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notre service semble montrer un degré d’ad-
diction plus important chez les patients
atteints de maladie de Huntington que chez
des contrôles. Dans certaines études, l’alcoo-
lisme est présent dans 16 à 30 % des cas. Les
autres addictions (tabagisme, haschich,
Rohypnol®, drogues dures, thé, café, choco-
lat…) sont beaucoup moins connues mais
tout aussi avérées. On ne peut pas se battre
sur tous les fronts, l’addiction n’est pas for-
cément à réfréner. L’attitude que nous avons
est plutôt d’essayer d’en limiter les consé-
quences. L’alcool et les drogues dures indui-
sent beaucoup d’agressivité et de situations
conflictuelles ; nous poussons les patients à
les échanger au profit d’addictions moins
dangereuses, comme le chocolat ou le sport.
Chez certains patients, le tabac peut repré-
senter un risque d’incendie et de brûlures.
Nous proposons donc parfois aux familles de
réinventer le narguilé et d’acheter des cen-
driers très lourds sur lesquels il est possible
de fixer un fume-cigarette et de le relier par
une tubulure quelconque à la bouche du
patient ; celui-ci peut alors fumer les mains
libres et calmement avec un risque minime.
À noter tout de même les comportements
d’errance et de fugue, qui caractérisaient bon
nombre de patients atteints de maladie de
Huntington mais tendent à baisser actuelle-
ment dans la population que nous suivons ;
mais il n’est pas exclu que nous ayons des
biais de recrutement.
Quelques symptômes
non spécifiques
D’autres symptômes non spécifiques – épi-
lepsie (3 à 16 %, essentiellement les formes
juvéniles), incontinence (20 %), hypersuda-
tion, amaigrissement, hypotension ortho-
statique) – dans la maladie de Huntington
peuvent bénéficier d’un traitement spéci-
fique. Des mictions involontaires complètes
et inopinées sont observées au même titre
que des mictions impérieuses. Parfois l’in-
continence est difficile à caractériser chez
des patients aux capacités de communication
limitées. Les anticholinergiques sont souvent
efficaces, mais, en cas de mictions involon-
taires complètes, d’autres molécules doivent
être essayées. Les fausses routes sont sou-
vent multifactorielles, liées à la chorée oro-
bucco-pharyngée, l’apraxie bucco-faciale, la
gloutonnerie et l’inattention des patients.
Chacun des paramètres en jeu doit être ana-
lysé et traité séparément, mais la rééducation
de la coordination pneumo-phonique en
orthophonie, à raison de deux fois par semai-
ne, peut juguler les troubles pendant de longs
mois, voire des années. L’amaigrissement
peut être enrayé par la prise d’aliments
hyperprotidiques et surtout, comme pour les
autres symptômes, ses causes doivent être
disséquées et traitées de manière adaptée.
Une supplémentation vitaminique peut four-
nir un appoint intéressant. L’hypotension se
manifeste rarement fonctionnellement
(5 patients sur les 130 suivis à notre consul-
tation). Les malaises peuvent bénéficier des
traitements habituels (bas à varices, dihy-
droergotamine)… et surtout d’une diminu-
tion des éventuels traitements associés pou-
vant contribuer au symptôme.
Un problème particulier :
la conduite automobile
Une étude anglaise a montré que les tests
attentionnels sont insuffisants pour prédire
les risques d’accident de la voie publique.
Le meilleur critère prédictif est donc la
notion de petits accrochages inexpliqués
avant des ennuis plus importants. C’est dès
le premier épisode détecté que l’arrêt de la
conduite doit être proposé aux patients,
sans attendre que le conjoint s’en mêle. Le
recours à la commission préfectorale des
permis de conduire permet de régler sou-
vent les litiges lorsque le patient, sa famil-
le ou le médecin ont des points de vue dis-
cordants.
La prise en charge sociale
Outre les difficultés de prise en charge
médico-psychologique des patients se pose
la question de leur devenir et de leur sub-
sistance. Il est sans doute inutile de rappeler
que la maladie de Huntington bénéficie
d’une prise en charge à 100 % au titre des
ALD 30, mais beaucoup de patients vien-
nent encore en consultation sans que ce type
de procédure ait été mis en route, malgré un
diagnostic déjà connu. Diverses allocations
doivent être demandées (COTOREP, invali-
dité, tierce personne et allocation de loge-
ment). Le prix minimal d’un long séjour en
région parisienne étant de 12 000 à 15 000
francs, on imagine aisément la nécessité
d’avoir recours à ces allocations. Rappelons
toutefois que des prix plus modérés sont
pratiqués en province. Un certain nombre
de patients sont sous interdit bancaire, les
sauvegardes de justice et les tutelles ne sont
pas à dédaigner devant des comportements
de dépenses irrationnelles. Des assurances
sont à conseiller à un stade où la maladie
n’est pas vraiment évoluée ni déclarée. En
dernier lieu, pour les patients qui bénéfi-
cient de revenus trop élevés pour obtenir
des allocations, une demi-part peut être
déduite des impôts pour couvrir les frais de
la personne à charge, mais cela doit être
examiné avec une assistante sociale pour en
vérifier les conditions d’application.
La prise en charge sociale n’est malheureu-
sement pas limitée à essayer de réduire le
coût de la maladie pour un patient ou une
famille ; elle consiste aussi à trouver des
lieux d’accueil ou des structures de soins
adaptés à chaque cas. Les solutions sont
comme toujours fonction des régions, des
bonnes volontés et des moyens des interve-
nants. Les patients peuvent parfois être
acceptés dans des HDJ psychiatriques ou
des MAS, où de nombreuses activités leur
sont proposées. Il faut juste savoir que le
délai d’accueil en institution oscille entre
1et 2 ans et que les éventuelles demandes
de placement doivent être anticipées, même
si les familles semblent déterminées à un
maintien du patient au domicile. Des séjours
réguliers de “soulagement” permettent
d’ailleurs de prolonger et de faciliter les
choses. Ce maintien repose sur la multipli-
cation des passages et des intervenants, la
diversification permettant de réduire les
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