Bulletin du 12 mai 2013

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Tous les jours de 17 à 19h
on parle une flopée de
langues à Radio Passages.
On y a entendu hier
un slovène parler dans
sa langue, laquelle a
été ensuite traduite en
anglais avant de l’être
en français. C’était un
peu laborieux, la force
de la pensée s’étiolait de
langue en langue, mais
quel plaisir pour l’oreille.
Puis Mathias Langhoff a
parlé allemand en français
ou bien l’inverse, avec
de beaux silences entre
deux phrases. Enfin on
a eu droit à une langue
bizarre que seuls les
spécialistes savent traduire
en langage courant, la
langue ministérielle.
Aurélie Filippetti, ministre
de la culture et de la
communication a évoqué
la polémique sur la
gratuité du numérique
en ces termes : « Le débat
sera nourri après les
propositions du rapport
qui seront rendues lundi.
Il y en a plus de 80. C’est
assez dense. » Après
quoi viendra « le temps
de rencontrer tous les
professionnels, de discuter
avec les citoyens pour
faire passer les mesures
qu’il y aura dans la loi ».
‘‘
L’étranger du jour
‘‘
Radio Passages
internationale
Je n’ai rien contre les étrangers. Le problème,
c’est que d’une part, ils parlent pas français
pour la plupart… et selon le pays où on va, ils
parlent pas le même étranger
Coluche
LE BULLETIN n°9
DU FESTIVAL PASSAGES
Les coulisses de Passages
Godefroy Gordet, le bricoleur aux 999999 idées
Godefroy Gordet, stagiaire en scénographie, est un
créateur multi-cartes. « Ça fait bientôt cinq mois que
je travaille pour le Festival. J’ai surtout développé la
scénographie de la Baraque Dromesko et l’espace
extérieur du Festival. Avec Caroline Grimm, on
a monté toutes les ganivelles (les barrières qui
entourent la place de la République). On a aussi fait
un potager avec des légumes. Je voulais donner une
ambiance champêtre au Festival. Quand on a prévu
ça l’hiver dernier, on se disait que ce n’était pas
possible et début mai des techniciens sont arrivés
avec des citrouilles. J’étais aux anges. J’avais eu un
million d’idées et 999 999 ont avorté, celle-là avait
marché. Pour la Baraque, Jean-Pierre Thibaudat m’a
dit qu’il avait rencontré Herbert Kanowicz, le fils du
brillantissime artiste polonais Witold Kanowicz. Il m’a
dit de rendre hommage à son génie artistique. Je
me suis littéralement imprégné de ses travaux pour
créer une ambiance chaleureuse, colorée. ». Passages
est pour Godefroy un formidable apprentissage. « Je
fais ce stage car j’ai toujours été intéressé par la mise
en scène. Mon travail ici est d’être un touche à tout,
j’apprends des choses qui me serviront toute ma vie.
Pour le spectacle « D’Amants et D’Anarchistes », j’ai
fait tout le montage, je m’occupe aussi de la régie. À
côté du festival, je travaille dans un collectif d’artistes,
« le Barbanchu », et j’ai écrit une première pièce titrée
« Sang Sexe » qui sera mise en scène au Théâtre du
Saulcy le 7 juin. J’aime le théâtre un peu brouillon, où
rien n’est jamais figé, où l’on peut toujours bricoler ».
Bulletin conçu et réalisé par Cyndie Fornaciari, Jordan Muller, Jean-Pierre Thibaudat et avec la
collaboration de Radio Passages (Francis Kochert et Thierry Georges pour l’entretien).
Hautes autorités de l’État et de la Région hier au micro de Radio Passages
Le journal du Festival Passages
du 4 au 18 mai 2013
Tous les jours sur www.festival-passages.fr,
retrouvez :
- Les bulletins du jour
- Le magazine vidéo
Tous les jours sur http://passages.theatre-video.net
retrouvez Radio Passages en direct live vidéo de 17h à
19h et en archives dès le lendemain
Et bien plus encore sur : blog.festival-passages.fr
et facebook.com/festivalpassages
Bulletin n°9 - dimanche 12 mai 2013 -
Entretien avec Matthias Langhoff :
Œdipe travel agency
« Œdipe Tyran » (d’après Sophocle, Hölderlin et Heiner Müller) dans la mise
en scène de Matthias Langhoff s’est achevé hier à l’Opéra-Théâtre. C’est une
pièce avec laquelle le metteur en scène vit et voyage. Hier en Allemagne, puis à
Barcelone, à Kaboul, aujourd’hui à Saratov en Russie. L’errance est le propre de
cet homme né à Zurich durant l’exil de ses parents antinazis, grandi en Allemagne
de l’Est, aujourd’hui naturalisé français et metteur en scène apatride. « Œdipe
Tyran » est pour lui comme une valise toujours prête pour le départ. « Le
texte de la pièce est toujours le même, il est universel. Mais les spectacles sont
complètement différents selon les théâtres où ils sont joués. Via cette pièce, je
peux découvrir des lieux qui me sont inconnus. Peu importe l’endroit, à chaque
fois je la retrouve sous un jour différent. En montant cette pièce, je comprends
la manière de vivre des pays à travers les publics qui la regardent. À Saratov
en Russie, à Kaboul en Afghanistan. C’est pour moi fantastique. À Saratov, j’ai
vécu dans cette ville au bord de la Volga avec tous ses problèmes. Tout ce que
je vois, tout ce que je ressens, c’est dans le spectacle. Un des choristes chante
du rap, ce genre de musique est très populaire en Russie. Il ne faut pas oublier
que les Russes aiment chanter. « Œdipe Tyran » n’est pas une actualisation d’un
temps ancien, il raconte notre propre époque, notre propre vie. Ici à Metz, j’ai
rencontré des spectateurs bouleversés qui disaient avoir envie d’aller à Saratov.
