40 ans après la loi Veil, un droit fondamental à l`IVG ?

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LETTRE
MENSUELLE
N°171
IVG - IMG
DÉCEMBRE
2014
DECRYPTAGE
GÈNÉTHIQUE VOUS INFORME
40 ans après la loi Veil, un droit fondamental à l’IVG ?
M
ercredi 26 novembre, 40 ans après l’ouverture des débats
de la loi Veil, une centaine de députés a adopté, par 143
voix contre 7, une proposition de résolution « visant à réaffirmer un droit fondamental à l’IVG ». Une heure et demie de discussion générale, où les représentants de chaque groupe avaient
été invités à prendre la parole. L’occasion pour les promoteurs de
l’avortement de dévoiler leur stratégie afin d’instaurer un droit à
disposer de son corps qui, commençant par l’avortement, pourrait se poursuivre avec l’euthanasie.
Le texte de la résolution
La proposition de résolution1 présentée par la député Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes, consiste à :
● Réaffirmer un « droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse »,
● Rappeler un « droit universel des femmes à disposer librement de leurs
corps » .
Une résolution sans base juridique
Des juristes rappellent que de telles affirmations sont infondées. En
effet :
● L’IVG n’est pas un droit mais bien la dérogation à un principe fondamental réaffirmé par la loi Veil : le respect de l’être humain dès le
commencement de sa vie (art. 16 Code civil).
● L’IVG ne peut en aucun cas devenir un droit fondamental, puisque
« celui-ci n’est reconnu par aucune norme conventionnelle ou constitutionnelle » comme l’a rappelé le député J.Leonetti.
● Le prétendu « droit à disposer de son corps » n’était jusqu’à présent
inscrit dans aucun texte juridique. Il s’agit d’une fabrication qui peut
être appliquée de manière inquiétante car sans limite. Pourrait en
découler l’avortement eugénique, la PMA de convenance, la GPA, le
suicide assisté...
Cette résolution « revendique une politique active garantissant et
Cette résolution favorisant l’avortement » et consiste « à rejeter hors de l’humanité »
l’enfant à naître conclut Guillaume Bernard².
« revendique une
politique active
garantissant et
favorisant l’avortement » et consiste
« à rejeter hors de
l’humanité » l’enfant
à naître.
Une Assemblée nationale en décalage
Ce 26 novembre, l’ambiance était à l’hommage et à la fête dans un
hémicycle aux trois quarts vide pour « célèbrer l’anniversaire » de la
légalisation de l’IVG. Mme Veil, Mr Giscard d’Estaing et Mr Chirac,
Mme Roudy³, le manifeste des 343 salopes sont remerciés d’avoir
permis la libéralisation de ce « droit des femmes ». J.Leonetti, qui a
discuté le contenu de la résolution, a conclu de façon étonnante : « Si
cette résolution a pour objectif de rendre un hommage à Simone Veil,
alors oui je voterai en faveur de cette résolution ».
De rares voix se sont élevées
J.Bompard a exprimé une autre voix face à ce consensus imposé par
l’absence de débat. Il a été le seul à rappeler notamment que l’avortement concerne en France 225 000 enfants par an qui ne naîtront pas, des
femmes soumises au silence, des médecins tiraillés entre leur serment
d’Hippocrate et leur pratique. 7 députés, présents dans l’hémicycle, ont
voté contre cette résolution : J-F.Poisson, X.Breton, N.Dhuicq, J-C.Fromantin, Y.Moreau, J.Bompard, O.Marleix.
Une résolution influente qui s’inscrit dans un travail de promotion de l’avortement et de reconnaissance d’autres droits
Si cette résolution n’a pas de valeur contraignante, elle manifeste un travail déterminé de promotion de l’avortement porté par le Haut Conseil
à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh). C’est dans ce cadre
que F.Laurant, Présidente de la Commission Santé, droits sexuels et reproductifs, a été auditionnée⁴. Elle a exposé les prochains objectifs : supprimer le délai de réflexion de 7 jours avant un avortement, supprimer la
clause de conscience expressément attachée à l’IVG, restaurer l’activité
d’IVG dans les établissements de santé qui l’ont arrêtée et l’imposer à
tous les établissements disposant d’un service de gynécologie, créer un
plan national « sexualité-contraception-IVG » .
Enfin, cette résolution fait ressortir la stratégie des promoteurs d’un droit
à disposer de son corps : P. Boistard, secrétaire d’état chargée des droits
de la femme, appelle à « l’offensive » pour rendre effectif le « droit à l’IVG ».
