Rhumatisme articulaire aigu et rhumatisme poststreptococcique

Rhumatisme articulaire aigu
et rhumatisme poststreptococcique
E. Pertuiset
Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) est une maladie de type auto-immun atteignant avec prédilection
l’enfant. Elle est la conséquence retardée d’une infection pharyngée par un streptocoque du groupe A,
non ou insuffisamment traitée. Elle est probablement liée à un mimétisme moléculaire entre certaines
protéines bactériennes et les tissus cibles. Les signes apparaissent2à3semaines après la pharyngite :
fièvre, atteinte inflammatoire oligoarticulaire ou polyarticulaire migratrice des grosses articulations,
atteinte cardiaque (cardite) dominée par l’endocardite aseptique valvulaire. La cardite est actuellement
évaluée par échocardiographie. Le diagnostic repose sur les critères de Jones (modifiés en 1992), ce qui
nécessite la preuve d’une infection streptococcique récente apportée le plus souvent par le dosage des
anticorps antistreptococciques. Celle-ci peut être absente dans la chorée de Sydenham qui est une
manifestation plus tardive. Le pronostic du RAA repose sur la cardite qui peut évoluer de manière
chronique vers une cardiopathie rhumatismale faite d’une atteinte mitrale et/ou aortique, et peut être à
l’origine d’une insuffisance cardiaque et du décès. Ce risque est augmenté par la survenue d’une rechute
à l’occasion d’une nouvelle infection streptococcique. La prophylaxie secondaire, reposant sur une
antibiothérapie prolongée par la pénicilline, est primordiale pour diminuer la morbidité et la mortalité liée
à l’atteinte cardiaque. Le rhumatisme poststreptococcique (RPS) est un syndrome articulaire proche du
RAA, pouvant survenir chez l’enfant ou l’adulte, mais ne répondant pas aux critères diagnostiques du
RAA. Il comporte un faible risque de cardite. Sa fréquence et sa signification sont diversement appréciées.
Le RAA reste un des grands problèmes de santé publique de notre planète, atteignant principalement les
pays pauvres.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Rhumatisme articulaire aigu ; Rhumatisme poststreptococcique ; Streptocoque ; Polyarthrite ;
Cardite ; Chorée
Plan
Introduction 1
Épidémiologie du rhumatisme articulaire aigu 2
Pathogénie 2
Aspects généraux 2
Facteurs liés au streptocoque A 3
Facteurs liés à l’hôte 3
Mécanismes immunologiques 4
Relations entre rhumatisme articulaire aigu et rhumatisme
poststreptococcique 4
Rhumatisme articulaire aigu 4
Aspects cliniques 4
Examens complémentaires 5
Diagnostic 6
Évolution 7
Rhumatisme poststreptococcique 8
Définition du rhumatisme poststreptococcique 8
Rhumatisme poststreptococcique de l’adulte 9
Traitement 9
Traitement curatif 9
Traitement prophylactique secondaire 10
Traitement prophylactique primaire 10
Traitement du rhumatisme poststreptococcique 11
La question de la vaccination 11
Conclusion 11
Introduction
Le RAA est une maladie auto-immune de connaissance
ancienne qui est la conséquence retardée d’une infection
pharyngée par un streptocoque du groupe A, non ou insuffi-
samment traitée. L’atteinte inflammatoire touche principale-
ment les articulations et le cœur (cardite). Les premières
descriptions du RAA remonteraient au XVII
e
siècle par Guillaume
du Baillou en France, et en Angleterre par Thomas Sydenham
(1624-1689) qui décrivit la chorée qui porte son nom
[1]
.La
relation entre la polyarthrite et la cardite revient à Jean-
Baptiste Bouillaud (1796-1881) dans son « Traité clinique du
14-201-A-10
1Appareil locomoteur
rhumatisme articulaire aigu » publié en 1840. Il laissa son nom
(maladie de Bouillaud) à la forme classique du RAA.
La gravité de l’affection est liée à la cardite et essentiellement
aux atteintes valvulaires qui peuvent évoluer de manière
chronique vers l’aggravation, entraînant une cardiopathie
rhumatismale dont la fréquence et la sévérité augmentent avec
les rechutes. Celles-ci surviennent à l’occasion d’une nouvelle
infection pharyngée à streptocoque A. Le rhumatisme post-
streptococcique (RPS) est un syndrome articulaire proche du
RAA, mais ne répondant pas aux critères diagnostiques du RAA,
et comportant un faible risque de cardite.
