Une modélisation ab-initio du
comportement mécanique des matériaux
Amélie Fau *
*Laboratoire de Mécanique des Sols, Structures et Matériaux MSSMat
École Centrale Paris - CNRS
Grande Voie des Vignes, 92295 Châtenay-Malabry, France
e-mail: amelie.fau@ecp.fr
RÉSUMÉ. Grâce à l’amélioration des performances des outils expérimentaux et numériques, la
mécanique des matériaux peut explorer des échelles de plus en plus fines. Une meilleure com-
préhension, voire une prédiction, des phénomènes locaux mis en jeu est alors espérée. Le travail
présenté s’intéresse à la plus petite échelle impliquée dans le comportement macroscopique des
matériaux, c’est à dire les interactions entre noyaux dues aux comportement des électrons, et
notamment aux électrons de valence. L’originalité de ce travail est dans la mise en place des
éléments finis comme outil numérique de résolution de ce problème. Cet outil est validé pour
des systèmes simples. Des outils numériques permettant la résolution de systèmes périodiques
ont été implémentés et sont en cours de validation.
ABSTRACT. Since performances of experimental and numerical tools have been largely improved,
mechanics of materials can explore smaller and smaller scales. A better comprehension, or even
a prediction, of local phenomena are hoped. The work here detailed focuses on the smallest
scale involved in mechanical behavior of materials, i.e. interactions between nuclei due to
electrons behavior and especially to valence electrons. The originality of this work is setting up
finite element method as numerical tool to solve this problem. This tool has been validated for
simple systems. Numerical tools to solve periodic systems have been implemented, and are at
the moment under validation.
MOTS-CLÉS : nanomécanique, calcul ab-initio, modèle Hartree-Fock.
KEYWORDS: nanomechanics, ab-initio calculation, Hartree-Fock model.
2 Prix René Houpert
1. Introduction
Depuis l’analyse du comportement micrométrique du béton qui a permis le déve-
loppement des bétons hautes performances, le génie civil n’a cessé de s’intéresser à
des échelles de plus en plus fines pour améliorer les caractéristiques ou la connaissance
des matériaux. À l’heure actuelle, un nouveau défi se situe à l’échelle nanoscopique,
et les applications potentielles de la nanoscience, et de la nanotechnologie à ce do-
maine sont très nombreuses (Bhuvaneshwari et al., n.d.). Pour l’étude du béton, des
travaux nouveaux sont apparus ces dernières années pour décrire la structure atomique
potentielle de ce matériau complexe et notamment des hydrates de CSH (Pellenq et
al., 2009), appréhender la formation de ces particules (Manzano et al., 2007), ou ins-
trumenter le béton à l’aide de nanotubes pour contrôler sa durabilité (Lebental, 2010).
Ces travaux fédèrent des approches expérimentales et numériques, et sont à la
frontière entre le domaine des grandes dimensions du génie civil et celui des petites
dimensions de la mécanique quantique. D’un point de vue numérique, pour dialoguer
entre ces différents domaines, les méthodes multi-échelles paraissent à terme indis-
pensables. Or, les outils numériques utilisés traditionnellementpar les physiciens d’un
côté, et les mécaniciens de l’autre, semblent trop éloignés pour permettre aisément ce
passage. Ce travail de thèse vise à équiper un modèle ab-initio d’un fonctionnement
par éléments finis lui permettant un dialogue futur aisé avec des modèles traditionnels
méso ou macroscopiques.
L’organisation de ce papier est la suivante. Dans un premier temps, nous présen-
tons le modèle utilisé à l’échelle atomique et son intérêt pour établir le comportement
mécanique des matériaux. La difficulté est la dimension de l’espace de définition du
problème,on expose l’approche de Hartree-Fockpermettant de leverce problèmedans
la quatrième partie. L’originalité de ce travail est développée dans la cinquième partie,
c’est-à-dire, l’utilisation des éléments finis comme outil numérique pour résoudre ces
équations de Hartree-Fock. La dernière partie valide cette approche par divers résultats
numériques.
