Les constructions à Verbe en 1 position : structures interrogatives ou

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Diachro-IV, Le français en diachronie
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Madrid
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22, 23 et 24 octobre 2008
Les constructions à Verbe en 1ère position :
structures interrogatives ou système hypothétique ?
Julie Glikman (Université Paris X / Modyco, CNRS)
En français moderne, on peut trouver la construction à V 1 dans les interrogatives totales
(Viendra-t-il ?). On peut également la trouver dans les séquences binaires de type viendrait-il,
je ne le recevrais même pas. Cette seconde construction est traitée différemment selon les
auteurs : certains parlent de système en parataxe ou de subordination implicite à valeur
hypothétique ou hypothético-concessive (Garagnon 2002, Le Goffic 1993, Riegel 1996), de
subordination inverse (lors de la présence d’un que, Le Goffic) ou de « mécanisme original de
la syntaxe énonciative » (Muller 1996).
Face à ces différences de traitement, Béguelin et Corminboeuf (2005) se sont posé la
question, dans le cadre théorique de la macro-syntaxe du groupe de Fribourg, de savoir s’il
s’agissait d’une seule ou de deux unités syntaxiques. Ils ont pour cela pris en compte un
certain nombre de critères permettant de dire si les constructions étudiées relevaient de la
micro- ou de la macro-syntaxe. Ils ont ainsi montré la coexistence, en français moderne, de
trois types de structures à V 1 : une structure I, relevant de la macro-syntaxe, composée de
deux clauses indépendantes dont la première est une question ; une structure II, relevant de la
micro-syntaxe, dans laquelle la première proposition, à V 1, est subordonnée à l’autre, et enfin
la possibilité pour certaines occurrences de permettre l’une ou l’autre analyse, qu’ils appellent
les « occurrences métanalytiques ». Pour eux, cette coexistence « est un facteur propice à la
grammaticalisation de certaines clauses interrogatives en subordonnées hypothétiques ».
Le but de notre étude ici est de montrer qu’il existe, dès l’ancien français, des cas de
constructions à V 1 dans lesquelles la première proposition, présentant l’inversion, peut être
analysée comme subordonnée à la seconde.
En ancien français, la construction V 1 peut se trouver pour marquer l’interrogation
(Buridant 2000 : 689), mais aussi dans la construction du système hypothétique (ib. 626).
(1) Seit ki l'ociet, tute pais puis avriumes. (Roland 391)
[S’il existait quelqu’un qui le tuait, nous aurions ensuite une paix totale]
(2) Fust chrestïens, asez oüst barnét. (Roland 899)
[S’il était chrétien, il serait un valeureux baron]
(3) Fust i li reis, n'i oüssum damage. (Roland 1102)
[Si le roi avait été là, nous n’aurions pas eu de pertes]
(4) Venget li reis, si nus purrat venger: (Roland 1744)
[Si le roi vient, il pourra nous venger]
Dans ces exemples, outre la construction en V 1, on observe la présence du subjonctif, mode
de la subordination, qui constitue également pour Béguelin et Corminboeuf dans les exemples
de français moderne un indice de structure II.
Ainsi, plutôt que de parler de grammaticalisation de structure interrogative en subordonnée
hypothétique, la coexistence des deux constructions dès l’ancien français donnerait à penser
que la construction V 1 constituerait un type de marquage pouvant marquer deux
constructions parallèles, qui tendent parfois à se confondre.
Diachro-IV, Le français en diachronie
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Madrid
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22, 23 et 24 octobre 2008
Indications bibliographiques :
Béguelin M.-J. & Gilles Corminboeuf, (2005), « De la question à l'hypothèse : modalités d'un
phénomène de coalescence », C. Rossari, A. Beaulieu-Masson, C. Cojocariu, A.
Razgouliaeva, (éds.), Les États de la question, Québec, Nota bene, 67-89.
Buridant C. (2000) Grammaire nouvelle de l’ancien français, Paris, SEDES.
Garagnon A.-M., Calas F. (2002) La phrase complexe, Paris, Hachette.
Le Goffic P. (1993) Grammaire de la phrase française, Paris, Hachette.
Muller C. (1996) La subordination en français : le schème corrélatif, Paris, Colin.
Riegel M., Pellat J.-C., Rioul R. (1994) Grammaire méthodique du français, Paris, PUF.
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