Une forme de tendresse à l`oeuvre dans la pratique

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Université Catholique de Lyon.
Centre Interdisciplinaire d’Éthique
D.U Philosophie de l’Ostéopathie
[Date]
9 septembre 2016
Une forme de tendresse
à l’œuvre dans la
pratique ostéopathique.
Mémoire présenté et soutenu par Alain Andrieux DO
Tuteur : Jean-Marie Gueullette
UNE FORME DE TENDRESSE
À L’ŒUVRE
DANS LA PRATIQUE OSTEOPATHIQUE
La tendresse est plus forte que la dureté,
L’eau est plus forte que le rocher,
L’amour est plus fort que la violence.
Herman Hesse
Je crois qu’un brin de paille n’est pas moins important que la ronde des étoiles...
Et la plus petite articulation de ma main se gausse de toutes les techniques.
Walt Whitman
1
REMERCIEMENTS
Pour une année de rêve qui a passé beaucoup trop vite, je tiens ici à adresser mes très sincères
remerciements à toute l’équipe du Centre Interdisciplinaire d’Éthique et tout particulièrement à
Jean-Marie Gueullette son directeur, qui a bien voulu soutenir mon désordre bien intentionné
lors de la rédaction de ce mémoire.
Laurent Denizeau directeur du D.U de philosophie de l’ostéopathie pour son efficacité et son
humour,
Yan Plantier pour la manière dont il distribue ses directs philosophiques et la précision de ses
coups,
Fabien Revol pour avoir su éveiller mon intérêt par son traitement de la matière scientifique,
Artur Juvanon pour sa grande capacité d’écoute et sa disponibilité de tous les instants,
Jacques Marblé pour la simplicité dont il sait habiller les sujets difficiles,
Dominique Vinay pour la manière nouvelle dont elle nous a permis d’envisager notre relation à…
un autre style,
Emmanuel d’Hombres pour la lumière qu’il a apporté dans l’éclairage de Still,
Et enfin Claire Col pour sa disponibilité et son inlassable sourire.
2
TABLE DES MATIÈRES
Table des matières ..................................................................................... 3
Introduction ................................................................................................ 4
LE TOUCHER OSTÉOPATHIQUE ......................................................... 8
LE TOUCHER DIAGNOSTIQUE .......................................................................................................... 8
À partir du bassin .................................................................................................................................................. 8
À partir du crâne .................................................................................................................................................... 9
Quel modèle de toucher ? ................................................................................................................................... 10
LE FULCRUM ............................................................................................................................... 12
Et le fulcrum spirituel ? ........................................................................................................................................ 13
LE TOUCHER THERAPEUTIQUE ...................................................................................................... 14
Pourquoi favoriser une telle rencontre ? ............................................................................................................. 16
QU’EST-CE QUE LA TENDRESSE ? ................................................... 17
Comment faire autrement que traiter ces personnes avec tendresse ? ............................................................. 19
ENVISAGER LES RISQUES ETHIQUES ........................................................................................................... 21
DISCUSSION ETHIQUE .................................................................................................................. 22
Tendresse rime aussi avec caresse .................................................................................................................... 23
A PROPOS DU TRANSFERT ........................................................................................................... 25
CONCLUSION ............................................................................................................................... 28
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 30
3
INTRODUCTION
Le thème de la tendresse appliquée à l'ostéopathie est un choix qui peut apparaître comme
inattendu, surprenant et sans doute également risqué dans le cadre d'un mémoire consacré à une
pratique thérapeutique dans laquelle le toucher occupant la première place, il ambitionne
cependant de jouer un rôle important.
Mais où serait l’intérêt d’une tentative si elle n’était pas un peu difficile ?
Quelle humiliation j’ai ressentie le jour où, en première ou en terminale, je ne sais plus, mon
professeur de philosophie pour qui j’avais de l’estime, estime que j’espérais réciproque, m’a dit :
« Andrieux, vous n’avez pas une tête de philosophe. »
Quel réconfort le jour où à la fin des épreuves pratiques du diplôme d’état de kinésithérapie
l’examinateur m’a dit après m’avoir demandé de lui montrer mes mains : « Des mains comme ça,
il faut absolument que vous les utilisiez. » Touché et fort de ce conseil, c’est exactement ce que
j’ai fait en résistant au cours des quelques années qui suivirent à l’envahissement de la profession
par l’utilisation de nombreux appareils dont l’intérêt premier était surtout qu’ils offraient la
possibilité de recevoir plusieurs patients à la fois. Plus tard, la rencontre avec l’ostéopathie a été
bien sûr la consécration de mon acceptation pleine et entière de m’affirmer comme le manuel1 que
je suis tellement heureux d’être resté.
Je viens de prendre conscience de cette merveilleuse ironie qui me voit aujourd’hui dans la
tentative de philosopher sur le métier d’ostéopathe que je pratique avec le plus grand bonheur et
qui, par essence, fait d’abord appel à l’usage des mains. Ayant assumé depuis longtemps de
n’avoir pas une tête de philosophe, peut-être trouverais-je la ressource d’en avoir modestement les
mains. Les mains sont faites pour toucher, pour participer à l’acte de percevoir mais elles sont
aussi touchantes en ce sens que dans le donner et le recevoir, elles participent en première ligne à
la relation et à toute l’intersubjectivité qui se joue entre patient et praticien.
Effectivement, même si c’est une banalité de rappeler à quel point les mains sont essentielles à
notre pratique, cela ne dit pas de façon toujours très intelligible tout ce que ces mains perçoivent,
tout ce qu’elles accompagnent, tout ce qu’elles ressentent, tout ce qu’elles comprennent et tout ce
1
GUEULLETTE Jean Marie, « Des doigts qui pensent, sentent, voient et savent ». Exercices de réflexivité
ostéopathique ». ethnographiques.org, Numéro 31 – La part de la main.
(http://www.ethnographiques.org/2015/Gueulette
4
qu’elles échangent parfois avec ceux qui sont touchés de façon possiblement polysémique. Les
progrès que j’ai eu conscience de faire au cours de mes années de pratique, au-delà des
connaissances que j’ai pu acquérir en anatomie, en physiologie ou en pathologie, je les dois
essentiellement à ceux qui ont amélioré ma perception et tangiblement, à tous les patients, qui ont
contribué de la manière la plus efficace, par l’expérimentation que j’ai pu faire de leur singularité,
à composer la sédimentation de ces couches qui forment ce que Maurice Merleau-Ponty nomme le
corps propre2, celui qui au quotidien, en précédant la pensée, livre les informations qui permettent
cette reconnaissance indispensable au traitement de chacun au plus près de ce qu’il est vraiment.
Je le dois ensuite aux étudiants qui m’ont aimablement supporté pendant un certain nombre
d’années et pour lesquels au fil du temps, j’avais à cœur de ne parler que de la connaissance qui
était passée par mes mains et dont j’avais par conséquent un minimum d’expérience.
Le temps passé à répéter les contacts, à renouveler les écoutes m’a permis d’ajouter à cette
douceur alliée à la fermeté préconisée par Rollin Becker 3 de nombreuses composantes
complémentaires qui, associées, offrent tantôt plus de rapidité dans l’amorce d’une dynamique de
mouvement tissulaire, tantôt une amplification de la sensation et généralement une perception plus
fine et aussi davantage de cette confiance dont nous autres, ostéopathes, ne pouvons pas nous
passer puisque dans l’engagement éthique qui est le nôtre, tous nos gestes sont destinés, au
bénéfice de ceux qui se confient à nos mains et dont nous portons souvent une partie des espoirs.
Notre perception de l’autre est en fait une perception pour l’autre ou plus précisément dans le
souci de l’autre. Pour Emmanuel Lévinas, ce constat installe d’emblée un niveau de responsabilité
auquel il nous faut nous accorder autant qu’il est possible. « Être-pour-autrui, ne doit pas suggérer
une finalité quelconque et n’implique pas la position préalable ou la valorisation d’une-je ne sais
quelle valeur. Être pour autrui – c’est être bon4. »
Et sans doute y a-t-il peu d’occasions de percevoir pour l’autre en dehors de notre activité
thérapeutique. L’une des circonstances où cela peut se produire et sans doute pour la première fois,
c’est certainement quand la mère doit percevoir pour son enfant qui n’en est pas encore capable ou
qui ne sait peut-être pas quoi faire de ce qui est appelé, plus tard, à devenir pour lui perception.
2
MERLEAU-PONTY Maurice, Phénoménologie de la perception, Éditions Gallimard, 1945-2014, 284.
3
BROOKS Rachel, Life in Motion, Portland, 1997, La vie en mouvement, La vision ostéopathique de Rollin. E
Becker, trad. P. Tricot, Vannes, Éditions Sully, 2012, 219.
4
LEVINAS Emmanuel, Totalité et Infini, Paris, Le Livre de Poche, 2014, 292.
5
Dans le percevoir pour l’autre, peut-être y a-t-il ainsi la tentation d’une certaine part de cette
attitude maternelle dédiée à la vulnérabilité, à la fragilité de l’enfant.
Parmi les éléments qui prennent part à la recherche de qualité de notre perception, il me semble
qu’une certaine forme de tendresse est régulièrement convoquée dans le contact opéré par les
mains.
