compagnie générale de théâtre

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compagnie générale de théâtre
Liliom
de
Ferenc Molnàr
mise en scène
Matthias Urban
dramaturgie
Marie-Laure König
assistante mise en scène
Maria Da Silva
scénographie
Maxime Fontannaz
maquillage
Sonia Geneux
costumes
à pourvoir
lumière
à pourvoir
avec
Jane Friedrich, Elodie Weber, Jean-Pierre Gos, François Florey, Antonio Troilo,
distribution en cours pour les trois autres comédiens.
musicien
Philippe Kohler
Introduction
Pour la saison 2010-2011, j’ai choisi de monter la pièce de Ferenc Molnàr, Liliom.
Présentée pour la première fois à Budapest en 1909, cette pièce fête aujourd’hui ses cent ans.
Plusieurs fois adaptée au cinéma, Liliom est une référence de la littérature hongroise. Mon travail s’appuiera sur la nouvelle traduction publiée aux Editions Théâtrales – Antoine Vitez, datant
de 2004.
Liliom, c’est la vie et la mort d’un vaurien, une légende de banlieue, une féerie à la fois brutale
et naïve. Un conte tragique au sortir de l’enfance, que l’on raconte à un enfant turbulent. C’est
une histoire d’amour qui fait mal. Ferenc Molnàr a transformé les princes et princesses en
domestiques, chômeurs et prolétaires, et en fait les anti-héros d’un conte moderne sans happyend. Une histoire d’amour sur fond de misère, une fuite en avant, un crime crapuleux raté et
un tribunal céleste qui juge les morts avant de les renvoyer sur terre : voici les éléments de ce
drame aux atours fantastiques et baroques.
Les personnages principaux sont jeunes, ils ont entre 18 ans (Julie) et 28 ans (Liliom). C’est
l’occasion pour de jeunes comédiens de trouver dans ce projet un rôle fort et dense. Les autres
personnages plus âgés sont interprétés par des acteurs confirmés, avec lesquels j’ai déjà eu
l’occasion de travailler, comme Jean-Pierre Gos, Antonio Troilo, François Florey, Jane Friedrich.
Une rencontre entre générations qui se retrouve également au cœur du récit, et qui sur scène
promet une alchimie très enrichissante et inspirante.
Ce projet peut faire l’objet d’une coproduction, puisque le directeur du Théâtre de l’Orangerie
à Genève, Frédéric Polier, a fait part de son vif intérêt pour Liliom pour l’été 2011. Lorenzo Malaguerra, le nouveau directeur du Théâtre du Crochetan à Monthey, est également intéressé par
le projet. Il pourrait être opportun de présenter ce projet à Fribourg (Nuithonie), et à Neuchâtel
(Le Passage) afin d’éventuellement organiser une tournée romande plus conséquente.
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L’histoire
Liliom est un bonimenteur de foire. Autant dire un bon à rien. Un petit voyou à la gueule d’ange,
une petite frappe. Une racaille de la banlieue de Budapest. Il travaille dans une fête foraine,
sur le manège de Madame Muscat. Ses blagues attirent le chaland, et surtout les filles, qui se
pâment devant lui. Mais c’est Julie, une petite bonne naïve, qui touche Liliom au cœur. Il s’installe avec elle et quitte le manège. Bientôt un enfant s’annonce, mais avec le chômage, comment
survivre ? Pris au piège des responsabilités qu’il ne peut assumer, Liliom mène une vie nocturne
fait de larcins et de beuveries. Pour échapper à la misère, il se laisse convaincre par l’un de
ses voyous d’amis de commettre un braquage. L’aventure tourne mal et Liliom se suicide. Il se
retrouve dans l’au-delà, dans une sorte d’antichambre du paradis, où deux « détectives de
Dieu » qui siègent dans un tribunal céleste le somment de rendre des comptes. Jugé pour avoir
battu sa femme, il est condamné à revenir sur terre, seize ans plus tard. La pièce se termine
sur ce dernier tableau, la rencontre entre Liliom et sa fille. Le père frappe sa fille avant de s’en
aller définitivement ; un coup sans douleur, d’une franchise sans pareil.
louise – Mais, maman… ça t’est déjà arrivé qu’on te frappe et que tu ne sentes rien ?
julie – Oui, ma chérie. Ça m’est déjà arrivé.