Épidémiologie du rhumatisme
articulaire aigu
Le RAA s’observe essentiellement chez l’enfant après l’âge de
2 ans et chez l’adolescent, plus rarement chez le jeune adulte
entre 15 et 25 ans. Une rechute, également considérée comme
un RAA, s’observe particulièrement chez l’adolescent et le jeune
adulte, et aussi jusqu’à l’âge de 45 ans
[2]
. La prévalence de la
cardiopathie rhumatismale séquellaire du RAA augmente avec
l’âge, atteignant son maximum entre 25 et 34 ans
[2]
. Dans de
nombreuses populations, le RAA et ses conséquences sont plus
fréquents dans le sexe féminin que dans le sexe masculin, mais
la cause précise de cette différence est incertaine
[2]
.
Les maladies liées au streptocoque A sont plus fréquentes
dans les pays et au sein des populations les plus pauvres, c’est-
à-dire justement dans des milieux où les données épidémiolo-
giques manquent le plus
[3]
. Carapetis et al.
[3]
ont estimé en
2005 que le streptocoque A était à l’origine de 517 000 décès
par an dans le monde, la maladie la plus en cause étant la
cardiopathie rhumatismale. Les mêmes auteurs ont estimé pour
la cardiopathie rhumatismale une prévalence de 15,6 millions
de malades, une incidence annuelle de 282 000 nouveaux cas et
233 000 décès par an dans le monde
[3]
.
L’incidence du RAA dans les pays développés a commencé à
diminuer au début du XX
e
siècle avant la découverte des
antibiotiques, et cette décroissance s’est accélérée après l’utilisa-
tion des antibiotiques à partir de 1950. Au Danemark, l’inci-
dence du RAA est passée de 250/100 000 en 1862 à 100/
100 000 en 1962
[4]
. Dans les pays développés, l’incidence
actuelle du RAA est faible, inférieure à 2/100 000
[4]
. Depuis le
début des années 1990, de nombreuses études ont rapporté
l’incidence du RAA de par le monde dans la population des
enfants et des adolescents âgés de 5 à 14 ans
[5-14]
. Leurs
résultats sont présentés dans le Tableau 1. L’incidence du RAA
apparaît assez bien reliée au degré de développement du pays,
même si des biais méthodologiques existent forcément dans
certaines études épidémiologiques. En Australie et en Nouvelle-
Zélande, l’incidence du RAA est élevée dans les populations
autochtones.
La prévalence de la cardiopathie rhumatismale séquellaire du
RAA montre les mêmes différences. Chez les enfants et adoles-
cents, elle est élevée dans les pays en voie de développement :
Afrique sub-saharienne 570/100 000, Asie du Sud 220/100 000,
Afrique du Nord et Moyen-Orient 180/100 000, Amérique latine
130/100 000 habitants
[2, 3]
. Elle est importante dans les popu-
lations indigènes d’Australie et de Nouvelle-Zélande (350/
100 000), et faible dans les pays développés (50/100 000)
[2]
.
Les observations faites en Australie et en Nouvelle-Zélande
peuvent faire évoquer une prédisposition ethnique vis-à-vis du
RAA et de ses conséquences cardiaques, mais les différences
observées peuvent ne traduire que les différences de modes de
vie
[2]
.
Aux États-Unis, depuis le milieu des années 1980, on a
observé plusieurs épidémies de RAA survenues au sein des
classes moyennes et dans les régions du centre du pays : elles
faisaient suite à des épidémies de pharyngite streptococcique ou
de scarlatine
[2]
. La principale cause incriminée a été l’arrêt de
la prévention primaire de masse.
Pathogénie
Aspects généraux
Les bactéries à l’origine du RAA sont des streptocoques
b-hémolytiques du groupe A qui appartiennent à une même
espèce : Streptococcus pyogenes. Ce sont des cocci à Gram positif,
groupés en paires ou en chaînettes, négatifs pour l’activité
catalase, aéroanaérobies facultatifs, responsables d’une hémolyse
complète sur gélose enrichie de sang.
Les streptocoques A sont à l’origine d’une large variété de
maladies (Tableau 2) qui se répartissent en infections cutanéo-
muqueuses, infections profondes (satellites de l’infection
superficielle ou par bactériémie), manifestations liées à la
sécrétion d’une exotoxine (scarlatine) et maladies poststrepto-
cocciques de mécanisme auto-immun comprenant d’une part le
groupe du RAA et d’autre part la glomérulonéphrite
poststreptococcique
[15]
.
Si le streptocoque A n’infecte pas les tissus atteints au cours
du RAA, son rôle déclenchant peut être affirmé par un ensemble
d’arguments
[4]
: les épidémies de RAA suivent de près les
épidémies de pharyngite streptococcique ou de scarlatine ; le
traitement antibiotique d’une pharyngite streptococcique
diminue de manière importante le risque de développer un
RAA ; l’antibiothérapie prophylactique diminue les risques de
rechute chez les patients ayant déjà fait un RAA ; il existe chez
une très grande majorité des patients atteints de RAA au moins
un anticorps antistreptococcique dirigé contre un des trois
antigènes que sont la streptolysine O, la hyaluronidase et la
streptokinase.
