L avenir des vaccins contre la grippe par voie nasale chez l enfant

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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIX - n° 2 - mars-avril 2004
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a grippe, phénomène mondial, touche les populations
de tous âges. Pour faire face à ses risques et aux épi-
démies annuelles, la majorité des stratégies nationales
recommandent la protection vaccinale des populations dites “à
haut risque”, dont les enfants présentant des affections chro-
niques ou durables. En réalité, tout enfant est à risque de déve-
lopper la grippe, avec deux conséquences : une morbidité lourde,
essentiellement respiratoire, mais aussi une morbidité extra-
respiratoire ont été observées ces dernières années (1, 2). Le rôle
majeur des populations infantiles dans la dissémination virale
aux adultes (ou personnes âgées) dits à risque ou sains est géné-
ralement reconnu. Le vaccin classique inactivé, injectable n’est
pas recommandé pour les enfants sains. L’arrivée des vaccins
par voie nasale pourrait faire évoluer la stratégie classique.
CONSÉQUENCES DE LA GRIPPE CHEZ L’ENFANT
(2-4)
La grippe de l’enfant est considérée par le public et souvent
par les médecins comme une maladie bénigne, banale, voire
inexistante. Elle est méconnue. Les symptômes en sont peu spé-
cifiques (fièvre, toux, grande asthénie, céphalées), surtout chez
l’enfant jeune, avant 3-5 ans. Aucun test de diagnostic rapide
(au lit du patient) n’est facilement accessible en ville. Dans la
majorité des cas, les complications, qui concernent toutes les
formes de grippe, ne lui sont pas rattachées. La grippe est avant
tout une maladie aiguë fébrile respiratoire. Elle est souvent noyée
dans les autres épidémies respiratoires hivernales, dont le virus
respiratoire syncytial (VRS) occupe la première place (5, 6). La
sibilance, caractéristique de l’infection à VRS, est beaucoup plus
rare dans la grippe. L’otite moyenne aiguë, marqueur clinique
facile à diagnostiquer, complique près d’un tiers des cas (deux
L’avenir des vaccins contre la grippe par voie nasale
chez l’enfant
The future of intranasal influenza vaccines in children
C. Weil-Olivier*, C. Hannoun*
* Service de pédiatrie, hôpital Louis-Mourier, 92701 Colombes Cedex.
RÉSUMÉ.
La grippe de l’enfant est une réalité dont l’expression est trompeuse. La morbidité, lourde, qui lui est due lui est inconstamment ratta-
chée du fait du chevauchement des épidémies, de la non-spécificité des symptômes, des complications et de la difficulté à en apporter la preuve
en ambulatoire.
À ce jour, en France et en Europe, seul le vaccin inactivé trivalent injectable est utilisé. Il est réservé aux enfants dits à haut risque dès l’âge
de 6 mois. La tolérance chez l’enfant est équivalente à celle de l’adulte. L’efficacité, satisfaisante, dépend de l’âge et de la communauté avec
la souche épidémique circulante. Malgré un remboursement à 100 %, le taux de couverture vaccinale dans ce groupe ne dépasse pas 30 à 50 %.
Les vaccins administrés par voie nasale apportent une facilité d’administration (avantage notable pour une vaccination annuelle). Le vaccin
vivant atténué a une bonne tolérance et une efficacité satisfaisante avec une réponse immune muqueuse, même s’il comporte quelques aléas
potentiels (stabilité génétique, portage, recombinaison avec un virus sauvage). Il vient d’être enregistré aux États-Unis sous forme congelée
chez les sujets de 5 à 49 ans. D’autres vaccins par voie nasale, inactivés et adjuvantés, font l’objet d’essais thérapeutiques.
Mots-clés :
Grippe - Vaccins.
ABSTRACT.
Influenza in children is a misleading reality since it causes heavy morbidity but is not always identified and recorded as flu because
of overlapping of epidemics, of non specific symptoms and complications and of the difficulty of etiologic diagnosis.
