
138
LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA
LA DIVERSITÉ FLORISTIQUE
Hélène D’Avignon est ingénieur forestier.
Introduction
Depuis le Sommet de Rio en 1992, les nations recon-
naissent l’importance d’agir devant les menaces d’épuise-
ment mondial des ressources forestières. Elles se demandent
comment continuer à les exploiter sans pour autant nuire
à leur capacité naturelle de renouvellement. C’est à partir
de cette préoccupation commune qu’est né, partout dans le
monde, le concept d’aménagement forestier durable (AFD).
Au Canada comme au Québec, le concept de durabilité
repose sur six principes, ou critères, qui sont évalués au
moyen d’indicateurs déterminés. Par exemple, pour s’as-
surer de conserver la diversité biologique (critère 1) du
territoire forestier québécois, le ministère des Ressources
naturelles propose de recourir à huit indicateurs (MRN,
1996).
L’industrie forestière est de plus en plus incitée à
adhérer à ces principes de l’AFD. La mesure incitative la plus
en vue est la certification des produits du bois par « éco-label-
lisation ». L’éco-labellisation garantit qu’un produit provient
d’une forêt aménagée selon les principes de l’AFD. Les indus-
triels sont de plus en plus nombreux à vouloir s’engager dans
un processus de certification, malgré sa complexité.
Un des défis de taille auquel une industrie forestière
doit faire face en choisissant la voie de l’AFD est de conser-
ver la diversité biologique dans son aire commune, tout en
poursuivant ses activités de récolte. En effet, ces dernières
affectent vraisemblablement la diversité à deux niveaux de
l’écosystème forestier : celui du paysage forestier, lors de la
planification des récoltes, et celui du peuplement lui-même,
lors de la récolte proprement dite. On doit donc, dans ces
territoires, choisir des indicateurs qui permettent de mesurer
la diversité à ces deux niveaux. Les objectifs de conservation
doivent de plus être en accord avec les objectifs de conserva-
tion aux niveaux supérieurs de l’organisation biologique,
comme le paysage régional (Saucier et al., 1998). On ne sau-
rait donc prétendre conserver la diversité biologique sans
tenir compte de la hiérarchie des écosystèmes au sein des-
quels elle s’organise.
Si beaucoup d’énergie a été déployée jusqu’à ce jour
pour élaborer les critères et les indicateurs à l’échelle régio-
nale, l’expérimentation de mesures, au Québec du moins,
est à peine amorcée dans les grands territoires destinés à la
récolte (aires communes). C’est dans ce contexte que nous
avons voulu mettre sur pied une méthode rigoureuse de
mesures et de suivi d’indicateurs de diversité biologique dans
une aire commune située en forêt boréale. Ainsi, les indus-
triels pourront s’appuyer sur l’image de la diversité révélée
par les premières mesures des indicateurs pour établir leurs
objectifs de conservation, et des mesures subséquentes pour
vérifier s’ils les ont atteints.
Nous présentons les indicateurs, essentiellement des
constituants de l’écosystème. Nous décrivons ensuite les
méthodes de mesure employées et l’image que les indica-
teurs livrent de la diversité végétale du territoire. Enfin, nous
voyons en quoi cette image peut aider à l’établissement d’ob-
jectifs de conservation de la diversité biologique. Cet article
présente une synthèse d’un projet d’élaboration de métho-
des de mesure et de suivi d’indicateurs d’AFD qui a été
expérimenté dans l’aire commune 031-07 entre 1997 et 2000
(D’Avignon et al., 1999, 2000 ; Ouimet et al., 2000 ; Périé
et al., 2000). Les résultats rapportés ici proviennent de ce
projet. Mais avant, il faut dire quelques mots sur ce territoire
boréal.
Territoire
L’aire commune 031-07 est située dans la réserve
faunique des Laurentides au nord de la ville de Québec
(figure 1). La végétation y est entièrement boréale : sapins,
épinettes et bouleaux blancs forment massivement le pay-
sage forestier, duquel pointent ça et là quelques peuplements
de mélèzes et de trembles. Depuis toujours, la mosaïque des
peuplements dans ce paysage doit son agencement et sa com-
position aux attaques marquées de la tordeuse des bourgeons
de l’épinette et, dans une moindre mesure, aux feux, dont
le plus important remonte à 1878. Ce n’est que récemment
que l’exploitation forestière est venue ajouter régularité et
discontinuité dans le modèle jadis irrégulier de cette mosaï-
que de peuplements. Le relief est par ailleurs très accidenté ;
plus du quart du territoire est caractérisé par des pentes qui
dépassent 30 % de déclivité. L’altitude moyenne est d’environ
800 m dans la partie sud du territoire et autour de 900 m dans
Aménagement forestier durable :
ÉVALUATION D’INDICATEURS DE LA BIODIVERSITÉ DANS
UNE AIRE COMMUNE
Hélène D’Avignon