L’une des questions que je me pose et qui me semble pouvoir être étendue plus largement parmi
les ostéopathes dont la pratique peut être qualifiée de tissulaire, est de savoir si cette forme de
tendresse que j’ai identifiée intervient stricto sensu dans la qualité du toucher. Elle ne sous-entend
pas nécessairement la participation d’une intention équivalente de tendresse. En effet le même
geste peut être porteur d’affect ou au contraire libre de toute intention autre que celle de servir au
mieux la perception. Les composantes de ce toucher qui pourraient être associées à la tendresse
sont-elles un supplément qui confère à la perception d’avantage d’efficacité, de profondeur ? Sontelles une clé ouvrant à un domaine de perception qui serait moins accessible par ailleurs ? Et sur
un autre plan, sont-elles parfois le moyen, par le biais de ce contact peau à peau, d’une mise en
relation d’âme à âme qui ne se dévoile pas, mais qui permet de rencontrer l’autre dans le territoire
de l’indicible et de lui faire entendre à quel point nous souhaitons l’aider, à quel point nous
souhaitons faire quelque chose pour lui. Cette attitude particulière se comporte-t-elle en
intercesseur auprès d’une instance tissulaire susceptible de favoriser une réponse aux questions
posées par les mains du praticien ? « …nous pouvons discerner – là exposées – toutes les beautés
de la vie. L’âme de l’homme, avec tous les fleuves d’eau pure et vivante, semble demeurer dans le
fascia de son corps5. »
Le revers de cette question sera d’envisager si cet habillage particulier du toucher est
susceptible de créer un effet non souhaité, qui mobiliserait plus que la simple réponse tissulaire en
effleurant un voile tissé d’émotions dont l’expression n’est pas sollicitée. Comment cet
inconvénient pourrait-il survenir, avec quelle précaution éthique conviendrait-il de faire en sorte
qu’aucun obstacle n’en résulte pour la qualité de la relation thérapeutique ?
Il est très probable que la personne que l’on est appelé à traiter est bien présente parce qu’elle le
souhaite, encore que nous connaissons tous le cas de celles qui sont là parce que quelqu’un de leur
famille a pris rendez-vous pour elles. Dans ce cas, la relation peut-être un peu modifiée et cette
condition peut impliquer plus de réserve de la part du patient entrainant moins de tolérance dans
son acceptation du soin. C’est un cas de figure que tous les professionnels connaissent et dans
5
STILL Andrew Taylor, Philosophie de l’ostéopathie, trad. P. Tricot, Vannes, Éditions Sully, 1999, 2003, 170.
6
lequel une certaine retenue, une vigilance accrue s’impose ainsi que plus de précautions verbales
et davantage d’explications pour les gestes que nous avons à accomplir particulièrement lorsqu’ils
n’ont pas déjà été vécus et ressentis.
Ainsi il reste à prendre en considération la possibilité qu’au cours d’un traitement, une écoute, une
mise en place comporte un toucher, un contact évoquant la tendresse et susceptibles d’être
ressentis comme telle, une difficulté éthique puisse se présenter dans la mesure où la situation
pourrait déboucher sur un trouble éprouvé par le sujet, adulte ou adolescent, homme ou femme,
qu’il soit manifesté ou reste caché.
Je tenterai donc de décrire précisément ce qu’est un toucher ostéopathique, tel que je le pratique,
tantôt dans le cadre d’une approche diagnostique, tantôt dans ce que j’appelle le toucher
thérapeutique qui est au fond l’accompagnement du toucher diagnostique jusqu’à la destination
anatomique de la perception qu’il a reconnue.
Ces deux touchers sont peu dissemblables, le premier s’inscrivant davantage dans une attitude
passive de pure réception, de reconnaissance et le second acceptant de suivre la dynamique des
tissus telle qu’elle se révèle, prenant soin de rester en retrait, à son service, jusqu'à la résolution du
conflit figurée par la restriction tissulaire.
J’essaierai ensuite de donner les contours de ce que pourrait être un toucher consacré à la tendresse
incluant de l’affect afin de dégager ce qui peut être commun à ces deux manières d’entrer en
contact et ce qui différerait clairement entre l’une et l’autre.
Afin d’illustrer le commun et le différent, je m’appuierai sur la description d’un cas clinique pour
lequel la sollicitude semble tellement aller de soi dans le rôle qui est le nôtre qu’elle peut dans son
élan être tentée de nous emporter comme une vague.
Il nous faut à ce titre garder le contrôle des gestes et attitudes qui doivent atteindre leur but de
réconfort mais ne pas outrepasser ce que la sensibilité et la pudeur de l’autre sont en mesure de
recevoir et d’accepter.
Puisse cette main
Où l’esprit s’est blotti
Etre pleine de semences6.
6
JABÈS Edmond, La mémoire et la main, cité par Marc Alain Ouaknin dans : Lire aux éclats, Éditions Lieu commun,
1989, Éditions du Seuil, 1994, 255.
7
LE TOUCHER OSTEOPATHIQUE
Je crois utile de distinguer essentiellement deux types de toucher dans la gamme de ceux que
j’utilise quotidiennement au cours d’une séance habituelle de soins. Ils ne sont à vrai dire pas très
différents l’un de l’autre dans ce qui les compose. L’un est interrogatif et s’efforce d’écouter
d’abord puis de comprendre au mieux la réponse tissulaire, l’autre s’applique ensuite à tenir
compte avec précision et justesse de cette réponse, pour lui permettre de devenir le traitement
implicite qu’elle contient.
Je fais donc la distinction entre un toucher diagnostique et un toucher thérapeutique.
LE TOUCHER DIAGNOSTIQUE
Pour une meilleure compréhension, j’utiliserai certaines des situations types dans lesquelles il est
pratiqué.
À PARTIR DU BASSIN
Le sujet étant assis sur la table en position relativement basse, le praticien se trouve derrière lui, le
plus souvent à genoux pour une meilleure stabilité, les mains sont posées de telle façon que les
pouces sont appliqués à peu près au niveau des EIPS7 et que le reste de la main s’étale sur la face
latérale du bassin, les doigts orientés vers l’avant dans une recherche très importante, celle qui
consiste à trouver la juste place des mains au contact du patient.
Les deux mains s’appliquent à établir un contact strictement équivalent à droite et à gauche, non
pas équivalent sur le plan de la position mais plutôt sur le plan de la sensation de peau à peau
générée par ce contact. Au départ de l’écoute, les mains doivent être dans une situation d’éveil, de
vigilance identique, rien de ce qu’elles touchent ne doit se signaler, rien ne doit appeler à la
particularité, pas de saillie osseuse, pas de bourrelet cutané. En fait la plus grande neutralité
prévaut dans la sensation du contact. Cette condition implique que les mains ne sont pratiquement
jamais disposées symétriquement puisque en réalité les éléments qui composent le support pelvien
ne le sont pas. En respectant cette neutralité, ces mêmes mains doivent rechercher un accord avec
la forme qu’elles contactent en se moulant à elle le plus complètement possible.
7
Epine iliaque postéro supérieure.
8
Cette recherche pour épouser le moindre millimètre carré de peau est destinée à intégrer la
dynamique de la forme qui se révèle sous les mains. Être en accord avec la forme c’est le premier
pas pour réaliser l’unité avec ce corps que l’on veut évaluer sur un certain plan. L’accord avec la
forme constitue l’introduction au mouvement qui va suivre.
Chaque main procède de cette façon, puis les sensations des deux mains se rejoignent secondées
par les points d’appui offerts par le contact des coudes ou des avant-bras sur le bord de la table et
ce faisant, c’est le volume du bassin contenu entre les mains qui se définit au travers de la position
affichée par les os iliaques et surtout révèle son orientation par rapport au reste du corps. C’est
cette orientation, réglée par tous les degrés d’inclinaison, de rotation, d’élévation ou d’abaissement
de chacune des mains qui va désigner par son aboutissement l’étendue de la source anatomique
responsable de cette attraction manifestée par le changement d’orientation du volume du bassin et
transmise en tant que perception au praticien. Pour la compréhension, l’image la plus claire est
sans doute celle d’une nacelle suspendue en un point, un segment plus ou moins important en
dimensions et figurant la zone de restriction dont la matière a perdu ses qualités élastiques. Matière
ainsi moins vivante qu’elle ne devrait l’être. Les suspentes sont constituées par le tissu conjonctif
et les structures anatomiques qui lui sont intimement associées. Elles déterminent ces lignes de
force responsables de la perception.
À PARTIR DU CRÂNE
Le sujet étant étendu sur le dos, le praticien se trouve assis en bout de table, la tête du sujet entre
ses mains et dans une situation telle qu’il peut établir facilement tous les points d’appui
nécessaires à la qualité de ses contacts.
Cette disposition, pour remplir les conditions citées plus haut demande un certain temps de mise
en place. Elle laissera les mains relativement asymétriques par rapport à l’axe central mais devrait
par contre les trouver assez équivalentes pour ce qui concerne la sensation de neutralité du contact.