At this point, in France as well as in Europe, only an inactivated, trivalent, injectable vaccine is available. It is recommended to high risk
children over six months. Tolerance in children is equivalent to the adult, efficacy is satisfactory and varies according to age and fit with
current epidemic strains. Although vaccine is provided free of charge to risk children, coverage is poor, less than 30%.
Intranasal vaccines are easier to administer, which is an important advantage for an annually repeated vaccination. Live attenuated vaccine
has shown experimentally good tolerance and efficacy, with a mucous immune response, even if it shows a few potential inconvenients (gene-
tic stability, shedding, risks of reassortment with wild virus). It has been recently registered in the USA as a frozen preparation for subjects 5 to
49 years-old. Other intranasal inactivated and adjuvanted vaccines are under clinical study.
Keywords:
Influenza - Intranasal vaccines.
L
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tiers des cas chez des enfants âgés de 1 à 3 ans, déjà sujets à
otite). Elle est virale ou liée à une surinfection bactérienne, sou-
vent par le pneumocoque (7) (dont on connaît bien les risques
actuels de résistances aux antibiotiques). L’atteinte pulmonaire
virale, clinique et radiologique concerne 5 à 10 % des grands
enfants et 10 % des enfants de moins de 2 ans. La surinfection
bactérienne est possible. D’autres complications (encéphalite,
myocardiopathie…), plus rares, sont liées à une virémie transi-
toire. La fièvre, souvent très élevée et mal tolérée, s’accompagne
de convulsions constatées chez près de 20 % des enfants de plus
de 6 mois et de moins de 5 ans hospitalisés pour grippe (8, 9).
Enfin, le risque de survenue de méningites bactériennes à ménin-
gocoque est multiplié par quatre au décours d’une épidémie de
grippe A. Les enfants porteurs de facteurs de risque (tableau I)
ont un risque accru de survenue de ces événements. La maladie
sous-jacente est aggravée : c’est le cas pour l’asthme, la muco-
viscidose ou toute pathologie bronchopulmonaire ou cardiaque
chronique (2). Chez les enfants immunodéprimés, la grippe peut
être particulièrement sévère et s’accompagner d’une mortalité
accrue (2).
Le taux d’hospitalisation est un marqueur de gravité de l’in-
fection grippale (10, 11). Plus de la moitié des hospitalisations
pour complication de la grippe surviennent chez des personnes
âgées de moins de 65 ans (12). Chez l’enfant de moins de 5 ans,
ce taux atteint 500/100 000 lorsqu’il y a des facteurs de risque,
et 100/100 000 sans facteur de risque, ce qui est analogue à
celui des personnes âgées de plus de 65 ans, qu’elles aient ou
non des facteurs de risque. Ce risque augmente d’autant plus
que l’enfant est plus jeune, et est particulièrement élevé dans
la première année de vie. Néanmoins, en l’absence de facteurs
de risque, la mortalité chez l’enfant est très faible.
Les enfants sont un vecteur majeur du virus et jouent un
rôle dans la dissémination lors des épidémies annuelles (1, 2).
Dans la population infantile, en particulier d’âge scolaire, le
pic épidémique précède de 15 jours celui de la population géné-
rale (13). Le taux d’attaque annuel en période d’épidémie atteint
35 à 50 %. Plusieurs facteurs expliquent la dissémination virale
rapide à la population à partir des enfants. L’incubation de la
grippe est très courte. La maladie est explosive. Les titres viraux
sont élevés dans les sécrétions nasopharyngées (plus de 106par-
ticules virales/ml). Le portage nasopharyngé est plus long (une
dizaine de jours) que chez l’adulte (14). Les enfants vivent tôt
en collectivité ou partagent des espaces semi-clos (salle de
classe), ce qui facilite la diffusion du virus. Les enfants trans-
mettent ainsi le virus aux adultes et à la fratrie de leur domi-
cile. Un fort argument indirect du rôle des enfants dans la dif-
fusion du virus vers les personnes âgées repose sur la
publication récente de l’expérience japonaise (15). Pendant près
de trente ans, un programme de vaccination chez des enfants
d’âge scolaire (1962 à 1994 avec une décennie de vaccination
obligatoire et un taux de couverture vaccinale alors proche de
85 %) s’est accompagné d’une diminution nette de l’excès de
mortalité chez les personnes âgées. L’arrêt de ce programme a
mis en évidence la réascension du taux des décès par pneumo-
nie et le retour des pics épidémiques annuels.