Silence
louise – Comment c’est possible de recevoir un coup qui résonne si fort et qui ne fasse pas mal ?
julie – C’est possible… ma chérie. On te frappe… et… ça ne fait pas mal.
L’auteur : Ferenc Molnàr (Budapest, 1878 - New York, 1952)
Dramaturge et romancier hongrois, Ferenc Molnàr naît dans une famille cultivée de la bourgeoisie israélite hongroise. Après des études de droit à Budapest et à Genève, il fréquente les
milieux artistiques, journalistiques et littéraires. Il publie des poèmes, des nouvelles, des
romans. En 1907, son premier roman Les Garçons de la rue Pál est un succès public, mais très
vite il écrit pour le théâtre : entre 1907, date de la création de sa première pièce, Le Diable, et
1933, il publie une trentaine de pièces qui le font connaître dans le monde entier.
Liliom, la plus représentée des pièces de Molnàr, est créée pour la première fois en Allemagne
par Max Reinhart. Dans les années vingt, plus de deux cent théâtres allemands la programment.
Reprise à Broadway, la pièce affiche Ingrid Bergman. Liliom connaîtra trois adaptations cinématographiques, notamment en 1934, par Fritz Lang, avec Charles Boyer. En 1944, Rogers et
Hammerstein en feront la comédie musicale Carrousel.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Ferenc Molnàr fuit son pays d’origine et se réfugie
en Italie, puis à New York où il meurt le 1er avril 1952.
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La dramaturgie
Dans sa note introductive, Molnàr précise qu’il ne se soucie pas de savoir si Liliom est une
pièce onirique, un conte ou une féerie. C’est en tout cas un drame de la banlieue de Budapest,
une histoire aux univers multiples, à la fois réaliste dans sa dimension sociale, et fantastique
dans ses propositions narratives. L’œuvre de Ferenc Molnàr est ainsi faite : généreuse, romantique, peignant avec précision une certaine réalité sociale, tout en osant l’inattendu, le rêve
et le fantastique. En effet, le récit de la pièce prend une direction surprenante, mêlant l’au-delà
et le retour sur terre des morts. Des destins tragiques qui ne trouvent ni d’absolution au ciel,
ni de salut sur terre.
Écrite en 1907, c’est un paysage urbain de la banlieue de Budapest qui sert de décor, peuplé
de domestiques, forains, va-nu-pieds et bonimenteurs. Une société aux portes du réel, que
Ferenc Molnàr nous fait découvrir en creusant les particularités du langage. Une vaste recherche
langagière est ordonnée par l’auteur, qui trouve la nature profonde de ses personnages à
travers les mots déstructurés, la grammaire malmenée, hachée menue par la vie dure, par les
blessures et les coups. Un mot, un coup de poing, c’est ainsi que les personnages s’infligent
des blessures. C’est par les mots et les coups que tout passe, le souffle, la douleur, la haine,
l’amour, la peur.
Dans la dernière traduction française (2004, Editions Théâtrales), les traducteurs ont relevé le
défi de retrouver « un langage parlé qui ne soit pas l’argot ancien, mais bien l’étrangeté fondamentale de la langue de Molnàr, son agrammaticalité de principe. Car plus qu’un argot, les
personnages de Liliom parlent une langue originale, bourrée de fautes de grammaire, d’aberrations syntaxiques ou de mots déformés. Une langue de la rue, blessée, cicatrisée, boiteuse
et rageuse. »1 Un exercice passionnant pour les traducteurs, qui se devaient donc de malmener
la grammaire de la langue française, bien plus rigide que la langue hongroise, particulièrement
flexible, afin de trouver un « mal parler » que l’on puisse comprendre.