C’est dans cette recherche de mise en place avec le crâne des nourrissons que m’était venue
comme une évidence l’image de la tendresse associant respect, extrême attention, volonté de
protéger une grande fragilité, une grande vulnérabilité. Pour préserver, maintenir cette qualité de
contact le recours à l’usage de points d’appui très puissants est indispensable. C’est la garantie que
toute la force se situe au niveau de ces points d’appui mobile et que le contact manuel reste
entièrement affecté à la réception et dédié qu’il est à la perception, renonce à toute envie de faire,
d’effectuer. L’assurance du fulcrum (point d’appui) et sa capacité de mobilité est ici essentielle
quand on accepte l’idée que tous les nourrissons n’ont pas le bon goût de s’endormir à la demande.
9
Comme on l’a vu pour le bassin, le contact des mains s’intègre au volume du crâne et va prendre
connaissance de l’orientation de ce volume par rapport au reste du corps, de la direction de
l’attraction qu’il subit éventuellement, et de la source anatomique, vraisemblable cause de cette
attraction. Ou encore, ce même volume du crâne peut indiquer une source qui va mobiliser la
surface de contact des mains vers l’intérieur de sa propre structure, dans une direction qui
permettra d’investiguer davantage aux fins d’identification de la partie crânienne à traiter.
QUEL MODELE DE TOUCHER ?
Rollin. E Becker décrit très sobrement le toucher qu’il estime convenable : « Il convient de placer
les mains et les doigts sur les tissus que l’on examine avec l’idée que les doigts peuvent se modeler
sur le corps du patient. c’est un contact doux même s’il doit être ferme et autoritaire8. »
Je ne peux qu’être en accord avec l’image des doigts qui se modèlent sur la partie corporelle qu’ils
contactent. Cette forme de coalescence 9 est essentielle dans la recherche d’un ressenti fidèle
aboutissant à une perception juste.
Elle est je le crois, tout à fait comparable ou évoque très fortement ce que décrit Jean-Marie
Delassus à propos du toucher du fœtus :
« Ainsi, le toucher fœtal n’a bien affaire qu’au même…Le toucher commence donc, au niveau
fœtal, par être le moyen de perception de soi comme totalité ; c’est un organe du vécu de totalité et
non de la perception de différences ou de nuances comme il le deviendra après la naissance10. »
C’est aussi le lieu où, dans une certaine mesure, le corps est initié à la caresse, celle du milieu dans
lequel il baigne littéralement et où percevant ce qui l’entoure, il se perçoit lui-même dans le même
que soi. « Cet enfant a été formé dans la caresse permanente, il était baigné dans la caresse. Bien
sûr le milieu aquatique y est pour quelque chose car l’eau enveloppe et caresse de toute part ; l’eau
chaude, à la même température que le corps. Mais, ce qui enveloppe et caresse encore plus
subtilement, ce sont les qualités du milieu, son homogénéité et sa constance, son identité
permanente. Ce qui fait qu’à la naissance, l’enfant a son identité sur la peau : la peau si douce est
la marque de l’identité fœtale c’est à dire d’une non-différence absolue avec ce qui entoure, une
identité qui tient à ce qui est autour de soi - qui est le même que soi - avant que n’advienne
8
BROOKS Rachel, Life in Motion, Portland, Stillness Press, 1997, La vie en mouvement, La vision ostéopathique de
Rollin. E Becker, trad. P. Tricot, Vannes, Éditions Sully, 2012, 218.
9
Coalescence : du latin coalescere, s’unir, se lier.
10
DELASSUS Jean-Marie, Le génie du fœtus, Vie prénatale et origine de l’homme, Éditions Dunod, 68.
10
l’identité ridée de celui qui aura souffert de devenir différent et aura appris à se défendre.11 » Peuton trouver un lien vestigial entre notre capacité cénesthésique12 apte à se prolonger dans le corps
de l’autre et cet état fœtal associé à la caresse, à la tendresse du milieu maternel ?
Cette recherche de contact qui tend à faire passagèrement du patient et du praticien une forme
d’unité me semble tout à fait importante pour être au plus près de la réalité tissulaire de celui qui
néanmoins reste un autre, celui que je dois aider à mettre en œuvre la capacité de libération de ses
tissus.
R. Becker évoque ensuite, « …un contact doux même s’il doit être ferme et autoritaire13. »
Le qualificatif doux me semble tout à fait naturel et doit être compris sans aucun doute comme ne
créant aucun désagrément, aucun inconfort. La fermeté, si celle-ci évoque une manière de contenir
de façon fiable et sécurisante, n’enlève rien à la douceur qui est le moyen de ne provoquer aucune
réaction de défense, et d’augmenter ainsi les chances ne pas rencontrer de résistance de la part du
patient.
La présence du mot autoritaire interroge. Est-il présent à cause d’une approximation de la
traduction ? Ou d’une impossibilité à dire plus clairement si cette autorité supposée se traduit dans
la main du praticien ou encore si elle est à comprendre dans la relation soignant-soigné ? En tout
cas ce n’est pas une qualité que je retiens car appliquée de façon littérale elle me semble aller à
rebours du besoin d’alliance que je tente de mettre en place avec les tissus contactés. Mais peutêtre traduit-elle une crainte relative que la qualité de toucher ne soit mobilisatrice d’affect. Elle
serait alors une sorte de garde-fou pour empêcher que la douceur du contact ne puisse être
interprétée autrement que comme l’attitude respectueuse du praticien vis à vis des tissus dont il
attend qu’ils lui révèlent leur vérité. L’association d’autorité et de douceur, qu’elle soit spontanée
ou élaborée pourrait rejoindre par le sens la remarque rapportée par Michel Neyraut à propos d’un
article de Ferenczi qui déclare « …qu’il n’existe que deux sortes de transfert : l’un paternel par
l’autorité, l’autre maternel par la tendresse14. »
11
Ibid. 68
12
HELLER-ROAZEN Daniel, The Inner Touch, Archaeology of a sensation, United States, Zone Book, 2007, Une
archéologie du toucher, trad. Éditions du Seuil, 2011, 259-275.
13
BROOKS Rachel, Life in Motion, Portland, La vie en mouvement, la vision ostéopathique de Rollin E. Becker,
Vannes, Editions Sully, 2012, 219.
14
NEYRAUT Michel, Le transfert, étude psychanalytique, Paris, Presses Universitaires de France, 1974, 119.
11
LE FULCRUM
Le dictionnaire Webster définit le fulcrum comme l’appui ou le point d’appui sur lequel tourne un
levier pour soulever ou déplacer quelque chose. Il est intéressant de se reporter au Littré pour
trouver au-delà de l’étymologie latine (Lat. fulcrum, soutien) une définition liée à la botanique :
« Nom collectif servant à désigner les pétioles et les crampons par lesquels les plantes se
soutiennent. » On trouve là l’illustration de la succession des appuis qui figure la notion de
mobilité du fulcrum. R. Becker indique :
« Pour développer ce sens du toucher, il est nécessaire d’apprendre le principe du fulcrum (point
d’appui), puis de concevoir une méthode permettant d’utiliser ce principe dans le diagnostic15. »
« Je peux contrôler le contact doux mais ferme de mes mains et de mes doigts en fonction de la
façon dont j’établis un fulcrum16. »
« Vous découvrirez également qu’en augmentant la pression au niveau du fulcrum, vous
augmentez automatiquement la profondeur du toucher palpatoire à l’extrémité du levier, c’est à
dire les mains et les doigts17. »
L’importance de l’utilisation de points d’appui est une évidence pour qui travaille véritablement
dans l’esprit de l’approche tissulaire de l’ostéopathie. L’explication de son usage dans cette partie
du texte de R.E Becker n’est pas d’une grande clarté d’autant qu’il invite le lecteur à
« …concevoir une méthode utilisant ce principe dans le diagnostic18. »
Un fulcrum est un point d’appui qui va permettre aux mains du praticien et plus particulièrement
aux parties de ces mains consacrées au contact, une grande disponibilité à l’écoute, c’est à dire
qu’il va leur offrir la possibilité d’être parfaitement relâchées et dégagées de tout effort de
maintien (main-tient) ou de saisie.
S’il est vrai que l’augmentation de la pression au niveau du point d’appui a un effet sur la qualité
de la perception ce n’est pas par un effet de levier comme on serait tenté de l’interpréter, mais
c’est par l’effet de libération des mains qui sont ainsi un peu mieux débarrassées de leur envie
innée de faire et par conséquent, étant actives, de créer un obstacle à une meilleure perception.
15
BROOKS Rachel, Life in Motion, Portland, 1997, La vie en mouvement, La vision ostéopathique de Rollin. E
Becker, trad. P. Tricot, Vannes, Éditions Sully, 2012, 218.
16
Ibid, 220
17
Ibid, 220
18
Ibid, 220
12
Plus l’effort de l’appui sur les coudes, ou de quelque autre partie du corps est important, moins
cette énergie est disponible pour les mains, et plus celles-ci peuvent se consacrer au ressenti. Plus
cette disponibilité est grande et meilleure est la perception.
Mais chez le praticien, c’est le corps propre19 qui est à l’œuvre. Pour tenter de résumer la pensée
de Merleau-Ponty, on peut dire que le corps propre apparaît comme le résultat de toutes nos
expériences passées, amassées en couches sédimentées dans l’ensemble du corps et constituant
une réserve de connaissances spontanément agissantes.
