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ou plus en 2100. Une telle hausse moyenne pourrait se
traduire par une montée du thermomètre de l’ordre de
10 °C aux pôles.
Les glaces du Groenland, en voie de disparition © Eric Rignot
Le point sur lequel le rapport de 2013 apporte le
plus d’éléments nouveaux est le bilan de la fonte des
glaces polaires et la contribution de celle-ci à la hausse
du niveau des océans. Le rapport de 2007 avait été
critiqué par les glaciologues parce qu’il ne prenait pas
suffisamment en compte la fonte des calottes polaires
de l’Antarctique et du Groenland. Il n’expliquait pas
non plus suffisamment le rôle des océans. Ce dernier
est désormais beaucoup mieux connu, grâce à la
multiplication des bouées qui mesurent la température
de surface de la mer et celle de l’air, la pression
atmosphérique, les courants de surface, la salinité,
etc. Ces bouées permettent de valider les modèles
d’analyse de la circulation océanique.
L’étude de l’évolution des calottes glaciaires a
également accompli des progrès considérables ces
dernières années, grâce à l’apport de nouveaux
instruments de mesure. Trois méthodes, utilisant des
satellites d’observation, permettent de quantifier les
variations de masse des calottes glaciaires :
• l’altimétrie, qui consiste à mesurer la hauteur d’une
couche de glace grâce à un écho laser ou radar ;
• la gravimétrie, dans laquelle on mesure très
précisément le champ de gravitation de la Terre pour
en déduire la masse d’une couche de glace (ces
mesures sont faites par un système de deux satellites
appelés GRACE) ;
• l’interférométrie, qui permet d’estimer la perte de
masse en mesurant la vitesse d’écoulement de la glace
quand elle se détache.
Ces trois techniques ont transformé complètement le
tableau des connaissances sur l’évolution des calottes
polaires. Les nouvelles observations ont montré que
les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique
fondent à un rythme accéléré sous l’action du
changement climatique. D’après les estimations du
Giec, le Groenland perdait 34 milliards de tonnes de
glace par an entre 1992 et 2001 ; ce nombre est passé
à 215 milliards de tonnes dans la période 2002-2011.
Pour l’Antarctique, la perte était estimée à 30 milliards
de tonnes par an de 1992 à 2001, et serait passée à 147
milliards de tonnes par an dans la décennie 2002-2011.
Une autre estimation, publiée fin 2012 par un
consortium de 47 glaciologues (voir notre article ici),
donne un bilan total à peu près équivalent, mais avec
un contraste plus fort entre les deux calottes : le
Groenland fondrait au rythme de 263 milliards de
tonnes par an, 5 fois plus vite qu’au début des années
1990 ; pour l’Antarctique, la perte serait de 81 millions
de tonnes par an. En fait, la situation de l’Antarctique
est assez différente de celle du Groenland, car elle
est hétérogène : la région est du continent ne fond
pas, elle est même en léger bénéfice ; les pertes
viennent principalement du nord de la péninsule
antarctique et de l’ouest du continent (région de la mer
d’Amundsen).
Schématiquement, le Groenland apparaît plus menacé,
du moins à l’échelle d’un siècle. Va-t-il disparaître ?
« Non, mais il pourrait devenir nettement plus petit,
estime la climatologue Catherine Ritz (Laboratoire de
glaciologie LGGE, CNRS, Grenoble). Le Groenland
peut trouver un nouvel équilibre avec une taille plus
restreinte. Il y a 125 000 ans, alors que le niveau
des océans était plus élevé de 6 mètres que le niveau
actuel, il y avait encore de la glace au Groenland. »
Le cas de l’Antarctique est encore plus complexe :
« La dynamique du continent antarctique n’est pas
encore tout à fait comprise, poursuit Catherine Ritz.
Il existe un point faible dans l’Antarctique ouest,
le glacier Thwaites. S’il se déstabilise, la perte de
glace s’accélérera fortement, mais on ne sait pas
aujourd’hui quelle est la situation exacte de ce
glacier. »