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Le langage de la publicité oblique
Prep. Univ. Aura Cibian
Universitatea « 1 Decembrie 1918 » Alba Iulia
La publicité est très sensible au climat socio-économique. Un climat dominé par
l’information, mais quelle sorte d’information ? Quelle est la limite entre la réalité et la fiction ? Le
consommateur, est-il attiré vers le produit ou c’est le produit celui qui est poussé vers le client ? –
une série de questions convergeant toutes vers le même point de rencontre : la publicité oblique et
ce qu’elle a de plus représentatif – les jeux de sens – partie intégrante des méthodes de persuasion
dont la publicité se sert pour atteindre ses buts.
La révolution dite médiatique a été provoquée par la mise en pratique des nouvelles
technologies de consommation des médias (le rôle croissant de l’audiovisuel). Ce qui entraîne la
mise en place d’une logique économique qui détermine le marché média. Pour l’homme d’affaires
du XIXe siècle, une simple connaissance empirique du marché suffisait pour écouler ses
marchandises. Mais, de nos jours, le monde des affaires est en recomposition continue de sorte que
même les entrepreneurs les plus entendus ont du mal à tenir le coup. Les techniques de vente des
années ’80, ’90 ne sont plus efficaces. L’économie d’abondance, l’élargissement des marchés, le
développement de la concurrence, les produits hors de prix imposent l’appel à des armes et
techniques particulières car le problème n’est plus de vendre ce que l’on produit, mais de produire
ce qui est susceptible d’être vendu.
Une affaire profitable s’appuie sur deux des plus puissantes armes : l’information et
la surprise. L’information tient de ces étapes du lancement et de la commercialisation d’un produit
qui visent la naissance de l’idée (que va-t-on produire ?), l’analyse de l’idée (le projet est-il
réalisable ?), l’étude de marché (quels sont les produits similaires offerts par la concurrence, les
avantages, les défauts de ceux-ci ? quel est le profil du futur consommateur ? quelles sont ses
motivations ?). En revanche, la surprise repose sur la mise en place des moyens de communication
et de promotion (comment faire connaître le produit et inciter le public à l’acheter ?). Une stratégie
de communication est un instrument d’homogénéité entre tous ce qui contribuent à la création de la
campagne publicitaire. Chacun, spécialiste des médias, de la création, des relations publiques etc. a
une idée de ce qu’il faudra faire, chacun voit la publicité avec sa lorgnette personnelle. La stratégie
de communication aide à orienter le travail de tous. Elle les pousse dans le même sens, dans le
même but – celui d’entrer en contact avec le client potentiel et non seulement. Car ce que nous
vivons aujourd’hui est une sorte de tout-publicité. Selon J.P.Gourevitch, chaque jour
on lit 0,022 livres on capte entre 100-500 messages publicitaires
on voit 0,009 films
on écrit 0,203 lettres
on écoute 167 minutes de radio
on regarde 1,52 heures de télévision
on parcourt 0,243 journaux
On les choisit. Ils nous choisissent.1
1 . J.P.Gourevitch in Michel Danilo, La Publicité (dossier), p.7
Revenire Cuprins
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Le langage est une arme extrêmement puissante car il est à la base de l’expression et de la
diffusion des idées et de la structuration de la pensée. À ce titre, il fait l’objet de l’attention des
publicitaires qui veulent par son intermédiaire faire appel à notre subconscient pour nous faire
admettre, avec le moins de réflexion ou de regard critique possible que tel ou tel produit nous est
devenu indispensable. Aussi l’objectif de la publicité sera-t-il le même : celui d’ « accrocher » le
consommateur, d’établir entre lui et le produit une relation consciente ou non. Quant aux méthodes,
elles varieront en fonction du produit, du client ou de la période choisie pour le lancement.
Selon Jean-Marie Floch2, il y a quatre types de publicité : la publicité référentielle,
substantielle, mythique et oblique, la différence majeure se situant au niveau du rapport entre le
discours publicitaire et le produit. Si, avec la publicité référentielle et celle substantielle on est dans
l’aire de la crédibilité, de l’information, de la simplicité, avec la publicité mythique et celle oblique
on entre sous l’impacte de l’imaginaire, des pièges langagières, de la manipulation de la réalité.
