32 RÉSEAU / PRINTEMPS 2003
Par Michel Bélair *
Sciences & Technologie
l y a déjà plus de 20 ans que Serge
Marchand s’intéresse au phénomène
de la douleur. Pour lui, la douleur n’est
plus ce qu’elle était ! Chercheur émérite,
il a passé la majeure partie des quatorze
dernières années à diriger des laboratoires à l’UQAT,
soit entre 1980 et 2000. Un secteur bien précis de
la recherche qui aura été marqué pendant ce
temps par une série de bouleversements en pro-
fondeur. Mais permettons-nous d’abord un bref
retour en arrière. Alors que Serge Marchand ob-
tenait son baccalauréat, au début des années
1980, le monde scientifique était secoué par les
découvertes et les théories sur la douleur d’un
chercheur montréalais, Roland Melzack. Sa théorie
des « portillons » venait bouleverser les idées re-
çues en nous apprenant que les signaux nerveux
précurseurs de la douleur doivent passer par un
système d’intégration « portillon » qui pourra
augmenter ou réduire leurs activités avant qu’ils
n’arrivent au cerveau. Ainsi une stimulation légère
sur le site douloureux (frotter la blessure) pourra
réduire la douleur (fermer le portillon) dès son
entrée dans la mœlle épinière. La douleur n’est
donc plus perçue comme la résultante unique de
la blessure, mais comme l’intégration d’une série
d’informations facilitantes et inhibitrices. Ses tra-
vaux remarquables sur les membres fantômes – un
membre disparu dont le patient a été amputé mais
qui continue à le faire souffrir – font d’ailleurs encore
Sois sage,
ô ma douleur...
Tout le monde comprend le mot
«douleur». Mais tous, nous savons
aussi à quel point la douleur est une
expérience personnelle: personne
ne souffre de la même façon, de la
même chose, ni au même degré.
Pourquoi? Serge Marchand, de
l’UQAT/ UdeS s’interroge avec nous.
L’Université du Québec
en Abitibi-Témiscamingue et
l’Université de Sherbrooke créent la
Chaire conjointe UQAT-UdeS
en douleur.
32 RÉSEAU / PRINTEMPS 2003
RÉSEAU / PRINTEMPS 2003 33
Serge Marchand
autorité. Sauf que depuis, les tentatives d’explica-
tion des mécanismes de contrôle de la douleur
n’ont pas cessé de se multiplier et, s’il faut en
croire Serge Marchand, on comprend mieux main-
tenant le phénomène dans son ensemble.
«Oui, on connaît beaucoup mieux le phénomène
de la douleur. Nous savons maintenant que l’état
psychologique tout comme la condition physique
d’un patient vont faire varier sa perception de l’in-
tensité de la stimulation douloureuse. Nous connais-
sons mieux le rôle de la mœlle épinière et de certains
récepteurs nerveux bien identifiés qui jouent des rôles
très précis dans la transmission et la perception de la
douleur. Et on a aussi fait la preuve que la fibro-
myalgie, une maladie de plus en plus fréquente impli-
quant une intense sensibilité nerveuse, n’est pas une
somatisation comme on le croyait d’abord. Bref,
même si on n’arrive pas encore à tout expliquer, et
surtout à traiter tous les types de douleur, nous la
connaissons mieux qu’il y a 20 ans.»
Double vocation
Aujourd’hui, Serge Marchand poursuit ses recher-
ches sur le sujet, un pied à Rouyn et l’autre à
Sherbrooke. Depuis la création en février 2002 de
la toute nouvelle Chaire conjointe UQAT-UdeS en
douleur, M. Marchand partage son temps entre
les deux campus.
La nouvelle chaire aura une double vocation axée à
la fois sur la recherche fondamentale et la recherche
clinique auprès des patients. Comme l’explique Serge
Marchand, « nos chercheurs tentent de mieux com-
prendre le rôle des mécanismes endogènes de con-
trôle de la douleur (ceux que l’organisme développe
lui-même) chez des sujets sains et des patients souf-
frant d’une pathologie. Nous essayons, par exemple,
de savoir pourquoi certains patients développent des
douleurs chroniques et d’autres non. Le modèle de
Melzack permet d’expliquer en partie ces mécanis-
mes endogènes de contrôle de la douleur, mais nos
recherches et nos expériences vont au-delà de ce
modèle puisque notre connaissance, des neuro-
récepteurs, par exemple, est beaucoup plus précise.
C’est ainsi que nous nous intéressons de façon spé-
cifique à ce qui se passe lorsqu’il y a un déficit des
canismes descendant du contrôle de la douleur (la
réponse du cerveau en direction de la région stimu-
lée) dans la fibromyalgie. »
L’équipe de recherche de la Chaire UQAT-UdeS en
douleur (Abitibi); Isabelle Gaumond, étudiante au
doctorat, Nancy Julien, professeure-chercheure,
Paule Julien, agente de recherche, et Guylaine
Leblond, infirmière et agente de recherche.
