Remise à Chiara du doctorat honoris causa en Philosophie, à l

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Chiara Lubich Centre
Mouvement des Focolari
www.centrochiaralubich.org
Mexico, le 6 juin 1997
Remise à Chiara du doctorat honoris causa en Philosophie, à l’Université La
Salle
Après la révélation judéo-chrétienne, le monde est vu comme une créature de Dieu, d’un Dieu
personnel, et donc comme élément d’une relation permanente avec lui.
C’est pourquoi il a une valeur en soi et, en même temps, une autonomie propre, qui se réalise au
cours de l’histoire dans ce sujet personnel qu’est l’homme, doté justement pour être en dialogue direct
avec Dieu et avec ses semblables et il trouve sa réalisation eschatologique dans la Personne du Verbe
incarné et ressuscité, qui, tu unique du Père, récapitule tout en lui.
Selon la révélation le monde doit donc être vu empli de la présence de Dieu dans son Verbe, à
travers l’Esprit Saint.
Dans l’histoire de l’Occident, cette conception chrétienne du monde a remplacé progressivement
la vision mythologique de celui-ci. Cependant, dans ce processus, elle a été marquée par cette crise
culturelle, qui, à notre époque, a entraîné différents phénomènes tels que la sécularisation, le sécularisme
et le postmoderne.
Par conséquent, on n’a plus vu comment Dieu pouvait emplir le monde. Pour l’homme occidental,
le monde s’est donc lentement vidé de sens, de même que - selon certains courants de pensée - le temps et
l’histoire.
Une rationalité, sceptique et froide, qui se meut parmi les choses sans les rejoindre dans leur
origine profonde, a pris la place de l’intelligence d’amour qui savait au contraire saisir dans sa racine,
c’est-à-dire en Dieu qui contient en soi et nourrit de soi la création, la vérité et la beauté de celle-ci.
Le gémissement de la création, dont parle saint Paul (cf. Rm 8,22) semble ne plus être audible,
couvert par ce que Heidegger appelait le « babillage de l’existence » et donc d’une culture
« inauthentique »1.
Nous trouvons-nous ici devant une crise irréversible ou plutôt devant une lente gestation d’un
monde nouveau ?
Là aussi, Jésus abandonné nous éclaire pour comprendre et vivre le sens de ce drame.
Jésus abandonné a expérimenté en lui-même, a pris sur lui le non-être des créatures séparées de la
source de l’être : il a pris sur lui la « vanité des vanités » (Qo 1,2).
Par amour, il a fait sien ce non-être, que nous pouvons appeler négatif, et l’a transformé en luimême, en ce non-être positif qu’est l’Amour, comme le révèle la résurrection. Jésus abandonné a fait se
répandre l’Esprit Saint dans la création, devenant ainsi « mère » de la nouvelle création. Bien sûr, cet
événement est encore en gestation : mais dans le Christ ressuscité et en Marie, qui est montée au Ciel, il
est déjà achevé et, d’une certaine manière, déjà réalité pour son Corps mystique, l’Église.
Si nous vivons dans l’amour réciproque, qui engendre la présence du Christ au milieu de nous, et
nous nous nourrissons de l’Eucharistie, qui nous fait être, chacun et tous ensemble, le Christ et donc
Église, nous pouvons saisir, percevoir l’Esprit de Dieu qui pénètre dans tous les êtres, en chacun et dans
le cosmos tout entier. Et, grâce à l’Esprit Saint, nous pouvons comprendre intuitivement qu’il existe un
rapport nuptial entre l’incréé et le créé, car, en s’incarnant, le Verbe s’est mis du côté de la création, qu’il
a divinisée et a récapitulée en lui.
C’est une manière de voir, large et grandiose, qui nous fait penser qu’un jour toute la création
entrera dans le sein du Père. Nous pouvons déjà en distinguer les signes avant-coureurs.
1
Cf. M. HEIDEGGER, Essere e tempo, Milano 1982, cit. in G. REALE - D. ANTISERI, Il pensiero occidentale dalle
origini a oggi/3, Brescia 1983, p. 449.
1
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Notre corps, par exemple, que nous remettons à la terre après notre mort, a été nourri de
l’Eucharistie et par conséquent ‘christifié’, ne pouvons-nous donc pas le considérer comme l’eucharistie
de la nature ? De même qu’en pleine terre, même si en apparence, notre corps semble se transformer en
terre, en réalité, il agit de manière mystérieuse comme germe de transfiguration du cosmos en « cieux
nouveaux et terre nouvelle » (Is 66,22 ; 2 P 3,13). Ces cieux nouveaux et cette terre nouvelle sont bien sûr
encore loin de leur réalisation. Cependant nous pouvons déjà les entrevoir en train de mûrir au cœur de la
création, si nous la regardons avec les yeux du Ressuscité qui vit en nous et au milieu de nous.
Cela éclaire d’une manière nouvelle et élargit la relation entre les hommes et le monde ; relation
dont la capacité de transformer les choses, telle qu’elle se réalise dans le travail et dans la technique, n’est
qu’un aspect.
En effet, il nous semble pouvoir affirmer - car nous en avons déjà une certaine expérience -, que si
les intuitions les plus profondes - celles de la pensée comme de l’art, de la science ou des œuvres -, sont
accueillies dans l’unité entre nous, grâce à laquelle le Ressuscité est présent au milieu de nous et nous
participons de sa pensée (cf. 1 Co 2,16), elles peuvent faire entrevoir cette effusion de l’Esprit de Dieu
dans toutes les choses.
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