Annexe 4

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Barrage de Puylaurent
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Annexe 44
AA 4 Annexe
Les grands
grands incidents
incidents
Les
travers le
le monde
monde
àà travers
A.4.1
A.4.2
A.4.3
A.4.4
A.4.5
A.4.6
A.4.7
Introduction
France : incident du 19 décembre 1978
France : incident du 12 janvier 1987
Québec : incident du 18 avril 1988
Italie : incident du 24 août 1994
États-Unis : les grandes pannes de l’été 1996
Les grandes pannes de l'année 2003
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EDF - CPT de Cordemais
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
A.4.1 INTRODUCTION
La sûreté de fonctionnement des systèmes électriques constitue un enjeu permanent. En dépit des lignes de défense existant au niveau des différents systèmes électriques, ceux-ci ne sont pas à l’abri d’incidents généralisés, conduisant à des délestages de clientèle de grande ampleur.
L’incident ayant affecté le système français le 19 décembre 1978, où 75 % de la
consommation nationale furent perdus, est encore dans les mémoires. Cet incident, certes ancien, est le plus grave qu’ait connu EDF depuis la fin de la période de pénurie de l’après-guerre.
Moins d’une décennie plus tard, l’incident du 12 janvier 1987, initié par les
déclenchements successifs des groupes de production de Cordemais, près de
Nantes, où l’alimentation de l’Ouest de la France fut interrompue, est venu rappeler les exploitants des systèmes électriques à la vigilance.
Depuis, plusieurs autres incidents généralisés se sont produits de par le monde
et ont privé d’électricité des millions de clients. On peut notamment citer les
grandes pannes ayant touché le Québec en 1998, la moitié sud de l’Italie en
1994, l’ouest des États-Unis en 1996 et, plus récemment, les incidents qui ont
affecté en 2003 l’est des États-Unis et du Canada d’une part, le sud de la Suisse
et toute l’Italie d’autre part.
Ces événements nous rappellent comment des anomalies plus ou moins importantes du système de défense peuvent se conjuguer pour compromettre
gravement la sûreté du Système, en raison des quatre phénomènes décrits au
§ 2.3 et souvent de leur combinaison :
- cascade de surcharges,
- écroulement de tension,
- écroulement de fréquence,
- rupture de synchronisme.
L’analyse du déroulement de quelques-uns de ces grands incidents permet
d’illustrer ces phénomènes et de mieux comprendre leur origine.
Bien que les systèmes de défense et les dispositions prises par les diverses
compagnies différent, l’examen détaillé de ces incidents et de la succession des
événements ayant conduit à l’écroulement total ou partiel du réseau, est généralement riche d’enseignements sur les dysfonctionnements qui ont pu s’opérer sur les lignes de défense mises en place, ainsi que sur les améliorations
qu’il convient d’apporter.
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Partie du réseau français encore sous tension
le 19 décembre 1978 à 8 h 26
immédiatement après le premier effondrement
Évolution de la tension sur le réseau 400 kV
de l’ouest de la France
lors de l’incident du 12 janvier 1987
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
A.4.2 FRANCE :
1978 (CASCADE
ÉCROULEMENT DE LA MAJEURE PARTIE DU RÉSEAU)
INCIDENT DU
19
DÉCEMBRE
DE SURCHARGES ET
Par temps froid et couvert, la montée de charge s’avère ce jour-là plus rapide et
plus importante que prévue (38 500 MW appelés). Le parc de production disponible est utilisé au maximum de ses possibilités (active et réactive) et plus de
3 500 MW sont importés des pays voisins, principalement d’Allemagne.
L’accroissement de la charge augmente les transits, déjà élevés, de l’Est vers la
région parisienne et les tensions s’avèrent, de ce fait, très basses dans une grande partie du réseau (région parisienne, Ouest).
À partir de 8 heures, des surcharges sont constatées sur le réseau et, à 8h06, une
alarme "surcharge 20 minutes" apparaît sur la ligne 400 kV Bézaumont-Creney
dans l’est de la France. Malgré diverses manœuvres sur la topologie du réseau,
cette surcharge ne peut être réduite et la ligne déclenche sous l’action de sa protection à 8h26.
