intérêts ou ceux de l’institution. L’opportunisme ne génère pas d’effet d’apprentissage, et
c’est un de ses défauts majeurs, c'est-à-dire qu’on ne crée pas de compétences individuelles
ou collectives sur la base de décisions opportunes. D’autre part, il présente un certain
nombre de risques puisqu’on peut prendre des décisions qui s’avèrent nocives pour soi-
même et pour les autres.
Le terme d’éthique est assez difficile car il se divise en deux dimensions que l’on peut
qualifier d’éthique normative et d’éthique réflexive. On pourrait aussi parler d’éthique
interrogative ou d’éthique créative. Un groupe de travail de l’ANESM mène une réflexion sur
la question de l’éthique. La première dimension de l’éthique consiste à s’extraire de la
situation dans laquelle on a une décision à prendre pour la rapporter à un référentiel qui la
dépasse. Je suis dans le processus éthique lorsque je cherche à donner un sens à ma
décision. L’opportunisme ne me donne pas de sens autre que la maximisation de son intérêt,
je cherche à donner un sens à ma décision en la rapportant à un référentiel qui est au-delà
de mon pouvoir individuel. Ce référentiel est triple. C'est celui de la morale qui renvoie à une
définition du bien et du mal dans une société donnée à un moment donné et qui se traduit
par un ensemble de prescriptions ou de proscriptions, ce que l’on a appelé des tabous par
exemple, donc des lois, des impératifs moraux ou des interdits.
En principe, le droit et la morale sont cohérents et le droit est une traduction formelle, parfois
décalée, de la morale d’une société. Historiquement, dans des situations exceptionnelles, il
se peut que ce ne soit pas le cas. Dans ce cas, on renvoie à des notions de résistance
exceptionnelle. Globalement, nous sommes dans une société régie par des principes
constitutionnels démocratiques dans lesquels il y a une légitimité supérieure du droit et de la
morale.
Le troisième référentiel appartenant au droit est la déontologie définie comme la morale
professionnelle. Il existe de nombreuses situations très concrètes dans lesquelles le
professionnel a des décisions difficiles à prendre. Il va regarder du côté de la morale, du
droit. Nous sommes, je crois, dans une sous culture juridique, et nous avons un important
travail à faire collectivement. Il faut donc regarder dans le référentiel juridique, dans la
déontologie au sens strict ou au sens large, les normes de justice dans sa profession, et si
l’on trouve la réponse à sa question, comme par exemple dénoncer ou pas un acte de
maltraitance, l’éthique consiste à mettre en œuvre ce référentiel qui dépasse la situation. Ce
n’est pas toujours facile à accepter puisque ce terme d’éthique, notamment dans la culture
de la santé et du médicosocial, renvoie plutôt à une liberté individuelle.
Le terme éthique recouvre une seconde dimension. Dans un certain nombre de situations
que l’on peut qualifier de dilemme ou de tension éthique, les référentiels ne fournissent pas
de réponse, que l’on soit en situation d’anomie, c'est-à-dire d’absence de règles connues, ou
en situation de contradiction soit à l’intérieur des référentiels, par exemple entre la liberté de
déplacement et la sécurité des personnes dans les établissements, soit entre le référentiel et
les contraintes organisationnelles. Le moment de la toilette, par exemple, est une zone très
sensible pour les aides-soignants ou les aides-soignantes car il y a des contraintes de temps
et de rythme qui peuvent s’opposer aux prescriptions de bientraitance dans la technique de
la toilette qui demande parfois un temps plus important.
L’éthique réflexive est la mise en œuvre d’un processus par lequel l’on crée une décision
unique dans une situation donnée, décision que l’on porte en terme de responsabilité. Ce qui
me fait dire toujours que l’éthique, c'est fatiguant, qu’il ne faut pas trop faire d’éthique, qu’il
faut en faire le moins possible, c'est-à-dire qu’on ne doit pas soumettre des professionnels à
des décisions éthiques incessantes car c'est un processus compliqué, risqué. Il faut chercher
à cadrer le plus possible. C'est la responsabilité des cadres et du management que de
faciliter le travail des professionnels et de limiter la réflexion éthique aux cas les plus difficiles
sur lesquels on va se concentrer pour mener une réflexion personnelle, mais pas
individuelle. Il faut distinguer également l’éthique comme démarche personnelle de ce que
l’on entend par démarche individuelle.
Dernier point, comment mettre en place une démarche éthique et est-il possible
d’opérationnaliser l’éthique. Il ne s’agit pas d’instrumentaliser l’éthique, mais d’en faire un
moyen de gestion. Dans notre culture, l’éthique renvoie à une dimension spirituelle profonde