Le thème de la tendresse appliquée à l'ostéopathie est un choix qui peut apparaître comme
inattendu, surprenant et sans doute également risqué dans le cadre d'un mémoire consacré à une
pratique thérapeutique dans laquelle le toucher occupant la première place, il ambitionne
cependant de jouer un rôle important.
Mais où serait l’intérêt d’une tentative si elle n’était pas un peu difficile ?
Quelle humiliation j’ai ressentie le jour où, en première ou en terminale, je ne sais plus, mon
professeur de philosophie pour qui j’avais de l’estime, estime que j’espérais réciproque, m’a dit :
« Andrieux, vous n’avez pas une tête de philosophe. »
Quel réconfort le jour où à la fin des épreuves pratiques du diplôme d’état de kinésithérapie
l’examinateur m’a dit après m’avoir demandé de lui montrer mes mains : « Des mains comme ça,
il faut absolument que vous les utilisiez. » Touché et fort de ce conseil, c’est exactement ce que
j’ai fait en résistant au cours des quelques années qui suivirent à l’envahissement de la profession
par l’utilisation de nombreux appareils dont l’intérêt premier était surtout qu’ils offraient la
possibilité de recevoir plusieurs patients à la fois. Plus tard, la rencontre avec l’ostéopathie a été
bien sûr la consécration de mon acceptation pleine et entière de m’affirmer comme le manuel1 que
je suis tellement heureux d’être resté.
Je viens de prendre conscience de cette merveilleuse ironie qui me voit aujourd’hui dans la
tentative de philosopher sur le métier d’ostéopathe que je pratique avec le plus grand bonheur et
qui, par essence, fait d’abord appel à l’usage des mains. Ayant assumé depuis longtemps de
n’avoir pas une tête de philosophe, peut-être trouverais-je la ressource d’en avoir modestement les
mains. Les mains sont faites pour toucher, pour participer à l’acte de percevoir mais elles sont
aussi touchantes en ce sens que dans le donner et le recevoir, elles participent en première ligne à
la relation et à toute l’intersubjectivité qui se joue entre patient et praticien.
Effectivement, même si c’est une banalité de rappeler à quel point les mains sont essentielles à
notre pratique, cela ne dit pas de façon toujours très intelligible tout ce que ces mains perçoivent,
tout ce qu’elles accompagnent, tout ce qu’elles ressentent, tout ce qu’elles comprennent et tout ce
1 GUEULLETTE Jean Marie, « Des doigts qui pensent, sentent, voient et savent ». Exercices de réflexivité
ostéopathique ». ethnographiques.org, Numéro 31 – La part de la main.
(http://www.ethnographiques.org/2015/Gueulette