Le théâtre est une fenêtre sur le monde ».
Avant de nous faire voyager, Langhoff est allé lui-même aux sources de la
pièce. « Pour effectuer mes recherches sur Œdipe, j’ai fait le voyage à Thèbes.
J’étais très frappé par cette ville perdue dans le monde, oubliée de tous. Dans
la montagne là-bas, la vie est très pauvre. Je crois que c’est le seul lieu en
Grèce où il n’y a même pas de cafés. Les gens sont très éloignés de toutes les
polémiques politiques et monétaires. Ils sont dans leur petit monde. C’est un
peu la même chose à Kaboul et à Saratov. Comme Œdipe ils doivent quand
même régler les problèmes de leur propre vie ».
Le spectacle commence et finit par des enfants, Matthias prenant à la lettre
la première réplique de la pièce : « Enfants de Cadmos, que demandez-vous,
portant des rameaux… ». « Les enfants sont les premiers destinataires de la
pièce, ce qui donne un sens au fait de la jouer. Ils sont les premiers citoyens du
monde. L’avenir est là. Pendant l’élaboration du spectacle, nous avons visité une
classe et choisi douze élèves. Nous avons travaillé la pièce avec eux, observé leur
regard, leur écoute. Le groupe des enfants est devenu un personnage principal
de la pièce. Il fallait vraiment qu’ils soient présents dans la représentation. Ce
ne sont pas des enfants quelconques. Ils ont la même valeur que l’acteur qui
joue Œdipe ou l’actrice qui joue Jocaste. Je pense que le temps, où il faut faire
semblant d’être amis pour avoir des bons rôles de théâtre, est fini ».
Questions
d’identités
Pas facile de trouver à
Metz un (e) interprète
traduisant directement
du slovène en français.
Plus aisé de trouver
quelqu’un parlant serbe
et français. Comme la
plupart des acteurs de la
troupe slovène du théâtre
Mladinsko parlent le
serbo-croate, c’est dans
cette langue que s’est
déroulée la rencontre
avec le public à l’issue de
la seconde représentation
de « Maudit soit le
traite à sa patrie !»
(titre qui reprend une
phrase du défunt hymne
yougoslave). Lors des
séances d’improvisations,
c’était aussi la langue
commune des acteurs avec
leur metteur en scène né
en Bosnie et vivant le plus
souvent à Zagreb, Oliver
Frljic. La Slovénie est un
petit pays (deux millions
d’habitants) mais on y
compte onze théâtres
permanents, avec chacun
sa troupe. Et le football ?
Contre une équipe serbe,
ils soutiennent l’équipe
slovène, mais si l’Etoile
de Belgrade affronte le
Bayern de Munich, ils
espèrent une victoire
serbe.
« Personne ne peut rester indifférent »
Sophie est tétanisée. Elle sort tout juste de « Maudit
soit le traître à sa patrie ! », le spectacle joué par la
troupe slovène du théâtre Mladinsko de Ljubljana.
Le regard un peu hagard en s’échappant du théâtre
du Saulcy, elle avoue être un peu déboussolée. « Je
pense que j’ai adoré, mais il va me falloir au moins
deux heures pour m’en remettre. La pièce est très
courte, tout s’enchaîne très vite. Les coups de feu,
les acteurs qui insultent le public et qui s’insultent
entre eux. C’est aussi violent qu’intelligent. Toute
la mise en scène dénonce la délation et l’hypocrisie
qui sévissaient en Yougoslavie dans les années 90.
Certains peuvent trouver ça vulgaire, choquant voire
complètement brillant. Personne ne peut rester
indifférent. Les artistes se dénudent devant tous
les spectateurs, sans aucune pudeur. Ils se drapent
ensuite avec les anciens drapeaux de la Yougoslavie,
s’enlacent, rient, puis se tirent dessus. Le cynisme est
total. On ne peut pas distinguer le comédien de l’être
humain, tout se confond, se mélange. On ne sait pas
s’ils jouent un rôle ou s’ils sont sincères. Les artifices
de ce théâtre de combat, permettent de montrer de
manière très crue certaines vérités ».
À chaque pays son lot d’invectives
Plusieurs fois au cours du spectacle « Maudit soit le
traître à sa patrie ! », les acteurs s’adressent vertement
au public. Et à un moment, un acteur ayant tué
tous les autres, abandonne la langue slovène pour
s’adresser au public français en anglais, langue de
communication internationale (c’est aussi sous-titré
en français). Tout y passe : la lâcheté des militaires
français à l’heure de Srebrenica, les complicités
françaises au Rwanda, la continuité de Sarkozy à
Hollande en matière de retour aux pays des Roms et
des Maliens... Les invectives, les accusations changent
selon le pays où le spectacle est joué. Pas un pays sans
sa part d’ombre.
Bulletin n°8 - samedi 11 mai 2013 -
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