Sur le report de charge, trois lignes 225 kV déclenchent par surcharge. Puis les
quatre groupes de Revin s'effacent (du fait de leur protection de surintensité).
Une interconnexion 400 kV avec la Belgique déclenche alors et la tension baisse
encore. Le déclenchement (mal expliqué) d'une nouvelle interconnexion 400 kV
avec la Belgique s'accompagne d'une chute de tension supplémentaire et de la
perte de stabilité d'une grande partie du réseau. Dans la phase suivante, s'enchevêtrent ouvertures de lignes et déclenchements de groupes (du fait notamment de leurs protections à minimum de tension et à minimum de fréquence).
Des sous-réseaux isolés se forment, où le bilan production-consommation ne
peut être rétabli (délestages insuffisants, pertes de groupes).
75 % de la consommation sont perdus, même si le Sud-Est de la France et des
bandes voisines des frontières Nord et Est restent sous tension. De nombreux
groupes n'ont pas réussi leur îlotage.
Une première reprise trop rapide conduit à un nouvel écroulement du réseau à
9h08. Une reprise plus prudente, s'appuyant sur les groupes hydrauliques et
l'étranger, permet une reconstitution quasi totale du réseau vers 12 heures. Pour
la clientèle, les coupures auront duré entre 30 minutes et 10 heures.
Cet incident, résultant d'une gestion tendue du réseau (transits élevés et tensions
basses dans certaines zones) et d'une cascade de surcharges, a clairement montré que le plan de défense de l’époque a été débordé : les délestages ont été
insuffisants, les déclenchements de groupes sont apparus trop tôt sur des critères de minimum de tension et le découpage du réseau a été mal réussi. La
reprise de service également n'a pas été satisfaisante.
De nombreuses actions ont été entreprises, suite à cet incident, afin d'améliorer
ces divers éléments.
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
A.4.3 FRANCE : INCIDENT DU 12 JANVIER 1987
(EFFONDREMENT DE TENSION ET COUPURES DANS L’OUEST)
Même si la journée du 12 janvier est particulièrement froide (l’"alerte grand froid"
a été déclenchée depuis le vendredi précédent), les groupes de production disponibles sont tous démarrés et permettent d'assurer une marge de production
satisfaisante (5 900 MW) et une tension normale dans l'Ouest (405 kV à
Cordemais).
C'est alors qu'en moins d'une heure, de 10h55 à 11h42, les groupes 1, 2 et 3 de
Cordemais tombent en panne pour des causes indépendantes (défaillance d'un
capteur, explosion d'un pôle du coupleur électrique, arrêt à la suite d'un incendie). Le dernier groupe disponible, qui est suffisant pour maintenir la tension de
la zone, déclenche par suite d’un réglage inadapté de la protection de courant
rotor maximum et de la perturbation créée par la perte du groupe n° 3.
La perte de la production de Cordemais entraîne, dans la zone, une baisse brusque
de la tension, qui atteint 380 kV. Celle-ci se stabilise environ 30 secondes, mais les
régleurs des transformateurs 225 kV/HT et HTB/HTA, en tentant de rétablir une
tension normale, provoquent une remontée de la consommation et la tension
recommence à baisser rapidement. En quelques minutes, neuf groupes thermiques proches de la zone déclenchent successivement, engendrant une perte
de puissance de 9 000 MW et entretenant le mouvement de baisse de la tension.
Des ordres de délestage sont alors envoyés et, à 11h50, la tension se stabilise,
mais à un niveau très bas dans l'Ouest, inférieur à 300 kV (cf. page 158 le plan de
tension sur le réseau 400 kV au moment le plus critique). Devant cette situation
très précaire, qui met en danger le réseau national, le dispatching décide de
délester 1 500 MW sur la Bretagne et la région d'Angers, ramenant la tension du
réseau à son niveau normal.
À partir de 12 heures, la situation étant bien maîtrisée, la remise sous tension du
réseau délesté peut être entreprise. Elle sera longue, du fait de la difficulté à
recoupler un nombre suffisant de groupes proches de la Bretagne et de la
Normandie, qui ne se sont pas îlotés lors de l'incident. La réalimentation complète de ces régions ne s'opérera que dans la nuit, lorsque deux, puis trois
groupes, fonctionneront à Cordemais. Au moment le plus grave, les coupures
auront atteint une puissance de l'ordre de 8 000 MW.
