Morbimortalité chez les patients infectés par le VIH à l`hôpital

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bonnes. Ils constituent une alternative permettant de préserver
deux autres schémas thérapeutiques dans un contexte de pays à
ressources limitées.
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doi: 10.1684/mst.2012.0092
Conflits d’intérêt : aucun.
Sako F.B., Zoungrana J., Dembélé J.P., Kassi N.A., Ouattara S.I.
Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Treichville,
Abidjan, Côte d’Ivoire
Correspondance : Sako FB <[email protected]>
Travail de´die´ à la me´moire du Dr Ismael Songda Ouattara, qui nous a
quitte´s le 6 juin 2012.
Article accepté le 19/06/2012
Morbimortalité chez les patients infectés
par le VIH à l'hôpital militaire
de Libreville, Gabon
Morbidity and mortality in HIV-infected
patients in the Military Hospital in
Libreville (Gabon)
Abstract. Objective. To study the morbidity and mortality of HIV-infected
patients at the military hospital in Libreville (Gabon). Materials & Methods. A
retrospective study of the clinical records of 289 HIV-positive patients hospitalized in
the department of internal medicine between January 2008 and December 2010.
Results. The patient’s median age was 40 years (range: 18-70). The principal
presenting complaints were fever (82%), weight loss (76.47%) and coughing
(26.64%). Median time from symptom onset to consultation was 150 days (1-365).
The predominant opportunistic diseases were oropharyngeal candidiasis (71.62%),
all forms of tuberculosis (26.29%) and cerebral toxoplasmosis (23.87%). The
median CD4 lymphocyte count was 177/mm3 (1-590). In-hospital mortality was
27.68%. The factors associated with death were long time to consultation and severe
immunosuppression (CD4 count <100/mm3). Conclusion. Despite increased
awareness, lateness of diagnosis and thus of treatment persist, and AIDS remains one
of the principal causes of morbidity and mortality in Gabon.
Key words: mortality, opportunist infections, HIV, Gabon.
L
es médicaments antirétroviraux ont amélioré l’espérance et
la qualité de vie des personnes infectées par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), notamment dans les pays
occidentaux. Au Gabon, comme ailleurs en Afrique, malgré
l’introduction des trithérapies antirétrovirales, la mortalité liée
au VIH/sida reste très élevée. L’objectif de notre travail était
d’étudier la morbimortalité de l’infection à VIH à l’hôpital des
armées de Libreville, à l’instar de la série d’Okome Nkoumou à
la fondation Jeanne-Ebori [1].
Nous avons réalisé une étude rétrospective sur les dossiers
des patients infectés par le VIH hospitalisés entre le 1er janvier
2008 et le 31 décembre 2010 dans le service de médecine de
l’hôpital militaire de Libreville. Ont été inclus tous les patients
dont la sérologie VIH était positive confirmée, l’examen étant
réalisé après counseling pré-test et consentement éclairé du
malade. Pour les patients inconscients ou comateux, le test a été
fait systématiquement en présence de symptômes suggestifs.
Les données épidémiologiques, cliniques et évolutives ont été
recueillies sur une fiche individuelle. La saisie et l’analyse des
données ont été faites grâce au logiciel Epi-info 3.5.1. La
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Références
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adults in Africa. AIDS 2006 ; 20 : 1391-9.
régression logistique a été utilisée pour l’analyse multivariée
concernant les facteurs associés à la mortalité, avec un intervalle
de confiance de 95 % (tableau 1).
Deux cent quatre-vingt-neuf patients infectés par le VIH-1
ont répondu à nos critères d’inclusion. L’âge médian était de
40 ans (18-70 ans) avec un ratio H/F de 0,93. La tranche d’âge la
plus touchée était celle de 25 à 40 ans, quel que soit le genre.
Deux cent onze patients (73 %) étaient au stade sida à
l’admission, parmi lesquels 73 (34,6 %) connaissaient leur
statut antérieur, et parmi ces derniers, 15 (20,6 %) recevaient un
traitement antirétroviral.
Morbidité hospitalière des patients
Les motifs de consultation les plus fréquents étaient la fièvre
(82 %, n = 237), l’amaigrissement (76,5 %, n = 221), la toux
(26,6 %, n = 77), la dyspnée (20,1 %, n = 58), les convulsions
(17,7 %, 51 cas), la diarrhée (16,3 %, 47 cas) et les troubles de la
conscience (13,2 %, 38 cas). Le délai médian entre l’apparition
des symptômes et la consultation était de 150 jours (1-365 jours).
