Prise en charge palliative du sujet âgé atteint de cancer Dr Marie Fichaux Unité de soins palliatifs, CHU Timone Épidémiologie (institut national du cancer) Le cancer est une pathologie du sujet âgé. En 2012: 1/3 des cancers diagnostiqués >75 ans En 2012: + de 50% des décès par cancer >75 ans, + de 20% >85 ans Cancers les plus fréquents : prostate/sein, colorectal, poumon Définition des soins palliatifs (SFAP) « les SP sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale. » « l’objectif des SP est de soulager les douleurs physiques et autres symptômes, de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. » « les SP et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. » « la formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. » Frontière SP/soins curatifs (selon Krakowski) Pas de coupure brutale entre période curative et palliative, notamment en oncogériatrie. La démarche clinique en soins palliatifs Évaluation globale : physique, psychologique, spirituelle et sociale Rechercher et évaluer les symptômes d’inconfort. Préciser la cause de ces symptômes Projet de soins personnalisé: objectifs adaptés et accessibles, partagés par le patient, son entourage et l’équipe de soins. Évaluation permanente et régulière. Les spécificités chez le sujet âgé La polymédication avec un risque accru d’interactions médicamenteuses = questionnement avant d’introduire une nouvelle molécule : bénéfices/risques Questionnement du retrait des molécules inutiles Risque accru de développer les effets secondaires Modification du métabolisme: inversion du rapport masse maigre/masse grasse; diminution de l’effet de 1er passage hépatique; altération de la fonction rénale (physiologique ou non) Les principaux symptômes digestifs: Le syndrome occlusif Origine multifactorielle ( iatrogénie, atteinte neurovégétative, carcinose péritonéale) Trt essentiel médicamenteux Corticothérapie : 1 à 4mg/kg/j, 1 prise si possible le matin, efficace pour les levées d’occlusion si occlusion fonctionnelle ou subocclusion. Antisécrétoires (action triple : antispasmodique et antiémétique) : - butylbromure de scopolamine en 1ère intention, mais effets indésirables et CI (sécheresse buccale, glaucome, RAU) - En cas d’échec : analogue de la somatostatine : problématique du coût Les principaux symptômes digestifs: Le syndrome occlusif Mesures associées : IPP, antalgiques adaptés (pas de CI des dérivés morphiniques !!!), hydratation, nutrition artificielle non systématique, La Sonde Nasogastrique : non systématique surtout si sécrétions < 1L/24h. Nécessaire si vomissements non contrôlés ou distension gastrique importante. La gastrostomie de décharge : à discuter en cas d’échec des thérapeutiques médicamenteuses. (J7) Les principaux symptômes digestifs: la place des soins de bouche (recommandations SFAP) Place centrale: meilleure qualité de vie Facilite alimentation et hydratation orale Permet une parole et un contact plus facile Diminue la sensation soif Le + fréquemment possible: humidification et alcalinisation à base de bicarbonate de sodium 1.4%. Pas d’antiseptique, pas de solutions hydroalcooliques Hygiène buccale de base + soins prothèses dentaires pluriquotidiens Bouche sèche: boissons fraiches ou gazeuses, bonbons à sucer, bâtonnet citronnés, brumisateur, aequasyal et corps gras en l’absence d’oxygénothérapie ou lansoyl (compatible avec oxygène) Bouche sale: boissons type coca, vaseline pour décoller les croûtes en l’absence de CI Les principaux symptômes digestifs: la place des soins de bouche (recommandations SFAP) Bouche mycosique: BDB bicar en alternance avec un antifongique, en 1ère intention : fungizone en suspension buvable à avaler Bouche malodorante: appliquer en plus localement à l’aide d’un bâtonnet mousse du métronidazole (forme IV) Bouche hémorragique: tamponner à l’aide d’alginate, ne pas frotter, bdb bicar + exacyl Bouche douloureuse ulcérée: bdb bicar + ulcar Traitement xylocaine en application locale Hypersialorrhée: patch de scopolamine, atropine 1 goutte x3/j Les principaux symptômes digestifs: L’anorexie Inquiète patient et famille Prise en charge symptomatique Les soins