Thermothérapie micro-ondes transuréthrale de l

TECHNIQUE Progrès en Urologie (2002), 12, 1330-1340
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Thermothérapie micro-ondes transuréthrale
de l’hypertrophie bénigne de prostate
Marian DEVONEC
Service d’Urologie, Centre Hospitalier Lyon-Sud, Pierre-Bénite, France
La technique décrite est celle du Prostatron, premier
d'une nouvelle génération d'appareils utilisant l'énergie
micro-ondes pour le traitement de pathologies non can-
céreuses chez l'homme.
HISTORIQUE
L'époque de l'hyperthermie
Les micro-ondes ont été évaluées dans les années 80
pour le traitement du cancer. Le rationnel consistait à
exploiter la plus grande sensibilité à la chaleur des cel-
lules cancéreuses par rapport aux cellules normales [5].
La technique a été décrite sous le nom d'hyperthermie
: l'exposition prolongée aux micro-ondes (une à deux
heures) de façon séquentielle (répétition des séances
selon le principe de la radiothérapie) permettait de
détruire les cellules cancéreuses sans endommager les
cellules normales voisines plus résistantes à la chaleur.
L'hyperthermie était souvent associée à la radiothéra-
pie ; le schéma thérapeutique comprenait l'alternance
de séances d'hyperthermie et de radiothérapie, l'hyper-
thermie potentialisant l'effet de la radiothérapie [26].
En urologie, la technique d'hyperthermie a été utilisée
dans le traitement du cancer de la prostate, avec un appli-
cateur endo-rectal [26]. Devant l'absence de résultats
convaincants dans le cancer, ses promoteurs l'ont alors
testée dans l'hypertrophie bénigne de la prostate (HBP),
application pour laquelle elle n'avait pas été conçue. En
effet, comme son nom l'indique, l'hypertrophie bénigne de
la prostate est composée de cellules non cancéreuses
insensibles par définition au niveau de température tissu-
laire généré par la technique d'hyperthermie. L'hyperther-
mie n'a aucun effet cytotoxique sur les cellules épithé-
liales prostatiques et n'entraîne aucune élévation signifi-
cative du PSA après traitement [18]. L'hyperthermie était
administrée soit par voie endorectale [23, 25], soit par
voie endo-uréthrale [3, 22], jusqu'au jour où une étude
randomisée française [1], comparant traitement micro-
ondes traitement simulé (placebo) a logiquement
montré l'inefficacité de l'hyperthermie dans l'HBP.
Cette étude a eu le mérite de fermer définitivement le dos-
sier des appareils d'hyperthermie les “Chauffe-prostates”
[24] ; par contre dans le monde de l'Urologie, le revers de
la médaille a été de ternir l'image des micro-ondes et indi-
rectement celle du nouveau-né qu'était la thermothérapie
micro-ondes transuréthrale (TMTU).
Manuscrit reçu : avril 2002, accepté : juin 2002.
Adresse pour correspondance : Pr.M. Devonec, Service d’Urologie, Centre Hos-
pitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre Bénite Cedex.
e-mail : marian.devonec@chu-lyon
Ref : DEVONEC M., Prog. Urol., 2002, 12, 1330-1340.
RESUME
L’objectif de la Thermothérapie micro-ondes transuréthrale (TMTU) est la destruc-
tion de tissu non cancéreux après exposition à une température cytotoxique allant de
45 à plus de 70°C. La combinaison, d’une émission de chaleur micro-ondes adminis-
trée par voie transuréthrale et d’une protection de l’urèthre par un circuit de refroi-
dissement, permet de délivrer la puissance nécessaire à la coagulation du tissu pros-
tatique péri-uréthral sans autre forme d’anesthésie que l’instillation d’un gel d’anes-
thésique dans l’urèthre. Le traitement ne dure que 30 mn. Les seuils de sécurité
stricts (température uréthrale et température rectale) expliquent le faible taux de
complication. L’efficacité thérapeutique de la Thermothérapie se situe entre celle du
médicament et de la chirurgie endoscopique. L’effet est durable. Le développement
d’un traitement sur mesure pour chaque patient devrait permettre d’augmenter le
taux des répondeurs à cette technique.
Mots clés : Hypertrophie bénigne de la prostate, micro-ondes, thermothérapie, hyperthermie.