Classiquement, seules les infections oropharyngées à strepto-
coque A sont susceptibles de causer un RAA. Cette assertion
repose sur de fortes données épidémiologiques et expérimenta-
les
[2]
. Le RAA ne survient pas après une infection cutanée à
streptocoque A, et les épidémies documentées d’impétigo
peuvent entraîner une glomérulonéphrite mais pas un RAA
[15]
.
Tableau 1.
Incidence (nombre de nouveaux cas par an pour 100 000 habitants) du
rhumatisme articulaire aigu chez l’enfant et l’adolescent (5-14 ans) dans
les études publiées depuis 1990.
Publications Pays / sous-
population
Années Incidence
Lennon, 2000
[12]
Nouvelle-Zélande /
Origine européenne
1982-1997 < 10
Cernay, 1993
[7]
Slovénie 1990-1991 0,7
Kermani, 2001
[11]
Algérie 2000 6,2
Eshel, 1993
[8]
Israël 1980-1990 15,5
Carp, 1999
[6]
Roumanie 1999 16,5
Kechrid, 1997
[10]
Tunisie 1990 30
Lennon, 2000
[12]
Nouvelle-Zélande /
Maori
1982-1997 40-80
Kayemba, 1993
[9]
Martinique 1987-1991 53
Lopez, 2001
[13]
Mexique 1994-1999 70
Meira, 1995
[14]
Brésil 1992 360
Carapetis, 2000
[5]
Australie / Aborigène 1987-1996 508
Points forts
Facteurs favorisant le rhumatisme articulaire aigu
Âge : 3-15 ans.
Sexe féminin.
Conditions de vie médiocres : dénutrition, promiscuité,
faible niveau socioculturel.
Vie en pays d’endémie.
Absence de traitement antibiotique des pharyngites et
angines suspectes d’origine streptococcique.
Contacts au cours d’une épidémie de RAA.
Facteurs génétiques.
Antécédents de RAA (risque multiplié par 10).
14-201-A-10
Rhumatisme articulaire aigu et rhumatisme poststreptococcique
2Appareil locomoteur
Néanmoins, le rôle du streptocoque A semble complexe : des
infections répétées par ce germe seraient nécessaires pour
amorcer la réponse immunologique, aussi bien qualitativement
que quantitativement, avant que le premier épisode de RAA ne
survienne
[16]
. Certains auteurs ont émis l’hypothèse selon
laquelle, dans les pays tropicaux, les fréquentes infections
cutanées à streptocoque A auraient un rôle initiateur, voire
déclenchant, du RAA, que ce soit directement ou à l’occasion
d’une infection pharyngée ultérieure
[17]
. Un rôle étiologique
des streptocoques C et G, fréquemment isolés des prélèvements
pharyngés dans les zones tropicales, a été évoqué par
certains
[18]
.
Facteurs liés au streptocoque A
La paroi du streptocoque est constituée de plusieurs couches
qui interviennent dans les caractéristiques antigéniques, la
virulence, la classification et la physiopathologie des infections
streptococciques et poststreptococciques
[1, 2, 4, 19]
. La paroi
cellulaire est recouverte, à l’extérieur, d’une capsule d’acide
hyaluronique dépourvue de propriétés antigéniques, mais dont
l’épaisseur confère un aspect mucoïde à la culture des colonies
en gel d’agarose de sang et est responsable d’une virulence
accrue en s’opposant à la phagocytose.
La paroi comporte plusieurs couches de l’extérieur vers
l’intérieur : les protéines de surface (M, R, T), le groupe carbo-
hydrate ou polysaccharide C et le mucopeptide. Le facteur de
virulence prédominant est représenté par la protéine de surface
M, dont il existe plus de 80 sérotypes différents, car elle inhibe
la phagocytose en diminuant l’activation du complément.
L’organisme peut vaincre cette résistance grâce à des anticorps
spécifiques de la protéine M, anticorps protecteurs contre des
infections récurrentes à streptocoque A portant le même
sérotype M. Le gène codant pour la protéine M, appelé emm,a
été séquencé et comporte un polymorphisme important avec
plus de 100 allèles différents
[20]
. Cette protéineMaune
structure en double hélice alpha, enroulée en spirale, structure
commune avec la myosine et la protomyosine. Elle est faite de
séquences répétées en tandem et appelées A, B et C. Les
2 premiers types de séquence sont très variables, mais les
séquences C sont relativement conservées entre les différents
sérotypes. L’épitope immunodominant semble être constitué par
une séquence peptidique identifiée dans les séquences C, car
elle présente de grandes homologies avec la chaîne bêta de la
myosine cardiaque. À quelques exceptions près, seuls les
streptocoques de groupe A produisent la protéine M.