Pourquoi défaire la réalité ? Pourquoi présenter le produit non pas comme il est, mais de telle
manière que le client ait envie de l’acquérir ? Une des réponses est qu’il n’y a pas de clients, mais
des clients potentiels partagés en plusieurs catégories en fonction de l’âge, de la personnalité du
système de valeurs de chacun. Un objet, un mot, une idée provoquent des réactions différentes chez
des personnes différentes. Les superlatifs relatifs des adjectifs, par exemple, compris dans un
message publicitaire garantissent à certains clients la suprématie du produit visé, tandis que pour
d’autres ils ne font que diminuer la valeur de celui-ci. Ou bien un message du type « C’est la chose
qui vous manquait » pourrait déclencher une réaction soit d’approbation, soit de méfiance ( de la
part de ceux qui considèrent que les autres ne peuvent décider à leur place.) L’homme d’affaires
doit connaître très bien ses clients, tellement bien que ceux-ci n’aient plus envie de tester les
produits de la concurrence. C’est le client et non pas l’industriel à prendre les décisions majeures
concernant le produit qui sera vendu.
Pour arriver à ces résultats, les publicitaires se servent des études de psychologie qui
les aident à mieux comprendre la manière de penser et de réagir des clients potentiels. Certains
pensent que la vente d’un objet doit tenir compte de la hiérarchie sociale en fonction de laquelle
chaque groupe essaye à la fois :
de se distinguer des groupes placés en dessous de lui ;
d’imiter la consommation du groupe situé immédiatement au-dessus.
Ainsi un bien nouveau sera-t-il d’abord acquis par les membres du groupe supérieur
cela leur permettant de montrer leur position sociale. Non seulement ils dépensent beaucoup, mais
ils consomment les choses les plus bizarres qu’ils importent à grands frais des pays exotiques.
D’ailleurs, le caviar dont ils se régalent n’est pas tant qu’ils y prennent goût, ils le consomment
surtout pour montrer qu’ils peuvent se l’offrir. Leur consommation est ostentatoire. Dès que le prix
devient accessible à d’autres, le bien est acheté pour imiter le groupe supérieur (« Si les Démiaux
ont la Renault, pourquoi ne l’aurais-je pas ? Si eux, pourquoi pas moi ? »)
C’est que les fabricants vendent avant tout de la sécurité émotive. Un réfrigérateur
représente pour quelques-uns l’assurance d’avoir toujours de quoi manger à la maison et ce fait
équivaut à la sécurité et à la chaleur. Ou bien ils vendent le sentiment de puissance. Lors d’un
sondage psychiatrique, une agence de publicité a conclu que quelqu’un qui achète une voiture
neuve tous les deux ans c’est qu’elle lui donne un sentiment renouvelé de puissance et le rassure
quant à sa virilité.
Une autre classification réalisée par Bill Gallagher3 met en évidence sept types ou
phases de personnalité se constituant pour les spécialistes en une sorte de « carte de l’esprit ». Dans
2. Jean-Marie Floch, Sémiotique, mareting et communication. Sous les signes, les stratégies in Anca Romanţan şi
Bogdan Aldea, Postmodernité et médias, Echinox, Cluj-Napoca 2000, p.74
3 .Bill Gallagher, Guerilla Selling.Arme şi tactici neconveoţionale pentru creşterea vânzãrilor, Ase World Enterprises,
Bucureşti, 1995 p.69
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certaines phases, les gens éprouvent des besoins, des désirs et des espoirs différents. En observant
certains clichés dans leur comportement, on peut anticiper les questions qu’ils vont se poser, les
objections qu’ils vont faire et même les informations dont ils auront besoin pour acheter. Les sept
types de phases sont : la phase de l’amoralité, la phase de l’égotisme, la phase de l’amabilité, la
phase de l’autorité, la phase du principe, la phase de la responsabilité et la phase de l’universel.
L’attitude de l’homme amoral se caractérise par le repli sur soi-même en évitant les difficultés. Les
trois phases suivantes sont spécifiques pour les gens à dominante cérébrale gauche, les « réalistes ».
Par exemple, une personne dont le comportement s’inscrit dans la phase de l’égotisme doit toujours
gagner. Lorsqu’il croise un étranger, l’égotiste se demande tout suite si l’étranger est plus
compétent que lui. Les égotistes sont ambitieux, agressifs, insensibles. Pour eux, tout est une
compétition ce qui ne leur permet pas de réfléchir aux sentiments des autres. Les clients potentiels
de cette phase ne font pas confiance à un vendeur de peur qu’ils ne soient pas trompés. Cependant,
ils aiment les confrontations avec les vendeurs de la même phase en méprisant en même temps ceux
qui se trouvent dans la phase de l’amabilité. De plus, un égotiste aura toujours besoin des dates
concrètes pour être fidélisé. Un agent immobilier lui présentera une maison de la manière
suivante : « L’achat d’une maison est une décision extrêmement importante qui épouvante certaines
personnes. C’est probablement le seul investissement important que vous fassiez. Et peut-être vous
vous demandez : "Est-ce vraiment la maison de mes rêves ?" Bien sûr que la réponse ne viendra pas
tout de suite. Mais je dois vous dire qu’au bout des six mois après votre emménagement, après que
vous aurez aménagé l’intérieur, mis au point le gazon et fait peindre la façade, vous en serez très
fier car la maison portera votre empreinte. C’est à ce moment-là que vous serez conscient des
avantages de votre choix.» L’agent déplace ainsi le client du présent à un avenir agréable, lui décrit
un cadre familier où il occupe la place centrale. L’agent lui crée une motivation. Cette étape est
nommée par les spécialistes « affronte le monstre » (c’est à dire faire disparaître le doute).