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La Thermothérapie micro-ondes transurétrale : les
étapes historiques de son développement
En 1989, la nouveauté a été de proposer l'énergie
micro-ondes pour détruire non plus du tissu cancéreux
mais du tissu normal ou du tissu tumoral bénin, en l'ex-
posant à un niveau de température cytotoxique. Le
cahier des charges de la nouvelle technique [17, 4]
dédiée en priorité au traitement de l'HBP associait les
impératifs suivants :
- coagulation du tissu normal ou bénin,
- applicateur endo-uréthral,
- traitement en une séance unique de une heure maxi-
mum,
- traitement sans anesthésie, c'est à dire ne nécessitant
ni la présence d'un médecin anesthésiste, ni l'environ-
nement d'un bloc opératoire .
Cette technique a été baptisée Thermothérapie micro-
ondes transuréthrale (TMTU) [8] : le tissu normal ou
bénin est exposé à un niveau de température et pendant
une durée suffisante pour être cytotoxique. Le seuil de
toxicité cellulaire, frontière entre hyperthermie et ther-
mothérapie micro-ondes se situe autour de 45°C (Figu-
re 1). La température tissulaire est bien plus élevée
avec la thermothérapie micro-ondes transuréthrale
qu'avec l'hyperthermie [2]. Selon le principe de la
TMTU (Figure 2), la partie la plus chaude de la courbe
générée par les micro-ondes au contact de l'urèthre est
tempérée par la courbe de froid provenant du circuit du
liquide de refroidissement intégré au cathéter de traite-
ment. Le refroidissement a un triple rôle :
- analgésie et protection de l'urèthre,
- refoulement du front de chaleur à l'intérieur de la
prostate,
- possibili d'augmenter la puissance d'émission
micro-ondes pour permettre la pénétration de la chaleur
en profondeur.
Seules les cellules exposées à une température supé-
rieure au seuil de toxicité cellulaire à la chaleur sont
altérées.
1991 : le seuil de toxicité cellulaire à la chaleur est pré-
cis.
La lésion thermique à une limite précise (Figure 3) : en
dessous du seuil thermique, les cellules sont intactes ;
au dessus du seuil, elles sont détruites. L'écart de tem-
pérature entre la zone normale et la zone détruite est de
l'ordre du degré ou au maximum de quelques degrés.
La transition entre le tissu nécrosé et le tissu préservé
se fait sur un millimètre (Figures 4 et 5).
Au plan anatomopathologique, la lésion est une nécro-
se de coagulation, caractérisée par la thrombose des
capillaires et une hémorragie interstitielle [11]. C'est un
infarctus thérapeutique à point de départ périphérique
capillaire par opposition à l'infarctus spontané patholo-
gique à point de départ proximal tronculaire.
1992 : L'effet clinique thérapeutique est de type alpha-
bloquant.
L'amélioration des symptômes est observée dès le pre-
mier mois, bien avant l'amélioration du débit enregistré
à trois mois [10].
1993 : L'élasticité uréthrale prostatique est modifiée.
Le débit urinaire augmente de façon significative en
l'absence de formation de cavité, ni de réduction du
volume prostatique [19]
La thermorégulation joue un rôle fondamental [7] La
vascularisation intra et périprostatique élimine active-
ment les calories apportées par les micro-ondes. L'acti-
vation de la thermorégulation assure la sécurité des
organes voisins richement vascularisés : en haut, col
vésical ; en arrière, face antérieure du rectum ; en
avant, espace pré-vésical de Retzius ; en bas, veru
montanum, apex prostatique et sphincter strié de l'urè-
thre [12].
1994 : Le protocole “haute énergie” 2.5 permet la for-
mation d'une cavité intraprostatique.
L'augmentation du refroidissement de l'urèthre et l'uti-
lisation de sulfate de morphine par voie orale avant
traitement permettent d'augmenter la puissance de
l'émission et d'atteindre des températures intraprosta-
tiques jusqu'à 70°C. L'effet de la TMTU est dose
dépendant [14].
Le cathéter “Prostanec” permet de mieux traiter le col
vésical. Le point chaud du cathéter est remonté sous le
ballonnet (au niveau du col vésical) qui apparaît
comme la première zone de contrôle du débit.
1995 : Un nouveau tuteur endo-uréthral prostatique
facile à mettre en place et à retirer permet de régler le
problème de la rétention aiguë d'urine presque systé-
matiquement observée avec le protocole haute énergie
et la progression de l'efficacité thérapeutique [13].
1996 : Le protocole 30 minutes améliore le confort du
patient pendant et après traitement, tout en conservant
l'efficacité du traitement 2.5 [21].