Le polysaccharide C, constitué de la répétition d’unités de
rhamnose captées par des molécules de N-acétylglucosamine, est
spécifique du groupe et est à la base de la classification de
Lancefield. Il a été décrit une réactivité croisée entre le polysac-
charide C, et tout particulièrement le N-acétylglucosamine, et
des glycoprotéines des valves cardiaques.
Le mucopeptide ou peptidoglycane (composé de la répétition
d’unités d’acide muramique et de N-acétylglucosamine) est la
structure la plus interne de la paroi, lui conférant sa rigidité,
mais elle est faiblement antigénique.
Le streptocoque A sécrète de nombreuses enzymes antigéni-
ques qui provoquent l’apparition d’anticorps spécifiques :
streptolysine O, streptodornase B ou désoxyribonucléase,
streptoNADase, streptokinase (fibrinolysine), hyaluronidase. Il
peut sécréter des toxines pyrogènes responsables de l’exanthème
de la scarlatine.
L’existence de souches de streptocoques A plus rhumatogènes
que d’autres est discutée. Les épidémies survenues aux États-
Unis ont été associées à des souches mucoïdes de streptocoque
A, particulièrement de sérotype M18
[2]
. De manière plus
générale, on a identifié lors des épidémies de RAA des sérotypes
M prédominants (M5, M14, M18, M24)
[4]
. Néanmoins, dans
beaucoup de séries de RAA non épidémiques, les streptocoques
isolés dans le pharynx des enfants atteints de RAA avaient des
sérotypes M très variés et pouvaient être mucoïdes ou non
mucoïdes. Il a été suggéré un rapport entre les caractéristiques
des gènes emm et emm-like, et la capacité du streptocoque A à
entraîner des infections de différentes localisations (peau,
oropharynx) et différents types de manifestations postinfectieu-
ses (RAA, glomérulonéphrite). Les équipes de Salt Lake City
[21]
,
lieu de résurgences épidémiques de RAA, ont mis en évidence
une différence du génotype emm entre les années avec épidé-
mies de RAA (1985 et 1998) et une année sans épidémie (1992).
Les allèles emm3 et emm18.1 étaient surexprimés au cours des
années d’épidémie par rapport à une année de faible incidence
de RAA. Le caractère clonal de ce profil allélique indique un rôle
pathogène possible dans les épidémies de RAA concernées
[21]
.
Dans les pays développés, les souches de streptocoques A
mises en évidence dans l’oropharynx et dans la peau sont
habituellement différentes et deux classes antigéniques, I et II,
ont été identifiées in vitro
[2]
. Les souches de classe II fixent la
fibronectine, produisent un facteur d’opacité du sérum et sont
associées aux glomérulonéphrites poststreptococciques. Les
souches de classe I, qui le plus souvent ne produisent pas de
facteur d’opacité du sérum, sont associées au RAA. Mais la
majorité des travaux effectués dans les régions tropicales ou
subtropicales a conclu à l’absence de relations entre les groupes
génétiques de streptocoques A et les pathologies
[2]
.
Facteurs liés à l’hôte
Un facteur familial et génétique a été suspecté dès le XIX
e
siècle. Les concordances observées chez les jumeaux monozygo-
tes ont fait évoquer le rôle des groupes HLA, mais ce rôle reste
largement discuté
[1]
. Les études génétiques chez les jumeaux
ont montré une association génétique plus forte pour la chorée
que pour les arthrites et la cardite
[2]
. La susceptibilité au RAA
est très probablement polygénique
[4]
.
L’utilisation de techniques moléculaires d’identification des
allèles de classe II du CMH (complexe majeur d’histocompati-
bilité) a permis de mettre en évidence une relation entre des
antigènes HLA de classe II et le RAA
[2, 4]
. Mais les études ne
retrouvent pas les mêmes allèles associés selon les populations
étudiées : HLA DR4 et HLA DR2 chez les Caucasiens, HLA
DR1 et DRW6 chez des Noirs d’Afrique du Sud, HLA DR7 et
HLA DW53 chez des Brésiliens. Dans une population américaine
de race blanche, il a été observé une augmentation de la
fréquence de HLA DRB1.16, avec un odds ratio de 4,3
[22]
. Mais
dans une étude italienne, aucune liaison entre le RAA et un
quelconque gène HLA DRB1 n’a été mise en évidence
[23]
. Cette
diversité des résultats a fait suggérer que le gène en cause était
situé dans la région des gènes HLA de classe II (en déséquilibre
de liaison), mais n’était pas un de ceux-ci.