À l’opposé se situent les clients des phases de l’autorité, du principe et de la
responsabilité. Pour les convaincre, l’agent jouera sur leur côté émotionnel car il s’agit des gens à
dominante cérébrale droite, « les créatifs ». Soit il leur fait part de son expérience personnelle (« Je
me rappelle le choix de notre première maison. Il nous a été très difficile – à ma femme et à moi -
de prendre une décision…Mais aujourd’hui, même si l’on habite une plus grande maison, dans un
plus beau quartier, nous pensons encore avec nostalgie à cette petite maison de la Rue 18. »), soit de
l’expérience d’une troisième personne (« J’ai collaboré quelques années auparavant avec un couple
des jeunes gens qui trouvaient que la maison était plus grande qu’ils l’auraient voulu. Mais, une fois
instalés, ils ont appris qu’ils attendaient un bébé. Aujourd’hui, leur fillette a sa chambre à coucher à
soi et une grande cour qui lui offre de la sécurité. »). Les « créateurs » ont besoin qu’on fasse appel
à leur sensibilité, à leur imagination. Ce sont eux le public-cible de la publicité oblique. Le
publicitaire devra faire preuve d’habileté verbale et trouver le moyen de bien dire les choses et les
dire d’une manière originelle. L’exemple suivant, rapporté par Biscayart4 illustre bien cette
importance :
Le psychologue américain de la vente Ripley passe un jour devant un aveugle se
trouvant à une entrée de métro avec une sébile à la main.
-Combien recueillez-vous par semaine ? lui demande-t-il.
-Six à douze dollars, répond l’aveugle.
-Voulez-vous gagner davantage ?
-Bien sûr! dit l’aveugle.
Ripley écrit alors quelque chose sur l’ardoise qui porte le mot aveugle et s’en va.
Une semaine plus tard, l’aveugle est fou de joie. Les passants étaient trois fois plus
généreux. Ripley, connaissant bien la nature humaine, avait écrit sur l’ardoise :
4 Biscayart, Le marketing-nouvelle science de la vente in Michel Danilo, La publicité(dossier), p. 9
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AVEUGLE
C’est le printemps et je ne peux le voir…
Le publicitaire lui aussi usera souvent des mécanismes de suggestion. Il ne dira
pas « buvez du vin », mais « un repas sans vin est une journée sans soleil ».
La publicité oblique s’appuie sur les sens, l’instinct, le subconscient. La lecture d’un
message oblique suppose la connaissance de nombreux codes (socioculturel, politique, économique,
culturel) qui chiffrent le message en créant une multitude d’effets. Le concepteur-rédacteur d’une
publicité oblique doit donc faire preuve de créativité, de capacité d’analyse et de synthèse afin
d’être à même d’interpréter les données concernant le marché pour en tirer des arguments vendeurs.
Il lui faut de la curiosité, du savoir-écrire, une certaine tournure de l’esprit, respirer l’air du temps.
Il doit faire preuve d’une curiosité omnidirectionnelle, avoir le sens du spectacle, de l’étonnant. Un
bon slogan agit sur la mémoire créant une sorte de réflexe mental qui entraîne à l’achat : « J’y vole,
donc j’y suis. »
Toute la publicité tire son efficacité du mythe selon lequel plus on consomme, plus
on est heureux. Elle est elle-même le véhicule de la mythologie contemporaine. Certaines
marchandises deviennent de véritables objets de culte ( la BMW est « plus qu’une voiture » et
l’ordinateur Macintosh « crée une vie meilleure »).