Le protocole 30 minutes délivre moins d'énergie que le
2.5, mais l'énergie est mieux exploitée. La quantité
d'énergie délivrée par unité de temps et par unité de
volume de tissu apparaît plus importante que la quanti-
té d'énergie délivrée en valeur absolue. L'efficacité se
maintient à 5 ans chez 70 % des patients [15].
Le mécanisme d'action de la TMTU est double : elle a
un effet sur la composante statique de l'obstruction par
la nécrose tissulaire et la réduction du volume prosta-
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Figure 1. Différence entre Thermothérapie micro-ondes et
hyperthermie. La Thermothérapie expose le tissu cible à une
température supérieure ou égale à 45°C, température cyto -
toxique pour les cellules normales.
Figure 2. Principe de la Thermothérapie micro-ondes par voie
transuréthrale :
. en abscisses : distance par rapport à l'antenne dans l'urè -
thre.
. en ordonnées : température intrapéristatique.
La température est très élevée au contact de l'antenne micro-
ondes. Elle décroît lentement avec la distance. La chaleur
radiative micro-ondes pénètre le tissu en profondeur. A l'op -
posé, le froid se propage par conduction. La courbe de froid
s'élève rapidement. L'effet du froid s'épuise très vite avec la
distance.
La résultante des deux courbes (chaleur radiative et refroidis -
sement conductif) est une courbe avec une pente ascendante
rapide au niveau du tissu entourant l'urèthre et une pente des -
cendante douce s'épuisant à l'intérieur de la prostate.
Seul le tissu exposé au dessus du seuil de toxicité cellulaire à
la chaleur est altéré (surface noire).
Figure 3. Pièce d'adénomectomie (énucléation en bloc), 10
jours après protocole 2.5 : nécrose de coagulation étendue sur
50 mm de hauteur et 25 mm de largeur. L'urèthre est au
centre de la plage de nécrose.
Figure 4. Vue microscopique de la limite interne de la plage
de nécrose.
La muqueuse uréthrale est préservée de même que le tissu
sous muqueux sur une profondeur d'environ 1 mm. Au delà,
nécrose de coagulation avec hémorragie interstitielle majeu -
re.
Figure 5. Vue microscopique de la limite externe de la plage
de nécrose.
La transition entre tissu infarci à gauche et tissu normal à
droite se fait sur 1 mm.
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Figure 6. Représentation schématique du Prostatron.
L'émission du générateur micro-ondes est transmise au
patient par l'antenne située à l'extrémité du cathéter uréthral.
L'unité de froid assure la circulation d'eau à basse tempéra -
ture jusqu'à l'extrémité distale du cathéter à l'intérieur de la
vessie.
La température uréthrale est mesurée par une fibre optique.
Le capteur de la fibre optique est situé sous le ballonnet.
La température rectale est mesurée en regard de la prostate
par trois fibres optiques. L'ordinateur pilote l'émission du
générateur micro-ondes et l'unité de froid en fonction du
relevé des températures enregistrées par l'unité de thermo -
métrie au niveau de l'urèthre et du rectum.
Figure 7. Prostatron, modèle Maxis d'EDAP TMS (Vaulx en
Velin, France).
Le patient est traité allongé sur la machine.
Figure 8. Prostatron, modèle Praktis d'EDAP TMS.
L'appareil est de la taille de l'échographe en arrière plan.
Figure 9. Ensemble cathéter uréthral - sonde rectale.
Le boîtier assure la triple connexion entre l'ensemble cathé -
ter uréthral - sonde rectale et le générateur micro-ondes,
l'unité de thermométrie et l'unité de froid de la machine.
Figure 10. Coupe transversale du cathéter.
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tique. Elle a également un effet sur la composante
dynamique de l'obstruction par l'atteinte des fibres ner-
veuses, des récepteurs et de la neurotransmission avec
pour conséquence une augmentation de l'élasticité uré-
thrale et l'amélioration des symptômes probablement
par la déconnexion des récepteurs alphamimétiques et
sensoriels [20].
LE MATERIEL
Le matériel comprend un générateur, une unité de froid,
une unité de thermométrie, un ordinateur regroupés en
un ou deux modules auxquels le patient est relié par un
ensemble cathéter uréthral - sonde rectale (Figure 6).
Le Prostatron
La toute première génération comportait deux modules:
- le module de traitement
- et le module de contrôle - pilotage.
