juifs, par leur engagement personnel, par leur tradition, par leur histoire, par
leur situation, ont un rôle spécifique dans ce dialogue.
Tout dans le judaïsme amène les juifs au dialogue et à l’universel. Je
voudrais citer Ernest Renan dans son histoire du Peuple d’Israël. Renan dit
ceci : « L’esprit grec l’emportera dans l’ordre intellectuel, philosophique,
politique, mais les questions religieuses et sociales échapperont à sa sérénité
enfantine. Isaïe a planté le drapeau de la religion de l’avenir quand Solon et
Thalès de Milet ne sont pas nés encore. On est enragé de justice à Jérusalem
quand à Athènes et à Sparte nulle protestation ne s’élève contre l’esclavage
quand la conscience grecque dans les conjonctures embarrassantes est
satisfaite de cette raison péremptoire ». Et plus loin, Renan ajoute : « Rome
a créé la force dans le monde et cette force, en réalité, a servi à propager
l’œuvre grecque et l’œuvre juive, c’est-à-dire la civilisation. »
Les juifs sont apparus sur la scène de l’histoire, ornés de trois
distinctions spécifiques. Ils ont imposé une véritable révolution, le
monothéisme éthique. Ils ont rédigé la Bible, la charte de l’humanité
civilisée et ils se sont chargés de l’apostolat du messianisme.
Le judaïsme comme la République a vocation à l’universel. La Torah
ne s’adresse pas seulement à l’homme religieux juif auquel s’impose
l’ensemble des commandements, elle s’adresse à tout homme et à
tout l’homme. Les lois noachiques sont valables pour tous les
hommes. Ce sont ces lois qui sont à la base des droits de l’homme et
qui ont valeur universelle. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que René
Cassin, Président de l’Alliance Israélite Universelle, ait été également
le principal auteur de la déclaration universelle des Droits de
l’Homme de 1948, ce qui lui valut le Prix Nobel de la paix.
Un autre legs des hébreux à l’humanité tout entière est cette partie de la
Bible que l’on appelle la littérature de sagesse qui ne semble appartenir à
aucune strate religieuse. Les souffrances injustifiées et inexpliquées de Job,
le désenchantement de l’Ecclésiaste, les sentences et les maximes des
Proverbes reflètent cette barde de souffrance qui est propre à tous les êtres
humains.
Le judaïsme porte à la discussion, porte au dialogue, porte à l’ouverture. Le
fondement du judaïsme repris dans le « ich und du1 « de Martin Buber est la
relation de l’homme avec Dieu et de l’homme avec son prochain.
Le judaïsme, c’est aussi la capacité à penser l’autre, à penser l’autre dans sa
différence.
1 Je et Tu (Ich und Du)
Dans son ouvrage le plus célèbre, Martin Buber souligne l'attitude duelle à l'égard du monde: la relation Je-
Tu et la relation Je-cela.