32 • Questions actuelles
Fiche pastorale :
Le Catéchuménat
Constat
En France, il y a des demandes de baptême
venant de personnes originaires de la tradi-
tion musulmane. L’expérience a montré que
ces démarches doivent être traitées avec pru-
dence et discernement. En France, certaines
entrées en christianisme n’ont pas posé de
questions majeures, d’autres ont provoqué de
douloureux déchirements.
Des questions
Comment servir au mieux la liberté reli-
gieuse de la personne et laider à répondre
aux appels de lEsprit?
Laccompagnateur a-t-il reçu une formation
sur la tradition musulmane, une connaissance
au moins élémentaire de la démarche reli-
gieuse et éthique de l’islam ainsi quune
compréhension des convergences et des di-
vergences entre le christianisme et lislam?
Faut-il informer la famille?
Quand faut-il informer la paroisse?
Des convictions
A) Une qualité de l’accueil et du discernement
En face de ce type de catéchumène, entre
réticence et précipitation, cest l’écoute ami-
cale qui doit prévaloir. Le catéchumène, en
demandant le baptême, saventure peut-être
dans un monde très nouveau pour lui. Lac-
cueil devrait lui permettre une liberté dex-
pression et la certitude d’être entendu.
Bien quil existe différents courants de
pensée dans le monde musulman, il reste le
plus souvent difficile, pour une personne
originaire de la tradition musulmane, de
faire le pas vers le christianisme et de se
lier à une communauté chrétienne, ce qui
peut éventuellement conduire à une rupture
avec les siens.
Le Service national du catéchuménat,
s’inscrivant dans l’esprit du document
« Catholiques et musulmans : un chemin de
dialogue » et des fiches pastorales qui l’ont suivi
(surtout celle intitulée « Catéchuménat »), a créé
une série de dix fiches de travail (voir encadré
p. 33) destinées à aider les accompagnateurs
de catéchumènes provenant de l’islam. Nous
proposons ici la fiche « Catéchuménat » et un
extrait de l’introduction à l’ensemble des fiches
du Service national du catéchuménat.
En répondant aux demandes de baptême venant
de personnes originaires de la tradition musulmane
il faut être prudent et exercer un grand discernement.
Ces personnes, qui risquent de rencontrer des
difficultés propres à leur situation, auront besoin
d’une écoute amicale pour qu’elles puissent s’exprimer
librement. La pédagogie employée doit être adaptée
aux dispositions du catéchumène et donc prendre en
considération la richesse de la foi musulmane (le sens
de Dieu, de la morale, etc.).
Le Catéchuménat diocésain peut donner des conseils
utiles lors de la démarche catéchuménale [voir le texte
de la fiche]. Il est essentiel que le catéchumène soit
vraiment inséré dans la vie de la communauté
ecclésiale. L’accompagnateur aura donc à veiller à
cette insertion et à aider la communauté à comprendre
son rôle dans cette démarche.
Les fiches ont été préparées par une commission de
huit personnes qui ont travaillé sur le projet pendant
deux ans sous la responsabilité du Service national du
catéchuménat. Elles ont été faites, selon les mots du
directeur du Service, « dans le souci de rendre
transparentes les pratiques daccompagnement, afin
d’éviter tout soupçon et de respecter la liberté de
chacun ».
L’ensemble des fiches pastorales a été publié dans Documents
épiscopat, n°6-7, avril 1999 (prix : 35 F). Lensemble des fiches du
Service national du catéchuménat, intitulé « Catéchumènes venant
de lislam », a été édité par ce Service en octobre 1999 (prix : 35 F).
RÉSUMÉ
PERSPECTIVES
FICHE DE LECTURE
Catéchumènes venant
de la tradition musulmane
réalisations communautaires auxquelles ils
seront associés. Il relève de la responsabilité
des accompagnateurs dinterpeller la commu-
nauté chrétienne et de veiller, dans le long
terme, à une insertion qui peut être laborieuse
dans les débuts, sans oublier avant ou après
le baptême la discrétion nécessaire pour ne
pas nuire au cheminement des néophytes.
La venue de ces nouveaux chrétiens repré-
sente une richesse pour l’Église. Il importe
quils puissent faire entendre dans l’Église
une parole marquée par la nouveauté de leurs
découvertes et de leur culture dorigine.
La pastorale de laccueil par la communauté
chrétienne qui lintègre doit être vue comme
une priorité.
Une réflexion sur la catholicité de l’Église,
laccueil des cultures et le dévoilement évan-
gélique quelles apportent au sein de l’Église
ne doit pas être oubliée.
B) Une pédagogie adaptée
Le catéchumène peut être marqué par une
pratique antérieure de lislam ou par la cul-
ture héritée dun milieu musulman. Il faut te-
nir compte du sens de Dieu, de la Révélation,
de la morale, du sens de lhomme et de la
communauté quil peut avoir du fait de son
itinéraire personnel.
