Nous avons demandé au
Père Jean-Marie Gaudeul,
secrétaire du SRI, de
commenter le phénomène
des conversions de
musulmans au christianisme
et de chrétiens à l’islam.
Voici sa réponse :
Des musulmans deviennent
chrétiens et des chrétiens
deviennent musulmans!
Faut-il respecter ces deux
démarches opposées? Faut-il
y reconnaître un appel divin?
« Dieu est plus grand que
nos pensées » (1 Jn 3, 20).
Cette phrase de la Bible doit
être constamment présente à
notre esprit quand nous parlons
des choses de Dieu. Ni les
chrétiens ni les musulmans
ne peuvent réduire Dieu à
ce que leur pensée humaine
comprend de Lui. Il est au-delà.
Dieu veut-Il le triomphe des
uns sur les autres? La réponse
est NON. Dieu n’est pas au
service de nos petites causes,
et sa gloire ne consiste pas
à faire triompher une
communauté sur l’autre. Quel
serait d’ailleurs ce triomphe?
Celui de notre orgueil collectif,
de nos arguments, de nos
combines et de notre puissance
militaire ou médiatique?
Et pourtant il nous appelle.
Oui, les chrétiens, comme les
musulmans, croient que Dieu
appelle chacun à connaître la
Vérité, et à se donner à Lui dans
l’adoration et l’obéissance.
Si tout était parfait en ce monde,
si l’appel de Dieu était
correctement perçu par chacun,
tous entreraient dans l’islam,
selon les musulmans – ou dans
le christianisme, selon les
chrétiens. Mais tout n’est pas
parfait et personne n’est
réellement capable de
comprendre tout ce que Dieu
nous dit et nous révèle. Quand
bien même l’enseignement
que nous avons reçu de nos
Écritures et de notre Tradition
aurait été parfaitement correct…
chacun de nous, chrétien ou
musulman, a sa façon bien à lui
de réinterpréter ce qu’il entend.
Peut-être est-ce que nous vivons
dans des cultures différentes,
et que nous n’avons pas la
possibilité de tout comprendre
des enseignements divins.
Les idées de Dieu, si je puis
dire, sont plus vastes que toutes
les cultures prises ensemble et
nous dépassent. L’un comprend
ceci, l’autre cela…
Certains enseignements nous
sont incompréhensibles jusqu’à
ce que notre culture particulière
parvienne à se fabriquer des
mots nouveaux pour les
exprimer.
Dieu est le Dieu de tous.
Dieu est unique, son appel est
sans doute unique, son
enseignement aussi. Les
musulmans et les chrétiens le
disent bien. Mais il est aussi le
Dieu de tous. Parce qu’Il est
Dieu, Il veille à guider chacun
en l’appelant de la façon qui lui
convient le mieux.
Le musulman peut être
convaincu que l’islam est la
seule vraie révélation. Il prie
Dieu de le guider et se sent
confirmé dans sa foi. Dieu lui
fait sûrement ressentir son appel
à travers l’islam dans tout ce
que cette religion peut contenir
de vérité. Comment ne pas s’en
réjouir?
De même, le chrétien croit que
le Christ est le seul sauveur de
tous les hommes. Il prie le Christ
et se sent aimé, pardonné,
conduit par Lui vers le Père. Là
est son appel!
Il semble cependant que
certains chrétiens et musulmans
n’arrivent pas à se sentir
apaisés dans leur foi. Ces
croyants connaissent donc un
malaise qu’ils ne s’expliquent
pas toujours. Quand ils
rencontrent une autre religion,
le chemin de Dieu y semble
parfois plus vrai, plus pacifiant,
que ce qu’ils avaient compris
jusque là. Les enseignements
qui sont au centre de cette
nouvelle religion correspondent
à ce qui les motive en priorité.
Quand ils prient pour être
guidés, quelque chose en eux
(ou Quelqu’un) semble
reconnaître la Vérité, l’Appel de
Dieu. Ils y répondent.
Ceci ne veut dire ni que leur
religion d’origine n’était que
mensonge ni que leur nouvelle
religion est la seule vraie.
Cela signifie que, pour eux, cette
nouvelle religion leur a permis,
à un moment, d’entendre
l’appel de Dieu comme ils
n’avaient pu le faire avec l’autre.
Sur le plan des consciences
Nous nous plaçons ici sur
le plan des consciences et non
sur le plan des principes. Quels
que soient les principes et les
doctrines, l’appel de Dieu atteint
tout homme au plus profond de
lui-même. C’est là que cet Appel
(da`wa) est décrypté et interprété
par chacun… d’une manière
unique. Certains, cependant,
changent de religion et entrent
dans l’islam ou dans le
christianisme sans aucunement
répondre à un Appel intérieur,
pour des motifs plus ou moins
inavouables. Ceux qui, chrétiens
ou musulmans, acceptent,
sans réagir, ces adhésions
de surface, déshonorent leur
religion et la ravalent au niveau
d’une société vénale et
intéressée qui ne recherche pas
vraiment la gloire de Dieu.
Ce phénomène est analysé en profondeur
par le P. Gaudeul dans son livre Appelés
par le Christ, ils viennent de l’Islam, Le
Cerf, 1991.
LE MYSTÈRE DES CONVERSIONS
Septembre-Octobre 2000 • 35