de bouche Réadaptation des prothèses dentaires Suppression des restrictions dans la mesure du possible, fractionnement des repas, favoriser l’alimentation plaisir Médicaments orexigènes: corticothérapie en cure courte, progestatifs Les nausées et/ou vomissements: identification de l’étiologie +++ Les principaux symptômes digestifs: la question de l’alimentation et de l’hydratation artificielle Question récurrente en soins palliatifs Reco de la SFN en 2012 : pas d’indication à débuter une alimentation artificielle chez un patient atteint d’un cancer en situation palliative et ayant une espérance de vie < 3mois. Gastrostomie: au stade terminal risque de complications peut nuire à l'objectif des SP et n'est pas recommandée. Hydratation artificielle: aucun confort supplémentaire en fin de vie, aucun effet sur la sensation de soif à l’inverse de soins de bouche appropriés Déshydratation : sécrétion d’opioïdes cérébraux ayant une action antalgique, mais risque de syndrome confusionnel Problématique de la représentation autour de l’alimentation : sentiment d’abandon Outil développé par la SFAP + SFGG : « il va mourir de faim, il va mourir de soif » que répondre ? Les principaux symptômes respiratoires: la dyspnée 2ème symptôme après la douleur Évaluation de la gène ressentie : EN, EVA Traitement étiologique en 1ère intention si possible Mesures non médicamenteuses : essentielles - Environnement calme, aéré, non isolé - Position ½ assise, réinstaller le patient - Démarche rassurante du personnel de soin - Méthodes de relaxation - Informer l’entourage, les aider à s’approprier certaines action pour soulager le patient Les principaux symptômes respiratoires: la dyspnée Traitement symptomatique médicamenteux (en dehors du traitement étiologique) - Les morphiniques: dyspnée résistante, diminution de la perception de la dyspnée, diminution du rythme respiratoire. Patient sous morphinique : augmentation de 30% dose de fond Patient naïf : 0.2 à 0.5mg/kg/j répartis en 6 prises par jour avec interdose si besoin Benzodiazépines per os ou IV, à ½ vie courte : lorazépam, alprazolam, midazolam O2 : uniquement en cas d’hypoxémie avérée, préférer les lunettes. Risque de majoration de la sécheresse des muqueuses. Les principaux symptômes respiratoires: l’encombrement bronchique terminal (recommandations SFAP) Bromhydrate de scopolamine (0.5mg/2ml) - AMM - IV ou SC, en continu ou discontinu. - ½ à 1 ampoule toutes les 4 à 8h Patch transdermique de scopolamine 1mg/72h, efficace dès la 6ème h, 1à 4 patchs simultanément Effets indésirables atropiniques: sécheresse des muqueuses, RAU, constipation Le globe urinaire doit être recherché Effet sédatif avec risque d’agitation et de confusion Les principaux symptômes respiratoires: l’encombrement bronchique terminal (recommandations SFAP) Alternative à la scopolamine: - Atropine : mêmes dosages, même voie d’administration que la scopolamine. Risque d’agitation et de délire, pas en 1ère intention - Butylbromure de scopolamine: pas d’AMM, meilleure tolérance. Posologie non clairement définie Mesures associées: limitation des apports hydriques, importance des soins de bouches, éviter les aspirations, éviter les aérosols fluidifiants. La kinésithérapie est à éviter Les principaux symptômes neuropsychiques : anxiété, dépression Anxiété: 1er signe d’un syndrome confusionnel ou révéler un - syndrome dépressif Prise en charge non pharmacologique en 1ère intention : écoute empathique, relation d’aide, recours au psychologue, soutien spirituel, approches corporelles Si échec: benzodiazépines de ½ vie courte : lorazépam, alprazolam Dépression : En 1ère intention : IRS, adaptation de posologie souvent necessaire Éviter les tricycliques : hypotension orthostatique, RAU, constipation chronique Association à un anxiolytique Risque suicidaire exceptionnel mais à évaluer de manière systématique Les principaux symptômes neuropsychiques : la confusion (recommandations afsos) 80% des patients en situation palliative terminale Forme « ralentie » dans plus de 50% des cas, mais la forme agitée reste la plus diagnostiquée Difficulté de diagnostic lorsqu’elle est