La principale cause de cet incident peut être attribuée à un manque de qualité du
réglage de certains composants du Système, en particulier des régulateurs de
tension et protections associées des groupes de production. Les fonctions correspondantes sont désormais traitées sous assurance qualité. L'automatisation
de certaines actions (blocage des régleurs), la réduction du temps d'exécution
des délestages (par le biais du télédélestage) sont également apparues indispensables suite à cet incident.
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
A.4.4 QUÉBEC :
INCIDENT DU
18
AVRIL
1988 -
INDISPONIBILITÉ DU TÉLÉDÉLESTAGE ET
ÉCROULEMENT COMPLET DU RÉSEAU
Toute la journée du 18 avril 1988, une forte tempête s'abat sur la côte nord du
Québec. Le soir, vers 20h10, une série de courts-circuits, dus à la neige et au
verglas recouvrant les isolateurs, se produit au poste 735 kV d'Arnaud, occasionnant la séparation de la centrale de Churchill-Falls du réseau d'HydroQuébec. La puissance appelée par le réseau est à ce moment de 18 500 MW
(auxquels il faut ajouter 2 600 MW d’exportation vers les réseaux voisins) et la
puissance produite par Churchill-Falls de 3 800 MW.
Les automatismes de sécurité destinés à provoquer des délestages de charge ne
fonctionnent pas. Dans les secondes qui suivent le début de l'incident, la ligne
Chamouchuane-Saguenay déclenche. D'autres groupes déclenchent à leur tour
et l'ensemble du réseau s'effondre comme un château de cartes.
La reprise de charge durera au total plus de 8 heures.
QUÉBEC : 18/4/1988
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
Le lendemain matin, à 8h30, un défaut similaire se produit, privant une nouvelle fois le réseau de la production de Churchill-Falls. Heureusement, l'automatisme de télédélestage a été réparé pendant la nuit et fonctionne cette fois
correctement, évitant un nouvel écroulement du réseau. S'il a fallu pratiquer un
délestage cyclique de la clientèle de 600 MW pendant cinq heures, celui-ci a
permis de circonscrire l'événement.
Le système électrique québécois est certes très différent du système français.
Cet incident met néanmoins en évidence le rôle déterminant joué par les actions
de délestage de la clientèle pour limiter l'étendue des incidents majeurs. Ces
actions permettent de compléter l'action fondamentale du réglage primaire de
fréquence installé sur les groupes de production, dont l'objet est de réduire le
déséquilibre entre consommation et production, et d'éviter l'écroulement de la
fréquence (et du réseau). Dans de pareils cas, couper très rapidement quelques
clients peut éviter de les perdre tous et faciliter la réalimentation de ceux que
l'incident initial avait mis hors tension.
Un incident relativement similaire s'est produit en Égypte le 24 avril 1994 où
l'action beaucoup plus faible que prévu du délestage fréquencemétrique a entraîné l'écroulement complet du réseau.
A.4.5 ITALIE : INCIDENT DE 24 AOÛT 1994
SÉPARATION DU RÉSEAU ET ÉCROULEMENT AU SUD
L'incident du 24 août 1994, à 11h28, en Italie du Sud s'est produit dans une situation d'exploitation dégradée au cours de laquelle les exploitants avaient décidé de
ne pas respecter le "N-1" du fait de conditions externes considérées comme propices : période estivale, météorologie favorable.
Les liaisons reliant l'Italie du Sud à l'Italie du Nord (sud de Rome) étaient constituées (cf. carte) :
- d'une ligne 400 kV Latina - Garigliano,
- d'une ligne 400 kV Valmontone - Presenzano,
- d'une ligne 400 kV Villanova - Foggia,
- et d'une ligne 225 kV Popoli - Capriati.