Il devra trouver de nombreux points d’appui en complément de celui qui intéresse la zone de
contact pour s’assurer les meilleures conditions d’intégration des informations recueillies tout en
garantissant la mobilité nécessaire au bon usage des fulcrum engagés. C’est la faculté de multiplier
les points d’appui au fur et à mesure de l’évolution du travail qui assure aux contacts une constante
neutralité et une permanente douceur. Il me semble important d’attirer l’attention sur la partie de la
définition du fulcrum que le Littré signale comme étant empruntée à la botanique car celle-ci est
métaphoriquement pleinement en accord avec la pratique qui amène l’ostéopathe dans une
constante mobilité autour de ces soutiens qu’il doit mettre en place successivement, au fur et à
mesure de l’évolution du travail pour assurer la continuité dans la douceur et la précision.
La dépense d’énergie peut être importante. Elle correspond à l’usage d’une force qui
paradoxalement permet d’assurer la douceur.
ET LE FULCRUM SPIRITUEL ?
Au cours du séminaire donné à Ann Arbor dans le Michigan, alors qu’il est interrogé sur le
partenaire silencieux, Rollin Becker répond : « Eh bien je peux en parler, mais je ne peux pas dire
ce que c’est20. » Et plus loin, « Votre partenaire silencieux est un point d’appui, il est absolument
immobile21. » Pierre Larchevêque, dans son mémoire pour l’obtention du D.O introduit la notion
de fulcrum immatériel en se référant à Rollin Becker. « C’est le Partenaire Silencieux : le fulcrum
spirituel. Rollin Becker ne se servait plus des points d’appui mécaniques en tant que tels, mais
simplement comme des outils. Il affirmait travailler à partir de son fulcrum spirituel vers celui de
son patient. Sutherland exhortait ses élèves à trouver d’abord le fulcrum spirituel chez leurs
patients. Ce fulcrum, comme vu précédemment et selon J. A. Duval, est l’individualisation de
19
MERLEAU-PONTY Maurice, Phénoménologie de la perception, Editions Gallimard, 1945, 284.
20
BROOKS Rachel, The Stillness of Life, Portland, publié par Stillness Press, 2000, L’immobilité de la vie, La
philosophie ostéopathique de Rollin Becker, Vannes, Éditions Sully, 2013, 54, 57.
21
Ibid. 57
13
l’énergie divine. C’est en son sein que réside la tranquillité, l’immobilité22. » Et plus loin citant
Becker à nouveau : « C’est ce qu’évoquait A. T. Still lorsqu’il parlait de Dieu, l’esprit de la nature.
C’est à cela qu’il se référait. » Par ces extraits de textes on constate qu’il n’y a pas d’explication
claire que l’on puisse tenter de reproduire.
Ma compréhension de cette notion de fulcrum spirituel et l’utilisation pratique qui en découle est
la suivante. Nous avons vu que sur le plan physique le fulcrum en tant que point d’appui permet
aux mains de se consacrer pleinement à la perception en les libérant de l’envie de faire. Il est un
autre perturbateur susceptible de faire tout ce qu’il peut pour gêner notre capacité d’attention, c’est
celui qu’on nomme d’une façon sans doute un peu raccourcie le mental. Celui qui frappe sans
relâche au carreau de nos méditations. Ce bavard invétéré qui se raconte sans cesse, qui nous
raconte des histoires à longueur de journée. Ne pas se saisir de ces histoires représente une certaine
performance mais elle est essentielle dans ce travail d’écoute qui est le nôtre. Se détacher du
mental c’est assurer à son propre corps un peu plus de relâchement, un peu moins de dépendance
au faire, c’est ainsi que toute la place, ou presque, peut être consacrée à la réception, à la
perception. En quelque sorte, pour entrer en contact avec ce que Becker appelle le partenaire
silencieux, il convient d’obtenir un peu de silence de la part du bavard. Il est tentant de rappeler ici
la citation de Maitre Eckhart : « C’est à cela que tout se ramène. Observe-toi toi-même, et chaque
fois que tu te trouves, laisse-toi il n’y a rien de mieux23. »
LE TOUCHER THERAPEUTIQUE
Le toucher thérapeutique ne présente pas de différence notable dans la prise de contact mais il va
généralement mettre en jeu les deux mains dans un partenariat consistant en quelque sorte à
rapprocher les points de vue de deux entités tissulaires qu’il est nécessaire de définir plus
précisément avec un rappel de ce que représente une restriction de mobilité et la dysfonction qui
en résulte. A quelque niveau qu’elle se situe une modification de la qualité élastique d’une zone de
tissu va se traduire pour l’environnement immédiat et au-delà comme une source d’attraction telle
que toute la matière conjonctive va se trouver, mobilisée, attirée de façon convergente par la partie
modifiée. Cette attraction est facilement perceptible à proximité immédiate de la restriction mais
elle l’est également à partir de n’importe quelle zone d’écoute à la différence près qu’elle sera
22
LARCHEVÊQUE Pierre, L’état d’être du thérapeute dans la pratique ostéopathique, La présence, Mémoire en vue
de l’obtention du Diplôme en ostéopathie, soutenu le 29/09 /2007à Lognes, 15.
23
ECKHART, Entretiens spirituels III, dans Traités et sermons, trad. A de Libera, Paris, Flammarion, GF703,1995,81.
14
moins intense si elle est distante et qu’une certaine durée sera nécessaire pour reconnaître,
localiser, et peut-être identifier la perception.
Lorsque deux structures présentent une attraction réciproque, chacune d’entre elles convoque
l’environnement tissulaire le plus proche pour constituer une forme. Tous les éléments de ces
formes sont parties-prenantes de l’attraction réciproque qu’elles subissent. Le partenariat des deux
mains va consister à accompagner ces formes l’une vers l’autre dans la tentative d’engagement
d’un dialogue. Ce dialogue assisté par les mains, met en commun d’une façon très fine tous les
paramètres qui définissent les possibilités de rapprochement des structures concernées. Il s’agit en
quelque sorte, de savoir mettre des formes pour donner toutes ses chances au succès de la
négociation.
Être seulement présent comme médiateur, accompagnant, assistant, laisse à ces formes le choix de
la meilleure résolution du conflit, celle qui permet de retrouver la paix dans les tissus, l’harmonie
dans la forme.
Pour prendre un exemple plus concret, considérons la relation concernant un sacrum et l’un des
iliaques avec lequel il est en relation par tous les plans ligamentaires et musculo-aponévrotiques
qui les réunissent. Ces deux pièces anatomiques ne disposant pas de la liberté naturelle permise par
une qualité normale de leurs relations musculo-ligamentaires en restriction de mobilité, se trouvent
installées dans une dysfonction.
La prise en mains de ces deux pièces va amener le praticien à reconnaître, à suivre avec douceur et
fermeté les différents paramètres selon lesquels elles tendent l’une et l’autre à se rapprocher et
dans l’ordre où ceux-ci se manifestent. Cette recherche va souvent déboucher sur un mouvement
lent qui évoque le bercement au gré des phases successives. Bercement qui tend à entretenir une
certaine détente chez le sujet comme le décrit Robert Schleip à propos des récepteurs de Pacini
dans son exposé sur la nature des fascias24, bercement qui est aussi ce mouvement très maternel
qui tend à apaiser le nourrisson et qui est une illustration de la tendresse.
Je crois possible d’envisager une forme de tendresse par rapport aux tissus sur lesquels le travail se
fait. Les tissus ne sont pas une personne mais, par définition, l’incarnation de cette personne qui
est là. En ce sens, ne peut-on accorder à différentes parties du corps humain la valeur d’un
24
http://www.terrarosa.com.au/shop/dvds/anatomy/the-nature-of-fascia/
15
visage au sens ou l’entend E. Lévinas et que semble conforter M. A Ouaknin ? « L’Autre c’est un
visage, son corps, sa parole25. »
Revenons à cet exemple d’un travail impliquant le bassin et plus particulièrement la région sacro
iliaque. Le patient ou la patiente est allongé(e) sur le côté, et le praticien est penché sur le bassin.
Une main (céphalique) est posée de telle façon que le pouce et l’index suivent sensiblement la
crête iliaque, le pouce proche de l’EIAS26, le médius en direction postérieure vers l’EIPS27. La
main caudale est par exemple au contact du sacrum, la paume sur le bord latéral, le bord cubital de
la main épousant au mieux la courbure du sacrum de telle façon que l’ensemble du contact soit
unifié. La poitrine du praticien vient au contact du pouce de la main céphalique ou du bord radial
de la main. Il sert de fulcrum en permettant un appui réciproque du thorax vers la main et de la
main vers le thorax. Le bras céphalique du praticien est en appui sur la partie latérale de son propre
thorax qui lui sert à son tour de fulcrum, dont l’utilisation est au bénéfice de la qualité du contact
de la main céphalique.
Il y a de façon permanente et travaillant ensemble, d’une part un contact doux et ferme des deux
mains et d’autre part un recours aux fulcrum qui s’effectue avec une force d’autant plus importante
que le besoin de perception des mains est grand. C’est cette qualité de perception qui permet
d’accompagner les deux pièces à la rencontre l’une de l’autre en fonction des paramètres qui se
font connaître successivement.
POURQUOI FAVORISER UNE TELLE RENCONTRE ?