Tableau 2.
Manifestations pathogènes liées au streptocoque b-hémolytique du
groupe A.
Infections superficielles
Pharyngite (angine) streptococcique
Infection cutanée : impétigo streptococcique de Tilbury Fox
Infections suppuratives profondes
Abcès périamygdalien ou rétropharyngé
Autres infections ORL : mastoïdite, otite, sinusite, adénopathie cervicale
Fasciites / myosites nécrosantes
Bactériémie
Pneumonie
Endocardite infectieuse
Méningite
Arthrite septique
Manifestations liées à la production d’exotoxines
Scarlatine
Syndrome de choc toxique
Fasciites/myosites nécrosantes
Manifestations poststreptococciques non suppuratives
Rhumatisme articulaire aigu
Rhumatisme poststreptococcique
Cardiopathie rhumatismale
Chorée de Sydenham et autres mouvements anormaux d’origine
auto-immune
Glomérulonéphrite poststreptococcique
Rhumatisme articulaire aigu et rhumatisme poststreptococcique
14-201-A-10
3Appareil locomoteur
Une autre piste dans la compréhension des facteurs généti-
ques favorisants est représentée par la mise en évidence d’une
association entre des allo-antigènes spécifiques des cellules B et
le RAA ou la cardiopathie rhumatismale
[2]
. Initialement, des
anticorps monoclonaux ont été développés en immunisant des
souris par des lymphocytes B provenant de patients atteints de
RAA
[24]
. Un de ces anticorps, appelé D8/D17, réagissait avec un
pourcentage plus élevé de lymphocytes B de patients ayant un
RAA ou une cardiopathie rhumatismale qu’avec les témoins.
Cette augmentation de l’expression du marqueur D8/D17 à la
surface des lymphocytes B, présente chez moins de 10 % des
contrôles, a été retrouvée chez 90 à 100 % des patients dans des
études effectuées aux États-Unis, en Russie, en Géorgie, au
Mexique, au Chili et en Israël
[2, 4]
. Il a été mis en évidence une
augmentation, plus modérée, de l’expression de D8/D17 chez
les parents au premier degré. Les anticorps monoclonaux
D8/D17 se fixent sur une protéine non-HLA à la surface des
lymphocytes B et réagissent aussi avec le muscle cardiaque et
squelettique, ou encore avec la protéine M recombinante, ce qui
suggère que l’antigène D8/D17 agirait comme un site de
fixation pour le streptocoque A à la surface des lymphocytes
B
[2]
. Mais cette association n’a pas été retrouvée dans une étude
récente aux États-Unis
[25]
. En Inde, avec la même méthodologie
initiale, d’autres anticorps monoclonaux (PG-12A, PG-13A,
PG-20A) dirigés contre les lymphocytes B ont été trouvés et sont
apparus plus discriminants que les anticorps D8/D17 pour faire
la différence entre malades et témoins
[26]
.
Mécanismes immunologiques
Histologiquement, le nodule d’Aschoff cardiaque est caracté-
ristique : destruction fibrinoïde des fibres de collagène, dépôts
de C3 et d’immunoglobulines, infiltration cellulaire par des
histiocytes d’allure épithélioïde et des lymphocytes T CD4
+
et
CD8
+
. Les lymphocytes T CD8
+
cytotoxiques sont capables
d’entraîner la lyse des cellules myocardiques en culture.
La réponse auto-immune déclenchant le RAA pourrait être
initiée par un mécanisme de mimétisme moléculaire (antigéni-
cité croisée) entre des épitopes présents sur la bactérie patho-
gène et des épitopes présents sur des tissus humains cibles
[15]
.
Les produits de dégradation du streptocoque auraient une
structure moléculaire proche des tissus humains (notamment de
celui des valves cardiaques), ce qui serait à l’origine d’une
réponse immunologique de type auto-immun
[15]
. Les similitu-
des structurales et immunologiques entre la protéine M du
streptocoque et la myosine (à la fois les molécules alpha-
hélicoïdales et coiled-coil) apparaissent essentielles dans le
développement de la cardite du RAA
[2]
. Expérimentalement, des
rats Lewis immunisés avec des protéines M ou des fragments
sélectionnés de la protéine M développent une atteinte cardia-
que à la fois myocardique et valvulaire
[27, 28]
. Les lymphocytes
T des rats ainsi immunisés prolifèrent en présence de la protéine
M du streptocoque A, en présence de la myosine du cœur mais
pas en présence de la myosine du muscle squelettique
[29]
.