Côté production :
- Ies trois groupes de la centrale de Brindisi Nord (d’une puissance unitaire de
300 MW) étaient limités à 220 MW chacun pour des problèmes de température d'eau de refroidissement. La centrale de Brindisi Sud (quatre groupes de
600 MW) n'était pas autorisée à fonctionner ;
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
- pour les mêmes raisons, la centrale de Rossano (quatre groupes de 300 MW)
était limitée à 170 MW par groupe.
Dans la nuit du 23 au 24 août 1994, un transformateur de courant de la ligne à 400
kV Latina - Garigliano a explosé à Latina, endommageant les disjoncteurs d'autres
lignes 400 kV, notamment ceux des départs vers Valmontone et Rome Ouest. La
ligne Rome Sud - Latina était consignée pour travaux.
Dans la journée du 24 août, à 11h28, un incendie sous la ligne Valmontone Presenzano a entraîné le déclenchement de cet ouvrage. De fortes oscillations
entre le Nord et le Sud de l'Italie ont été constatées. Les lignes 400 kV Villanova Foggia et 225 kV Popoli - Capriati ont alors déclenché, vraisemblablement par
surcharge ou par perte de synchronisme, entraînant la constitution d'un réseau
séparé déficitaire de l'Italie du Sud.
La variation de fréquence à l'intérieur de ce réseau a été de l'ordre de 2 Hz par
seconde, voire plus importante, ce qui a vraisemblablement rendu inopérante
une partie des relais de délestage par dérivée de fréquence et conduit à la perte
de toute la production sur ce réseau.
Cet incident a provoqué la coupure de près de 4 500 MW de clientèle pendant
une durée de 2h à 2h30.
ITALIE : 24/08/94
ITALIE
Villanova
Popoli
Roma/O
Roma/S
Latina
Valmontone
Capriati
Foggia
Brindisi/S
Brindisi/N
Garigliano
Presenzano
Rossano
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
Même si le réseau italien est moins maillé que le réseau français, les conditions
d'exploitation auxquelles étaient confrontés nos collègues transalpins ne sont
pas très différentes de celles rencontrées à certaines périodes sur le réseau
français à proximité de la Méditerranée. Elles mettent notamment en évidence
l'importance de la règle du "N-1".
A.4.6 ÉTATS-UNIS : LES GRANDES PANNES DE L’ÉTÉ 1996
Trois incidents majeurs ont affecté le réseau ouest américain à l'été 1996, provoquant sa dislocation partielle et la coupure de millions de clients.
Tout commence le 2 juillet, en début d'après-midi, par un défaut monophasé
-amorçage avec un arbre- sur l'une des trois lignes 345 kV qui évacuent la centrale de Jim Bridger dans le Wyoming (2 000 MW répartis sur quatre groupes)
vers l'État de l'ldaho (cf. carte). Cet incident se produit alors que les températures
sont très élevées dans l'Ouest des États-Unis et que les charges et les transits
entre différents États sont, de ce fait, très importants.
Lors de la séquence d'élimination du défaut, une deuxième ligne d'évacuation de
la centrale déclenche du fait d'un mauvais fonctionnement de protection. Pour
éviter la surcharge de la dernière ligne restante, un automate efface 1 000 MW de
production de la centrale. Ceci provoque instantanément une forte chute de tension dans l'Idaho et amorce une chute de tension plus lente avec des oscillations
sur la Pacific Inertie, constituée par l'ensemble des lignes d'interconnexion 500
kV à courant alternatif et continu, qui relient le Nord-Ouest (Washington-Oregon)
au Sud-Ouest (Californie).
Vingt-quatre secondes plus tard, la ligne longue Mill Creek-Antelope déclenche
par surcharge à cause d'un mauvais réglage de sa protection de distance, et provoque, en quelques secondes, une chute de tension au niveau de l'Orégon.
Dès lors, l'incident se généralise et une suite de déclenchements en cascade
conduit à la formation de cinq réseaux séparés. Trente-cinq secondes après le
défaut initial, deux millions de clients, représentant 12 GW de puissance, se trouvent privés d'électricité.
Le 3 juillet, cet incident se répète de la même façon, mais reste confiné à la région de Boise, grâce à du délestage commandé par le dispatching.
Le 10 août, un incident de type similaire se reproduit, coupant 7,5 millions de
clients pour une puissance de l'ordre de 30 GW.
