Ainsi que le rappelle l’historien des Religions, André CHOURAQUI :
les livres de la Bible ne sont pas composés pour raconter l’histoire d’un point de vue littéraire ou scientifique, mais généralement dans une intention prophétisante.
1. Vers -2000 / -1700 : Abraham, ancêtre légendaire, partit, sur injonction divine, de Chaldée pour la terre de Canaan.
2. Vers -1200 : Révélation Sinaïtique, Moïse guida, sur injonction divine, le peuple d’Israël, d’Egypte vers la Terre Promise.
3. Vers -1000 / -950 : David, 2ème roi d’Israël, établit la capitale d’Israël à Jérusalem et son fils Salomon construit le premier Temple.
4. -586 : Destruction du Temple, exil à Babylone / -538 : retour d’exil et construction du 2ème Temple (515).
5. De -900 à -100 : Structuration progressive de la Torah et du canon biblique juif (Premier Testament, 24 livres).
6. A partir de -36 : Domination romaine.
On considère qu’à cette époque le peuple Judéen se compose de 6 à 8 millions de personnes (10 % de l’Empire Romain), dont 2/3 vivent « en diaspora » dans tout l’Empire Romain et notamment dans les grandes villes, Alexandrie,
Antioche, Ephèse, Corinthe, Rome (environ 20 % de leur population).
Il paraît opportun de souligner l’importance de la littérature religieuse judéenne, de langue sémitique ou de langue grecque, à cette époque, et notamment les grandes entreprises de traductions et de commentaires que sont la
Septante, le Targum et le Midrash – en pointant l’influence fondamentale qu’elle a exercée sur la littérature religieuse chrétienne alors naissante.
Il convient encore de souligner la pluralité du judaïsme dans le monde gréco-romain tant dans ses orientations doctrinales que rituelles. Une pluralité qui est attestée par l’immense corpus de la littérature judéo-grecque (y compris
les œuvres magistrales de Philon d’Alexandrie et de Flavius Josèphe).
Le Judaïsme est divisé à cette époque en 4 courants principaux :
•les Saducéens (la classe sacerdotale),
•les Pharisiens, groupe majoritaire traditionaliste,
•les Zélotes, groupe nationaliste farouchement opposé au protectorat romain,
•les Esséniens, groupe mystique et ascétique (manuscrits de la Mer Morte).
On pourrait mentionner également les Samaritains et les Baptistes (sur lesquels nous reviendrons).
7. De – 6 à + 30 : Vie de Jésus (Yeshoua), dont les 2 dernières années consacrées à la prédication.
Les sources :
•Romaines : Pline le Jeune 111 / Tacite 116 / Suétone 120 / Hadrien 125
•Judéennes : Flavius Joseph, « Antiquités judaïques », guerre des Judéens (fin du 1er siècle) et quelques citations dans le Talmud IIe et IIIe siècles.
•Judéo-chrétiennes :
a) Les documents canoniques, les lettres de Paul (mort et résurrection) et les 4 Evangiles (dont 3 synoptiques) :
vers 60 Marc (judéo-chrétien de Rome), vers 75 Mathieu (judéo-chrétien de Syrie), vers 75 Luc (judéo-chrétien de Grèce), vers 95 le récit « Johanique » (communauté judéo-chrétienne) sensiblement différent
des synoptiques (une grande problématique de datation plane sur les Evangiles)
b) Les documents apocryphes, les para-synoptiques, les romanesques, et des textes atypiques (évangile selon Thomas) et les agrapha* (Paul, les Actes…).
Pour remonter à Jésus, il importe nécessairement de passer par les documents conservés et transmis dans les premières communautés chrétiennes, sans négliger bien entendu les sources romaines et les sources judéennes.
Un dernier problème fondamental est à signaler : les sources chrétiennes font mémoire du temps de Jésus et de ses disciples au regard de la potentialité qu’a cette mémoire de régir la vie des croyants, la vie des
chrétiens, ce qui a pour effet de mettre évidemment l’historien dans l’embarras car ces sources n’ont pas un statut neutre, puisque leur compréhension des événements est gouvernée par la croyance de leurs auteurs en
Jésus de Nazareth.
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Enfin 2 évènements capitaux doivent être mémorisés car leurs conséquences ont façonné l’histoire :
1. La Guerre d’Indépendance menée par les Judéens contre les Romains de 66 à 70 qui se terminera par la prise de Jérusalem par Titus, la destruction du Temple, l’anéantissement de la moitié de la population de Judée
(environ 1 million de personnes), déportation massive, esclavage, etc…
2. Le soulèvement ultime de 132 à 135 mené par Shimon Bar Kochba (brève indépendance) suivi d’un nouveau massacre mettant un terme pour plus de 18 siècles à la souveraineté juive sur la Terre d’Israël.
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Le Christianisme lors de la séparation avec le Judaïsme (milieu du IIe siècle)
Il convient de distinguer la Grande Eglise en cours de structuration dans la sphère gréco-romaine et les groupes chrétiens d’origine judéenne :
•Les chrétiens d’origine judéenne, qui sont les descendants des premiers disciples, croient au Messie Jésus et observent la Torah. Ils présentent la particularité d’avoir été occultés à la fois par la tradition juive et par la
tradition chrétienne, ou renvoyés dans les franges de l’hérésie. Par chrétiens d’origine judéenne, il faut entendre ce que l’on appelle habituellement judéo-chrétiens.
•Les nazoréens sont les premiers disciples de Jésus de Nazareth qui ont reconnu en lui le Messie attendu par Israël – ce sont eux les premiers chrétiens, les premiers transmetteurs des traditions relatives à Jésus de Nazareth.
Ils ont constitué la première communauté chrétienne connue, celle de Jérusalem qui est la plus célèbre de par ses dirigeants : Pierre jusqu’en 43-44 et Jacques jusqu’en 62. Ils sont les représentants les plus importants du
mouvement des disciples de Jésus, au moins jusqu’en 70. Les nazoréens, après leur marginalisation, au cours du IIe siècle, par les chrétiens d’origine grecques, semblent s’être fondus dans la « Grande Eglise » à une date
difficile à déterminer avec précision, mais assurément après le Ve siècle.
•Le judéo-christianisme ébionite est un mouvement religieux documenté de manière indirecte du IIe au Ve siècle, voire peut-être jusqu’au VIIe. Il s’agit apparemment d’un mouvement interstitiel de chrétiens d’origine
judéenne qui a émergé soit au Ier soit au IIe siècle et a disparu à une date difficile à déterminer avec certitude. Il est attesté principalement dans certaines régions de l’Empire romain d’Orient, mais aussi à Rome.
•Le judéo-christianisme elkasaïte est une formulation désignant un mouvement religieux dont les traits caractéristiques de la doctrine et de la pratique paraissent originaires de certains groupes baptistes relevant aussi bien du
judaïsme général que du judaïsme nazoréen, et dont les membres reconnaissent comme fondateur un personnage qu’ils nomment Elkasaï.
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Le mot
agrapha
veut dire « non écrits » : on entend par là les paroles « non écrites » de Jésus, c’est-à-dire les paroles consignées dans d’autres documents que les quatre évangiles canoniques.