Lorsque deux structures anatomiques sont attirées l’une vers l’autre c’est que certains des liens qui
les mettent en relation sont dans un relatif état de rétraction. Or si la normalité voudrait qu’elles
puissent effectivement se rapprocher l’une de l’autre en fonction des paramètres qui définissent
leur relation, il devrait être possible aussi qu’elles s’éloignent l’une de l’autre grâce à la qualité
élastique des différents éléments qui participent à cette relation. La réalité est qu’il existe un
conflit entre cette tendance au rapprochement et la résistance opposée par le corps à ce qui
constituerait pour lui une déformation inacceptable en ce lieu. Il existe donc un véritable conflit
entre deux structures qui s’attirent l’une l’autre mais en même temps ne peuvent se rencontrer
parce que la résistance du corps les en empêchent.
25
OUAKNIN Marc Alain, Lire aux éclats, Éloge de la caresse, Paris, 1989, Éditions Lieu commun, 1994, Éditions du
Seuil, Points, 274.
26
Épine Iliaque Antéro-Supérieure
27
Épine Iliaque Postéro Supérieure
16
Il y a dans cette situation tissulaire quelque chose de comparable à ce jeu où deux équipes
s’opposent en tirant chacune une corde dans la direction opposée. Lorsqu’elles sont de force égale,
rien ne se passe, le morceau de corde qui les sépare reste immobile, comme la restriction qui
sépare les deux structures en cause. Alors le rôle du praticien n’est pas de faire triompher un côté
ou l’autre, il est de montrer à ces deux équipes de force égale l’inanité de cette opposition qui les
épuise pour rien. Abandonnez cette opposition stérile, rapprochez-vous, entendez-vous car vous
êtes au service du même corps, de la même personne !
Cette recherche d’un retour vers la paix dans l’accompagnement de ces deux parties se fait avec
une certaine forme de tendresse, et sans doute d’autant plus lorsque le conflit est établi dans la
douleur, tendresse de celle que l’on pourrait éprouver envers deux enfants qui se chamaillent,
parfois pour bien peu de chose, et qu’il s’agit de traiter équitablement avec douceur et fermeté,
l’autorité n’apparaissant que dans la place tenue par l’adulte ou le père qui dispose de l’autorité et
tente d’éteindre la chamaillerie.
QU’EST-CE QUE LA TENDRESSE ?
Pour ce qui me concerne en tant qu’ostéopathe, comme je l’ai dit plus haut, c’est certainement
l’abord des nourrissons ou des très jeunes enfants qui m’a fait prendre conscience du contenu de
tendresse qui orientait mes mains vers ces crânes et ces corps si fragiles et comment ce parti pris
m’a conduit à analyser les composantes de ce toucher m’amenant à une perception facilitée, plus
rapidement acquise, plus fiable, plus efficiente.
Mais cette tendresse pour pouvoir être telle et le demeurer devait nécessairement se trouver
associée à un ou plusieurs puissants fulcrum et comme autorisée par leur présence. Ce constat
d’une amplification de la perception était un encouragement à appliquer à tous les sujets ce qui me
semblait conférer à ma perception une qualité supplémentaire : douceur, coalescence, c’est à dire
recherche d’un accord avec la forme tout en préservant la fiabilité du contact.
« Qu’est-ce au juste que la tendresse ? Si on fait une recherche d’image autour de ce mot sur
internet, on trouve un enfant contre la joue de sa mère, un chaton lové contre un gros chien, une
mouette au bec impressionnant et son petit. Nous remarquons que le fort prend d’infinies
précautions pour ne pas blesser le faible. La tendresse est une relation asymétrique entre deux
êtres, caractérisée par une proximité respectueuse. Elle exclut toute forme de possessivité ou de
condescendance. La tendresse est une émotion proche de la compassion, qui le plus souvent se
traduit par un geste. Un regard, une caresse, un contact selon les situations, et qui semblent dire à
17
l’autre : tu es précieux pour moi, mon cœur est attendri par ta présence, et je désire te faire du
bien28. »
Si l’image de l’enfance et de la maternité vient assez spontanément à l’esprit lorsqu’on évoque la
tendresse, on ne peut laisser de côté l’implication amoureuse de ce mot en feignant de ne pas la
voir. Heureusement elle existe mais ne trouve évidemment pas sa place dans la réflexion ouverte
sur ce thème associé à une activité thérapeutique et plus particulièrement à la pratique
ostéopathique.
J’ai souhaité aborder ce sujet parce qu’il peut être au premier plan des rapports humains que nous
entretenons au quotidien avec des personnes en difficulté, en souffrance et parfois même en grande
souffrance. La tendresse se situe à un niveau d’implication supérieur à celui de l’empathie,
indispensable, mais qui reste davantage au stade de l’analyse et de l’évaluation de ce que ressent
l’autre. Pour Levinas : « Aimer c’est craindre pour autrui, c’est craindre pour sa faiblesse. […] La
manière du tendre, consiste en une fragilité, en une vulnérabilité29. »
Il peut donc y avoir chez celui qui éprouve de la tendresse l’idée d’une faiblesse à protéger chez
l’autre, le ressenti d’une responsabilité incitant à tenir compte d’un tiers dont la vulnérabilité est
trop évidente pour qu’elle puisse échapper à ce quelque chose en nous qui se sent projeté pour
aider, pour soutenir, pour accompagner sans toujours savoir très bien comment le faire. Je crois
que la tendresse est l’appel d’un mouvement, l’appel d’un geste qui va parfois se retenir parce
qu’il ne sait quel il doit être. « Par les gestes qui sont ceux de son corps, l’être humain entre en
relation30. » Et s’il trouve une manière de s’exprimer ce peut être au travers de l’ébauche d’un
sourire, un regard qui brièvement, essaie de dire… qu’il ne sait pas quoi dire mais, ô combien,
voudrait-il pouvoir le faire.
S’il est des personnes qui méritent d’être traitées avec tendresse, dans leur fragilité, dans leur
grande vulnérabilité, ce sont bien celles qui s’approchent du terme de leur vie dans un corps
souvent douloureux, chargé du fardeau de toutes les peines et privé du soulagement d’un espoir
qui va s’amenuisant. Mais il en est aussi, encore jeunes, qui ne sont plus que douleur et
perspectives de vie réduites quand la répétition des séances de chimiothérapies ne semble plus
suffire à ralentir une maladie ne doutant pas de sa victoire.
28
Prédication du Pasteur Christian Tanon donnée à l’annonciation le 17/11/2013
www.annonciation.org/IMG/pdf/_la_tendresse_de_dieu_annonciation_chrtistian_tanon.pdf
29
LÉVINAS Emmanuel, Totalité et infini : Essai sur l’extériorité, Original edition : Martinus Nijhoff, 1971,
Édition15 - juin 2014, Paris, Le Livre de Poche, 286-298.
30
GUEULLETTE Jean-Marie, La beauté d’un geste, Éditions du cerf, 2014, Paris, 141.
18
COMMENT FAIRE AUTREMENT QUE TRAITER CES PERSONNES AVEC TENDRESSE ?
Madame M. Une dame que je vois pour la première fois en 1987 dans les suites d’une entorse du
genou gauche. La même année elle subit une tumorectomie localisée au sein droit suivie de
radiothérapie. En 1993 elle subit cette fois du même côté une mammectomie suivie de
chimiothérapie. Entre les deux interventions, bien que vivant seule, elle adopte une petite fille
d’origine colombienne née en 1986. En 1996 elle complète sa formation pour devenir
psychothérapeute et accompagner spécifiquement des malades cancéreux. En 2009, un IRM
vertébral révèle la présence de nombreuses métastases dorsales et lombaires. A partir de ce
moment et jusqu’à son décès à la fin de l’année 2013 les douleurs, malgré une prise en charge
médicale que je sais avoir été exemplaire, sont allées croissantes avec des lésions à type de
tassement déformant sa silhouette et réduisant progressivement sa taille. Tant qu’elle a pu se
rendre à mon cabinet, seule d’abord, puis accompagnée lorsque trop de faiblesse et de douleurs
n’ont plus autorisé ses déplacements, elle a continué à venir chercher un peu de réconfort et
d’apaisement dans une approche ostéopathique qui n’avait, il est vrai, d’autre prétention que
d’apporter passagèrement une sorte de consolation à ce corps torturé. J’ai dû faire l’acquisition
d’un léger matelas de mousse pour l’isoler de la table de soin devenue trop dure et dont elle ne
supportait plus le contact. Une des situations fréquentes pendant les soins était de glisser les mains
sous son dos avec la plus grande facilité que permettait le matelas de mousse, et à partir de là
chercher à mettre en place tous les équilibres possibles.
Dans ce moment, j’étais au contact direct de la souffrance, muette mais tellement lisible sur le
visage de cette dame que j’observais de temps en temps, pour vérifier que le changement ressenti
au contact de mes mains se traduisait parallèlement sur ces traits marqués par la douleur et que
j’espérais voir se détendre au cours de la séance, ce qui se produisait généralement. Au cours de ce
moment passé si près d’elle c’est sans doute de la pitié que j’éprouvais pour ce corps martyrisé.
« La pitié est une de ces expériences qui nous fend jusqu’au fond de l’être. À condition cependant
de ne pas en émousser la pointe en s’arrangeant pour la confondre avec un sentimentalisme facile,
un apitoiement. Quand on parle de pitié c’est souvent ce qui est renvoyé31. »
« L’essence spirituelle de la pitié tient dans le registre harmonique de ces trois fréquences
existentielles : la tendresse, la révolte et l’espérance32. »
31
PLANTIER Yan, L’expérience de la pitié : l’éthique et ses profondeurs.
https://www.youtube.com/watch?v=rY_PPlJZY-o.