Plusieurs facteurs sont à l'origine de ces incidents :
- une exploitation du Système aux limites,
- une maintenance défaillante (élagage, protections),
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- un mauvais comportement des groupes sur les régimes transitoires,
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
- un échange d'informations insuffisant entre les partenaires au niveau prévisionnel,
- une mauvaise qualité des réglages de certaines protections.
Un rapport a été remis au président des États-Unis, définissant cinq axes de progrès assortis de plans d'action :
- assurer la responsabilité de tous les secteurs ;
- mettre l’accent sur la sûreté Système ;
- améliorer l’information sur la fiabilité du système électrique ;
- étendre la portée des analyses ;
- renforcer le professionnalisme des acteurs.
Ces incidents ont en revanche montré que le découpage des réseaux était une
mesure efficace pour éviter un effondrement complet du système et faciliter la
reprise de service.
ÉTATS-UNIS : été 1996
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
A.4.7 LES GRANDES PANNES DE L’ANNÉE 2003
Plusieurs incidents survenus en 2003 ont mis au premier plan les enjeux de
sécurité d'approvisionnement et de sûreté des systèmes électriques.
Concernant le premier enjeu, les délestages tournants touchant l'Italie le 26 juin
2003, confirmant la crise californienne survenue en 2000-2001, montrent comment des défaillances émergent inéluctablement lorsque les capacités de production et de transport ne sont plus en adéquation avec les consommations à alimenter.
Pour sa part, l'enjeu de maîtrise de la sûreté de fonctionnement est illustré par
les deux pannes spectaculaires présentées ci-après.
A.4.7.1 L'INCIDENT AMÉRICAIN (ÉTATS-UNIS ET CANADA)
DU 14 AOÛT 2003
Cette panne a affecté l'Eastern Interconnection (une des quatre zones synchrones des Etats-Unis) et une partie du Canada. Le réseau concerné s'étend du
Dakota à la côte Est. Son organisation est complexe. Supervisé par Midwest
ISO, il est entrecoupé de réseaux couverts par PJM ; un rapport évoque un
"réseau en gruyère".
La situation avant l'incident est réputée saine bien que les tensions soient
basses sur le réseau de First Energy, tout en restant supérieures aux valeurs
minimales admises (0,92 pu). La consommation est élevée (climatisation), mais
les exploitants ont maîtrisé des situations plus contraignantes les jours précédents. Cependant, plusieurs centres de conduite connaissent des défaillances
de systèmes d'information, qui entraveront l'appréciation des risques encourus
et la réaction des exploitants.
A 14h02 la ligne 345 kV Stuart - Atlanta déclenche (feu de broussailles sous les
conducteurs). Ce fait, peu important en lui-même, va perturber un estimateur
d'état en cours de réactivation.
De 15h05 à 15h41, trois lignes 345 kV reliant le nord et l'est de l'Ohio déclenchent après amorçages avec la végétation. Les forts reports de charges et l'affaiblissement du plan de tension provoquent des déclenchements de lignes et
de groupes de production qui, à partir de 16h10, se succèdent à intervalles de
quelques secondes. Une boucle de transit se crée depuis la Pennsylvanie vers
l'État de New York, puis l'Ontario et le Michigan, pour contourner les liaisons
manquantes.
Le réseau de l'Eastern Interconnexion se coupe selon une ligne est-ouest. Le
sud va rester indemne, mais le nord, isolé, subit de nouvelles séparations et
s’effondre totalement à 16h13, à l'exception de quelques îlots où le comportement des groupes de production et les délestages ont sauvé la situation.
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Annexe 4 - Les grands incidents
à travers le monde
La reprise de service est difficile ; 19 heures après l'incident, 20 % de la consommation reste à réalimenter. Il faudra deux jours pour réalimenter certaines parties des États-Unis, suite en particulier à des problèmes de redémarrage de
groupes de production.
Au total, l'incident a affecté 50 millions de personnes et conduit à la perte d'environ 62 000 MW de consommation dans sept états américains et l'Ontario.