La deuxième génération, actuellement commercialisée
sous le nom de Maxis (Figure 7), comprend un seul
module du fait de l'intégration de la fonction contrôle -
pilotage au module de traitement. L'ensemble compor-
te une surface plane sur laquelle le patient peut s'allon-
ger.
La troisième et dernière génération, le Praktis (Figure
8), comprend tous les éléments du Maxis sauf la fonc-
tion table de traitement. Ce module Praktis a un encom-
brement réduit, équivalent à celui d'un échographe de
taille moyenne . L'appareillage ne nécessite aucun amé-
nagement technique particulier. Son alimentation élec-
trique est standard.
Le générateur
Le générateur se caractérise par sa fréquence d'émis-
sion à 1 296 MHz et par sa puissance d'émission maxi-
male de 80 W efficace.
La fréquence 1 296 MHz a été préférée à 915MHz ; lors
de travaux préliminaires, la profondeur de pénétration
tissulaire de la fréquence 1296 MHz est apparue plus
adaptée au volume de l'organe cible, c'est à dire la pros-
tate humaine.
La fréquence d'émission 1296 MHz est autorisée pour
la thérapie. Elle se situe près de la plage des radiofré-
quences réservées à la radiocommunication civile ou
militaire. Il n'est pas nécessaire de protéger l'appareil
par une cage de Faraday.
Le patient est relié à l'appareil par l'ensemble cathéter
uréthral - sonde rectale à usage unique (Figure 9).
Le cathéter
Vu de l'extérieur, le cathéter ressemble à une sonde à
demeure. Sur une coupe transversale (Figure 10), son
originalité réside dans l'unicité de l'antenne et sa posi-
tion centrale à la place du canal de drainage de l'urine.
L'antenne unique irradie de façon circulaire homogène
dans le tissu environnant. A l'opposé, le cathéter uré-
thral de la société américaine BSD [2, 3, 22] conservait
la lumière centrale pour le drainage de l'urine. De ce
fait, l'émission se faisait grâce à trois antennes dispo-
sées à la surface du cathéter. Pendant toute la durée du
traitement, l'opérateur passait son temps à équilibrer
l'émission de chacune des antennes pour obtenir une
émission homogène.
Le circuit de froid occupe la majorité de l'espace de
part et d'autre de l'antenne. Un fin canal est réservé
pour une fibre optique. La fibre optique, dispoe
sous le ballonnet, permet de mesurer la température
de la muqueuse de l'urèthre prostatique. Cette mesu-
re peut manquer de précision. En effet, le positionne-
ment et le collage de la fibre sont difficiles à standar-
diser lors du montage en usine. Une fois le cathéter
en place dans l'urèthre, le contact entre le capteur de
température à l'extrémité de la fibre et la muqueuse
uréthrale est variable. En effet, l'urèthre prostatique
n'a pas la forme d'un tube qui viendrait épouser par-
faitement la forme cylindrique du cathéter et garantir
le bon contact entre muqueuse et capteur thermique.
La mesure la plus fiable de la température uréthrale
est celle faite par le patient. En effet, lors du traite-
ment, l'opérateur constate que pour chaque patient, le
seuil de la douleur à l'exposition à la chaleur est très
précis au degré près.
Une fine canalisation permet de gonfler le ballonnet
situé à l'extrémité du cathéter comme celui d'une sonde
à demeure. Le ballonnet maintient le cathéter en place
et garantit la bonne position de l'antenne dans l'urèthre
prostatique. Le cathéter est en silicone, ses parois ont
une résistance mécanique suffisante pour garantir
l'étanchéité entre les différents compartiments. En
effet, l'eau circule, en circuit fermé, du réservoir de la
machine dans les canalisations du cathéter avec une
pression de 1,2 Bar, un débit de 30 litres par heure, une
basse température (20°C pour le protocole 2.0 et 2.5,
5°C pour le protocole 30 minutes) de façon à assurer
une bonne réfrigération de l'urèthre. Le repérage du
ballonnet en silicone est un peu plus difficile que celui
d'un ballonnet en latex, beaucoup plus réfléchissant
lors de l'exploration échographique.
L'antenne est fixée dans une position précise sous le
ballonnet. La position du point chaud de l'antenne est
définie de façon à obtenir le meilleur compromis entre
efficacité et sécurité par rapport au sphincter strié.
La sonde rectale
C'est un tube avec une extrémité distale mousse pour-
vue d'un orifice permettant l'évacuation des gaz rec-
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