32
Ibid
19
Dans ce ressenti qui atteint nos entrailles, où tendresse et révolte sont faciles à reconnaitre, il y a
parfois de la peine à trouver l’espérance quand l’ombre de l’issue qu’on sait fatale a déjà
largement étendu son emprise. Alors je crois que le plus évident pour moi, et le plus efficient aussi
était de me réfugier dans la tendresse en espérant qu’elle se communique juste au degré où elle
pouvait être reçue, c’est à dire en retrait, au service de, d’âme à âme en tentant de suivre d’autres
tissus, à moins qu’il ne s’agisse des mêmes, jusqu’à rencontrer un point calme. « L’âme de
l’homme, avec tous les fleuves d’eau pure et vivante, semble demeurer dans le fascia de son
corps.33» Avec cette personne, j’aurais pu vérifier au-delà du cabinet, la force de la tendresse.
Dans la clinique où elle était traitée de façon palliative, sous morphine, je lui ai rendu visite deux
jours avant son décès. Prévenue par la dame qui l’accompagnait précédemment jusqu’à mon
cabinet, je savais qu’elle arrivait au bout. Chargé du poids que représente la rencontre avec une
personne en toute fin de vie, je ne savais quels mots lui apporter, tout me semblait dérisoire,
absurde et sans consistance. J’ai finalement eu l’idée de lui apporter une petite peluche, de ces
doudous qu’on offre aux enfants. Sa fille adoptive lui avait rendu visite juste avant et j’étais
probablement le dernier en dehors du personnel soignant à me tenir auprès d’elle. Elle a serré la
peluche entre ses deux mains sur sa poitrine avec une petite lumière dans les yeux et m’a dit que je
devais partir car elle allait dormir. Je me suis éloigné après avoir déposé un baiser sur son front,
échangé un dernier regard et regagné le couloir où les larmes que je retenais ont débordé. Quelle
peine déchirante et en même temps quel bonheur d’avoir pu déposer un peu d’une douceur
accueillie comme un dernier cadeau.
Ce récit que j’ai hésité à faire, car je le considérais comme une sorte de secret dédié à la mémoire
de cette dame, essaie de dire à quel point cette dimension de tendresse peut être importante en tant
que réconfort et consolation. Dans le cadre des soins donnés au cabinet l’intensité ne sera
probablement jamais la même mais l’échange peut tout à fait garder la même distance, circuler de
la même manière et être porteur de tant d’apaisement. Si ce mouvement vers la tendresse n’est pas
ressenti, il n’y a pas lieu de le forcer. Mais pourtant, « Ma vie ne pourra plus être la même si je fais
l’expérience de la pitié. La pitié est perception pure de la détresse d’autrui qui rompt
l’indifférence. C’est un éveil brutal mais c’est un éveil spirituel qui s’accomplit au plus près de
l’autre dans le déchirement d’une plainte qui ne trouve plus les mots34. »
33
STILL Andrew Taylor, Philosophie de l’ostéopathie, trad. P. Tricot, Vannes, Éditions Sully, 1999, 2003, 170.
34
PLANTIER Yan, L’expérience de la pitié : l’éthique et ses profondeurs.
https://www.youtube.com/watch?v=rY_PPlJZY-o.
20
ENVISAGER LES RISQUES ETHIQUES
Une patiente que j’ai connue vers la fin des années quatre-vingt. Pour avis sur une scoliose
débutante, elle m’avait d’abord amené sa fille, adolescente de 13-14 ans dont l’expression du
visage disait bien ce jour-là, à quel point elle était venue contrainte et forcée. Je me souviens que
cela avait été pour moi une relative souffrance que de subir la colère silencieuse de cette jeune fille
durant toute une séance. Et puis sa mère était venue me voir par la suite, pour elle-même, et
volontairement cette fois. Depuis ces temps devenus anciens j’ai revu cette dame ou ses filles et
même ses petits-enfants et nos relations devenues cordiales nous ont permis d’échanger sur
différents sujets souvent liés à la santé puisqu’elle donne au cours de son exercice professionnel
des formations en milieu hospitalier. Me faisant part de son intérêt pour la lecture
de L’ostéopathie, une autre médecine 35 , c’est assez naturellement que je lui ai parlé de ma
participation au D.U de philosophie de l’ostéopathie, de sa conclusion par la rédaction d’un
mémoire et pour répondre à la question qui n’a pas manqué, du sujet que j’avais choisi comme
thème de réflexion : Une forme de tendresse à l’œuvre dans la pratique ostéopathique . Elle
n’avait pas caché son intérêt à propos de ce choix, et lorsque je l’ai revue quelques semaines plus
tard elle me fit part de ce qu’elle avait ressenti lors des premières séances qu’elle avait faites avec
moi. Dans cette période où elle m’avait amené sa fille, elle me dit que son couple n’allait pas très
fort, que des idées de séparation occupaient régulièrement ses pensées et que dans ce contexte un
peu particulier, elle avait été troublée par …ce que je devais sans doute comprendre suite à notre
conversation concernant mon thème de mémoire, ce qu’elle avait pu interpréter comme une
manifestation de tendresse de ma part. Mais peut-être avait-elle aussi à l’époque une autre image
de l’ostéopathie que celle, déjà très tissulaire, que je lui avais donnée à voir.
Ce cas de figure, dont rien ne dit qu’il ait été unique, interroge quant à l’interprétation faite par une
patiente, d’un geste ou d’une série de gestes qui étaient pour moi ordinaires. C’est donc à une
attention supplémentaire qu’invite ce cas particulier, attention portée au-delà du simple dialogue
avec les tissus dans ce qu’ils révèlent de leur comportement dynamique. Une attention à ce qui
peut être ailleurs que dans le domaine du tangible mais éventuellement perceptible cependant, par
d’autres moyens que le toucher, comme une parole, un silence, une respiration et l’intuition, cette
petite voix à laquelle nous ne prêtons pas toujours une écoute suffisante.
35
GUEULLETTE Jean-Marie, L’ostéopathie, une autre médecine, Presses Universitaires de Rennes, 2014.
21
DISCUSSION ETHIQUE
Pourquoi une personne va-t-elle recevoir un geste empreint de douceur dans sa valeur simplement
thérapeutique et n’en faire rien d’autre, et par quel cheminement à contrario, une autre sera-t-elle
tentée d’interpréter ce geste comme porteur d’affect. Et s’il n’en est pas porteur, par quelle
alchimie ce geste-là va-t-il le donner à ressentir ? Est-ce parce qu’il répond à une certaine attente
de l’ordre du manque ? Et dans ce cas, ce manque doit-il être reconnu, mis à jour avant que le
risque se présente ? Qu’est-ce qui pouvait me mettre en garde en tant que praticien et m’amener à
des précautions éthiques particulières afin d’éviter une situation de malentendu possiblement
préjudiciable à la relation thérapeutique ? Ce questionnement reporte en premier lieu à la prise de
contact initiale au début de la consultation et en particulier à l’ensemble des informations que tout
praticien rassemble concernant la plainte, l’histoire du patient ou de la patiente, l’impression
générale qui en résulte à propos de ce qui est dit et à propos de ce qui ne l’est pas. Nous
connaissons tous des cas de patients qui se racontent si volontiers qu’ils mettent en péril le temps
consacré aux tests et au traitement proprement dits, et à l’inverse, d’autres à qui il semble falloir
tout arracher des raisons de leur présence. C’est le moment où il convient d’enregistrer ce qui est
exprimé verbalement mais aussi ce que l’attitude corporelle contribue à esquisser, ce que les
regards entrevus peuvent trahir dans différents registres. Toute la difficulté est sans aucun doute de
recueillir l’essentiel sans passer par une anamnèse en forme d’interrogatoire poussé qui ne
trouverait pas sa place dans les prémices d’une relation thérapeutique. Il n’est pas davantage
acceptable de dévisager la personne concernée ce qui équivaudrait à tenter d’entrer chez elle par
effraction comme le redoutent les membres de certaines ethnies refusant d’être photographiés de
peur qu’on leur vole leur âme. « Je pense que l’accès au visage est d’emblée éthique. C’est lorsque
vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous
tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure manière de rencontrer autrui, c’est de ne pas
même remarquer la couleur de ses yeux36 ! »
Mais il faut aussi accepter par avance de ne pas tout voir, de ne pas tout comprendre, de ne pas
tout percevoir et de laisser à l’autre la possibilité de se révéler, de se confier s’il sent pouvoir le
faire en confiance. Rien n’est facile, rien n’est acquis. Il s’agit donc de rester vigilant à chaque
instant de la consultation afin de pouvoir noter tout changement dans l’attitude du patient qui
conduirait à penser que de l’affect, de l’émotion se sont faufilés là où il ne devrait y avoir place
que pour la neutralité de la relation. Mais la neutralité est-elle toujours possible ? La relation peutelle être imperméable à l’affect ?
36
LEVINAS Emmanuel, Ethique et infini, Librairie Arthème Fayard et Radio France, Livre de Poche,1982, 79.