La commission d'investigation a attribué l'effondrement à la conjonction :
- d’une appréciation insuffisante de l'état de dégradation du réseau à First Energy ;
- d’une application de critères inadaptés aux risques d’écroulement du système
de First Energy ;
- d’un manque de maîtrise des besoins d'élagage à First Energy ;
- de la défaillance des organismes chargés de la sûreté du réseau interconnecté
à établir un diagnostic en temps réel.
A.4.7.2 L'INCIDENT SUISSE - ITALIE DU 28 SEPTEMBRE 2003
Vers 3h du matin, l'Italie est fortement importatrice, les capacités d'échange
avec la Suisse et le reste de l'Europe sont saturées. La ligne suisse 380 kV
Mettlen - Lavorgo est chargée à 86 %. Selon les études de sûreté effectuées par
l'opérateur ETRANS, la perte de cette ligne demanderait des actions curatives
sous 15 minutes, certaines à mener par le gestionnaire de réseau italien GRTN.
A 3h01, la ligne amorce avec la végétation et déclenche ; le réenclenchement
s'avère impossible, du fait d'un angle de transport (42°) trop important. Par report de charge, une autre ligne suisse passe en surcharge et au bout de 24 minutes entre en contact avec un arbre et déclenche.
L'incident s'emballe alors, avec, en quelques secondes, le déclenchement d'une
nouvelle ligne suisse par surcharge et la déconnexion automatique de la liaison
Lienz - Soverzene reliant Suisse et Autriche. L'Italie perd le synchronisme et se
sépare du reste du réseau européen par action des protections de distance
équipant les lignes transfrontalières : au vu des tensions basses et des courants élevés, les impédances mesurées correspondent aux critères de déclenchement.
En Italie, la fréquence chute instantanément à 49,1 Hz et la tension s'effondre.
Des installations de production raccordées aux réseaux de distribution, puis 21
des 50 groupes principaux raccordés au réseau de transport déclenchent. Le
délestage fréquencemétrique ne sauve pas la situation ; 2mn30s après la séparation, l'Italie est totalement hors tension.
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Europe vue du ciel pendant le black-out italien
du 28 septembre 2003
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Annexe 4 - Les grands incidents
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Sur le reste du réseau UCTE, la fréquence augmente, mais se stabilise à 50,2 Hz
par action des réglages automatiques primaire et secondaire de fréquence.
Malgré quelques déclenchements de groupes, l'incident est circonscrit grâce à
la réaction majoritairement correcte des différents composants et acteurs du
système électrique.
La reconnexion progressive de l’Italie avec ses voisins de 4h05 à 12h45 permet
la reprise progressive des importations et la reconstitution du réseau, de 6h à
16h. La réalimentation de certaines zones du Sud demandera une vingtaine
d'heures.
Globalement, l'effondrement a affecté 57 millions de personnes, avec coupure
de 28 000 MW pendant plusieurs heures.
A.4.7.3 LES ENSEIGNEMENTS DE CES INCIDENTS 2003
Le retour d’expérience sur ces nouveaux incidents conduit à dégager les points
sensibles suivants :
- la façon dont la maîtrise de la sûreté peut différer selon que le GRT est en charge des infrastructures de transport (cas de la France) ou non (cas de l’Italie actuellement et des États-Unis) ;
- la nécessité d'affirmer le rôle de chef d'orchestre du GRT, en particulier dans
les situations les plus extrêmes où ses ordres doivent être exécutés sans discussion ni retard ;
- le caractère indispensable de l’indépendance des GRT par rapport aux autres
acteurs du marché ;
- l'exigence d'un référentiel de sûreté adapté, dans ses différentes dimensions : directives, lois, dispositions réglementaires, référentiel technique s'appliquant au
GRT comme aux autres acteurs (producteurs, distributeurs, consommateurs, traders,
…) ;
- l'importance des relations contractuelles entre le GRT et les producteurs,
distributeurs et consommateurs, qui imposent le respect de dispositions de
sûreté depuis le stade du raccordement au réseau jusqu'à celui de la conduite, en précisant clairement les engagements de chaque partie et les modalités de contrôle de ces engagements ;
- enfin, l'exigence impérieuse d'une forte coordination entre GRT, aux différentes échelles de temps concernées.
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