Ce que prévoit la ministre M.Touraine dès janvier 2015. B.Pompili rappelle que « d’autres droits sont à conquérir », pour qu’à l’image de l’avortement aujourd’hui, la PMA, la GPA et l’euthanasie « sonnent comme des
évidences. » Elle ajoute à propos de la fin de vie : « Quel sens cela aurait-il
de considérer que donner la vie est un choix si nous devions continuer de
considérer qu’un individu n’est pas libre d’exercer pleinement [son] ultime
liberté ? » ■
◗ 1. La résolution est un acte par lequel l’Assemblée émet un avis sur une question déterminée. Elle n’a pas de valeur normative, mais reflète l’avis de l’Assemblée sur un sujet donné.
◗ 2. Guillaume Bernard est Maître de conférences (HDR) à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes
Supérieures). Il enseigne également dans diverses autres institutions comme l’IPLH (Institut
Politique Léon Harmel) ou l’ICP (Institut Catholique de Paris). Ses recherches portent sur
l’histoire des institutions et des idées politiques. Il a, notamment, codirigé le Dictionnaire de
la politique et de l’administration (PUF, 2011).
Vous pouvez lire sa Tribune sur Gènéthique.org.
◗ 3. Ancienne ministre des droits des femmes qui a porté la loi sur le remboursement de
l’IVG en 1981.
◗ 4. Cf. Compte rendu de l’audition sur l’accès à l’IVG et la contraception de F.Laurant du
mercredi 1er octobre 2014 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-delf/14-15/c1415001.
asp#P10_627.
10ème MaRcHE PoUR la VIE EN 2015
La Marche pour la Vie appelle à manifester le 25 janvier 2015
à Paris pour dire non à l’euthanasie et rappeler que «le respect
de toute vie humaine fonde notre civilisation». L’année 2015 sera
marquée par des débats parlementaires à venir sur les enjeux
de fin de vie et la poussée vers des pratiques euthanasiques,
notamment le «droit à la sédation profonde et terminale».
▶ Pour toute information, rendez-vous sur :
www.enmarchepourlavie.fr
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@MarchePourLaVie
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Respect de la vie
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TRIBUNE
LE COIN DES EXPERTS
Respect de la vie :
Pourquoi les repères s’effondrent-ils si vite?
Qu’est-ce qui a changé dans notre perception de la vie ?
E
n 40 ans, et après des siècles de consensus autour du respect et de
la protection de la vie humaine, le législateur semble s’être emballé.
Le 26 novembre dernier, un nouveau pas était franchi. Sous la forme
d’une résolution, l’Assemblée nationale a voté un « droit fondamental à
l’IVG ». Touchant à l’autre extrémité de la vie, la France s’oriente pas à pas,
à l’image de ce qui se fait déjà dans d’autres pays, vers une légalisation
de l’euthanasie, de gestes euthanasiques, voire du suicide assisté. Pascal
Jacob propose des pistes de réflexion pour entrer dans une compréhension de ces évolutions.
La vie n’est plus
sacrée : le vivant,
c’est celui qui goûte
sa vie avec satisfaction.
Sociologiquement, on pourrait interpréter l’évolution de notre rapport à la vie en disant que les progrès de la médecine rendant la
mort plus rare, rendent aussi la vie moins précieuse. Mais ce serait
faire l’impasse sur une cause plus profonde : si les mœurs ont évolué, c’est aussi parce que des leviers culturels ont été actionnés.
notre véritable être collectif, se réapproprie la vie en laissant à l’individu la seule jouissance de lui-même.
Seule va alors compter non cette vie, mais la vie au sens de la vie que
je mène, définie non plus comme réalité biologique mais comme
« relation préférentielle à l’environnement⁵. » C’est pourquoi l’euthanasie apparaît dans la foulée. « L’interdit qui pèse sur l’euthanasie,
c’est en fait l’une des manifestations, en Occident, du tabou qui pèse
sur la mort, une des manières de la refuser. Pis : de la nier⁶. » Et ainsi,
« aimer véritablement la vie, la respecter, implique qu’il faut avoir parfois le courage de la refuser⁷. »
La médecine a progressivement déplacé nos attentes : nous lui
demandons non plus seulement de nous maintenir en vie, mais de
nous apporter une vie heureuse, sans souffrance. La vie n’est plus
sacrée : le vivant, c’est celui qui goûte sa vie avec satisfaction.