22
TENDRESSE RIME AUSSI AVEC CARESSE
Cette association si facile à faire sur le plan de la rime et des images qui en naissent est sans doute
l’écueil sur lequel bute l’usage du mot tendresse dès lors que son emploi est envisagé dans un
cadre thérapeutique et d’autant plus lorsque la pratique thérapeutique concernée repose
essentiellement sur la notion de contact corporel et même peut-on dire, d’un véritable corps à
corps. Pourtant il y a lieu de faire une distinction sans équivoque entre ces mots qui ne sont pas
nécessairement associés en toutes circonstances. La tendresse peut se vivre aussi dans la prise de
conscience de la vulnérabilité et de la fragilité d’autrui et nous renvoie à notre propre fragilité.
« L’égalité de quelque manière qu’on la module, est à la vie dans les institutions ce que la
sollicitude est aux relations interpersonnelles. La sollicitude donne pour vis à vis au soi un autre
qui est un visage, au sens fort qu’Emmanuel Lévinas nous a appris à lui reconnaître. L’égalité lui
donne pour vis à vis un autre qui est un chacun37. »
Mais si tendresse et caresse ne sont pas associées en toutes circonstances, toute forme de caresse
est-elle à bannir dans le rapport du soignant au soigné ? Corinne Pelluchon 38 , à propos de
l’accompagnement des malades déments ou en fin de vie s’interroge en citant Marc Alain Ouaknin
sur une approche éthique de la caresse en fin de vie. « Ce nouveau mode de relation explore ce qui
n’est pas conceptualisable, ce qui est étranger à la pathologie, et rend possible le contact, la
proximité39. » Il s’agit ici essentiellement d’entrer en lien alors que peut-être le langage n’est plus
efficient, soit parce qu’il est rendu impossible par un état physique dégradé, soit parce que
l’émotion ou la pudeur le privent de mots.
Dans le chapitre intitulé « Phénoménologie de l’éros », E. Levinas évoque les contours du tendre
et de la caresse en les esquissant par touches successives dans un tableau où se reconnaît la
féminité. « Notons en passant que cette profondeur dans la dimension souterraine du tendre,
l’empêche de s’identifier avec le gracieux auquel cependant il ressemble. La simultanéité ou
l’équivoque de cette fragilité et de ce poids de non signifiance, plus lourd que le poids du réel
informe, nous l’appelons féminité40. »
37
RICŒUR Paul, Soi-même comme un autre, Éditions du Seuil, Essais, 1990, 236.
38
PELLUCHON Corinne, L’autonomie brisée, Bioéthique et Philosophie, Paris, Presses Universitaires de France,
2009, 180.
39
Ibid.
40
LÉVINAS Emmanuel, Totalité et infini : Essai sur l’extériorité, Original edition : Martinus Nijhoff, 1971, Paris,
Édition15 - juin 2014, Le Livre de Poche, 286-298.
23
Et plus loin : « La caresse comme le contact est sensibilité. Mais la caresse transcende le sensible.
Non pas qu’elle sente au-delà du senti, plus loin que les sens, qu’elle se saisisse d’une nourriture
sublime, tout en conservant, dans sa relation avec ce senti sublime une intention de faim qui va sur
la nourriture qui se promet et se donne à cette faim, la creuse, comme si la caresse se nourrissait de
sa propre faim41. »
Ainsi la caresse apparaît comme une fin en soi, ou l’on pourrait dire, à la suite de cette citation de
E. Levinas, comme une faim en soi. La caresse en tant que telle est pour elle-même son propre but
et se nourrit d’elle-même. Il apparait donc qu’elle est potentiellement porteuse d’une double
intention, celle de procurer un plaisir qui contient en elle-même l’attente réciproque d’un plaisir en
retour. L’ordonnancement de ces deux intentions étant variable en fonction de celui qui en est
porteur. On retrouve dans ce cas la notion d’une circulation d’affect d’un sujet à l’autre dont l’éros
des grecs se fait l’émissaire.
Le toucher, s’il est ostéopathique, ne peut être le support de ce type d’intention et s’il est
interprété comme telle, c’est précisément vers cela qu’il est nécessaire de se tourner d’abord pour
en identifier l’origine, pour le comprendre, le désamorcer si possible et faire en sorte qu’il n’y ait
pas interférence avec le travail en cours. Le toucher de l’écoute ostéopathique n’est pas porteur
d’intention. Il est dans l’attente d’une forme de révélation favorisée par la confiance qu’il est censé
avoir suscitée et joue ainsi dans une certaine mesure, le rôle du passeur, qui se donne droit avec
humilité, à l’interprétation de ce qu’il aura reçu en gage de cette confiance. Cette forme de
toucher, l’écoute ostéopathique, est à sa façon une herméneutique de ce que nous appelons la
vérité dans les tissus.
On sait que la pratique analytique s’interdit, sauf à de très rares exceptions près, tout contact
physique entre l’analysant et le thérapeute. Dans le domaine de l’analyse, l’intime est le matériau
qui occupe principalement la relation et on sait le rôle du transfert dans l’élaboration du travail
analytique. Dans la pratique ostéopathique, l’intime n’est pas forcément évoqué car le premier
interrogé est le corps, mais cependant il est interrogé précisément dans ce que Edward.T Hall42
nomme la distance de l’intime qui est celle du corps à corps. On retrouve donc là des conditions
favorables à la naissance d’un mouvement d’affect qui peut être positif ou négatif à l’égard du
praticien et très proche parent du transfert de l’analyse.
41
Ibid, 288.
42
HALL Edward. T, The Idden Dimension, New York, Doubleday & C°,1966, La dimension cachée, trad. Éditions du
Seuil, 1971, 147-148.
24
A PROPOS DU TRANSFERT
Pour Catherine Parat, « Les mouvements du transfert et du contre transfert sont tout à fait
assimilables à ceux qui se produisent dans la vie courante, si on admet que peu ou prou tout
investissement comporte une dose de transfert. En ce qui concerne la relation, j’ai dit qu’elle
prenait son origine dans l’investissement de tendresse dont le fondement se situe dans les premiers
échanges entre l’enfant et sa mère, et qu’elle pouvait apparaître comme le résultat d’une sorte
d’apprentissage affectif. Cet apprentissage se faisant dans une identification primaire de l’enfant
avec l’objet maternel, à l’aide d’un mouvement de dés-érotisation qui vient renforcer
l’investissement narcissique, avant d’être de nouveau projeté sur un objet (objet-enfant, objetpatient)43. » Catherine Parat nous rappelle ici que l’origine de la tendresse est bien à mettre sur le
compte de la relation avec la mère et qu’elle a bien ce caractère féminin que les hommes ont tant
de difficultés à revendiquer quand ils ne le rejettent pas complètement. « Il semble admis une fois
pour toutes que c’est une vertu chez l’homme que de refouler tout trait féminin autant que faire se
peut44. » Ici, tendresse rime avec faiblesse. D’autre part Catherine Parat met en valeur la possibilité
de maintenir à cette forme de tendresse son caractère dés-érotisé qui l’autorise ainsi à exister dans
la relation thérapeutique.
Il est indéniable qu’une certaine quantité d’affect s’introduit dans cette relation, particulièrement
lorsqu’elle se prolonge au fil des mois, voire des années, avec certains patients dont le besoin de
soins est ressenti à intervalle régulier pour maintenir une certaine qualité de vie et de bien-être au
sens où l’entend la définition de la santé telle que la produite l’OMS45 en 1946. L’affect désérotisé dans la relation est probablement ce qui conforte la notion de présence. « …notre présence
lui dit que nous l’avons écouté, compris, accompagné dans sa quête, que nous pouvons ressentir
son dépit, sa souffrance… le marquage d’un émoi montre notre accompagnement, dans la
neutralité, en ne lui demandant rien, en n’attendant rien de lui46. »
Le docteur Michèle-Hélène Salamagne, à l’origine de l’installation des soins palliatifs à l’hôpital
Paul Brousse, dans un entretien avec Emmanuel Hirsch lui confie à propos de son expérience
43
PARAT Catherine, L’affect partagé, Presses Universitaire de France, « Revue Française de psychosomatique »,
2013/2, 171-172.
44
JUNG Carl Gustav, Dialectique du moi et de l’inconscient, Zurich, 1933, Rascher, Paris, 1964, Gallimard, 145.
45
La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de
maladie ou d'infirmité. Cette définition est celle du préambule de 1946 à la Constitution de l'organisation mondiale de
la santé (OMS). Cette définition de l'OMS n'a pas été modifiée depuis 1946.
46
PARAT Catherine, L’affect partagé, Presses Universitaire de France, « Revue Française de psychosomatique »,
2013/2, 171-172.
25
personnelle de la souffrance : « Lorsqu’on parvient à cette lisière, seule la présence aimante peut
changer les choses. C’est dans une qualité d’être de l’autre, qu’on peut trouver encore un éclat de
lumière47. » Colette Chiland48, signale un texte de Freud daté de 1912, « Deuxième contributions à
la psychologie de la vie amoureuse. Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse »,
qui distingue deux courants dans la sexualité, le courant tendre et le courant sensuel. Elle ajoute
que si la référence à la tendresse est présente sous la plume de Freud de 1888 à 1938, ceci est mal
connu car le terme zärtlich a été traduit de toutes sortes de façons assez différentes tout comme
tender en anglais. Ce texte met en évidence l’ancienneté du courant tendre associé à l’enfance et la
relation maternelle, et à toutes les personnes qui donnent des soins à l’enfant. Lorsque le puissant
courant sensuel, à l’adolescence, s’ajoutera au précédent, l’interdit de l’inceste deviendra
l’ordonnateur et le médiateur de ces deux courants.