Parmi les patients, 9 % (n = 26) présentaient un antécédent ou
une comorbidité non liés au VIH. Les maladies opportunistes
étaient, par ordre décroissant de fréquence : la candidose
oropharyngée (71,6 %, n = 207), la tuberculose (26,3 %,
n = 76), la toxoplasmose cérébrale (23,9 %, n = 69), la
pneumopathie non spécifique (11,1 %, n = 32), la méningoencéphalite d’étiologie indéterminée (7,6 %, n = 22), la cryptococcose neuroméningée (4,5 %, n = 13), la méningite
bactérienne (3,5 %, n = 10), le lymphome non hodgkinien
(2,1 %, n = 6) et la maladie de Kaposi (2,1 %, n = 6). Le nombre
médian de lymphocytes CD4+ était de 177/mm3 [1-590].
Mortalité hospitalière des patients
Le taux de mortalité hospitalière était de 27,7 % (n = 80). Les
pathologies impliquées dans les décès attribuables au sida
étaient principalement la tuberculose (33,8 %), la toxoplasmose
cérébrale (31,3 %), les encéphalites de cause indéterminée
(12,5 %) et la cryptococcose neuroméningée (10 %). Parmi les
patients décédés, 83,8 % avaient consulté cinq mois après le
début des symptômes, et 88,8 % avaient moins de 100 lymphocytes CD4/mm3.
Cette étude nous a permis de faire un premier aperçu sur la
morbimortalité liée à l’infection par le VIH à l’hôpital militaire de
Médecine et Santé Tropicales, Vol. 22, N8 3 - juillet-août-septembre 2012
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Tableau 1. Facteurs associés à la mortalité.
Table 1. Factors associated with mortality.
Facteurs
doi: 10.1684/mst.2012.0093
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Délai de consultation > 5 mois
Affections neuroméningées
Tuberculose
CD4+ < 100/mm3
Décédés
N (%)
67 (83,8 %)
64 (80 %)
19 (23,8%)
71 (88,8%)
Libreville. Elle souffre des mêmes limites que toutes les études
rétrospectives : un risque de sous-estimation des données et de
biais de sélection et de recueil. Par ailleurs, l’insuffisance des
moyens diagnostiques pour certaines affections rend parfois
difficile l’affirmation avec certitude des causes exactes de décès,
les patients présentant souvent des pathologies multiples.
La médiane d’âge de notre série rend compte du caractère
jeune de la population infectée par le VIH au Gabon. La majorité
de nos patients était au stade sida, comme observé par d’autres
auteurs africains [2], ce qui pose le problème du dépistage tardif
du VIH – en Afrique, mais également dans les pays occidentaux
où ce phénomène est mieux étudié [3, 4]. L’insuffisance
d’information et de sensibilisation sur le VIH, l’itinéraire
diagnostique souvent long, la peur du dépistage et la
stigmatisation des malades sont les principaux obstacles. La
létalité globale dans notre série était supérieure à celle
d’Okome Nkoumou [1] dans un service de maladies infectieuses. La place de la tuberculose et de la toxoplasmose cérébrale
au premier rang des causes de décès au cours du sida est
rapportée par d’autres auteurs [5], ainsi que la forte mortalité
due à la cryptococcose. Le recours tardif aux soins des patients
et la non-disponibilité de médicaments pour le traitement
de certaines pathologies opportunistes sont autant de facteurs
qui peuvent expliquer cette mortalité élevée.
Le sida reste une cause majeure de morbidité et de mortalité
au Gabon. Les campagnes de sensibilisation doivent inciter au
dépistage et à la prise en charge précoces. Le test sérologique du
VIH devrait être proposé dans le bilan au cours des consultations
de routine. La disponibilité de moyens de diagnostic et de
traitements pour la plupart des infections opportunistes
Médecine et Santé Tropicales, Vol. 22, N8 3 - juillet-août-septembre 2012
Sortis
N (%)
97 (46,4 %)
67 (32,1 %)
57 (27,3%)
118 (56,5%)
OR (IC 95 %)
P
4,76 (2,08-10,88)
2,69 (0,97-7,44)
1,08 (0,51-2,28)
3,91 (1,25-12,20)
0,0002
0,0571
0,8410
0,0188
contribuerait certainement à réduire la mortalité chez les
personnes infectées par le VIH dans les pays en développement.
Conflits d’intérêt : aucun.
Ondounda M.1, Magne C.2, Mounguengui D.3, Gaudong Mbethe L.2,
Nzenze J.R.2
1
Service de maladies infectieuses et tropicales
2
Service de médecine interne
3
Service de pneumologie
Hôpital d’instruction des armées Omar-Bongo-Ondimba, BP 20404
Libreville Gabon
Correspondance : Ondounda M <[email protected]>
Article accepté le 09/06/2012
Références
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