrique du précédent. En effet, l’attention de certains historiens s’est souvent portée sur quelques
grands textes de référence en minorant volontiers leur lien parfois constitutif à une pratique d’apprentissage.
Or, des travaux plus récents montrent que leur immersion dans un ensemble d’écrits ou d’instruments plus
vaste et varié permet de comprendre la fonction de ces textes de référence, de préciser les but poursuivis par
leurs auteurs et surtout d’identifier le public auquel ils s’adressent. Cette mise en contexte fait apparaître des
relations très étroites entre divers domaines qui sont considérés aujourd’hui comme éloignés :
mathématiques, grammaire, rhétorique, lexicographie, pratiques instrumentales. Elle permet aussi de repérer
quelques uns des processus complexes de fabrication des textes.
Cette approche moderne relativise les recherches visant à identifier les auteurs originaux et les textes
authentiques, pour mettre l’accent sur les mécanismes de constitution, de transformation et de
transmission des corpus scientifiques. Elle permet également de mieux cerner des préoccupations
typiques des acteurs (souvent anonymes) de cette transformation. L’insertion des textes dans un
curriculum d’éducation ou une pratique d’apprentissage attire l’attention sur l’organisation des traités.
Elle conduit à donner une importance particulière au choix des segments de textes rassemblés dans une
compilation, à leur agencement, à l’ordre dans lequel ils sont présentés (parfois explicitement), aux
éléments de structuration (préfaces, incipit, colophons, renvois d’un texte à l’autre, jeu des références),
aux consignes didactiques explicites qu’ils contiennent, enfin aux artefacts ou documents auxquels ils
renvoient implicitement.
Au cours de ces journées, il sera présenté quelques études de cas appartenant à divers contextes
culturels (Antiquité, Moyen-Age, Renaissance). Plus précisément, on se propose d’étudier les parallèles
entre des corpus bien connus séparément, mais dont les rapports mutuels ont été trop peu interrogés, en
l'occurrence les textes mathématiques et lexicaux en Mésopotamie et les corpus mathématiques et
astronomiques dans les mondes grecs et arabo-musulman ainsi qu'à la Renaissance. Ces études seront
l’occasion de discuter et d’affiner certaines interprétations traditionnelles des textes en question, qu’elles
fassent ou non appel au contexte d’enseignement.