2. Un modèle quantique multi-dimensionnel
On considère uniquement des cas non-relativistes et stationnaires. L’approxima-
tion de Born-Oppenheimer est appliquée pour nous permettre de décomposer le pro-
blème total en un problème dédié aux noyaux résolu par la mécanique classique, et un
problème dédié aux électrons, développé ci-après. Pour simplifier le développement,
la description des effets de spin n’est pas développée ici.
À l’échelle atomique (Atkins et al., 2005), la structure électronique d’un matériau
est décrite par sa fonction d’onde Ψet son énergie totale E. Ce couple , E)est
déterminé grâce à l’équation de Schrödinger,qui s’écrit en unités atomiques (distances
en Bohr - 1 a0= 5.292 1011 m - et énergie en Hartree - 1 Ha = 4.360 1018 J) :
HΨ = 1
2xΨ + VneΨ + VeeΨ = EΨ,[1]
Une modélisation ab-initio 3
Vee et Vne sont respectivement les potentiels d’interaction électron-électron et
électron-noyau. Hest l’hamiltonien du système, Ψle vecteur propre et Ela fonc-
tion propre de cette équation.
Deux autres conditions doivent être respectées par le système. La probabilité de
présence des électrons sur l’ensemble du domaine doit être égale à 1 et les électrons
doivent satisfaire le principe d’exclusion de Pauli. Donc, le problème satisfait par les
électrons peut s’écrire comme :
HΨ = 1
2xΨ + VneΨ + VeeΨ = EΨ
,Ψ) = 1
Ψ (x1,...,xa,...,xb,...,xNe) = Ψ (x1,...,xb,...,xa,...,xNe).
[2]
La fonction d’onde Ψ, définie dans l’espace des complexes, décrit intégralement
le système. Ce modèle fournit une description physique du matériau uniquement en
terme probabiliste : la répartition de la probabilité de présence des électrons par |Ψ|2.
La question posée est alors quel est l’intérêt d’un tel modèle pour des développements
en génie civil.
3. Intérêt mécanique d’une modélisation ab-initio
Le concept de contrainte peut être développé au niveau atomique (Weiner, 2002),
et les propriétés mécaniques d’un matériau à cette échelle-là peuvent être déduites de
son énergie. Le tenseur des contraintes σet le tenseur d’élastcité Cpeuvent être définis
comme les dérivées de la densité d’énergie par rapport à la déformation εimposée au
réseau nucléaire respectivement au premier ordre et au deuxième ordre :
σ=1
E
ε , C =1
2E
ε∂ε .[3]
Le modèle de mécanique quantique présenté dans la section 2 peut estimer l’éner-
gie totale d’un nanosystème. La dérivée de l’énergie par rapport à la déformation peut
être calculée grâce au théorème de Feynman (Feynman, 1939) , donc si on peut asso-
cier un volume à l’énergie préalablement calculée E, on peut déduire les propriétés
mécaniques et électriques à partir de calculs ab-initio (Nielsen et al., 1985). Ces mo-
dèles de physique quantique ont donc toute leur place dans le champ de connaissance
de la mécanique de l’ingénieur. Ils permettent également de déterminer les potentiels
internucléaires utilisés lors de modélisation par dynamique moléculaire (?).
Le problème [2] qu’on doit résoudre est de dimension 3NeNeest le nombre
d’électrons contenus dans le système. Il ne peut pas être résolu, même numérique-
ment, pour des cas généraux. Dans notre étude, on utilise l’approximation de Hartree-
Fock (Szabo et al., 1989) pour construire un modèle simplifié soluble numériquement.
