La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIX - n° 2 - mars-avril 2004
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MISE AU POINT
autorités de contrôle occidentales. Cependant, des essais furent
conduits en collaboration entre des équipes russes et améri-
caines à partir de 1987 et les résultats confirmèrent que ces vac-
cins ne produisaient que peu de réactions secondaires et mon-
traient une efficacité dépendant du taux d’anticorps
préexistants, en général inférieure à celle des vaccins inactivés
correspondants (28). L’évaluation de l’efficacité d’un tel vac-
cin a été prouvée à Kaliningrad au cours d’épidémies naturelles,
et a fait apparaître des taux de protection significatifs, par
exemple 52 % chez des enfants de 3-6 ans et 7-14 ans (29). En
outre, il a été observé, dans l’étude de Novgorod en 1993, que
le taux d’infection chez les enseignants non vaccinés et les
enfants non vaccinés était plus faible dans les écoles où le vac-
cin avait été administré à une partie des enfants que dans celles
où les enfants avaient reçu un placebo ou un vaccin inactivé
(30).
●Les vaccins américains. Les études américaines plus
récentes sur les souches temperature sensitive (sensibles à la
température) et cold adapted (adaptées au froid), plus rigou-
reuses en ce qui concerne la méthode d’atténuation du virus et
utilisant des critères plus stricts d’évaluation de la virulence,
ont toutefois fait évoluer le problème, et les souches plus récem-
ment développées ont remplacé les vaccins russes.
Dans les années 1960, Massaab, aux États-Unis, a développé la
première souche donneuse par passage répété sur des cellules de
rein de la souche InfluenzaA/Ann Arbor/6/60 (H2N2) à des tem-
pératures progressivement décroissantes, jusqu’à l’obtention
d’un mutant qui se réplique de façon efficace à 25 °C. Un pro-
totype de souche Influenza B a été réalisé de la même façon. Ces
souches possèdent plusieurs phénotypes : cold-adapted [ca], tem-
perature sensitive [ts] (ils ne peuvent se repliquer à la tempéra-
ture du corps humain) et atténués (ils ne provoquent pas de grippe
typique chez les humains). Les réassortants sélectionnés, après
réassortiment de la souche donneuse cold-adapted avec la souche
sauvage circulante, contiennent six segments de la souche don-
neuse (procurant les qualités d’adaptation au froid, de thermo-
sensibilité et d’atténuation) et deux de la souche circulante
(codant pour l’hémagglutinine et la neuraminidase), ce qui suf-
fit à obtenir une immunogénicité et une antigénicité efficaces.
●Les risques vaccinaux. Comme tous les vaccins vivants, ils
soulèvent plusieurs questions (24) : la stabilité génétique, le
portage du virus vaccinal (d’où découle le risque de transmis-
sibilité interhumaine), la recombinaison avec le virus sauvage.
Le haut niveau de stabilité génétique est lié d’une part à la très
faible réplication du virus réassortant, ce qui diminue la pro-
babilité que des mutants apparaissent, d’autre part à la multi-
plicité des mutations. La stabilité génétique après réplication
chez l’être humain repose sur les phénotypes ca et ts. Ils impli-
quent quatre gènes contribuant aux phénotypes d’atténuation
(le gène de la polymérase PA, spécifique du phénotype ca, le
gène M, et les gènes PB1 et PB2, indépendants et spécifiques
du phénotype ts). Les mutations portant sur ces quatre gènes
différents sont acquises après plusieurs passages cellulaires.
Tout cela rend très peu probable la possibilité de réversions au
type sauvage.
Au cours des essais déjà réalisés, il a été montré que, en règle
générale, la moitié des enfants séronégatifs présentaient un por-
tage en faible quantité d’une ou plusieurs souche(s) vaccinale(s)
dans les sécrétions respiratoires. Les sujets séropositifs, enfants
ou adultes, portaient plus rarement le virus vaccinal, la durée
du portage étant habituellement inférieure à dix jours. Avec le
vaccin trivalent vivant atténué, Vesikari (31) a montré un taux
de transmission de 1 % chez des enfants en crèche (une souche
transmise – B – pour 98 enfants qui avaient été vaccinés). Les
virus réassortants ca sont peu transmissibles, même chez les
enfants et nourrissons séronégatifs. Cela est lié à deux pro-
priétés : d’une part, la maladie symptomatique est rare avec les
virus réassortants du portage qui, conservant les caractères ca
et ts, ont un risque nettement diminué d’infectiosité et de trans-
mission ; d’autre part, la quantité de virus présente dans les
sécrétions du tractus respiratoire n’est pas suffisante pour per-
mettre la diffusion aux sujets contact.
La recombinaison du vaccin atténué avec des souches sau-
vages est un risque théorique, peu probable et peu dangereux.
Il est peu probable car le virus vaccinal se réplique lentement,
sans atteindre des titres élevés. De ce fait, la probabilité d’in-
fection simultanée d’une cellule avec des virus de la souche
sauvage ou du vaccin est faible. En outre, la stratégie vaccinale
est de protéger avant la période épidémique, c’est-à-dire avant
le moment de forte circulation du virus sauvage. Même si le
risque potentiel existe, il est en réalité peu dangereux, car il
contribuerait à rendre sa virulence au virus vaccinal, c’est-à-
dire, au pire, à rendre la vaccination inefficace. Le problème
serait différent en début de pandémie, avec un virus porteur
d’un nouveau sous-type : le vaccin risquerait de faciliter alors
la diffusion de ce virus. Mais l’interférence de réplication du
virus sauvage avec celle des réassortants ca pourrait supprimer
la réplication de ce dernier, génétiquement altéré, s’il existait
dans le tractus respiratoire des vaccinés.
Les essais vaccinaux
Ils ont été conduits depuis trente ans chez plus de 10 000 volon-
taires, dont des enfants, avec des vaccins vivants monovalents,
bivalents ou trivalents. Les données accumulées concernent la
tolérance, l’immunogénicité et l’efficacité, en particulier chez
les nourrissons et les enfants. De nombreuses différences (24)
existent entre les vaccins vivants atténués actuels et ceux tes-
tés en 1996. Ils ont été actualisés pour correspondre aux anti-
gènes recommandés par la FDA américaine. Les titres viraux
du vaccin actuel sont plus hauts que dans les essais prélimi-
naires. Enfin, les premiers essais utilisaient un vaccin admi-
nistré en gouttes nasales, probablement moins immunogénique
que l’administration actuelle par aérosol nasal. La comparai-
son des différents essais entre eux est de ce fait délicate.
●En termes de tolérance et de réactogénicité, chez l’enfant
de plus de 2 mois comme chez l’adulte, aucune réaction sévère
n’a été rapportée. Les événements indésirables observés ont été
modérés, survenant le plus souvent deux à trois jours après l’ad-
ministration du vaccin. L’essai d’Edwards (32) a comparé un