STRATÉGIE VACCINALE ACTUELLE PAR VOIE INJECTABLE
Le vaccin utilisé est fragmenté, inactivé, trivalent, injectable.
Il contient entre autres l’hémagglutinine des souches virales,
antigène inducteur d’une réponse humorale à haut caractère
protecteur. Il est très purifié. Les virus contenus dans les vac-
cins inactivés sont cultivés sur œufs embryonnés de poules. Il
existe aussi des vaccins à virus entiers, et des vaccins issus de
préparation purifiée d’antigènes de surface. Quel que soit le
procédé de fabrication retenu par le producteur, les trois souches
vaccinales doivent correspondre aux exigences annuelles de
l’OMS en fonction de la situation épidémiologique. Le même
vaccin est utilisé chez l’enfant. La tolérance vaccinale est iden-
tique à celle de l’adulte. L’évaluation immunologique se fait
par détermination des titres d’anticorps sériques (mesurés par
inhibition de l’hémagglutination). L’efficacité vaccinale dépend
de l’âge, du statut d’immunocompétence chez le sujet receveur
et du degré de concordance entre les virus vaccinaux et la
souche circulante. Dès l’âge de 6 mois, les enfants développent
des taux protecteurs d’anticorps. Lorsqu’il y a une concordance
étroite entre les souches vaccinales et les souches circulantes,
l’efficacité du vaccin augmente avec l’âge de l’enfant : 44-49 %
pour des enfants d’un à 5 ans, 74-76 % dans la tranche d’âge
6-10 ans et 70-81 % chez les 11-15 ans. Aucun facteur de risque,
sauf l’immunodépression, ne modifie l’efficacité vaccinale. La
vaccination chez des enfants en collectivité (18, 19) réduit d’en-
viron 30 % l’incidence de l’otite moyenne aiguë liée au virus
grippal. En pratique, le schéma vaccinal varie selon l’âge
(tableau II). Jusqu’à l’âge de 9 ans, deux injections à un mois
d’intervalle sont nécessaires en primo-vaccination, ce qui per-
met de parer à l’apparition souvent retardée des anticorps chez
l’enfant jeune. Comme chez l’adulte, le rappel annuel est néces-
saire, avec une seule injection quel que soit l’âge. La période
idéale pour vacciner va de mi-octobre à fin novembre. Les asso-
ciations vaccinales (deux points d’injection différents le même
jour) sont acceptées (12) pour le ROR (rougeole-oreillons-
rubéole), le vaccin anti-Haemophilus b, le vaccin contre la vari-
celle, les vaccins antipolyomyélitique et anti-hépatite A et B.
La valence coquelucheuse acellulaire est préférée au vaccin à
germes entiers pour limiter le risque de fièvre. Le vaccin anti-
Maladies chroniques :
– pulmonaires (maladie asthmatique, mucoviscidose...)
– cardiaques (valvulopathie, cardiopathies congénitales mal tolérées,
myocardiopathies)
– rénales (néphropathie chronique)
– hémoglobinopathies (avant tout, maladie drépanocytaire)
– neuromusculaires (dont myopathies)
Maladies métaboliques (diabète ...)
Immunodépression :
– acquise (VIH, traitement immunosuppresseur)
– congénitale
Enfant recevant de l’aspirine au long cours
(arthrite rhumatoïde, maladie de Kawasaki)
Tableau I. Groupes à haut risque (liste proposée par le Conseil
supérieur d’Hygiène pour le calendrier vaccinal 2001 [14]. Cités
par l’Académie américaine de Pédiatrie [12]).