4 Prix René Houpert
4. Utilisation du modèle de Hartree-Fock pour résoudre le problème
L’approximation de Hartree-Fock propose de considérer comme fonction test un
déterminant de Slater Ψ0construit grâce à un vecteur de fonctions ortho-normales
ΦHF :
Ψ0(x1,...,xNe) = 1
Ne!det ΦHF (x1),...,ΦHF (xNe)
rR3ΦHF ΦHF dx =I
,
avec ΦHF :R3Cet , le produit tensoriel.
Le vecteur ΦHF est solution d’un problème de minimisation sous contraintes ré-
solu grâce au Lagrangien suivant :
LΦHF ,E= (HΨ0,Ψ0) + TrhE · IwR3ΦHF ΦHF
dxi,
Eest la matrice des multiplicateurs de Lagrange permettant d’imposer l’orthonor-
malisation des fonctions, et Tr la trace d’un tenseur. Dans le modèle approché, les
inconnues sont {ΦHF ,E, G}où G désigne les fonctions de Green associées aux ré-
pulsions interélectroniques. Ces inconnues sont définies grâce au système de Fock :
(1
2ΦHF +VenΦHF +T r GΦHF ΦHF GΦHF ,ΦHF =EΦHF
GΦHF = 4πΦHF ΦHF
[4]
L’estimation de l’énergie fournie grâce au modèle d’Hartree-Fock est :
EHF =1
2T r (E) + 1
2ΦHF ,ΦHF +VneΦHF , ΦHF +Vnn.
L’approche de Hartree-Fock a donc permis de remplacer un unique problème défini
dans un espace de dimension 3Neen un grand nombre de problèmes définis indivi-
duellement dans des espaces tridimensionnels.
5. Stratégie numérique mise en place
Dans la littérature, la plupart des calculs quantiques sont réalisés par la méthode
de Galerkin, en considérant une base de dimension finie de fonctions tests (Saad et
al., 2010). Ces fonctions peuvent être des Gaussiennes, des ondes planes, ou des fonc-
tions spécifiques à la mécanique quantiques comme les orbitales hydrogénoïdes, ou
les fonctions de Slater,...Ici, nous mettons en place une stratégie numérique permet-
tant de résoudre ce problème avec des fonctions de bases définies dans l’espace réel :
Une modélisation ab-initio 5
les éléments finis. Contrairement aux fonctions de base traditionnelles de la physique,
les éléments finis n’imposent pas de forme globale aux fonctions tests et permettent
donc un raffinement local.
Nous présentons ici quelques résultats caractérisant cette approche pour des sys-
tèmes simples, c’est-à-dire des atomes ou des molécules linéaires isolées. Dans ce
cas, la dépendance azimuthale est connue ΦHF
i(r, θ, z) = eimiθΦHF
z,i (r, z)où miest
le second nombre quantique de la fonction d’onde ΦHF
i,i`eme composante du vecteur
ΦHF (Breit, 1930). Ce nombre est a priori connu, et le domaine considéré par les
éléments finis est un demi-disque de rayon R.
On calcule ainsi l’énergie d’équilibre du système pour différentes dispositions des
noyaux d’atomes, et déterminons la position d’équilibre (Figure 1).
Figure 1. Calcul d’énergie de la molécule LiH pour différentes distances interato-
miques
Une des qualités de la stratégie utilisée est de pouvoir optimiser le maillage en
fonction de la quantité d’intérêt considérée. La figure 2 présente les maillages obtenus
selon la quantité d’intérêt considérée durant la procédure d’adaptativité.
Pour un système isolé, l’estimation de l’énergie d’un système dépend du rayon
considéré (Figure 3) et converge vers des valeurs en accord avec celle de la littérature.
L’erreur numérique mise en jeu par la troncature du domaine a été étudiée par méthode
duale par l’auteur dans (Fau et al., 2011).
Les résultats présentés dans cette section concernent uniquement des systèmes iso-
lés. Or, les matériaux réels sont en interaction avec leur environnement. Le premier
type de matériaux réels que nous étudions est celui des matériaux périodiques.
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