Les lymphocytes T CD4
+
des patients ayant une cardiopathie
valvulaire du RAA prolifèrent aussi en présence de la protéine
M du streptocoque A
[2]
. La réponse des lymphocytes T vis-à-vis
de la myosine cardiaque, normalement séquestrée en position
intracellulaire, pourrait être accentuée par la production de
cytokines pro-inflammatoires, faisant intervenir des superanti-
gènes du streptocoque dans la physiopathologie du RAA
[30]
.
Toutefois, c’est l’atteinte valvulaire qui est responsable de la
gravité de la cardite du RAA et la myosine est absente des valves
cardiaques. Le mécanisme de l’atteinte valvulaire reste incertain.
L’atteinte initiale de la valve pourrait être due à la présence de
la laminine, qui est une autre molécule alpha-hélicoïdale coiled-
coil, présente dans la membrane basale et autour de l’endothé-
lium vasculaire du tissu valvulaire cardiaque. En effet, la
laminine est reconnue par les lymphocytes T dirigés contre la
myosine et la protéine M
[31]
. De plus, les anticorps dirigés
contre le tissu valvulaire cardiaque reconnaissent aussi le
N-acétylglucosamine du carbohydrate du groupe A
[2]
. Ces
anticorps sont augmentés chez les patients atteints de RAA et
restent élevés chez ceux ayant une valvulopathie mitrale
résiduelle. Nous ne savons pas si l’atteinte valvulaire initiale est
due aux anticorps ou à la réponse immunitaire à médiation
cellulaire, mais les lésions qui se développent ensuite semblent
déterminées par les lymphocytes T et les macrophages qui
infiltrent le tissu valvulaire
[32]
.
Il a été démontré de longue date que les animaux immunisés
par des antigènes streptococciques développaient des anticorps
sériques pouvant se fixer aux astrocytes
[4]
. Le sérum de patients
atteints d’une chorée de Sydenham contient des anticorps qui
sont spécifiques des cellules caudales. L’absorption de ce sérum
par des antigènes de paroi streptococcique élimine la réactivité
avec les cellules caudales.
Il a été mis en évidence, au sein de 33 lignées de streptoco-
ques A de sérotype M18 responsables d’épidémies de RAA (mais
pas au sein de 13 lignées de streptocoques A non-
M18 responsables de pharyngites), des gènes de bactériophages
appelés speL et speM qui pourraient produire des toxines
pyrogènes jouant un rôle de superantigène
[33]
.
Relations entre rhumatisme articulaire aigu
et rhumatisme poststreptococcique
La question de l’individualité du RPS par rapport au RAA en
tant que maladie reste discutée. Certains auteurs
[34]
les rassem-
blent au sein d’une même entité pathologique, en se basant
notamment sur l’augmentation de l’expression du marqueur
D8/D17 à la surface des lymphocytes B dans les deux entités.
D’autres auteurs pensent qu’il s’agit de deux entités pathologi-
ques distinctes, notamment en se basant sur des différences
génétiques. En effet, il a été observé chez l’enfant, par rapport
à une population témoin, une augmentation de fréquence de
certains allèles du gène HLA DRB1, mais ceci de manière
différente dans les 2 entités cliniques : augmentation de HLA
DRB1.01 dans le RPS, augmentation de HLA DRB1.16 dans le
RAA
[22]
. Toutefois, ce résultat n’a pas été confirmé dans l’étude
italienne de Simonini et al.
[23]
qui a comparé 33 enfants classés
en RPS et 200 témoins. Ces auteurs n’ont retrouvé aucune
relation entre RPS et HLA DRB1.01, ni avec un autre allèle HLA
DRB1.
Rhumatisme articulaire aigu
Aspects cliniques
L’âge du premier épisode de RAA se situe habituellement
entre 3 et 17 ans, et en moyenne vers 9 ans
[35]
. Le début,
parfois progressif, plus typiquement brutal, survient 2 à
3 semaines après une pharyngite. En fait, à l’interrogatoire, la
pharyngite est retrouvée chez 70 % des enfants les plus âgés et
des adultes, mais chez seulement 20 % des plus jeunes enfants.
La présentation clinique du RAA
[1, 2, 4, 36]
n’est pas univoque,
car les différents signes de la maladie ont une intensité variable
et s’associent entre eux de manière variable.
Signes généraux
La fièvre est habituelle, sinon constante, allant de 38 à 40 °C,
sans périodicité particulière, mais avec parfois des acmés au
moment des poussées articulaires. Elle est importante pendant
environ une semaine, puis décroît pour disparaître en 2 à
3 semaines au total. La prise précoce d’antipyrétique diminue la
fièvre, mais il peut persister une tachycardie plus importante
que ne le voudrait l’élévation thermique. Chez l’enfant, des
douleurs abdominales sont possibles en début d’évolution, et
peuvent simuler une appendicite aiguë.