En raison du progrès scientifique et du déclin de la pensée religieuse, certains
pensent que les mythes sont disparus. Rien de plus faux! Sauf que Hercule dont les douze travaux
évoquent la puissance de l’homme face à la nature et aux dieux a été remplacé par Superman ; la
belle Hélène de Troie est elle aussi remplacée par les tops modèles de la mode qui font soupirer les
cœurs d’envie et de désir. Chacun de ces mythes ( les exemples pullulent : le mythe de l’éternelle
jeunesse, le mythe de l’amour romantique, le mythe de la puissance automobile et celui de
l’harmonie sociale) est une composition de symboles et d’émotions associés à un « moi » idéal.
Les mythes ont un rôle psychique très important : ils cristallisent les espoirs et les
craintes, mobilisent les énergies vitales autour des objectifs importants et orientent les désirs et les
sentiments. Ils favorisent la cohésion du groupe et permettent la communication en fournissant un
langage commun aux acteurs sociaux. C’est le cas par exemple de la publicité Connex qui recourt à
un des mythes fondamentaux des Roumains, le mythe du Maître Manole. Les publicitaires
proposent cependant une variante parodique. La fin dramatique de la légende est changée grâce au
portable Connex à l’aide duquel Manole annonce sa femme d’envoyer à sa place la belle-
mère : « Allô, Ana, c’est moi Manole ; envoie aujourd’hui la belle-mère avec le manger au
chantier ; car, quand on veut sauver son ménage, on utilise Connex. » Une autre annonce – cette
fois-ci de Dialog – parodie le célèbre « To be or not to be. That is the question. » en l’adaptant de la
manière suivante : « Être ou ne pas être nerveux. C’est ça la différence entre dialogue et
monologue. » Toujours Dialog pratique aussi une « publicité conjoncturelle »5, en exploitant des
événements importants de l’année comme celui des souhaits de Noël : « Allô, allô enfants et frères,
arrêtez-vous pour converser! » ou celui du rituel de la réponse chrétienne : « Christ est ressuscité!
En vérité nous nous sommes abonnés! »
La parodie prend des formes différentes, une des types favoris étant celui où une
publicité glisse dans son message des allusions ironiques à l’adresse d’une autre publicité ( au cas
ou il s’agit de la concurrence, cela est une sorte de contre-réclame, partie intégrante de la publicité
clandestine ; c’est un exemple de publicité pas très souvent employée car elle est illicite). Une
publicité pour le chocolat LINDT affirme « Quelques grammes de finesse dans un monde de
brutes » ; Volkswagen réplique : « Une voiture de rêve dans un monde de réalité ». C’est aussi le
cas de publicité roumaine de Dialog : « Es-tu sur Dialog ? Très bien! C’est ça la conversation! » qui
5 . Anca Romantan, Bogdan Aldea, op. cit.
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fait allusion au slogan de la campagne PRO TV : « Es-tu sur PRO TV ? Très bien! C’est ça la
télévision! ».
À part la parodie, la publicité oblique fait appel à d’autres procédés littéraires tels
que l’ironie et l’humour. L’ironie, en tant que méthode lucide d’auto connaissance n’est pas
cryptique et s’adresse à un public prêt à interpréter. « Nulla dies sine GSM » c’est une des annonces
de Connex, les images présentant un individu avec un air bête, mais qui s’efforce d’accroître son
importance en achetant des objets de luxe dont il ne se sert pas forcément.
L’auto ironie s’inscrit elle aussi dans les procédés spécifiques du discours oblique en
choquant le consommateur car, au lieu de louer le produit visé, elle l’ironise ; c’est comme si l’on
avertissait le client de faire attention aux choix qu’il fait. L’auto ironie est devenue une des
constantes de la communication de Volkswagen qui fait semblant se résigner à sa condition ingrate :
« La laideur n’est qu’apparente », « quand on en possède une, le mieux c’est de la revendre » etc.
L’ironie va jusqu’à l’humour noir par la création d’un message dont l’acteur
principal est Ceauşescu : « Ce printemps je veux voir vert partout! » ( le vert – la couleur-symbole
de Connex, mais non seulement ; Ceauşescu faisait peindre les arbres jaunis et le gazon flétri en vert
émeraude).
Vu le statut de la publicité qui a beaucoup changé, le langage publicitaire a
désormais des intérêts non seulement dans le domaine publicitaire, mais aussi dans celui
économique, politique, social voire religieux. Ce n’est pas un hasard si tous les politiciens prennent
bien soin d’apprendre les techniques de joute oratoire avant de se lancer dans l’arène politique. Le
côté négatif de toute cette conjoncture est que la logique du profit détruit les êtres humains, les
structures sociales, les acquis sociaux et l’environnement qui s’accompagne d’une domination
autoritaire et incontestée de toute la planète.
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