13. Le théâtre : texte et représentation
Shakespeare, Hamlet (1596)
!
page 175 du manuel
Hamlet vu par un metteur en scène
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Le théâtre : texte et représentation
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Enjeux de la représentation dans le théâtre baro
Enjeux de la représentation dans le théâtre baroqu
que
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Observer et analyser
1.
Dans Hamlet, Shakespeare fait intervenir une
troupe de comédiens devant se produire devant la
Cour pour jouer « le meurtre de Gonzague ». Ce
procédé de théâtre dans le théâtre a plusieurs
enjeux : il est largement utilisé dans le théâtre éli-
sabéthain (Le Songe d’une nuit d’été).
Selon Aristote, le théâtre doit être mimesis : il
doit imiter la vie. Or le théâtre n’est qu’artifice,
illusion, dissimulation, travestissement mais c’est
étonnamment de l’illusion que va naître la vérité
que la réalité déguisait. En effet pendant la repré-
sentation, Claudius quittera la salle se trahissant
ainsi et donnant à Hamlet la preuve de sa culpabi-
lité. La mise en abyme permet donc de lever le
voile de l’illusion, caractéristique du Baroque (on
pourra évoquer le trompe-l’œil en architecture).
La mise en scène du théâtre dans le théâtre peut
contribuer à renforcer les caractéristiques
baroques telles que grandiloquence, métamor-
phose, déguisement, surcharge, mouvement, vio-
lence, démesure, excès, folie, liberté, fantaisie,
originalité, contrastes.
Mais l’intrusion du théâtre a un autre but : la double
énonciation. À travers le personnage d’Hamlet,
c’est Shakespeare qui s’adresse au public de son
temps et dénonce à la fois les mauvais comédiens
et les mauvais spectateurs plus avides de ges-
tuelle outrancière : « fendre l’air avec votre main »
(l. 4), « pantomimes inexplicables » (l. 10),
«pitres » (l. 29). Il évoque ainsi l’enjeu du théâtre
qui est selon lui de montrer « au siècle même et à
la société de ce temps quels sont leurs aspects et
leurs caractères » (l. 19). Le personnage permet
donc à l’auteur d’énoncer des vérités et de dénon-
cer les travers de son époque.
2.
Hamlet reproche aux comédiens leur manque
de douceur, ce ne sont que des crieurs. Il men-
tionne le « crieur public » (l. 3) à qui il préférerait
donner le texte plutôt qu’aux comédiens qui le
déclament. Il critique leur façon de « casser les
oreilles du parterre» (l. 8), le « fracas » (l. 10). Le
jeu de l’acteur prend ainsi une tournure grossière
bien loin de la « voix déliée » et de l’« aisance » (l.
2) que préconise Hamlet. Il les accuse ensuite de
toujours gesticuler : « fendre l’air » (l. 3), « ils se
dandinaient » (l. 25), « pitres » (l. 29) imitant
ainsi les acteurs de la Commedia dell’arte, genre
théâtral italien en vogue du XVIeau XVIIIesiècle,
basé sur l’improvisation et le geste. Hamlet pré-
conise d’être « mesurés en tout » (l. 4), la « rete-
nue » (l. 6) ; Il aimerait que soit réglé « le geste
sur la parole et la parole sur le geste » (l. 14), en
fait une sorte de « modération naturelle » (l. 15).
On notera que Shakespeare n’est pas véritable-
ment adepte de la modération mais bien plutôt
des excès et de la démesure propre au Baroque :
ce qu’il revendique est donc davantage la vrai-
semblance et le naturel du comédien.
Dans la dernière réplique apparaît la métaphore
filée animale pour qualifier les comédiens déjà
comparés à de « grands étourneaux » (l. 7). Ils
«beuglaient » (l. 25), ils « singeaient…. l’espèce
humaine » (l.26). Hamlet est dur à l’égard des
comédiens puisqu’il assimile leurs cris à ceux
d’une vache et leur jeu, à celui de primates.
3.
Dario Fo raconte qu’il a vu la pièce jouée par
«une troupe de cabotins » sans talent et qu’il est
«tout de même resté fasciné par l’histoire ». Il
s’écarte donc des propos du personnage
d’Hamlet puisque pour lui le talent semble secon-
daire.
4.
Ce qui prime pour Dario Fo, ce sont les « situa-
tions représentées », « un théâtre de situations ».
C’est donc l’action qui est première ainsi que les
rebondissements : « dans un crescendo diabo-
lique : cadavres, brusques changements de direc-
tion et de situation… ». L’excès, les renverse-
ments de situation, les « coups de théâtre » sont
pour lui les piliers de la représentation, « un
mécanisme génial ».
5.
Le théâtre baroque préconise la surcharge : on
trouve par exemple la multiplicité des situations
et des actions subordonnées à l’action principale.