Tous les jours de 17 à 19h on parle une flopée de langues à Radio Passages. On y a entendu hier un slovène parler dans sa langue, laquelle a été ensuite traduite en anglais avant de l’être en français. C’était un peu laborieux, la force de la pensée s’étiolait de langue en langue, mais quel plaisir pour l’oreille. Puis Mathias Langhoff a parlé allemand en français ou bien l’inverse, avec de beaux silences entre deux phrases. Enfin on a eu droit à une langue bizarre que seuls les spécialistes savent traduire en langage courant, la langue ministérielle. Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication a évoqué la polémique sur la gratuité du numérique en ces termes : « Le débat sera nourri après les propositions du rapport qui seront rendues lundi. Il y en a plus de 80. C’est assez dense. » Après quoi viendra « le temps de rencontrer tous les professionnels, de discuter avec les citoyens pour faire passer les mesures qu’il y aura dans la loi ». ‘‘ L’étranger du jour ‘‘ Radio Passages internationale Je n’ai rien contre les étrangers. Le problème, c’est que d’une part, ils parlent pas français pour la plupart… et selon le pays où on va, ils parlent pas le même étranger Coluche LE BULLETIN n°9 DU FESTIVAL PASSAGES Les coulisses de Passages Godefroy Gordet, le bricoleur aux 999999 idées Godefroy Gordet, stagiaire en scénographie, est un créateur multi-cartes. « Ça fait bientôt cinq mois que je travaille pour le Festival. J’ai surtout développé la scénographie de la Baraque Dromesko et l’espace extérieur du Festival. Avec Caroline Grimm, on a monté toutes les ganivelles (les barrières qui entourent la place de la République). On a aussi fait un potager avec des légumes. Je voulais donner une ambiance champêtre au Festival. Quand on a prévu ça l’hiver dernier, on se disait que ce n’était pas possible et début mai des techniciens sont arrivés avec des citrouilles. J’étais aux anges. J’avais eu un million d’idées et 999 999 ont avorté, celle-là avait marché. Pour la Baraque, Jean-Pierre Thibaudat m’a dit qu’il avait rencontré Herbert Kanowicz, le fils du brillantissime artiste polonais Witold Kanowicz. Il m’a dit de rendre hommage à son génie artistique. Je me suis littéralement imprégné de ses travaux pour créer une ambiance chaleureuse, colorée. ». Passages est pour Godefroy un formidable apprentissage. « Je fais ce stage car j’ai toujours été intéressé par la mise en scène. Mon travail ici est d’être un touche à tout, j’apprends des choses qui me serviront toute ma vie. Pour le spectacle « D’Amants et D’Anarchistes », j’ai fait tout le montage, je m’occupe aussi de la régie. À côté du festival, je travaille dans un collectif d’artistes, « le Barbanchu », et j’ai écrit une première pièce titrée « Sang Sexe » qui sera mise en scène au Théâtre du Saulcy le 7 juin. J’aime le théâtre un peu brouillon, où rien n’est jamais figé, où l’on peut toujours bricoler ». Bulletin conçu et réalisé par Cyndie Fornaciari, Jordan Muller, Jean-Pierre Thibaudat et avec la collaboration de Radio Passages (Francis Kochert et Thierry Georges pour l’entretien). Hautes autorités de l’État et de la Région hier au micro de Radio Passages Le journal du Festival Passages du 4 au 18 mai 2013 Tous les jours sur www.festival-passages.fr, retrouvez : - Les bulletins du jour - Le magazine vidéo Tous les jours sur http://passages.theatre-video.net retrouvez Radio Passages en direct live vidéo de 17h à 19h et en archives dès le lendemain Et bien plus encore sur : blog.festival-passages.fr et facebook.com/festivalpassages Bulletin n°9 - dimanche 12 mai 2013 - Entretien avec Matthias Langhoff : Œdipe travel agency « Œdipe Tyran » (d’après Sophocle, Hölderlin et Heiner Müller) dans la mise en scène de Matthias Langhoff s’est achevé hier à l’Opéra-Théâtre. C’est une pièce avec laquelle le metteur en scène vit et voyage. Hier en Allemagne, puis à Barcelone, à Kaboul, aujourd’hui à Saratov en Russie. L’errance est le propre de cet homme né à Zurich durant l’exil de ses parents antinazis, grandi en Allemagne de l’Est, aujourd’hui naturalisé français et metteur en scène apatride. « Œdipe Tyran » est pour lui comme une valise toujours prête pour le départ. « Le texte de la pièce est toujours le même, il est universel. Mais les spectacles sont complètement différents selon les théâtres où ils sont joués. Via cette pièce, je peux découvrir des lieux qui me sont inconnus. Peu importe l’endroit, à chaque fois je la retrouve sous un jour différent. En montant cette pièce, je comprends la manière de vivre des pays à travers les publics qui la regardent. À Saratov en Russie, à Kaboul en Afghanistan. C’est pour moi fantastique. À Saratov, j’ai vécu dans cette ville au bord de la Volga avec tous ses problèmes. Tout ce que je vois, tout ce que je