Abdelaâli Laoukili
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par substituer la rationalité technique ou gestionnaire à l’éthique démo-
cratique ;
– loin de générer l’efficacité attendue, l’introduction des techniques et
logiques managériales accentue le malaise et la tension entre les acteurs
dans les collectivités (élus, agents et citoyens) car le management ne
tient compte ni des valeurs instituantes ni des structures organisation-
nelles (Enriquez, Rouchy). Il n’a aucun effet sur l’évolution des struc-
tures, cultures et modes de fonctionnement des collectivités ;
– le management ne fonctionne pas comme art de la régulation ou de
la médiation (Vincent de Gaulejac, 1989) mais plutôt comme art du
contrôle (Deleuze, dans la revue Manière de voir n° 96, p. 15), de la
réduction simplificatrice de la réalité (Dufour, 2004), de la domination
(Courpasson, 2004) ;
– enfin, l’introduction de la logique managériale et gestionnaire et la
dépolitisation croissante de l’État devenu gestionnaire (Castoriadis,
1998) risquent à terme d’aboutir à une logique de privatisation, déjà en
cours de manière rampante dans les services publics (Attali, 2008).
Le management : d’une résultante historique…
Au niveau étymologique, il n’existe pas une seule définition du mot
« management ». Pour certains auteurs, le verbe manager vient de l’ita-
lien maneggiare (contrôler). Pour d’autres, il viendrait plutôt du terme
français manège (faire tourner un cheval dans un manège). À cette
notion il faut ajouter celle de « ménage » (gérer les affaires du ménage)
qui consiste à gérer des ressources humaines et des moyens financiers
(le majordome « chef de la maison » avait en charge les équipes ainsi
que les moyens comme les stocks des produits alimentaires). Une autre
notion est souvent évoquée, celle de « ménagement » car on ne peut
réellement manager les équipes et les ressources que si on sait les ména-
ger (qui veut voyager loin ménage sa monture).
C’est vers 1868-1870 que le terme management sera utilisé en
Angleterre pour définir la conduite d’une entreprise, par des ingénieurs
ou des gestionnaires qui n’en étaient pas les propriétaires. Cela peut donc
signifier que le management est « l’art de gérer une affaire (une entre-
prise) pour le compte d’autrui ». Cette fonction de management confiée
à des ingénieurs et gestionnaires formés dans des grandes écoles par des
propriétaires du capital, devenus plus nombreux et plus exigeants sur
la rentabilité (des actionnaires), constitue une étape fondamentale dans
l’évolution du capitalisme, de ses techniques de gestion amis aussi de
son discours de légitimation (voir l’ouvrage de Anne Salmon, Éthique
et ordre économique, une entreprise de séduction, éditions du CNRS).
La plupart des auteurs s’accordent à dire, au-delà de l’origine de
la notion, que son emploi actuel est né aux États-Unis dans les années
1960 et signifie l’action ou l’art de conduire et de gérer une entreprise.
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