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pneumococcique est utile dans ces indications reconnues. Les
contre-indications vaccinales, rares, sont surtout liées à une
allergie authentique aux protéines de l’œuf.
Les stratégies nationales dans les pays développés, hormis
le Japon, ont un objectif prioritaire : réduire la mortalité et la
morbidité chez les sujets dits à haut risque, lors des épidémies
annuelles de grippe (12, 16, 17). Ainsi, en France, le vaccin est
recommandé (et pris en charge par l’assurance maladie) aux
personnes âgées de plus de 65 ans et aux sujets plus jeunes (y
compris les enfants de plus de 6 mois) atteints de certaines
affections chroniques débilitantes (tableau I). Le résultat
concret de ces recommandations est la couverture vaccinale
remarquable des personnes âgées (75 % au-dessus de 70 ans).
En revanche, les autres sujets à risque utilisent beaucoup moins
cette possibilité de protection (moins de 50 %).
Les recommandations en France (16) concernent les
enfants dits à haut risque, assurant ainsi leur protection indivi-
duelle. Les recommandations américaines (12) encouragent en
outre la protection de tous les enfants âgés de 6 à 23 mois
chaque fois que cela est faisable, la vaccination des personnes
de la famille et du personnel de santé s’occupant des enfants
âgés de 0 à 23 mois et, en particulier, des enfants de 0 à 5 mois
(le vaccin contre la grippe n’est pas utilisable avant l’âge de
6 mois). Elles suggèrent de plus la vaccination des femmes
enceintes dans le dernier trimestre de la grossesse quand celui-
ci coïncide avec l’épidémie de grippe, afin de protéger l’enfant
à naître et la femme enceinte, elle-même susceptible d’être
atteinte par des formes graves. Enfin, la vaccination antigrip-
pale devrait être proposée aux enfants à haut risque voyageant
d’avril à septembre dans l’hémisphère Sud, et quelle que soit
l’époque de l’année sous les tropiques ou avec des groupes tou-
ristiques organisés.
En pratique, chez les enfants, l’utilisation du vaccin inactivé
est freinée (17) par plusieurs facteurs : la nécessité d’injections
de deux doses en primovaccination avant l’âge de 9 ans, le coût
de cette vaccination, qui n’est remboursée à 100 % que chez
les sujets à haut risque, la perception de la grippe comme une
maladie bénigne, voire des questions éventuelles portant sur
les risques potentiels de tout vaccin. Ainsi, ce vaccin est très
peu utilisé chez les enfants sans facteur de risque ou dont l’in-
tensité du facteur de risque n’est pas suffisamment forte pour
être admis en ALD 30 (il n’est alors pas remboursé). Il n’y a
guère plus de 30 % des enfants porteurs de facteurs de risque
qui le reçoivent. Chez les enfants souffrant d’un asthme de gra-
vité moyenne ou sévère, l’absence de potentialisation de leur
maladie après vaccination est démontrée (20) ; il est pourtant
peu utilisé (25-30 %), alors que l’asthme (et pas seulement
l’asthme sévère en ALD) fait partie des recommandations. La
vaccination annuelle est faiblement acceptée (15 à 30 %) chez
le personnel de santé ou s’occupant de la petite enfance, ou des
personnes à haut risque.
STRATÉGIE VACCINALE FUTURISTE PAR VOIE NASALE
La mise à disposition des vaccins à administration par voie
nasale pourrait permettre de dépasser plusieurs de ces obstacles
(21-25). Deux grandes catégories de vaccins par voie nasale
existent : les vaccins vivants atténués et les vaccins inactivés
adjuvantés.
Vaccins vivants atténués. Pour mettre au point des vaccins
vivants, il faut obtenir, ou concevoir, des souches de virus suf-
fisamment atténuées pour ne pas provoquer de maladie, mais
encore capables de se multiplier pour déclencher une réaction
immunitaire. On peut obtenir cette atténuation de deux façons :
empiriquement, par passages sur l’animal, ou en utilisant les
connaissances acquises sur la structure segmentée du génome
du virus de la grippe (24).