fluctuante En SP, facteur prédictif de décès Diagnostic doit être le plus précoce possible: souffrance psychologique du patient et des proches, complication des soins, risque pour le patient, majore les autres symptômes Les principaux symptômes neuropsychiques : la confusion (recommandations afsos) Étiologie de la confusion doit être recherchée (iatrogenie, - - troubles hydroélectrolytique, globe, fecalome) Problématique de l’origine plurifactorielle Importance de la pec environnementale : éviter les contentions, repères spatiotemporels, préserver les fonctions sensorielles, respect du rythme nycthéméral, rassurer le patient et ses proches. Traitement symptomatique : Réévaluations des prescriptions État d’hydratation et nutritionnel En 1ère intention neuroleptique: halopéridol Éviter les benzodiazépines sauf en cas de DT ou de phase terminale Évaluation de la situation sociale Le choix du lieu de la fin de vie, du décès À domicile : adaptation du lieu, renforcement des aides sociales et médicales. Appui sur les réseaux de soins palliatifs. Problématique lié à l’âge des aidants naturels, à l’isolement, au manque de moyens financiers, aux symptômes parfois difficilement gérables. Les structures hospitalières ou de convalescence ne sont pas toujours adaptées EPHAD: problématiques des délais d’attente et du manque de moyens médicaux et paramédicaux Utilisation du midazolam et sédation en soins palliatifs: indications Règles de bonnes pratiques de la SFAP et de l’AFSSAPS « Recherche par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusque la perte de conscience. But est de diminuer ou faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés ont pu être proposés ou mis en œuvre sans obtenir le soulagement escompté. » Situations à risque vital immédiat : hémorragies cataclysmiques, détresses respiratoires asphyxiantes. Symptômes réfractaires en phase palliative ou terminale. Utilisation du midazolam et sédation en soins palliatifs: en pratique Procédure collégiale (EMSP) et concertation pluridisciplinaire Information du patient et de l’entourage Consentement du patient si la situation le permet Démarche inscrite dans le dossier médical Élaboration de prescriptions anticipées Poursuite des traitements symptomatiques et de l’accompagnement des proches. Utilisation du midazolam et sédation en soins palliatifs: en pratique Titration du midazolam Administration IV ou SC Évaluation de la profondeur de la sédation toutes les 15 min la 1ère H puis au moins 2 fois /j Adaptation de la posologie selon le degré de soulagement du patient et la profondeur de la sédation (score 4 sur l’échelle de rudkin) Dose de 0.5 à 1mg toutes les 3 minutes selon les recommandations jusqu’à l’occlusion des paupières (rudkin3-4) Dose d’entretien égale à la moitié de la dose nécessaire à l’induction. Le cadre législatif des soins palliatifs La loi leonetti 22 avril 2005 relative au droit des malades et à la - - fin de vie : Énonce l’interdiction de l’obstination déraisonnable Respect de la volonté du patient et notamment du refus de soins Respect de la procédure collégiale si le malade ne peut s’exprimer Directives anticipées Personne de confiance Le principe du double effet Obligation de dispenser des soins palliatifs et préservation de la dignité des patients Protections des différents acteurs grâce à la traçabilité des procédures suivies. Évolution en cours avec la loi Leonetti-Clayes Le cadre législatif des soins palliatifs Souhaits et attente de la personne âgée doivent être au cœur des préoccupations Importance d’anticiper une altération ultérieure des fonctions cognitives Favoriser la désignation d’une personne de confiance et la rédaction des directives anticipées conclusion La prise en charge palliative des sujets âgés atteints de cancer s’appuie sur les principes généraux des SP. Prise en compte globale du patient et de ses proches: physique, psychologique, sociales et spirituelles. Prise en compte spécifique du contexte oncogériatrique. Proportionnalité des soins avec une attention pour l’environnement psychosocial: trouver un équilibre entre obstination déraisonnable et abandon.