Les Juifs sont perçus comme un peuple, voire ici une race, et non comme une religion. Le sionisme est
à peine évoqué :"ils voyaient dans Jérusalem leur avenir politique".
Ce court passage des Sept Piliers de la Sagesse" est en fait très dense, ce regard, comme toujours,
nous renseigne autant sur la chose regardée - Jérusalem et les religions présentes- que sur l'homme lui-
même qui regarde.
3 - SON OUVRAGE : LES SEPT PILIERS DE LA SAGESSE
3.1) L'intention de l'ouvrage contenue dans le titre
Lawrence rêvait d'être écrivain, son aventure arabe lui donne l'occasion d'écrire une œuvre épique dans
"ce merveilleux orient". C'est, pétri de l'idéal chevaleresque des croisés, de références bibliques et
coraniques, qu'il se lance dans cette aventure littéraire. Le titre de l'ouvrage n'est pas banal, il est tout un
programme, il ne peut se comprendre qu'avec un minimum de connaissances religieuses.
Les sept piliers font d'abord référence à un proverbe de Salomon (IX, 1) : "La sagesse a bâti ma maison,
elle a taillé ses sept colonnes". La sagesse est la volonté divine, c'est la Sainte Sophie des Grecs, la
maison, est l'univers créé en 7 jours - les 6 jours de la création du livre de la Genèse et le 7ème, jour du
repos divin, du sabbat (jour du repos des Juifs, l'équivalent du dimanche des chrétiens).
Les sept piliers4 font peut-être écho aux cinq piliers de l'islam, le Coran fait souvent référence au chiffre
sept. Allah est le Sage (Sourate II, 32), celui qui "a créé en six jours les cieux, la terre et ce qui se trouve
entre les deux, Il s'est ensuite assis en majesté sur le Trône" XXV, 595
Ces références aux livres sacrés ne sont pas neutres. L'œuvre de Lawrence, celle de l'écrivain, celle de
l'officier anglais, est un nouvel acte créateur. Cette attitude est typiquement juive et chrétienne : l'homme
biblique est co-créateur avec Dieu.6 Il s'agit ici de bâtir un nouvel Orient où la nation arabe aurait toute
sa place au lieu des Turcs. Par contre, l'homme n'est pas Dieu, il n'est qu'un homme avec ses limites. La
création de Lawrence ne s'achève pas, il n'y aura pas d'Etat arabe en Syrie, il n'y a pas de 7ème pilier,
ce 7ème jour bienheureux du repos mérité.
3.2) Situation du passage dans l'ouvrage
"Les sept piliers de la sagesse". L'armée anglaise suscite la révolte des Arabes contre l'ennemi
commun, les Turcs Ottomans. Laurence prend très à cœur cette révolte et tente de créer un
nationalisme arabe. L'œuvre est une route qui va de la Mecque à Damas, non dans le sens religieux
d'un quelconque pèlerinage, ce serait plutôt l'inverse, mais dans le sens politique de la conquête de la
liberté, d'une création de vie pour un peuple longtemps opprimé. "Ces pages dit-il, ne racontent pas le
mouvement arabe, mais la place que j'y tiens". Sa première action se situe dans le désert d'Arabie, le
Hedjaz, il remonte vers le nord en 1917, et pénètre en Syrie ottomane. Il passe selon sa propre
expression du monde nomade au monde paysan, se fait paysan au sens allégorique : "Si nous ne
devenions pas paysans nous-mêmes, notre mouvement de libération n'irait pas plus loin. Il était bon,
pour la Révolte Arabe, d'avoir à changer si tôt de caractère au cours de sa croissance. Nous avions
travaillé désespérément à labourer un sol en friche, tentant de faire croître une nationalité sur une terre
où régnait la certitude religieuse, l'arbre de certitude au feuillage empoisonné qui interdisait tout
espoir…(…). Si nous voulions prolonger la vie du Mouvement, nous devions mordre sur les terres
ornées; sur les villages, où les toits et les champs contraignent et abaissent le regard des hommes. Il
fallait commencer notre campagne par une étude de la carte et des réflexions sur la nature de notre
champ de bataille, la Syrie."
Lawrence se livre donc ici à une véritable analyse géopolitique de cette Syrie ottomane, il décrit la
mosaïque des peuples et des religions, et, dans ce cadre il en vient aux villes dont Jérusalem. On
comprend ainsi dans quel esprit il aborde cette ville : quel intérêt présente-t-elle pour le Mouvement qui
l'intéresse : le nationalisme arabe. La réponse à cette préoccupation est nette: "l'idéal d'un nationalisme
arabe leur était bien étranger".
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008 3/13