Kh. Rakovsky : Problèmes de l’économie de l’U.R.S.S.
- 3 -
1. un accroissement sur la base de l'agrandissement du capital d'investissement (capital de base), qui est lié d'habitude
à l'accroissement de la productivité du travail (au sens marxiste du terme : c'est-à-dire un accroissement du produit,
calculé sur une personne, sur la base du passage de l'industrie à un niveau plus élevé) ;
2. un accroissement sur la base de l'ancien capital d'investissement (et par conséquent sur l'ancienne base technique),
grâce à son utilisation plus intense. Dans ce cas l'accroissement des chiffres de quantité est habituellement
étroitement lié à l'augmentation de l'intensité du travail et à un accroissement relativement considérable des forces de
travail. Dans la pratique ces deux méthodes d'accroissement des chiffres de quantité vont généralement de pair, et la
tâche consiste à établir la part de l'une ou de l'autre. Un calcul exact est ici à peine possible (il est en tout cas
impossible sur la base des matériaux dont je dispose), de telle sorte qu'il faut utiliser une série d'indices, qui
cependant sont à mon sens suffisants pour donner un aperçu général de la situation de fait. Il est incontestable qu'au
cours de la dernière année, il s'est produit un certain élargissement du capital de base industriel, sans compter que
cela est aussi le cas pour l'année en cours, de telle sorte qu'une augmentation de la quantité à un degré quelconque
s’est aussi effectuée sur cette base. Mais en prénant la question par l'autre bout; nous en viendrons facilement à la
conviction qu'au fond l'augmentation de la quantité s'est effectuée sur la base des méthodes du deuxième type. Nous
avons avant tout une augmentation considérable de la pression exercée sur l'ancien capital de base, au moyen de
l'introduction de la semaine de travail ininterrompue et de l'augmentation des équipes.
Selon les chiffres de contrôle, l'augmentation de la productivité du travail calculée sur un seul ouvrier "ne serait basée que dans
une très faible mesure sur l'augmentation de l'intensité du travail." Dans la pratique, il en fut autrement. Dès le premier
semestre le nombre d'ouvriers augmenta de 14,3 % par rapport à la période correspondante de l'année passée ;
l'augmentation du nombre d'ouvriers dépassa les prévisions du plan de plus du quadruple. Quant à l'accroissement de la
productivité du travail d'un seul ouvrier, il était presque, au cours du premier semestre de 18-19 %, au lieu de 25,3 %
escomptés par le plan. Si nous pouvions vérifier exactement dans quelle mesure cette augmentation de la productivité du travail
s'est effectuée aux dépens de l'amélioration de la base technique, et dans quelle mesure elle s'est faite aux dépens de
l'intensification du travail, cela éclaircirait encore davantage la question. Mais ici seul un calcul approximatif, sur la base des
chiffres mentionnés plus haut, est possible. L'introduction de la semaine de cinq jours liée au fonctionnement ininterrompu des
usines, signifie en soi une augmentation de la durée de travail de l'outillage d'usine de 1/6, c'est-à-dire de 16,16 %. Si durant
ces 9 mois environ 50 % des ouvriers, c'est-à-dire environ la moitié est passée à la semaine de cinq jours, cette exploitation
accrue du capital de base devait entraîner à elle seule une augmentation de la production de 8-9 %. L'augmentation des
équipes devait entraîner 12 % d'augmentation. L'augmentation du nombre d'ouvriers a agi dans le même sens. Cette
augmentation s'étant dans une large mesure effectuée aux dépens de l'augmentation des manœuvres, cela signifiait pour les
ouvriers qualifiés la possibilité d'une meilleure utilisation de l'appareil. Si l'on considère finalement que le passage au
fonctionnement ininterrompu des usines signifie la liquidation automatique d'une série de périodes d'attente de l'équipement,
de caractère purement technique, nous ne sommes sans doute pas très éloignés de la réalité en admettant qu'environ 15 % de
l'augmentation de la production sont dus à l'introduction de la semaine de 5 jours, à l'augmentation des équipes et
l'augmentation du nombre d'ouvriers, c'est-à-dire, en d'autres termes, à l'augmentation de l'intensité dans l'utilisation de
l'appareil3.
Les 12 % restant se répartissent sur l'augmentation de la productivité du travail, le renforcement de l'intensification du travail et
l'élargissement du capital de base. Ainsi que nous le verrons plus loin, la part de beaucoup la plus importante revient à
l'augmentation de l'intensification du travail, ce qui diminue d’autant le poids spécifique de l'influence qu'ont les deux autres
facteurs sur l'augmentation de la quantité. Je le répète, ce calcul (j'ai dû renoncer à tenir compte de toute une série de détails)
n'est qu'approximatif, mais il est cependant suffisamment exact pour permettre une première conclusion quant à
l'accroissement de la quantité : l'augmentation de la quantité s'est produite dans une mesure décisive non pas aux dépens de
l'amélioration de la base technique, mais aux dépens de l'utilisation plus intense du capital de base existant, obtenue par
l'augmentation du nombre d'ouvriers d'une part et par l'augmentation de l'intensité du travail d'autre part.
Mais une telle méthode d'augmentation de la quantité porte en soi les conditions d'une rupture, sans parler du fait qu'elle ne
garantit en aucune manière l'augmentation quantitative ultérieure, de l'industrie. Cette méthode d'augmentation de la quantité
se heurte rapidement à ses propres limites naturelles. On ne peut augmenter à l'infini ni l'utilisation plus intense des
machines, ni l'intensification du travail. Une telle méthode peut avoir un sens - et seulement du point de vue économique -
lorsqu'elle n'est employée que pour une courte période, et si parallèlement existe la possibilité de créer, en un laps de temps
aussi court, la base matérielle d'un capital fondamental élargi4.
Mais le fait même d'avoir été obligé de recourir à cette méthode et de l'avoir érigée en système démontre justement combien
nous sommes en retard en ce qui concerne la création de la base industrielle. Le degré de pression de la classe ouvrière,
grâce à laquelle le centrisme espère rattraper ce retard, caractérise aussi l'envergure de ce retard. Ce qui est essentiel et
marque son empreinte sur la situation actuelle, c'est justement la vérification indiscutable du fait que le retard ne peut pas être
liquidé à brève échéance, à l'aide des seules réserves intérieures du pays. Avant de passer à l'analyse de cette question, je
m'arrêterai encore à trois éléments qui, venant de différents côtés, prouveront de différentes manières, qu'en ce qui concerne
3 Quelques indications concernant certaines entreprises et certaines branches déterminées indiquent qu'en réalité ces chiffres sont beaucoup
plus élevés.
4 Une telle méthode peut encore être dictée par exemple par l'état de guerre, lorsque les questions de la reproduction sont mises d'une manière
générale à l'arrière-plan.