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Le caractère familial de la maladie impose
de prendre en compte non seulement les
patients mais aussi leurs familles. Un cer-
tain nombre d’informations répondant à
leurs demandes doivent être fournies au fil
des consultations. Les angoisses concernant
la maladie doivent être abordées explicite-
ment. Les patients les exprimeront rarement
d’eux-mêmes si on ne les y incite pas. Ils
doivent savoir qu’une amélioration est pos-
sible par une prise en charge globale et
structurée. L’efficacité de cette prise en
charge repose sur l’explication claire des
symptômes et du projet thérapeutique et sur
la participation active des patients à ce projet.
Très concrètement, le neurologue traitant
aura à gérer un certain nombre de difficultés
d’ordre psychologique, au premier rang des-
quelles on retrouve fréquemment les pro-
blèmes liés aux secrets familiaux, à la culpa-
bilité, à l’anticipation péjorative de la
maladie et à la honte. D’autres mécanismes
peuvent être évidemment en jeu et doivent
être analysés et traités individuellement.
Le secret de l’existence de la maladie de
Huntington dans la famille est particulière-
ment fréquent et dévastateur. Il est indispen-
sable d’en démêler les fils et d’en discerner
les effets afin de juguler les conflits fami-
liaux qui en découlent ou qui vont forcé-
ment en découler.
La culpabilité ressentie du portage du gène
et de sa transmission éventuelle aux descen-
dants alourdit le sentiment de fatalité et de
malédiction.
L’anticipation péjorative de leur avenir en
référence à ce qu’ils ont vu ou connu de
leurs parents et de leurs proches est l’une
des causes majeures d’anxiété ou de dépres-
sion chez les patients. Il est donc primordial,
à l’initiation de la prise en charge, de com-
prendre à quelles réalités ont été confrontés
les patients et ce qu’ils savent réellement de
la maladie. Peu à peu, il va falloir les ame-
ner à dissocier leur avenir de celui des
proches atteints, sachant qu’au sein d’une
même fratrie, certains patients peuvent avoir
des débuts plus ou moins précoces ou des
formes plus ou moins psychiatriques, cogni-
tives ou neurologiques. Il ne faut pas hésiter
à accepter l’idée que la maladie est “terri-
fiante” et “inacceptable”, et qu’il est donc
normal d’être terrorisé. À charge pour nous,
ensuite, de juguler la réaction de catastrophe
et de recadrer les soins pour conduire les
patients à reprendre leur vie, admettre leur
maladie, et se rappeler qu’ils ont une vie en
dehors du Huntington. Une des angoisses à
ce sujet est, pour des patients peu ou non
symptomatiques, de savoir quand le “comp-
te à rebours” va commencer. La médecine
n’est pas une science divinatoire, et même si
des statistiques sérieuses montrent une cor-
rélation entre l’âge de début et le nombre de
codons, il existe un certain nombre de
formes tardives comportant le même
nombre de codons que des formes débutant
vers 35-45 ans. Il est vraisemblable que,
outre le nombre de codons, d’autres fac-
teurs, dont des gènes modificateurs, peuvent
expliquer la variabilité d’expression phéno-
typique (âge de début, nature des manifesta-
tions…). La prudence suggère donc de ne
pas se hasarder à des pronostics sur l’évolu-
tion individuelle des patients. Il faut leur
expliquer les lacunes de nos connaissances
dans ce domaine.
La honte, souvent associée au portage du
gène, est encore renforcée par le regard des
autres lorsque les mouvements deviennent
trop importants. Parfois, le patient est
confronté à des réalités pénibles (contrôle
des papiers pour “ivresse”) et des humilia-
tions qu’il convient de contrecarrer par des
certificats circonstanciés dont le patient
peut se munir lorsqu’il se promène dans la
rue. Il faut toutefois rester prudent, car l’al-
coolisme est assez répandu parmi les
patients.
La prise en charge
des symptômes
La maladie de Huntington s’organise autour
de trois grands pôles symptomatiques :
moteur, psychiatrique et cognitif, mais
d’autres symptômes sont répertoriés. C’est
pourquoi la vision du patient doit être glo-
bale et, si possible, la prise en charge réali-
sée par des équipes multidisciplinaires ou
des réseaux de correspondants entraînés,
avec pour chaque type d’atteinte une orien-
tation thérapeutique spécifique.
La maladie et la prise en charge vont durer
longtemps, il faut donc aider les patients à
structurer l’organisation de leur quotidien
de manière à ce qu’ils puissent trouver
autour d’eux les aides dont ils risquent
d’avoir besoin le cas échéant. Les patients
ont tendance à l’isolement social ou fami-
lial : on doit les en informer afin de leur
donner les moyens de réagir. La reprise ou
le maintien des activités professionnelles,
lorsqu’ils sont possibles, sont souvent sou-
haitables, mais une réorganisation du
temps, autour de loisirs planifiés et en
dehors du cadre familial peut être tout aussi
efficace. Le patient doit être orienté sur des
activités extérieures structurées (mairie,
associations, rééducation). Outre les pro-
grès des patients, la rééducation (orthopho-
nie, kinésithérapie, Taï Chi Chuan…) joue
un rôle fondamental en permettant au
patient de ne pas rester enfermé dans sa
famille, de garder un lien avec l’extérieur si
sa mobilité est réduite (en particulier, avec
l’équipe soignante), et d’atténuer nombre
de conflits intrafamiliaux. L’objectif est soit
de préserver, soit de restaurer un tissu
social en essayant de conserver au maxi-
mum une indépendance par rapport à la
famille et au conjoint en particulier.
Les troubles moteurs
Les troubles moteurs peuvent être extrême-
ment variés : chorée au premier plan mais
aussi dystonie, bradykinésie, rigidité,
troubles de l’équilibre et de la marche et
dysarthrie. Peuvent s’y associer des signes
moins bien connus et parfois gênants :
apraxie, syncinésies d’imitation, tremble-
ment d’attitude, troubles oculomoteurs…
Pour tous ces symptômes, il n’y a pas actuel-
lement de traitement avéré. Très utilisés en
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