Le livre de Pierre Simon, La vie avant toute chose1, donne de pré- C’est la société, notre être collectif, qui pour Pierre Simon redéfinit
cieuses clés pour comprendre ce qui se passe. La vie, considérée sans cesse la morale : « Les valeurs traditionnelles demeurent, mais
longtemps comme un « souffle de Dieu posé sur notre argile », est la vérité n’est pas révélée, dogmatique, immuable. Elle est évolution,
désormais conçue comme un « matériau ». Disciple de Margaret San- fonction de la connaissance, c’est-à-dire fonction des apports de
ger, fondateur du planning familial et membre du cabinet de Simone la science. Oui, au respect de la vie revendiqué par les sociétés modernes. Non, à celle de Thomas d’Aquin⁸. »
Veil, ce Grand Maître de la Grande Loge de
France expose dans ce livre la philosophie
qui nous permet de comprendre comment,
La loi Veil illustre ce La loi Veil illustre ce nouveau paradigme, cette resignification⁹ permanente des valeurs. La loi Veil postule
depuis une trentaine d’années, notre rapport
pour commencer que « la loi garantit le respect de tout
à la vie et à la mort a changé.
nouveau paradigme,
être humain dès le commencement de la vie. » C’est en
cette resignificaeffet ce que dit le code pénal. Si l’on y songe, la vie est
« Il est, quelque part, un autre état de
notre premier bien, il est donc naturel de poser un tel
l’homme ; il consiste à se fondre dans un être
tion permanente des
principe. Ainsi la loi constate le fait, à savoir qu’il y a là
collectif qui s’étire aux frontières du temps et
un être humain. C’est un fait devant lequel la loi s’inde l’espace. » Pour Pierre Simon, il n’y a pas
valeurs.
cline, et dont elle garantit le respect. Mais l’article suides vivants qui auraient chacun une dignité
vant ajoute aussitôt : « Il ne saurait être porté atteinte à
individuelle, il y a seulement la Vie d’un être
ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions
collectif qui se développe dans l’Histoire. « La
vie est ce que les vivants en font : la culture la détermine. Sa trame définies par la présente loi ». C’est ici que cela dérape : pour porter
atteinte à un principe, il faut reconnaître que ce principe n’est pas un
n’est autre que le réseau des relations humaines². »
principe premier. Mais ce faisant, la loi affirme que l’embryon est un
Or « voici que la science accélère l’histoire³. » Pierre Simon va donc être humain, sans quoi elle dirait simplement que, l’embryon n’étant
montrer comment la science va prendre possession de la vie, la pas un être humain, il n’y a pas atteinte au principe énoncé.
redéfinir, afin d’accélérer la naissance de ce nouvel être collectif
qui est l’œuvre du Temps. Cet être collectif est la société mère de Seulement la loi prétend maintenant exprimer la conscience motout individu, qui forme en lui sa conscience morale. « L’enfant n’est rale d’un être collectif dont l’individu tient d’être reconnu humain.
finalement reconnu homme que par celui qui l’a engendré : c’est ‘la’ « L’individu n’est pas encore au pouvoir, mais déjà la société prend le
pas sur la transcendance. La conscience nait de son être collectif10. »
société qui le porte dans son sein⁴. »
Tandis que jusqu’ici la loi disait un droit qui lui préexistait, elle préPierre Simon explique comment la contraception d’abord, puis tend depuis la loi Veil créer le droit.
l’avortement, ont été les instruments de ce déplacement : la société,
Ce livre de Pierre Simon fut retiré de la vente en 1979, six mois après
sa publication. Il nous donne un éclairage précieux sur la philosophie qui agit au travers des évolutions de notre rapport à la vie. ■
Copyright : DR
Professeur de philosophie
Pascal Jacob est agrégé de philosophie. Il a enseigné à l’IPC
(Paris) ainsi qu’à l’Institut Albert le Grand (Angers).
Il a publié en 2008 L’Ecole, une affaire d’Etat ? (Ed. Fleurus) et
en 2012 La morale chrétienne est-elle laïque ? (Ed. Artège).
◗ 1. Pierre Simon, La vie avant toute chose, Mazarine, 1979
◗ 2. Ibid., p. 15
◗ 3. Ibid, p. 35
◗ 4. Ibid, p. 205
◗ 5. Ibid, p.13
◗ 6. Ibid, p. 233
◗ 7. Ibid, p. 234
◗ 8. Ibid, p. 58
◗ 9.« La resignification sera la seule morale » Ibid., p. 240
◗ 10. Ibid, p. 87
Lettre Gènéthique, 37 rue des Volontaires 75725 Paris cedex 15
[email protected] - www.genethique.org
I mprimerie : PRD - N° ISSN 1627.498
Pascal Jacob,
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