Frédéric THOMAS, Julie LABATUT, Gilles ALLAIRE

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Biodiversitédesplantescultivées
etdesracesanimales.Del’accès
libreàlaremobilisationdes
commons
Frédéric THOMAS – UMR Patrimoines locaux, Ird-Mnhn. 18 rue Yen Ninh, Hanoi, Vietnam.
[email protected],0084437151882
JulieLABATUT–UMRAGIR,Inra-Toulouse
GillesALLAIRE–INRA-Toulouse
Laprofessionnalisationdesactivitésdesélectiongénétiquedesanimauxetdesplantesconstitue
undesleviersdelaformidablecroissancedelaproductionagricoleau20esiècle.Sonreversaétéune
réduction drastique de la biodiversité qui explique que la conversation des ressources génétiques
agricoles soit devenue une «préoccupation commune» de l’humanité. Trois échelles d’actions
collectives pour la conservation de ces ressources sont repérables: les dispositifs internationaux qui
appréhendent la biodiversité agricole comme un «bien public mondial», les dispositifs locaux
d’éleveursetdeproducteursquilagèrentcommeuneressourcecommune,etentrelesdeux,lesEtats
qui dessinent le cadre légal pour favoriser les sélectionneurs et l’innovation. Les objectifs et les
motivations de ces différentes échelles sont très hétéroclites et souvent peu compatibles, mais ils
coexistentsouslaformedecequ’onpeutappelerdessystèmescomplexesderessourcescommunes.
On s’attachera à montrer, pour les plantes cultivées et les animaux domestiques, comment ces
systèmes complexes articulent plusieurs régimes juridiques (public, privé, collectif, nationaux et
internationaux) privilégiant différentes formes d’appropriation, de mise en valeur et de gestion des
ressources génétiques. Nous examinerons les effets des politiques d’inspiration néolibérale sur ces
systèmes de ressources pilotés historiquement par le couple Etat-interprofession, ainsi que l’impact
des grandes conventions internationales (CDB de 1992, TIRPAA de 2001 et protocole de Nagoya de
2010,Planglobald’Actionpourlesressourcesgénétiquesanimalessousl’égidedelaFAOde2007).Le
but sera de montrer l’émergence ou le renouvellement de formes d’actions collectives aux échelles
nationalesetlocales.
Onrappellerad’abordque,pourenfaciliterl’accèsauxsélectionneurs,lesressourcesgénétiques
végétales sont considérées comme des choses communes, c’est-à-dire n’appartenant à personne et
devant rester à la libre disposition de tous. Lorsque les premières formes d’appropriation des
innovations variétales sont apparues, cette règle du libre accès a prévalu, les ressources génétiques
présentes dans les variétés protégées par un certificat d’obtention végétale (COV) restant en libre
accès pour les autres sélectionneurs. Les biotechnologies et la génomique ont considérablement
lézardé cet édifice en permettant de protéger différentes formes d’innovation végétales par des
brevets qui sont des droits de propriété intellectuelle beaucoup plus exclusifs que le COV. Nous
examineronslesrecompositionsencourspourarticulerleCOVetlebrevetetlesmenacesquipèsent
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sur le maintien des ressources génétiques végétales comme une chose commune que nul ne devrait
pouvoirs’approprier.
L’histoire des ressources génétiques animales est radicalement différente. Aucune convention
internationalen’organiseunrégimed’accèsàcesressourcesetd’appropriationdesinnovationsquien
découlent.Lagestiondecesressourcesreposesurlapropriétédelignéespardessélectionneurs(cas
des porcs et des volailles, sauf pour les races en conservation) ou sur une propriété commune de la
raceencequiconcernelesruminants.Pourcesderniers,lesEtatsontsouventaidélesprofessionnels
à assurer collectivement la création de progrès génétique pour répondre aux enjeux de production
agricole.Eviterlaconsanguinitéàl’intérieurdechaqueraceanimaleaaussiététrèstôtunenjeudes
programmesdesélection.Ladiversitégénétiqueanimaleaainsiétécompriseparleséleveursetles
sélectionneurs comme un bien rival nécessitant la mise en place de règle d’usage communes. Nous
décrirons donc les dispositifs de sélection et de gestion des «races animales» dans le cas des
ruminantscommedescommons.Nousexamineronslesdynamiquesinstitutionnellesdecescommons
en montrant leur relative résilience face à l’arrivée de la génomique et des nouvelles formes
d’appropriationquienrésultent.
L’originalité de notre communication sera de transposer ces expériences decommons autour du
maintien des «races animales» à la question de la bonne gouvernance des ressources génétiques
végétales.Lesressourcesgénétiquesvégétales,parcequ’ellesontlongtempsétépenséescommeun
biennon-rival,ontétéprisesdanslerégimedulibreaccès.L’érosiongénétiqueetlesbrevetsenfont
aujourd’huiunbienbeaucoupplusdisputéquinécessitederéintroduiredesrèglescollectivesd’accès
etd’utilisationdelaressourcebeaucoupplusdrastiquequelarègledulibreaccès.Nousillustreronsce
besoin en examinant la naissance de différent commons autour de variétés végétales locales et les
tentativesdecollectifsd’agriculteurspourfédérerleurrôledeconservateursdebiodiversitéagricole.
Nous discuterons enfin de la très problématique articulation de ces nouveaux commons avec la
définitiondudomainepublic.
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