ANNIE BOUDREAU
RÉSEAU / PRINTEMPS 2003 33
CHRISTIAN LEDUC
PHOTO DU BAS :
Serge Marchand,
professeur-
chercheur au
Département des
sciences de la
santé à l’UQAT
et à la Faculté
de médecine de
l’UdeS. Il est
aussi titulaire de
la Chaire
conjointe UQAT-
UdeS en douleur.
* Michel Bélair est
journaliste au
quotidien Le Devoir.
On peut le joindre
pour tout commen-
taire à :
Sciences & Technologie
CHRISTIAN LEDUC
En couplant ainsi recherche fondamentale et recher-
che clinique, le docteur Marchand et son équipe
espèrent combler le fossé parfois béant qui sépare les
travaux en laboratoire et le traitement en clinique.
Parmi les autres champs de recherche au pro-
gramme, soulignons deux secteurs particulièrement
prometteurs : celui du rôle des odeurs et celui des
hormones sexuelles dans la perception de la dou-
leur…
Concrètement, et malgré la distance considérable
qui sépare les deux capitales régionales, le lien entre
les deux universités sera assuré principalement de deux
façons. D’abord par des télé et vidéoconférences régu-
lières entre Rouyn et Sherbrooke, et par un pro-
gramme intensif de stages de recherche effectués dans
l’une ou l’autre des universités par les étudiants-
chercheurs et les professeurs. Sur le campus de
l’UQAT, Serge Marchand sera assisté par Nancy
Julien. Elle supervisera les travaux des étudiants,
alors qu’il verra à tout mettre en place à Sherbrooke.
La nouvelle chaire offre déjà un programme de maî-
trise et de doctorat en médecine clinique à l’Uni-
versité de Sherbrooke.
La sommation
spatiale d’un
patient avec
Nancy Julien,
professeure-
chercheure à
l’UQAT et
responsable-
adjointe du
Laboratoire de
recherche sur la
douleur.
De gauche à droite, les professeurs Suzanne
Dugré, André Gagnon, Daniel Thomas et
Sébastien Savard. Absent sur la photo :
Patrice LeBlanc.
34 RÉSEAU / PRINTEMPS 2003
SOUTIEN DES COMMUNAUTÉS
C’est en décembre 2002 que l’Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue (UQAT) lançait un nouvel orga-
nisme: le Laboratoire de recherche pour le soutien des
communautés (LARESCO).
Loin des ordinateurs vestimentaires et des textiles inte-
ractifs, on se propose ici de donner aux organismes ré-
gionaux un appui scientifique pour les aider à évaluer
leurs interventions et leurs services. LARESCO est com-
posé d’un groupe de professeurs-chercheurs de l’UQAT:
Suzanne Dugré, André Gagnon, Patrice LeBlanc, Sé-
bastien Savard et Daniel Thomas. Ce nouveau lieu de
recherche vise à favoriser les échanges scientifiques dans la communauté tout en encadrant le travail des
étudiants de deuxième cycle en psychoéducation, en travail social et en développement régional. L’équipe du
LARESCO se penche déjà sur plusieurs projets dont l’évaluation de l’implantation du projet Génies des Sages
de la Fédération des clubs de l’âge d’or Abitibi-Témiscamingue-Ungava.
Source : Service des communications de l’UQAT.
En vrac
ARTS MÉDIATIQUES
C’est dans notre numéro d’hiver 2001 que nous vous parlions d’HEXAGRAM (Institut de recherche et de
création en arts médiatiques et technologiques). En septembre 2002, HEXAGRAM se liait au Centre
interuniversitaire en arts médiatiques (CIAM) pour créer le TestLab tec, un laboratoire centrant ses recherches
sur les ordinateurs vestimentaires et les textiles interactifs. L’équipe du laboratoire réunit des chercheurs de
l’UQAM, de l’Université Concordia, de la Société des arts technologiques (SAT) et de l’entreprise Thought
Technology Inc. Au début du mois de décembre 2002, à l’UQAM, le groupe présentait déjà le résultat de ses
premiers travaux. Joanna Berzowska, professeure à la Faculté des arts de Concordia, et auparavant au MIT,
montrait sa plus récente réalisation en tissu interactif, alors que Didier Combatalade, de Thought Technology,
expliquait les relations entre les mesures électromagnétiques du corps et la représentation infographique.
Ce n’est qu’un début: ils poursuivront le combat. Et on vous en reparlera.
Source : Service des communications de l’UQAM.
ANNIE BOUDREAU
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !