François LAFRENIÈRE
2015-12-14
GRÈ CE ET ROM E ( 332 -3 00-S F)
IX. LE MONDE ROMAIN : LE HAUT-EMPIRE (27 av. J.-C. 192 apr. J.-C.)
L’EmpireL’apogée. Le terme Empire a une portée chronologique (le nom d’une période de
l’histoire), il a une portée politique (le nom d’un régime) et une portée géographique qui
désigne le territoire de l’Empire.
A. Le régime politique : le principat
1. L’avènement d’Auguste (Octave) 27 av. J.-C. 14 apr. J.-C.
La mort de César et la crise de la fin de la République
La mort de César, sous les coups de conjurés craignant une dérive monarchique du pouvoir du
dictateur perpétuel et une aventure orientale sans limites, aux ides de mars 44 av. J.-C., met fin
à près d’un siècle d’aventures personnelles menées afin de réformer la République, malade de
ses institutions inadaptées à son empire en formation. De ces essais de réformes, civils ou
militaires, des programmes sociaux des Gracques aux réflexions d’un Cicéron sur
l’instauration nécessaire d’une autorité forte, des aventures de ces imperatores (généraux
vainqueurs) bâtissant leur «fortune» sur les conquêtes extérieures et les liens avec les soldats
de leurs armées (Sylla en Orient, Pompée en Espagne et en Orient, César dans tout l’empire),
on peut retenir l’essoufflement de la Rome républicaine, de ses institutions et plus
particulièrement de ses élites politiques, chevaliers, sénateurs de toute obédience, animateurs
des populares ou des optimates. Tous ceux qui se sont succédés ont échoué dans la recherche
d’une solution politique d’envergure et le cadavre de César, abandonné par des conjurés bien
vite enfuis, n’est que le témoin d’un destin brisé et non d’une tentative avortée de réforme.
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Portrait d’Auguste (Octave) (63 av. J.-C. 14 apr. J.-C.)
Octave n’était que le petit neveu de Jules César, mais le dictateur en fit son fils adoptif et son
héritier en 45. Le jeune homme appartenait à une double ascendance : du côté paternel, la gens
Octavia, des ancêtres chevaliers très riches ; son père C. Octavius, nateur et prétorien, mourut
prématurément en 59. Du côté maternel, la famille sénatoriale des Atii, incarnait la gloire
éclatante de la gens Julia.
Dès l’âge de 15 ans, en 48, Octave devint pontife et entama une brillante carrière grâce à sar.
En 45, il accéda au patriciat et prit le nom de son père adoptif : son avenir semblait tout tracé,
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KAPLAN, éd. Le monde romain, Paris, Bréal, 1995, p. 117.
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malgré les événements des Ides de mars. Il apprit la nouvelle à Apollonia, en Grèce, où il avait
rejoint les troupes destinées à la compagne contre les Parthes. Sa réaction fut prudente, mais
déterminée : retourner en Italie et s’y faire reconnaître par les troupes comme l’héritier et le fils du
« divin César », attendre que la situation soit plus calme pour rejoindre Rome (mai 44).
Les «res gestae» de 44 à 31 av. J.-C., un testament rédigé par l’empereur, à l’âge de 76 ans.
1. «À l’âge de 19 ans, j’ai rendu la liberté à la publique». Évocation de la lutte avec
Marc Antoine pour la succession politique de César (Cicéron, Philippiques). Début 43, le
Sénat le nomma propréteur auprès de consuls Hirtius et Pansa, pour lutter contre Marc
Antoine
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. La bataille de Modène (avril 43) se termina à son avantage : fuite d’Antoine en
Gaule auprès du gouverneur Lépide. Mort des deux consuls.
2. «Le peuple me nomma triumvir pour organiser la République». Un «coup de force» :
inéligible au consulat en raison de son âge (20 ans), il se fit élire, contre l’avis du Sénat, par
les Comices en août 43. Un «coup d’éclat» : la constitution d’un triumvirat entre Octave,
Antoine et Lépide en novembre 43. Imperium légal de 5 ans, avec droit de nomination à
toutes les magistratures et partage de provinces.
3. « Ceux qui avaient tué mon père, je les ai bannis je les ai battus deux fois en bataille
rangée ». Allusion aux proscriptions de 43, dont Cicéron fut victime, et aux batailles de
Philippes en Macédoine en 42, Octave et Antoine triomphèrent de l’opposition
publicaine d’Orient (mort Brutus et Cassius, les meurtrier de César).
4. Le combat des chefs. Le pacte de Brindes entre Octave et Antoine (40) aboutit à un partage
de l’empire entre les deux imperatores, sans Lépide : l’Orient à Antoine, l’Occident à Octave.
La victoire finale d’Octave se déroula en deux étapes :
Actium, le 2 septembre 31 : une guerre psychologique. La propagande octavienne
dénonça le mariage oriental entre Antoine et Cléopâtre, à laquelle il aurait fait don des
provinces romaine d’Orient, un projet de récupération monarchique à son profit et la
menace du transfert de Rome à Alexandrie. Le Sénat déclara la guerre à l’Égypte. Une
bataille navale lèbre fut remportée à Actium par Octave dans le golfe d’Ambracie, au
sud de l’Épire (Grèce).
Alexandrie en 30. Les dernières passes d’armes se concluent par les suicides d’Antoine
et Cléopâtre. Ce fut le triomphe de l’Occident policé et civilisé sur l’Orient barbare. À
son retour à Rome en 29, Octave est maître du monde. Il ne lui reste qu’à l’organiser.
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MARC ANTOINE (82-30), issu de la grande famille des Antonii qui fut décimée par les proscriptions mariennes.
Nobilis, légat de César en Gaule et consul en 44. Il possédait un talent oratoire certain, mais était sans culture et
débauché. Sa mémoire fut vite oblitérée après sa mort comme le mentionne des inscriptions.
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Texte tiré et adapté de O. WATTEL, Petit Atlas de l’Antiquité romaine, p. 52-54.
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Auguste va garder le pouvoir pendant quarante et un ans. Il va achever la
conquête de la péninsule ibérique et contribuer au contrôle de l’espace danubien,
réorganiser les provinces, établir une administration efficace, remodeler le
paysage de la Rome monumentale, restaurer la religion romaine traditionnelle,
créer le culte impérial… Auguste habite un plais assez modeste sur la Palatin. Le
vieil empereur meurt à 76 ans entre les bras de sa seconde épouse, Livie.
Les caractéristiques du Principat
On appelle communément « Empire » le régime monarchique instauré par Auguste en 27 av.
J.-C. et qui perdure jusqu’à la fin de l’histoire de Rome. Toutefois, les historiens modernes
préfèrent le terme principat pour désigner la monarchie relativement libérale des deux
premiers siècles de notre ère, et celui de dominat, au Bas-Empire, pour qualifier un pouvoir
monarchique absolu (dominus et deus).
À partir de 28-27, Auguste prétend restaurer les institutions et les valeurs morales de la
République. Il reprend le terme de princeps, déjà utilisé pour désigner celui qui doit être le
premier des citoyens à la tête de l’état. Mais il en détourne le sens au profit d’un pouvoir
personnel sur le modèle des royaumes hellénistiques dont les bases ont été mises en place par
César dont il est le fils adoptif. Les Romains ne sont pas dupes, mais ils sont reconnaissants à
Auguste d’avoir mis fin à de longues années de guerre civile et rétabli la paix intérieure.
Destin de Rome
« Tu regere imperio pupulos, Romane, memento pacique imponere morem Pacere subiectis et debellare
superbos ».
« Ne l’oublie pas, Romain, c’est à toi qu’il appartient de gouverner les peuples par ton imperium, … de leur
imposer la pratique de la paix, d’épargner tes sujets et de vaincre les orgueilleux ».
- ANCHISE
VIRGILE, Énéide, VI, 851-853.
Avènement d’Auguste, fin des guerres civiles et retour de la paix
« omnem potentiam ad unum conferri pacis interfuit ».
« tout le pouvoir fut remis à un seul homme dans l’intérêt de la paix».
TACITE, Histoires, I, 1,1.
Parce qu’il était «discordantis patriae remedium», «le remède aux discordes de la patrie».
TACITE, Annales, I, 9.