Les deux glycoprotéines de surface (hémagglutinine HA, neu-
raminidase NA) de l’enveloppe lipidique sont des déterminants
antigéniques majeurs du virus. Le centre est une ribonucléo-
protéine contenant huit segments différents d’ARN, simple brin,
antisens. Le concept de base repose sur leur réassortiment entre
les souches sauvages et les souches atténuées. L’atténuation
peut être obtenue par réassortiment de segments responsables
de la spécificité antigénique d’une part et du pouvoir patho-
gène d’autre part. Les souches “donneuses” des caractères d’at-
ténuation sont obtenues soit empiriquement par le premier pro-
cédé, soit par culture à des températures suboptimales pour
obtenir des variants sensibles à la chaleur (temperature sensi-
tive - ts) ou adaptés au froid (cold adapted - ca).
Les vaccins russes. Des vaccins vivants atténués ont été lar-
gement utilisés depuis de très nombreuses années en URSS et
ils le sont encore en Russie (26, 27). Leur mise au point repo-
sait sur des principes empiriques, et consistait en de très nom-
breux passages de souches virulentes sur embryon de poulet jus-
qu’à ce que leur pouvoir pathogène s’atténue, selon les méthodes
historiques pasteuriennes. Leur utilisation répondait à une stra-
tégie toute différente de celle des pays occidentaux. Ils étaient
destinés à la vaccination des enfants en milieu scolaire ou ins-
titutionnalisé, ainsi qu’aux sujets adultes au travail et à l’armée.
Ils n’étaient pas utilisés chez les groupes à haut risque médical.
Les méthodes d’évaluation utilisées, qui montraient des résul-
tats satisfaisants en termes de pourcentage de séroconversion,
ne correspondaient pas aux standards exigés dans les pays
industrialisés, et ces vaccins ne furent jamais acceptés par les
Tableau II. Vaccination antigrippale chez l’enfant (12, 14).
Âge Dose Nombre Voie
de doses
6-35 mois 0,25 ml 1 ou 2 * i.m.
3-8 ans 0,50 ml 1 ou 2 * i.m.
9 ans 0,50 ml 1** i.m.
i.m. : intramusculaire
* 2 doses à un mois d’intervalle en primovaccination
** 1 dose en rappel annuel
Avant l’âge de 9 ans, deux doses sont nécessaires en primovaccination ;
une dose unique est acceptée pour le rappel annuel à tout âge.
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autorités de contrôle occidentales. Cependant, des essais furent
conduits en collaboration entre des équipes russes et améri-
caines à partir de 1987 et les résultats confirmèrent que ces vac-
cins ne produisaient que peu de réactions secondaires et mon-
traient une efficacité dépendant du taux d’anticorps
préexistants, en général inférieure à celle des vaccins inactivés
correspondants (28). L’évaluation de l’efficacité d’un tel vac-
cin a été prouvée à Kaliningrad au cours d’épidémies naturelles,
et a fait apparaître des taux de protection significatifs, par
exemple 52 % chez des enfants de 3-6 ans et 7-14 ans (29). En
outre, il a été observé, dans l’étude de Novgorod en 1993, que
le taux d’infection chez les enseignants non vaccinés et les
enfants non vaccinés était plus faible dans les écoles où le vac-
cin avait été administré à une partie des enfants que dans celles
où les enfants avaient reçu un placebo ou un vaccin inactivé
(30).
Les vaccins américains. Les études américaines plus
récentes sur les souches temperature sensitive (sensibles à la
température) et cold adapted (adaptées au froid), plus rigou-
reuses en ce qui concerne la méthode d’atténuation du virus et
utilisant des critères plus stricts d’évaluation de la virulence,
ont toutefois fait évoluer le problème, et les souches plus récem-
ment développées ont remplacé les vaccins russes.
