Histoire de la découverte du réchauffement climatique : l'effet de serre et le CO2 (III)
Écrit par Olivier Dumont
Jeudi, 10 Octobre 2013 07:04
Sommaire  - Chapitre précédant : Le Temps du scepticisme
3. 1950-1958: Premières démonstrations
La mesure précise des raies d'absorption des gaz constituant l'atmosphère et les calculs
complexes d'absorption-émission pour chaque couche d'air confirmera la thèse d'Arrhénius : un
surcroit de CO2 provoque bien une augmention de l'effet de serre
3.1 Puissance de calcul et spectroscopie
La rassurante idée que les émissions de CO2 ne représentaient aucun danger fut renversée
pendant les années 1950, parfois grâce à des fonds importants dédiés à la recherche
scientifique lors de la guerre froide. Bien que le climat ne soit pas le sujet de leurs recherches,
ce qui se passait dans l’atmosphère ou dans l’océan intéressait la sécurité nationale. Par
exemple l’absorption des infrarouges concernait les missiles à tête chercheuse.
3.1.1 Absoption des infrarouges: nouvelles mesures
Comme on l’a vu, les premières expériences concernant l’absorption des infrarouges étaient
trompeuses. Ce qui était apparu sous la forme de larges bandes d’absorption se confondant
avec celles de la vapeur d’eau se révéla dans les années 1940 être une succession de fines
raies qui ne se confondaient plus cette fois-ci sur tout le spectre. De plus on se rendit compte
qu'à faible pression et à faible température, dans les hautes couches de la troposphère, les
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raies d'absorptions étaient encore plus fines, suivant les mécanismes appelés aujourd'hui
"pressure broadening" et "Dopler broadening" (1a) .
Ajoutons à cela que dans l’air raréfié et sec de la haute atmosphère, il y a beaucoup moins de
vapeur d’eau. Ainsi, un surcroit de CO2 peut faire la différence. Les intuitions d’Arrhénius,
Hulburt et Callendar allaient-elles se vérifier ? Il fallait comprendre ce qui se passait au niveau
de chaque couche de l’atmosphère. Or chacune d’elle renvoie une partie des infrarouges à la
couche supérieure dont la pression, la composition et la température diffèrent. Tout cela est très
complexe à calculer.
3.1.2 Des calculs complexes vérifiés par ordinateurs
Cependant les ordinateurs étaient désormais disponibles. En 1952, le physicien D. Kaplan
considéra que ces calculs laborieux valaient la peine d’être réalisés, et en dehors de son temps
de recherches il démontra l’influence de l’augmentation du CO2 sur le bilan radiatif des hautes
couches de l’atmosphère (1) . Mais cela pouvait-il modifier la température au niveau du sol?
Pour le savoir il fallait calculer couche par couche le retour au niveau du sol de cette énergie.
Grâce à l’accroissement continu de la puissance de calcul des ordinateurs, cet exploit put être
mené à bien par le physicien G. N. Plass en 1956, également en dehors de son temps de
recherche officiel. Il confirma alors l’influence du CO2 et calcula que le doublement de ce gaz
pouvait mener à une augmentation de 3 à 4°C. Au rythme des émissions de 1950, il estima
que la température pourrait grimper de 1,1°C par siècle, ce qui pourrait poser un problème aux
générations futures, plusieurs siècles plus tard (2) .
La théorie du réchauffement climatique devenait plus palpable.
Certes, il n’avait pas pris en compte l’évolution de la vapeur d’eau et des nuages lors du
réchauffement. Son calcul restait donc trop grossier pour constituer une preuve. Mais un point
clé était définitivement établi: on ne pouvait plus réfuter l’accroissement de l’effet de serre qui
se produisait avec l’augmentation de la teneur en CO2. Les conséquences restaient difficiles à
évaluer, mais il y avait bien un effet. Restait à quantifier les rétroactions.
Il ajouta que si à la fin du siècle, la température devait augmenter, le rôle du CO2 serait
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démontré…
3.2 Le devenir du CO2 fossile dans l’atmosphère et l’océan
Cycle du carbone, tel qu'on le connait aujourd'hui. L'océan absorbe bien une bonne partie du
CO2 émis, mais pas la totalité. (GIEC2013 6.1)
3.2.1 Carbone 14 : suivre le carbone fossile à la trace
Ainsi de nombreux autres paramètres devaient être pris en compte. Par exempleil fallait savoir
si le carbone fossile émis par les activités humaines restait bien dans l’atmosphère et si sa
concentration augmentait. Que devient le CO2 ? Était-il absorbé et régulé par un cycle naturel
ou bien allait-il s’accumuler dans l’atmosphère?