La relation thérapeutique se range elle aussi, en quelque sorte, dans cet espace délimité par la
barrière de l’inceste où nul ne peut empêcher celui qui soigne d’éprouver ce qu’il éprouve, de
ressentir ce qu’il ressent c’est à dire parfois de la tendresse pour la personne qui s’est confiée à ses
soins et même si cette tendresse n’a d’autre expression que le ressenti, elle est bien là et se
communique sans doute par sa seule présence. Tout semble donc se jouer dans cette notion de
présence et d’autant plus qu’elle est réciproque.
« Car le soignant n’est ému aux larmes par son patient que lorsqu’ils sont présents l’un à l’autre,
au point que les seules larmes supportables de la part des soignants sont des larmes supportantes,
des larmes qui viennent porter les larmes d’autrui, des larmes qui consolent, des larmes qui ne
disent rien de plus que la présence49. »
S’il est acceptable que la tendresse soit implicitement reconnue, elle ne doit sans doute pas
franchir les limites d’un sas consacré au partage, à la reconnaissance implicite d’un donner et
recevoir qui reste muet, à la collaboration d’un troisième terme discret mais efficace.
Par ailleurs il est notable en tant que praticien, soignant, que lorsqu’on a jugé opportun, ou quand
les circonstances de la vie nous y ont contraints, d’en venir au connais-toi toi-même par le biais
d’une psychanalyse ou d’une psychothérapie, on s’aperçoit vite, au bout de quelques mois
seulement que sans l’avoir souhaité, on se retrouve d’une façon surprenante dans la position d’une
47
HIRSCH Emmanuel, L’éthique au cœur des soins, Éditions Vuibert, Paris, 2006, 170.
48
CHILAND Colette, Le sexe mène le monde, les deux courants de la sexualité, sensualité et tendresse, Calmann
Levy, 21.
49
LÉCU Anne, Des larmes, Les Éditions du Cerf, Paris, 2014,101.
26
sorte de confident auquel les patients vont confier parfois quelques secrets de famille à la
révélation desquels on ne s’attendait absolument pas. Symboliquement, l’ouverture qu’on a
accepté de pratiquer pour soi-même semble encourager les personnes qui nous consultent à s’y
engouffrer avec confiance. Point n’est besoin d’en parler, le courant passe plus librement comme
par un appel d’air, comme un encouragement à se confier à quelqu’un qui peut accueillir ce qui est
difficile à dire et qui ne sortira pas de cet espace de la relation thérapeutique. Ce phénomène qui a
en apparence quelque chose de magique interroge sur le mystère de cette relation particulière et
cette manière qu’elle a parfois de prendre à son compte l’avancée d’un traitement comme une
sorte d’intuition mise en commun. Ce niveau de la réflexion rejoint dans une certaine mesure la
préoccupation de la bonne présence dont parle Emmanuel Hirsch50 et discutée par Louis Parizet
D.O dans son mémoire de fin d’études telle que la citation suivante en rend compte.
« Cette bonne présence se met en place tout au long de la relation avec le patient et pas seulement
dans l’acte thérapeutique, pendant la consultation… Cette bonne présence n’est jamais totalement
acquise, elle nécessite un questionnement régulier de la part du thérapeute. Il peut être soumis à
des pairs ou dans le cadre d’une supervision psychologique afin que le thérapeute puisse prendre
du recul vis à vis de cette relation. Ce regard extérieur auquel le thérapeute soumet son expérience
assure une bonne présence au patient, au thérapeute et à la société mais aussi une liberté dans la
relation51. »
50
HIRSCH Emmanuel, L’éthique au cœur des soins, Paris, Librairie Vuibert, 2006.
51
PARIZET Louis D.O, Les éléments présentant des risques éthiques dans la relation thérapeutique ostéopathique,
mémoire en vue de l’obtention du D.O, Centre Européen Supérieur de l’Ostéopathie, 2013
27
CONCLUSION
La tendresse, dans le sens que j’ai tenté de rendre plus clair, a son rôle à jouer dans la pratique
ostéopathique mais je m’empresse d’ajouter que ce pourrait être le cas aussi dans toutes disciplines
thérapeutiques où le praticien s’adresse à chaque fois à un sujet, à une personne qui se trouve dans
l’attente d’une aide, d’un secours. Pour ce qui concerne l’ostéopathie, c’est plus spécifiquement
par l’intermédiaire du toucher et la manière dont celui-ci se met en place qu’elle peut entrer en
scène. C’est par ce contact direct que se retrouvent possiblement confrontés à la fois l’éventualité
de ce ressenti et du risque éthique qui pourrait en découler. Ce contact associe respect, douceur et
protection, qualités qui me semblent constituer les composantes de base d’un toucher animé par la
tendresse mais aussi celles du toucher ostéopathique. Que le temps soit diagnostique ou
thérapeutique, les mains reproduisent sensiblement la structure d’un nid qui offre aux tissus la
possibilité de s’exprimer d’autant mieux qu’ils sont précisément respectés, contenus, protégés
d’une façon reconnaissable. Et cette reconnaissance est certainement un élément déterminant pour
une participation effective des tissus à leur propre réhabilitation. « Le soin est susceptible d’être
porteur d’une efficacité à partir du moment où on y croit. Dans la relation thérapeutique, cette
posture de croyance est avant tout une posture de confiance l’un envers l’autre.52 » Cette posture
de confiance ne serait-elle pas aussi celle dans laquelle le médecin intérieur53 peut véritablement
faire preuve d’efficacité ?
La prise de contact doit donc être à la fois génératrice de confiance et attentive à ne pas donner
lieu à l’ambiguïté. Pour affronter sereinement une éventuelle difficulté de cet ordre si elle devait se
présenter, sans doute faut-il être soi-même installé dans un équilibre psycho-affectif satisfaisant
qui peut avoir nécessité un temps de travail personnel en analyse ou en psychothérapie, matières
pratiques ne faisant pas partie du cursus de formation en ostéopathie mais qui, à terme, semblent
tellement profitables, sinon indispensables à la compréhension de soi-même et des autres et si
utiles aussi pour que « Deviennent ainsi fondamentalement équivalentes l’estime de l’autre comme
un soi-même et l’estime de soi-même comme un autre54. »
Cependant mon projet n’était pas, n’est pas d’introduire la tendresse dans la pratique
ostéopathique. Cette décision, si toutefois il était possible d’en parler en tant que telle appartient à
52
DENIZEAU Laurent, GUEULLETTE Jean-Marie, Guérir, Une quête contemporaine, Paris, Les Éditions du Cerf,
2015, 204.
53
AUGUSTIN D’HIPPONE, Confessions X, chapitre III, 4, S’appuyant sur le texte de domaine public : Trad. M.
Moreau 1864, édition numérique réalisée par l’abbaye Saint benoit de Port-Valais (Suisse).
54
RICŒUR Paul, Soi-même comme un autre, Éditions du Seuil, 1990, 226.
28
chacun. Mon intention si j’en avais une en commençant à mener cette réflexion, serait plutôt
d’encourager ceux qui éventuellement s’en interdisent l’accès, sous je ne sais quel prétexte de
neutralité, de convenance supposée ou de recherche d’un comportement scientifique et objectif.
« L’action éthique s’oppose au comportement, qui n’est que le geste répété qui imite un geste déjà
fait sans avoir la force de l’innovation55 . » Ou encore, ceux qui par crainte qu’une limite soit
franchie, se refusent à éprouver, ressentir ce sentiment profondément humain qu’est la tendresse,
« celle d’un homme qui ne sait pas mais qui entre dans une conscience incroyablement fine de la
valeur et de la fragilité d’autrui56. »
Cette valeur et cette fragilité est toute entière contenue dans l’incroyable finesse de la perception
tissulaire lorsqu’elle est contactée dans le profond respect d’une écoute qui a conscience d’être en
contact avec cette chose unique et irremplaçable qu’est la vie.
Contacter la vie, avec le but de contribuer à sa sauvegarde, à sa pérennité, ou plus modestement à
son confort, ce qui nous arrive quotidiennement, est une chance, un honneur qui contribuent très
largement à réussir la nôtre si nous acceptons d’en prendre conscience.
C’est aussi une responsabilité qui nous engage dans un chemin parfois étroit, quelquefois difficile
mais qui débouche le plus souvent sur une clairière dont la lumière éclaire une forme de bonheur.
De ce bonheur, nous avons assurément besoin pour continuer à être humblement, au mieux de ce
qui est possible, les artisans d’une éthique qu’il faut sans doute oser regarder comme « une forme
aigüe de l’amour57. »
55
OUAKNIN Marc Alain, Lire aux éclats, Éloge de la caresse, Paris, 1989, 1994, Éditions du Seuil,
Points, 262.
56
PLANTIER Yan, l’expérience de la pitié : l’éthique et ses profondeurs.
https://www.youtube.com/watch?v=rY_PPlJZY-o.
57
Ibid
29
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31
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