ressens, c’est dans le spectacle. Un des choristes chante du rap, ce genre de musique est très populaire en Russie. Il ne faut pas oublier que les Russes aiment chanter. « Œdipe Tyran » n’est pas une actualisation d’un temps ancien, il raconte notre propre époque, notre propre vie. Ici à Metz, j’ai rencontré des spectateurs bouleversés qui disaient avoir envie d’aller à Saratov. Le théâtre est une fenêtre sur le monde ». Avant de nous faire voyager, Langhoff est allé lui-même aux sources de la pièce. « Pour effectuer mes recherches sur Œdipe, j’ai fait le voyage à Thèbes. J’étais très frappé par cette ville perdue dans le monde, oubliée de tous. Dans la montagne là-bas, la vie est très pauvre. Je crois que c’est le seul lieu en Grèce où il n’y a même pas de cafés. Les gens sont très éloignés de toutes les polémiques politiques et monétaires. Ils sont dans leur petit monde. C’est un peu la même chose à Kaboul et à Saratov. Comme Œdipe ils doivent quand même régler les problèmes de leur propre vie ». Le spectacle commence et finit par des enfants, Matthias prenant à la lettre la première réplique de la pièce : « Enfants de Cadmos, que demandez-vous, portant des rameaux… ». « Les enfants sont les premiers destinataires de la pièce, ce qui donne un sens au fait de la jouer. Ils sont les premiers citoyens du monde. L’avenir est là. Pendant l’élaboration du spectacle, nous avons visité une classe et choisi douze élèves. Nous avons travaillé la pièce avec eux, observé leur regard, leur écoute. Le groupe des enfants est devenu un personnage principal de la pièce. Il fallait vraiment qu’ils soient présents dans la représentation. Ce ne sont pas des enfants quelconques. Ils ont la même valeur que l’acteur qui joue Œdipe ou l’actrice qui joue Jocaste. Je pense que le temps, où il faut faire semblant d’être amis pour avoir des bons rôles de théâtre, est fini ». Questions d’identités Pas facile de trouver à Metz un (e) interprète traduisant directement du slovène en français. Plus aisé de trouver quelqu’un parlant serbe et français. Comme la plupart des acteurs de la troupe slovène du théâtre Mladinsko parlent le serbo-croate, c’est dans cette langue que s’est déroulée la rencontre avec le public à l’issue de la seconde représentation de « Maudit soit le traite à sa patrie !» (titre qui reprend une phrase du défunt hymne yougoslave). Lors des séances d’improvisations, c’était aussi la langue commune des acteurs avec leur metteur en scène né en Bosnie et vivant le plus souvent à Zagreb, Oliver Frljic. La Slovénie est un petit pays (deux millions d’habitants) mais on y compte onze théâtres permanents, avec chacun sa troupe. Et le football ? Contre une équipe serbe, ils soutiennent l’équipe slovène, mais si l’Etoile de Belgrade affronte le Bayern de Munich, ils espèrent une victoire serbe. « Personne ne peut rester indifférent » Sophie est tétanisée. Elle sort tout juste de « Maudit soit le traître à sa patrie ! », le spectacle joué par la troupe slovène du théâtre Mladinsko de Ljubljana. Le regard un peu hagard en s’échappant du théâtre du Saulcy, elle avoue être un peu déboussolée. « Je pense que j’ai adoré, mais il va me falloir au moins deux heures pour m’en remettre. La pièce est très courte, tout s’enchaîne très vite. Les coups de feu, les acteurs qui insultent le public et qui s’insultent entre eux. C’est aussi violent qu’intelligent. Toute la mise en scène dénonce la délation et l’hypocrisie qui sévissaient en Yougoslavie dans les années 90. Certains peuvent trouver ça vulgaire, choquant voire complètement brillant. Personne ne peut rester indifférent. Les artistes se dénudent devant tous les spectateurs, sans aucune pudeur. Ils se drapent ensuite avec les anciens drapeaux de la Yougoslavie, s’enlacent, rient, puis se tirent dessus. Le cynisme est total. On ne peut pas distinguer le comédien de l’être humain, tout se confond, se mélange. On ne sait pas s’ils jouent un rôle ou s’ils sont sincères. Les artifices de ce théâtre de combat, permettent de montrer de manière très crue certaines vérités ». À chaque pays son lot d’invectives Plusieurs fois au cours du spectacle « Maudit soit le traître à sa patrie ! », les acteurs s’adressent vertement au public. Et à un moment, un acteur ayant tué tous les autres, abandonne la langue slovène pour s’adresser au public français en anglais, langue de communication internationale (c’est aussi sous-titré en français). Tout y passe : la lâcheté des militaires français à l’heure de Srebrenica, les complicités françaises au Rwanda, la continuité de Sarkozy à Hollande en matière de retour aux pays des Roms et des Maliens... Les invectives, les accusations changent selon le pays où le spectacle est joué. Pas un pays sans sa part d’ombre. Bulletin n°8 - samedi 11 mai 2013 -