Il s’agit dès lors de faire entendre « la difficulté concrète qu’ont ces personnages à s’exprimer
parce qu’il leur manque des mots. Les personnages, issus d’un milieu défavorisé, se sont
chacun construit leur propre langage de récupération, fait de bric et de broc, trivial, idiomatique,
fait d’inventions diverses et de fragments mal appris. Le tout compose ainsi une pauvre poésie
de voie de garage, un terrain vague fait des poubelles dépréciées du langage. »2
Note d’intention
Je trouve dans cette pièce l’occasion de mener un travail majeur sur la langue et son rythme,
en explorant les contrées mystérieuses du langage molnàrien. Une direction qui permet d’offrir,
dans ce contexte, un formidable appui de jeu pour les acteurs. C’est d’ailleurs dans cette
1
2
À propos de la traduction, Liliom, Kristina Rady, Editions Théâtrales
Idem.
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direction que j’ai mis en scène Fin de partie de Beckett et les Dramuscules de Bernhard, où
s’est révélée par les mots et le rythme la nature fondamentale du spectacle. Liliom se caractérise
beaucoup par son langage, travaillé, malaxé et cristallisé par l’auteur ; c’est ce qui a immédiatement éveillé ma curiosité et qui donne lieu je pense à un théâtre passionnant.
L’univers des forains est omniprésent dans Liliom. Une piste très intéressante à creuser, tant il
me semble que cet univers habite les nombreux personnages de la pièce. Liliom et Julie, les deux
principaux protagonistes, semblent embarqués dans un manège lancé à pleine vitesse, dont on
ne peut descendre, où l’on ne maîtrise rien. Autour d’eux défilent, tels des monstres grimaçants
de carnaval, les individus qui composent le paysage dur et trivial de la banlieue de Budapest.
Des personnages réels ou surnaturels circulent à un rythme si soutenu qu’on ne peut s’arrêter
pour leur parler, pour réfléchir, pour penser. La vie est une machine infernale au pouls détraqué.
Le rythme de la pièce, son métabolisme, est nourri par ce défilé staccato, par cette galerie de
personnages grotesques qui se répand sur le plateau comme une gangrène maléfique.
D’emblée, il me semble que d’un côté un travail minutieux s’organise autour des scènes à deux,
où le rythme et le jeu intimiste des émotions sont primordiaux. Les personnages se font face
dans un dénuement atmosphérique, qui laisse la part belle au jeu des acteurs. De l’autre côté,
une grande chorégraphie se met en place dans les scènes d’actions, où se croisent une foule
de personnages divers. Des scènes musicales, amples, voluptueuses, nourrissent l’imaginaire
du spectateur à qui l’on dit : « nous voici aux portes du paradis ! ». Un chassé-croisé endiablé,
nerveux, où s’exprime sans fard le spectre des émotions humaines que Molnàr a peint avec
circonspection.
Cette pièce compte près de vingt-deux personnages, ce qui n’est pas économiquement viable
actuellement. Les comédiens se chargent ainsi de plusieurs personnages, jusqu’à trois figures
par acteur. Cette nécessité de trouver une solution pour monter Liliom avec huit comédiens
nous oblige à relever un défi essentiellement théâtral. Des changements rapides, des substitutions et des escamotages acrobatiques participent de l’univers onirique de Molnàr, et de
l’esprit forain présent tout au long de la pièce. C’est donc à mon sens une grande chance, et
même une nécessité, que de monter Liliom dans cet état d’esprit.
C’est une pièce éminemment musicale, tant par les indications scéniques (qui suggèrent la
présence d’un piano mécanique, d’un orgue de barbarie) que part les univers qui composent
l’œuvre : j’ai tout de suite pensé aux danses hongroises de Brahms, nourries des thèmes traditionnels du folklore hongrois, ainsi qu’aux chants traditionnels yiddish, l’esprit du Klezmer
et la musique gitane. Je compte sur la présence d’un violoniste sur scène (cf. scénographie).
Je suis également très enthousiaste à l’idée de monter une œuvre d’un auteur hongrois, étant
moi-même d’origine hongroise par mon père, arrivé en Suisse en 1956 à la suite de la révolution
de Budapest. C’est une enquête sur une partie de mon héritage, sur un passé qui se trouve à
Budapest, à travers l’œuvre d’un auteur qui lui-même est venu étudier à Genève.
Je me réjouis également de travailler sur Liliom dans le cadre de la formation continue en dramaturgie à l’UNIL, à laquelle je suis inscrit pour la saison 2009-2010.