Atteinte articulaire
Elle est présente chez 2/3 des enfants et chez la plupart des
adolescents et des adultes
[15]
. Classiquement, elle entraîne une
polyarthrite aiguë migratrice et fugace, atteignant avec prédilec-
tion les grosses articulations d’abord aux membres inférieurs
puis aux membres supérieurs. L’atteinte (unilatérale ou bilaté-
rale) des genoux (76 %) et des chevilles (50 %) est la plus
fréquente
[4]
. Viennent ensuite par ordre de fréquence les
atteintes des coudes, poignets, hanches et des petites articula-
tions des pieds (12-15 %). Puis celles des épaules et des petites
articulations des mains (7-8 %). L’atteinte isolée des petites
articulations des pieds ou des mains est très rare (1 %). On peut
aussi avoir une atteinte rachidienne lombosacrée (2 %) ou
14-201-A-10
Rhumatisme articulaire aigu et rhumatisme poststreptococcique
4Appareil locomoteur
cervicale (1 %), pouvant notamment entraîner un torticolis
fébrile. Une atteinte des articulations temporomandibulaires
(0,5 %) ou sternoclaviculaires (0,5 %) est rare. De6à16articu-
lations peuvent être atteintes. L’inflammation d’une articulation
donnée dure le plus souvent 2 à 3 jours, mais parfois jusqu’à
8 jours. Le caractère migrateur et fugace ne signifie pas forcé-
ment que l’arthrite d’une articulation disparaît avant le début
de l’atteinte d’une autre, les chevauchements étant fréquents.
L’importance des douleurs par rapport aux signes objectifs est
classique. Dans certains cas (jusqu’à 25 % des cas), le tableau se
limite à une monoarthrite aiguë, le plus souvent d’un membre
inférieur, très inflammatoire et pouvant faire évoquer une
arthrite septique. Un tableau fait de polyarthralgies inflamma-
toires fébriles et migratrices semble de plus en plus fréquent
actuellement, notamment du fait de l’administration précoce
d’aspirine ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Il a été signalé la possible survenue de ténosynovites des
poignets ou des chevilles.
Atteinte cardiaque
Elle est classiquement très fréquente chez l’enfant, présente
dans 90 % des cas. L’utilisation de l’échographie cardiaque avec
doppler (échodoppler) permet de mieux la reconnaître et de
mieux l’évaluer. Néanmoins sa fréquence semble variable selon
les études et elle est nettement plus rare chez l’adulte. Son
intensité est variable selon les patients. Dans une série brési-
lienne ayant porté sur un premier épisode de RAA, la cardite
était absente dans 43 % des cas, peu sévère dans 25 % des cas,
modérée dans 27 % des cas et sévère dans seulement 5 % des
cas
[35]
.
La cardite associe à des degrés divers une atteinte inflamma-
toire aiguë des 3 tuniques cardiaques : endocardite, myocardite
et péricardite. Elle survient typiquement entre le 6
e
et le 15
e
jour, mais peut être plus précoce ou plus tardive. La cardite
s’installe à bas bruit et sa détection nécessite des examens
réguliers cliniques (auscultation cardiaque), électrocardiographi-
ques (ECG), radiographiques et maintenant échographiques.
L’endocardite se manifeste par une insuffisance valvulaire :
insuffisance mitrale responsable d’un souffle systolique de
pointe en « jet de vapeur », plus rarement insuffisance aortique
responsable d’un souffle diastolique « aspiratif » prédominant en
situation latérosternale gauche. La myocardite se manifeste par
des troubles de la conduction auriculoventriculaire mis en
évidence par l’ECG, et dans les formes les plus sévères par une
insuffisance cardiaque gauche. La péricardite est une péricardite
sèche ou avec un épanchement modéré. Elle entraîne des
douleurs thoraciques antérieures (mais peut être indolore), un
frottement péricardique à l’auscultation, des signes ECG
(microvoltage, sus-décalage de ST) et une cardiomégalie. La
pancardite maligne entraîne classiquement une atteinte sévère
des 3 tuniques, à l’origine d’une grave insuffisance cardiaque
aiguë.
L’échocardiographie a démontré le rôle prédominant de
l’atteinte valvulaire par rapport à l’atteinte myocardique
[37]
.La
myocardite, qui n’entraîne pas de nécrose myocardique, est
rarement impliquée dans les formes sévères du RAA. Dans une
étude effectuée en Polynésie française, 95 patients consécutifs
atteints d’un RAA avaient été classés comme n’ayant pas de
cardite (n= 22), ayant une cardite mais sans insuffisance
cardiaque (n= 59) ou ayant une cardite avec insuffisance
cardiaque (n=14)
[38]
. Le taux de la troponine cardiaque n’était
pas différent entre les 3 groupes. La fraction d’éjection du
ventricule gauche (VG) évaluée par échographie était normale
chez tous les patients et n’était pas différente entre les 3 grou-
pes. L’analyse échocardiographique a montré que l’insuffisance
cardiaque était toujours secondaire à une insuffisance valvulaire
sévère. D’autres études vont dans le même sens, comme celle
rapportée par Alehan et al.