Il était possible que l’océan puisse absorber le surplus. Pour certains, cela nécessiterait des
milliers d’années et pour d’autres, quelques semaines seulement. Difficile de trancher …
heureusement, les scientifiques purent désormais suivre à la trace le devenir du CO2 grâce à
un nouvel outil: le carbone 14. Cet isotope du carbone, facile à détecter même en très petite
quantité, fut émis lors des tests atmosphériques des bombes nucléaires. On put alors montrer
que ce CO2 se mélangeait à toute l’atmosphère en quelques années, même dans les couches
les plus élevées (3) .
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Par ailleurs, du carbone 14 est créé dans les hautes couches de l’atmosphère sous l’effet des
rayons cosmiques. Celui-ci se mélange à l’atmosphère puis se désintègre à un rythme
constant. Au total, le taux de carbone 14 dans l’atmosphère est constant. Lorsqu’il est piégé
dans le sol sous forme de combustible fossile, le carbone 14 continue de se désintégrer mais
ne se renouvelle pas. Son taux décroit donc puis il disparait presque complètement. Un apport
de carbone fossile devait donc faire baisser la teneur de l’atmosphère en carbone 14. Grâce à
cela, le chimiste Hans Suess détecta en 1955 une hausse de 1% du carbone fossile dans
l’atmosphère grâce à l’analyse de troncs d’arbres d’âge différent. Il en déduisit que l’océan
devait absorber la plus grande partie du CO2 émise mais qu’une partie restait dans
l’atmosphère. Ces premières estimations étaient encore assez fragiles et d’autres calculs
montreraient plus tard qu’une part plus importante restait l’atmosphère. Mais pour la première
fois, on démontra qu’une partie du carbone issu de l’utilisation des combustibles fossiles
s’accumulait dans l’atmosphère (4) . Les pièces du puzzle commençaient à s’assembler.
Aujourd'hui nous savons que l'océan absorbe une partie seulement du CO2 émis, tandis que
pour les terres émergées le bilan est plutôt neutre. (GIEC2013 6.24)
3.2.2 Le carbone et l’océan
Suess et Roger Revelle montrèrent qu’une molécule de CO2 est captée en moyenne par
l’océan en une décennie. L’analyse du carbone émis lors des explosions nucléaires montra que
le cycle complet des océans prenait plusieurs centaines d’années. À première vue, cela
semblait suffisant pour absorber le surplus de CO2 fossile.
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Mais Revelle était un spécialiste de la chimie des océans. Il savait que l’eau des océans
possède un mécanisme chimique qui stabilise l’acidité de l’eau. Or celui-ci provoque le rejet
d’une partie du CO2 dans’atmosphère. C’est pourquoi les couches supérieures de l’océan ne
pouvaient absorber que le dixième de ce qu’on avait d’abord estimé. Il calcula ainsi en 1957
qu’au rythme des émissions de CO2, l’augmentation de CO2 atmosphérique pourrait atteindre
40% d’ici plusieurs siècles (5) . Comme beaucoup, il n’anticipait pas l’explosion des rejets qui
allait survenir. Mais il nota tout de même que si les émissions augmentaient de manière
exponentielle, la hausse des températures pourrait devenir significative dans quelques
décennies, ce qui constituerait, selon lui, une expérience géophysique grandeur nature … et
sans retour (6) .
La publication de Revelle était difficile à comprendre à l’époque et la plupart des scientifiques
continuaient à penser qu’il n’y avait pas de problème climatique. Ce n’est qu’en 1959 que deux
météorologistes, Bert Bolinet et Érik Eriksson, appuyèrent sont point de vue en confirmant le
point clé de sa démonstration: l’océan rejetait dans l’atmosphère une partie du CO2 absorbé
avant qu’il n’aille rejoindre les couches profondes (7) . Un nouvel équilibre aurait lieu, mais pas
avant des milliers d’années. En attendant, la teneur en CO2 de l’atmosphère augmenterait …
3.2.3 Et si les émissions augmentaient exponentiellement?
Deux éléments clés de la théorie étaient maintenant démontrés: l’augmentation de la teneur en
CO2 provoquerait bien un réchauffement, et une partie du CO2 dégagé par l’utilisation des
combustibles fossiles s’accumulait bien dans l’atmosphère. Restait à mieux comprendre les
phénomènes en jeu et surtout à quantifier les rétroactions afin de savoir si cet acroissement de
l'effet de serre provoquerait bien un réchauffement du climat.
C’est ainsi que vers la fin des années 1950 quelques scientifiques alertèrent le public sur un
possible réchauffement climatique dans un délai de quelques décennies. Plass et Revelle en
particulier firent part de leurs découvertes aux journalistes. Bolin et Erikson calculèrent ce qui
se passerait si les émissions augmentaient exponentiellement. Ils prévirent pour la première
fois une augmentation de 25% du CO2 pour l’an 2000. C’était au-delà de tout ce qui avait été
anticipé auparavant. Le New York Times suggéra que l’effet «pourrait être radical». Le Russe
Mikhail Budyko lança également une alerte en 1962 à propos du siècle prochain, le XXIe siècle.
Chapitre suivant : Le CO2, clé du changement climatique ?
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