Dans les années 1960, Massaab, aux États-Unis, a développé la
première souche donneuse par passage répété sur des cellules de
rein de la souche InfluenzaA/Ann Arbor/6/60 (H2N2) à des tem-
pératures progressivement décroissantes, jusqu’à l’obtention
d’un mutant qui se réplique de façon efficace à 25 °C. Un pro-
totype de souche Influenza B a été réalisé de la même façon. Ces
souches possèdent plusieurs phénotypes : cold-adapted [ca], tem-
perature sensitive [ts] (ils ne peuvent se repliquer à la tempéra-
ture du corps humain) et atténués (ils ne provoquent pas de grippe
typique chez les humains). Les réassortants sélectionnés, après
réassortiment de la souche donneuse cold-adapted avec la souche
sauvage circulante, contiennent six segments de la souche don-
neuse (procurant les qualités d’adaptation au froid, de thermo-
sensibilité et d’atténuation) et deux de la souche circulante
(codant pour l’hémagglutinine et la neuraminidase), ce qui suf-
fit à obtenir une immunogénicité et une antigénicité efficaces.
Les risques vaccinaux. Comme tous les vaccins vivants, ils
soulèvent plusieurs questions (24) : la stabilité génétique, le
portage du virus vaccinal (d’où découle le risque de transmis-
sibilité interhumaine), la recombinaison avec le virus sauvage.
Le haut niveau de stabilité génétique est lié d’une part à la très
faible réplication du virus réassortant, ce qui diminue la pro-
babilité que des mutants apparaissent, d’autre part à la multi-
plicité des mutations. La stabilité génétique après réplication
chez l’être humain repose sur les phénotypes ca et ts. Ils impli-
quent quatre gènes contribuant aux phénotypes d’atténuation
(le gène de la polymérase PA, spécifique du phénotype ca, le
gène M, et les gènes PB1 et PB2, indépendants et spécifiques
du phénotype ts). Les mutations portant sur ces quatre gènes
différents sont acquises après plusieurs passages cellulaires.
Tout cela rend très peu probable la possibilité de réversions au
type sauvage.
Au cours des essais déjà réalisés, il a été montré que, en règle
générale, la moitié des enfants séronégatifs présentaient un por-
tage en faible quantité d’une ou plusieurs souche(s) vaccinale(s)
dans les sécrétions respiratoires. Les sujets séropositifs, enfants
ou adultes, portaient plus rarement le virus vaccinal, la durée
du portage étant habituellement inférieure à dix jours. Avec le
vaccin trivalent vivant atténué, Vesikari (31) a montré un taux
de transmission de 1 % chez des enfants en crèche (une souche
transmise – B – pour 98 enfants qui avaient été vaccinés). Les
virus réassortants ca sont peu transmissibles, même chez les
enfants et nourrissons séronégatifs. Cela est lié à deux pro-
priétés : d’une part, la maladie symptomatique est rare avec les
virus réassortants du portage qui, conservant les caractères ca
et ts, ont un risque nettement diminué d’infectiosité et de trans-
mission ; d’autre part, la quantité de virus présente dans les
sécrétions du tractus respiratoire n’est pas suffisante pour per-
mettre la diffusion aux sujets contact.
La recombinaison du vaccin atténué avec des souches sau-
vages est un risque théorique, peu probable et peu dangereux.
Il est peu probable car le virus vaccinal se réplique lentement,
sans atteindre des titres élevés. De ce fait, la probabilité d’in-
fection simultanée d’une cellule avec des virus de la souche
sauvage ou du vaccin est faible. En outre, la stratégie vaccinale
est de protéger avant la période épidémique, c’est-à-dire avant
le moment de forte circulation du virus sauvage. Même si le
risque potentiel existe, il est en réalité peu dangereux, car il
contribuerait à rendre sa virulence au virus vaccinal, c’est-à-
dire, au pire, à rendre la vaccination inefficace. Le problème
serait différent en début de pandémie, avec un virus porteur
d’un nouveau sous-type : le vaccin risquerait de faciliter alors
la diffusion de ce virus. Mais l’interférence de réplication du
virus sauvage avec celle des réassortants ca pourrait supprimer
la réplication de ce dernier, génétiquement altéré, s’il existait
dans le tractus respiratoire des vaccinés.