[39]
effectuée chez 46 patients
atteints de RAA, où la troponine n’augmentait pas en cas de
cardite et où la fraction d’éjection du VG n’était pas différente
selon qu’il y avait une cardite ou non.
Atteinte cutanée
L’érythème marginé de Besnier (ou érythème annulaire de
Lendhorf) est rare (5 % des cas) mais très évocateur. Il est
typiquement précoce et formé de lésions serpigineuses et
surélevées, indolores et non prurigineuses, de couleur rose ou
rouge plus foncé, d’évolution centrifuge, limitant un centre plus
pâle. Il prédomine au tronc, pouvant diffuser aux membres,
mais respectant la face. Les nodules sous-cutanés de Meynet
(8 % des cas) sont observés presque exclusivement dans les
formes graves, très inflammatoires et avec une cardite. Ils sont
indolores, de consistance ferme, d’une taille variant de quelques
millimètres à 2 cm. On en dénombre en moyenne 3 ou 4. Ils
siègent à la hauteur des articulations et des surfaces osseuses, sur
les tendons extenseurs, au niveau du cuir chevelu et le long de
la colonne vertébrale. Ils persistent 3 à 4 semaines et disparais-
sent sans séquelles. Histologiquement, ils ressemblent aux
nodules d’Aschoff : nécrose fibrinoïde centrale, infiltrat lym-
phoïde, fibroblastes en périphérie.
Atteinte neurologique
L’atteinte du système nerveux central réalise la chorée de
Sydenham ou danse de Saint-Guy (St-Vitus dance pour les Anglo-
Saxons). Elle touche plus souvent les filles que les garçons et sa
fréquence, très diversement appréciée, ne dépasserait en fait pas
5 % des cas
[15]
. Les différences d’appréciation de cette fré-
quence proviennent peut-être du fait que, contrairement aux
autres manifestations du RAA, la chorée survient tardivement,
de 2 à 6 mois après l’infection streptococcique, alors que les
signes inflammatoires biologiques peuvent avoir complètement
disparu. Elle peut d’ailleurs constituer la seule manifestation
clinique de la maladie. La chorée épargne l’adulte, sauf la
femme enceinte chez qui elle peut être particulièrement sévère.
Les signes neurologiques associent des troubles de la concentra-
tion, de l’écriture et du langage, à la chorée en elle-même,
caractérisée par des mouvements désordonnés, explosifs, sans
rythmicité, involontaires et non contrôlables. Ces mouvements
disparaissent pendant le sommeil, sont augmentés par l’effort,
la fatigue, l’émotion, et peuvent interférer avec les mouvements
volontaires. Ils prédominent aux mains et à la face, et sont
fréquemment asymétriques. Ils s’accompagnent d’une faiblesse
musculaire, mais l’examen neurologique objectif est normal.
Classiquement, la chorée guérit spontanément en2à3mois et
sans séquelles. Néanmoins, on a évoqué la possibilité de
séquelles à type de troubles du comportement ou de troubles
obsessionnels compulsifs (TOC).
Examens complémentaires
Syndrome inflammatoire biologique
Le syndrome inflammatoire biologique est constant, sauf
dans la manifestation tardive qu’est la chorée
[1, 2, 4, 36]
.Ilse
traduit par une augmentation de la vitesse de sédimentation
(VS), du fibrinogène, de la protéine C réactive (CRP) et parfois
Points forts
Caractéristiques de l’atteinte articulaire du
rhumatisme articulaire aigu
Atteinte aiguë le plus souvent polyarticulaire, mais avec
des arthrites fugaces et migratrices.
Atteinte préférentielle, unilatérale ou bilatérale, des
grosses articulations des membres (par ordre de fréquence
décroissante) : genoux, chevilles, coudes, poignets,
hanches, épaules.
Atteintes plus rares : petites articulations des mains et des
pieds, rachis lombosacré, rachis cervical.
Importance des douleurs par rapport aux signes objectifs.
Tableaux plus rares : monoarthrite aiguë (10-25%),
polyarthralgies inflammatoires fébriles et migratrices sans
arthrite.
Liquide articulaire inflammatoire et stérile.
Radiographies normales.
Guérison sans séquelles.
Rhumatisme articulaire aigu et rhumatisme poststreptococcique
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5Appareil locomoteur
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