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À cette date, la République, avec son équilibre entre les différents pouvoirs, a cessé d’exister
depuis déjà plus de 20 ans. Et si la République n’état pas vraiment démocratique, qu’en sera-t-
il de l’Empire ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre.
Rappelons-nous d’abord qu’à Rome rien n’a jamais été ni ne sera jamais démocratique au sens
égalitaire nous l’entendons habituellement : ni la République, ni l’Empire. Pourtant,
l’empire, pour les citoyens et habitants du monde romain, sera plus « progressiste » que la
République. Sous l’Empire, le pouvoir exercé par de très hautes familles sera un peu mieux,
un peu moins mal contrôlé que sous la République. N’importe qui ne pourra désormais faire
n’importe quoi du moment que cela l’arrange ; comme de rançonner les provinciaux qu’il
administre. Il faudra rendre des comptes à quelqu’un, c’est-à-dire à l’Empereur, qui n’est pas
nécessairement distrait ou arrangeant. Aussi, la législation tiendra progressivement un plus
grand compte de la dignité des êtres humains. Le petit peuple sera plutôt mieux traité. Un jour
viendra même où tout le monde sera citoyen romain (Mais pas tout de suite ! Il faut attendre le
règne de l’empereur Caracalla et un édit de 212 apr. J.-C.). L’ordre règnera plus sérieusement
sur terre et sur mer.
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L’Empire n’est pourtant pas un âge d’or de l’humanité, même si la propagande impériale veut
le laisser entendre. La structure de la société restera sensiblement la même et il sera toujours
meilleur d’être riche que d’être pauvre. Toutefois, le simple fait d’être riche ne donnera pas
automatiquement tous les droits. Les empereurs romains n’ont pas été tous des monstres ou
des idiots. Il s’en faut de beaucoup. Plusieurs anecdotes à leur sujet sont fausses ou mal
comprises. Les sources antiques à ce sujet témoignent souvent de partis pris.
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> PPT Sculpture de la Fortune et la destinée de Rome.
> Capsule vidéo en ligne : LAuguste de Prima Porta (20 av. J.-C.).
4
L. JERPHAGNON. Histoire de la Rome antique : Les armes et les mots. Paris, Hachette, Littératures, 2002,
p. 200-201.
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L. JERPHAGNON, Idem.
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L. JERPHAGNON, Idem.
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2. Les caractéristiques du régime politique
a) Les anciennes institutions républicaines : le Sénat, les comices et les magistratures
Le principat prend place dans le cadre d’institutions républicaines qui sont conservées, mais
dont le poids respectif et le fonctionnement sont modifiés pour tenir compte de
l’administration qui prend en charge un vaste empire.
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.
Presque tous les organes de la constitution républicaine restent en place la façade
républicaine et conservée Octave est simplement Princeps i.e. premier des citoyens.
Le Sénat
Ce conseil aristocratique conserve ses fonctions délibératives et ses avis (sénatus-
consultes) acquièrent force de loi. Toutefois, son destin est lié à l’empereur, princeps
senatus par excellence, qui convoque en séances, fixe l’ordre du jour, prend la parole
en premier et contrôle sa composition et la carrière de ses membres. Le rôle éminent
joué, au moment de l’avènement de chaque nouvel empereur, par le vote d’une loi
d’investiture, confirme sa première place mais n’évite guère les affrontements plus ou
moins violents avec certains princes.
Les comices
Les comices, assemblées populaires, expression d’une démocratie élective et
législative, sous la République, sont grandement affectées par le nouvel ordre des
choses. Leurs réunions sont attestées tout au long de la période, en tout cas au moins
lors de la procédure de légitimation de chaque nouveau prince, mais sans que nos
sources ne nous permettent d’être plus attentifs à leur rôle précis. Le pouvoir impérial a
un contrôle exclusif sur les élections des magistrats. De fait, l’enregistrement par
acclamation semble la règle pour toute activité législative.
Les magistratures
Les magistratures, quant à elles, demeurent dans le cadre d’un cursus honorum
sénatorial dont le contenu est modifié dans la perspective des besoins spécifiques de la
gestion d’un vaste empire. La naissance d’une administration impériale, à Rome et
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KAPLAN, éd., 1995, p.126-127.
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