Les essais vaccinaux
Ils ont été conduits depuis trente ans chez plus de 10 000 volon-
taires, dont des enfants, avec des vaccins vivants monovalents,
bivalents ou trivalents. Les données accumulées concernent la
tolérance, l’immunogénicité et l’efficacité, en particulier chez
les nourrissons et les enfants. De nombreuses différences (24)
existent entre les vaccins vivants atténués actuels et ceux tes-
tés en 1996. Ils ont été actualisés pour correspondre aux anti-
gènes recommandés par la FDA américaine. Les titres viraux
du vaccin actuel sont plus hauts que dans les essais prélimi-
naires. Enfin, les premiers essais utilisaient un vaccin admi-
nistré en gouttes nasales, probablement moins immunogénique
que l’administration actuelle par aérosol nasal. La comparai-
son des différents essais entre eux est de ce fait délicate.
En termes de tolérance et de réactogénicité, chez l’enfant
de plus de 2 mois comme chez l’adulte, aucune réaction sévère
n’a été rapportée. Les événements indésirables observés ont été
modérés, survenant le plus souvent deux à trois jours après l’ad-
ministration du vaccin. L’essai d’Edwards (32) a comparé un
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vaccin bivalent vivant atténué avec un vaccin trivalent inactivé
et un placebo. L’essai a été conduit chez plus de 5 000 sujets
âgés d’un an à 65 ans, dont 800 enfants. Les symptômes les
plus fréquents ont été un mal de gorge (21 %), une rhinorrhée
(26 %), une léthargie (22 %) et des céphalées (23 %). Aucune
différence significative n’a été notée en ce qui concerne la
fièvre. L’essai plus récent de Belshe (33) comparait un vaccin
trivalent vivant atténué à un placebo, administrés à
1 600 enfants âgés de 15 à 71 mois. Seule la première prise vac-
cinale, la première année, s’accompagnait d’une congestion
nasale, d’une rhinorrhée et d’une fièvre significativement plus
importantes que le placebo.
L’immunogénicité (24, 34) de ces vaccins dépend de plu-
sieurs facteurs. Pour le sujet : l’âge et le statut sérologique ;
pour le vaccin : la présence des antigènes A(H1N1), A(H3N2),
B et le nombre des doses. Les méthodes de dosage du para-
mètre immunologique retenu varient. Dans la majorité des
études, le critère de réponse vaccinale est la multiplication par
quatre du taux d’anticorps sériques mesurés par inhibition de
l’hémagglutination pour chacun des antigènes HA contenus
dans le vaccin. Les anticorps IgA muqueux ou l’immunité cel-
lulaire sont également mesurables.
Une interférence entre les différents antigènes vaccinaux est
possible. Elle a été observée entre A(H1N1) et A(H3N2) pour
un vaccin bivalent avec une activité significativement réduite
pour A(H1N1). L’administration d’une deuxième dose vacci-
nale permet de dépasser cet obstacle.
D’année en année, selon la souche vaccinale circulante, l’im-
munogénicité peut varier. Ainsi, l’étude conduite de 1985 à
1990 avec un vaccin bivalent (32) a mis en évidence une immu-
nogénicité meilleure pour A(H1N1) que pour A(H3N2). À l’in-
verse, le vaccin trivalent en 1996/97 a démontré une supério-
rité de la réponse A(H3N2), mais, pendant ces deux années,
A(H1N1) avait peu circulé. Néanmoins, dans ce dernier essai,
un an après leur inclusion dans l’essai initial, près de
200 enfants ont reçu une prise nasale de vaccin monovalent
A(H1N1), simulant une infection naturelle à virus A(H1N1).
L’efficacité vaccinale a été de 83 % en termes de prévention du
portage du virus A(H1N1). Le taux des Ac sériques et le taux
des IgA dans les lavages nasaux étaient corrélés avec une pro-
tection significative vis-à-vis de l’infection à A(H1N1) (25).