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La scénographie
Les actions de Liliom se déroulent toujours en périphérie, aux abords, en bordure de quelque
chose. La fête foraine n’est pas loin, on se trouve juste à côté. Une cour intérieure misérable
se trouve être le seuil du petit logis de fortune des protagonistes. Le braquage raté a lieu le
long d’une voie de chemin de fer, sorte de no man’s land. Liliom est jugé par un tribunal céleste,
dans ce qui apparaît comme l’antichambre du paradis, un lieu de transition, un carrefour entre
l’au-delà et le monde des vivants. C’est donc le terrain vague qui se dessine naturellement
quand on imagine le lieu emblématique de l’histoire.
J’ai imaginé un espace composé au lointain par trois cabanons en bois, entre la cabine de plage
vermoulue et la pissotière de chantier, l’abri misérable pour vagabonds, la baraque de forains.
Ces petites constructions offrent chacune une porte qui laisse entrer et sortir les personnages,
et qui révèle un univers dont nous apercevons furtivement les contours. Elles permettent facilement de changer d’espace en suscitant le mystère d’un intérieur qui se modifie au fil des
lieux évoqués et qui au gré des tableaux se substitue à notre regard. Une simple guirlande
d’ampoules de couleurs suspendue au-dessus des cabanons évoque également les différents
lieux de l’histoire : la fête foraine, les lumières de la ville au lointain, les étoiles aux portes du
paradis.
Dans le premier tableau par exemple, la fête foraine nous est révélée par l’arrivée de Madame
Muscat, qui sort d’un cabanon contenant un amoncellement de bric et de broc, de lumières
aux couleurs vives et clignotantes, de monstres et chevaux de bois. Une sorte de fête foraine
en miniature, un vestibule mystérieux qui nous mène tout droit au cœur de cet univers magique.
Les portes s’ouvrent et se referment, laissant les acteurs à l’avant-scène, dans un espace
dépouillé qui devient le terrain d’affrontement des personnages, leur terrain de jeu. Un dispositif
qui laisse la part belle à l’interprétation, aux intentions et au langage. Dans les tableaux suivants, l’imagination du scénographe a tout le champ libre pour créer et suggérer les lieux de
l’action contenus dans les petites baraques : une voie ferrée, une cour misérable et pouilleuse,
un tribunal céleste aux portes du paradis.
Un des cabanons renferme parfois un violoniste qui s’en extirpe avec son instrument, déambulant parmi les acteurs. Un hommage au violon plaintif des tziganes, à la nostalgie hongroise
qui nous serre le cœur. Le musicien appose son commentaire et permet les transitions en douceur, ménétrier errant et ludion pathétique.
Ces trois boîtes alternativement entrouvertes et fermées ont un grand pouvoir évocateur, et
décuplent l’imagination du spectateur. Elles permettent un rythme soutenu, et servent d’accessoire de jeu pour les acteurs qui vont et viennent ; des entrées et sorties qui tiennent du
burlesque, du boulevard parfois, et qui font penser aux monstres surgissant dans les trains
fantômes. Un dispositif très simple et qui, comme évoqué plus haut, sert avant tout les enchaînements de la pièce et mène les acteurs à évoluer naturellement à l’avant-scène.
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Ce dispositif permet également de relever en partie le défi de jouer les vingt-quatre personnages
de Liliom avec huit acteurs et un musicien. Cette galerie de personnages, à la manière d’un
manège qui s’emballe, tournoie autour des protagonistes et devient une ronde infernale, un
mécanisme terrifiant contre lequel il est impossible de se battre : une réalité absurde synonyme
d’exclusion sociale, un destin scellé duquel nul ne s’échappe.
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La compagnie
Les deux précédents spectacles de la Compagnie générale de théâtre,
mise en scène de Matthias Urban :
Fin de partie
de Samuel Beckett, au Théâtre 2.21, avec Maurice Aufair
Les Dramuscules
de Thomas Bernhard, à l’Arsenic.
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contact
Compagnie générale de théâtre
Mont-Tendre 12 – 1007 Lausanne
079 353 67 84
[email protected]
Novembre 2009
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