The Report at a glance
Density, Distance and Division
16 des 30 aéroports les plus fréquentés
au monde se trouvent aux États-Unis, et
pour 100 Américains, il existe plus de 75
voitures.
L’invention et la propagation de l’auto-
mobile engendrèrent un agrandissement
des villes, accompagné d’un « aplanisse-
ment » prononcé de la densité urbaine au
fur et à mesure des migrations depuis le
centre vers les banlieues. Ce phénomène
contribua à amplifier les économies d’ag-
glomération mais il généra également des
divisions sociales. Le système américain
de finances publiques locales, qui consiste
à utiliser les impôts fonciers locaux pour
financer les services, n’est pas pour favoriser
la redistribution des revenus. Les familles
riches et issues de la classe moyenne peu-
vent éviter de subventionner les autres en se
déplaçant vers les banlieues. Par ailleurs, la
race joue également un rôle : le centre-ville
est essentiellement « noir » tandis que les
zones suburbaines sont « blanches ».
Pour le meilleur ou pour le pire, le Fede-
ral Highway Act de 1956 profita à la crois-
sance du secteur automobile en permettant
la construction du « système Eisenhower
d’autoroutes inter-états ». Au cours d’un
célèbre discours, le président Eisenhower
raconta comment il avait participé, en
tant que jeune officier, au premier convoi
motorisé transcontinental de Washington
D.C. à San Francisco en 1919. Le voyage
prit 62 jours, accumulant en route tous
les retards possibles et imaginables. Au
jour d’aujourd’hui, grâce au réseau en
place, un conducteur peut parcourir une
distance de 4 538 km en deux jours. Des
recherches récentes indiquent que le réseau
de 76 000 km de routes a intégré des zones
rurales anciennement isolées dans l’éco-
nomie nationale et favorisé la croissance
métropolitaine.
Comment ces liaisons ont-elles affecté
la distribution de la population et des acti-
vités économiques ? Paradoxalement, à
mesure que le centre de gravité se déplaçait
vers l’intérieur de l’Amérique du Nord, cet
intérieur — à l’exception des métropo-
les — s’est vidé. Le Missouri compte tout
juste 5,5 millions d’habitants, dont plus
de la moitié se trouvent dans la région du
Grand Saint-Louis. L’expansion des infras-
tructures de transport n’entraîna pas le
déploiement des populations, mais permit
la croissance d’économies d’agglomération
dans un plus grand nombre de villes à tra-
vers le pays. La distribution de la popula-
tion de 2000 se concentre dans les villes,
dans le Nord-Est et sur les côtes, produisant
ainsi ce que l’on appelle la « sigma-conver-
gence », qui correspond à une réduction
des inégalités de revenus entre les États
(voir carte G1.2). Selon une mesure, la dis-
persion des revenus par habitant entre les
États avait, en 2000, diminué d’un tiers par
rapport à son niveau de 1880.
Densité croissante, disparités en
baisse, divisions persistantes
La performance économique des États-
Unis sur le long terme est exemplaire.
L’augmentation du revenu par habitant a
été en moyenne de 1,8 % par an au cours
des 180 dernières années, produisant une
amélioration cumulative qui a multiplié
par 26 la qualité de vie. En parallèle à
cette croissance, les inégalités de revenus
entre les États ont diminué. Les États-Unis
ont développé des économies d’échelle :
d’abord au niveau de l’entreprise, puis au
niveau local, à mesure que les villes se spé-
cialisaient dans l’industrie, et plus tard, au
niveau des métropoles, dans les principa-
les agglomérations urbaines telles que Los
Angeles et New York.
Ils comportent aujourd’hui un ensem-
ble de marchés nationaux de biens et de
facteurs de production extrêmement effi-
caces. Le lieu a toujours un rôle clé dans
la détermination du revenu, mais ce rôle
se cantonne au court terme, ce « court
terme » étant bien plus court qu’il ne l’était
il y a un siècle. Des bouleversements locaux
majeurs tels que l’ouragan Katrina ont bien
moins d’impact sur les perspectives de
croissance qu’auparavant. Après l’exode de
Mariel amenant 125 000 réfugiés cubains
à Miami au début des années 80, les salai-
res régionaux ne connurent pas d’impact
perceptible.
Il en résulte un paradoxe apparent : les
salaires aux États-Unis (réajustés en fonc-
tion du capital humain) sont équivalents
en différents endroits, alors que les activi-
tés économiques sont fortement inégales
sur l’ensemble de l’espace. On vante les
mérites de l’Europe pour son faible niveau
d’inégalité sociale, mais l’Amérique du
Nord est plus égale sur le plan spatial. Et sa
production économique est également plus
efficacement distribuée du point de vue
spatial. La raison : une population active
mobile. Près de 40 millions d’Américains
ont changé de lieu de résidence en 2006.
Chaque année, environ 8 millions d’Amé-
ricains déménagent entre États. En une
décennie, plus d’un quart de la population
change d’État. En surmontant les distances
et les divisions, et en permettant à la popu-
lation et à la production d’être inégales
dans l’espace, grâce à une libre circulation,
le revenu par habitant aux États-Unis est
actuellement à la fois élevé et remarquable-
ment similaire entre les États.
Le défi qu’il reste à relever, pour les
Etats-Unis, est la suppression des divisions.
L’Accord de libre-échange nord-américain
(ALENA) constitue un pas dans cette
direction. Mais il s’agit d’un pas modeste.
Examinons l’intégration des marchés
canadien et américain. Une étude révèle
que les échanges commerciaux parmi
les provinces canadiennes sont bien plus
nombreux qu’entre le Canada et les États-
Unis, contrôlant la distance et l’ampleur
économique (produit intérieur brut) des
partenaires commerciaux, qui sont en l’oc-
currence des États et provinces. 4 Compte
tenu de la taille de la Californie, par exem-
ple, ses échanges avec l’Ontario auraient dû
être 10 fois plus importants que les échan-
ges entre l’Ontario et la Colombie britan-
nique, le voisin canadien le plus proche
de la Californie. En réalité, le commerce
entre l’Ontario et la Colombie britannique
représentait le triple de ses échanges avec
la Californie. Même une des plus minces
frontières du monde a une forte influence
négative sur le commerce.
Le long de leur frontière nord, les États-
Unis partagent 6 419 kilomètres avec le
Canada, la plus longue frontière interna-
tionale non surveillée au monde. La situa-
tion est nettement différente le long de la
frontière sud avec le Mexique. La frontière
est gardée — insuffisamment, d’après de
nombreux citoyens américains — pour
empêcher les immigrants illégaux d’entrer
dans le pays. Des propositions de construc-
tion d’une barrière dressée le long des
3 112 kilomètres de frontière ont même été
formulées. De telles barrières font obstacle
à la convergence entre les pays du continent
nord-américain.
Source : Contribution de Robert A. Margo.
46 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2009