La réponse sérique immune (34) est plus souvent observée chez
les enfants initialement séronégatifs au moment de la première
prise vaccinale (92 %) que chez les enfants initialement séro-
positifs (18 %). En termes d’immunogénicité, la mesure des
anticorps muqueux est probablement plus intéressante que la
réponse sérique immune. Les vaccins inactivés sont de faibles
inducteurs d’immunité muqueuse. En revanche, la majorité des
enfants recevant les vaccins vivants atténués développent une
immunité muqueuse spécifique de la souche. Cela est prouvé
par le niveau des anticorps IgAtrouvés dans les lavages nasaux.
Cette réponse est aussi fréquente chez les sujets séropositifs
que chez les séronégatifs. Cette stimulation de la réponse
immune directe au niveau de la porte d’entrée muqueuse est un
avantage potentiel de la voie d’administration intranasale.
Une réponse immunologique à type de réaction croisée, donc
plus large, est un autre avantage de ces vaccins par rapport aux
vaccins inactivés. Dans l’étude de Belshe (33), pendant la
deuxième année de l’essai, les enfants étaient protégés à 87 %
contre la souche circulante A(H3N2)Sydney/5/97, souche anti-
géniquement hétérologue par rapport à la souche Nanchang
933/95-like du vaccin.
Enfin, ces vaccins vivants atténués semblent induire une
meilleure réponse des cellules T cytotoxiques, en particulier en
coadministration avec les vaccins inactivés. Cela a été démon-
tré chez les personnes âgées, mais pas chez les enfants.
L’efficacité vaccinale a été évaluée dans les deux essais déjà
cités (32, 33). L’essai conduit entre 1985 et 1990 a montré une
efficacité vaccinale (en termes de protection de la maladie prou-
vée par une culture positive) de l’ordre de 85 à 90 % contre le
virus A(H1N1) et de 56 à 59 % contre le virus A(H3N2). Le
vaccin inactivé, comparateur, avait une efficacité d’environ
75 % contre les deux sérotypes. Néanmoins, une limite d’éva-
luation de l’efficacité repose sur le fait qu’environ la moitié
seulement des participants s’est présentée au bon moment de
la maladie pour un contrôle par culture.
Après une dose de vaccin trivalent (25), en 1996-97, le taux de
protection vaccinale a été contre A(H3N2) et le virus B res-
pectivement de 87 % et 91 %. Après deux doses, il était de 96 %
vis-à-vis de A(H3N2) et de 91% vis-à-vis de B. En termes prag-
matiques, une réduction de 30 % des épisodes d’otite moyenne
aiguë fébrile et de 21 % des maladies fébriles a été observée
chez les vaccinés.
À ce jour, aucune autre large étude d’efficacité comparant les
vaccins vivants aux vaccins inactivés n’a été conduite chez l’en-
fant. Les résultats de ces deux études laissent penser que la
supériorité des vaccins vivants atténués s’exprime chez les
jeunes enfants.
Néanmoins, différentes questions n’ont pas encore de réponses
formelles. Les données sont limitées chez les sujets à haut risque
tels que les immunodéprimés, en particulier les enfants infec-
tés par le VIH (35) ou ceux ayant un asthme modéré ou sévère
(36). Le rôle du vaccin vivant atténué dans la prévention d’une
grippe pandémique est incomplètement cerné. Si une réponse
immunologique large associée à une meilleure protection contre
les souches hétérotopiques ayant subi un glissement est pos-
sible, on ne peut néanmoins pas exclure que le virus pandé-
mique, par définition d’un nouveau sous-type, puisse transfé-
rer des gènes de virulence au virus vaccinal.
En pratique, le vaccin vivant atténué congelé a reçu de la FDA
l’autorisation de commercialisation aux États-Unis en 2003
dans la tranche d’âge des 5-49 ans (37).
Vaccins inactivés à application locale. D’autres types de
vaccin intranasal (inactivés, trivalent, adjuvantés) sont en
cours de développement. L’un d’entre eux est un vaccin triva-
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