Printemps arabes : l'exception tunisienne Avant de partir pour les États-Unis, François Hollande s’est rendu en Tunisie pour assister à la proclamation officielle de la constitution et de la deuxième République tunisienne. Il a prononcé un discours d’autant plus vibrant que la démocratie tunisienne est la seule survivante des printemps arabes. "Oui, je le redis. L’islam est compatible avec la démocratie". À Tunis, l’assemblée applaudit, et au fond de lui Hollande pousse un soupir de soulagement. Il en reste au moins une. Une révolution parmi celles portées par les printemps arabes sera allée au bout du processus, renversant la dictature et remettant sur pied un régime basé sur le pluralisme et la démocratie. Ailleurs, ce n’est que sang et bruit de bottes. En Syrie, ce sont les armes qui ont gagné. En Égypte, ce sont les militaires et la loi du plus fort. En Libye, l’anarchie et le terrorisme qui s’implantent dans le sud de plus en plus profondément. L’islam est la religion du pays mais l’état est civil Ces trois ans n’auront pas été un long fleuve tranquille. Les Tunisiens ont fait face à des crises gouvernementales, des blocages institutionnels, des débats houleux à la constituante, des manifestations monstres et des morts, citoyens anonymes ou députés payant du prix du sang leur attachement à la liberté. Mais quand le pays était au bord de l’implosion, bloqué, ce n’est pas l’armée que les Tunisiens appellent à la rescousse, c’est la société civile qui trouve la solution. La centrale syndicale de gauche UGTT, la Ligue des droits de l’homme, qui poussent les partis à discuter et à trouver un compromis. Le compromis, c’est le maître mot de la Tunisie aujourd’hui. Le compromis comme éloge de la démocratie et du vivre ensemble. La constitution votée fait évidemment des déçus. Les plus laïcs la trouvent trop molle. Les plus conservateurs, trop occidentalisée. Elle est les deux. Profondément républicaine et clairement enracinée dans le Maghreb. L’islam est la religion du pays. Mais l’état est civil. Le curseur a été trouvé. Les Tunisiens veulent croire en une union entre islam et démocratie Partout ailleurs, les forces politiques ont échoué à trouver cet équilibre délicat. En Libye, la charia est à la source du droit, et les institutions, inexistantes dans le pays, ne viendront pas aider à trouver une pratique démocratique. En Égypte, la constitution est un texte sans âme qui ne dit rien sinon que les militaires au pouvoir vont donner leur tempo et fixer leur priorité, comme avant. En Syrie, Assad se pose en défenseur de la laïcité à l’occidentale face aux islamistes qui aujourd’hui vont d’al-Qaida aux frères musulmans avec de groupes en groupes des frontières ténues. L’islam est-il compatible avec la démocratie ? Les Tunisiens veulent y croire. Les prochaines élections détermineront une nouvelle majorité avec un nouveau président et l’on verra. La démocratie étant comme l’amour : il n’y en a que des preuves.