On veillera donc à faire connaître les pers-
pectives de l’Église à l’égard des autres reli-
gions et des croyants de ces autres religions.
Cette disposition permettra au catéchumène
de mieux se situer par rapport aux croyants
de lislam et de porter le souci du monde mu-
sulman au sein de la communauté chrétienne.
Des orientations
La consultation du Catéchuménat diocésain,
dès laccueil du candidat au baptême, est in-
dispensable.
A. Par rapport au catéchumène
Avoir donné des signes manifestes datta-
chement au Christ, avoir des connaissances
suffisantes de la foi chrétienne et être pleine-
ment conscient de la démarche propre au
christianisme.
Être majeur de la majorité légale en vi-
gueur en France ou dans le pays dont le caté-
chumène a la nationalité.
Être indépendant financièrement ou avoir
montré que cette indépendance financière
était cherchée avec réalisme.
Avoir informé si possible le (la) conjoint(e)
ou le (la) futur(e) conjoint(e).
Mettre au courant les proches (amis, famille,
etc.) dans la mesure où cela est possible.
Avoir conscience des problèmes posés aux
siens et à la communauté musulmane par son
adhésion au christianisme. Être prêt à en as-
sumer concrètement les conséquences, sur-
tout si le candidat doit vivre dans une société
musulmane traditionnelle.
B) Par rapport à l’Église
Au cours de la démarche catéchuménale, se
pose, plus que pour dautres, la question de
linsertion dans la communauté ecclésiale. Les
différences culturelles et raciales peuvent pro-
voquer la crainte dun milieu inconnu et de
mentalités nouvelles à affronter. Mais les mu-
sulmans ayant généralement un sens très dé-
veloppé de la communauté, les catéchumènes
seront sensibles à la qualité de laccueil et aux
Septembre-Octobre 2000 33
Voici les titres des fiches de travail proposées par
le Service national du catéchuménat (voir « Fiche
de lecture » p. 32) aux accompagnateurs des
catéchumènes venant de la tradition musulmane :
Lempreinte culturelle et religieuse de lislam
Islam et christianisme
Leur rapport à la communauté musulmane et
à la famille
Leur rapport à la société française
Les motivations rencontrées
La conversion : un retournement du cœur vers Dieu
Laccueil et le discernement
Laccompagnement du catéchumène
Des critères pour ladmission au baptême
Vers une insertion dans l’Église
Lensemble de fiches est accompagné dune
Introduction dont nous proposons un extrait ici
(voir p. 34) et de deux annexes où on peut trouver
des données pratiques (témoignages et une
bibliographie).
(Dans la présentation du dossier, le directeur
du Service national du Catéchuménat explique
que ces fiches ont été faites « dans le souci de rendre
transparentes les pratiques daccompagnement,
afin d’éviter tout soupçon et de respecter la liberté
de chacun ». Ainsi, à leur manière, elles contribueront
« à favoriser un chemin de dialogue et de rencontre ».
Pour tous renseignements, contacter le Secrétariat du Service national
du Catéchuménat, 4 avenue Vavin, 75006 Paris ; Tél. 01 43 54 45 43.
DIX FICHES DE TRAVAIL
Catéchumènes venant
de lislam : Introduction
État de la question
Il est devenu fréquent de rencontrer dans
l’Église catholique des candidats au baptême
venant de lislam. Cest une réalité relative-
ment nouvelle. Ces demandes de baptême
soulèvent des questions particulières compte
tenu de lexpérience religieuse et humaine
des candidats, de leur milieu dorigine, de leur
culture et de leur situation en France. Cest
pourquoi une réflexion prolongée leur est de-
mandée avant quils ne sengagent dune fa-
çon définitive par le baptême. ()
Qui sont ces candidats au baptême ?
Il y a chez eux une grande variétédorigine et
de parcours dans lapproche du christianisme.
Il existe en premier lieu la diversité au niveau
de la culture. Sil sagit souvent de personnes
originaires du Maghreb, il y a aussi des de-
mandes de baptême de la part de personnes
originaires dAfrique Sub-Saharienne, de
Turquie, du Proche-Orient, de lOcéan Indien
et dAsie. Certains dentre eux, tels que les
jeunes de la seconde génération, sont déjà in-
sérés dans la société française. Dautres sont
encore profondément marqués, dans leur vie
personnelle comme dans leurs relations so-
ciales, par leur culture dorigine.
En ce qui concerne les appartenances so-
ciales, les catéchumènes se situent dans dif-
férents milieux. Souvent cette appartenance
sociale nest pas aussi précise que pour des
candidats français. Ainsi il est fréquent quun
travailleur immigré sans qualification profes-
sionnelle ait un fils étudiant en faculté. Il ny a
pas ditinéraire type. On rencontre parmi ces
catéchumènes :
des jeunes adultes de la seconde génération,
des fils ou filles de couples islamo-chrétiens,
des immigrés de longue date,
des jeunes ou des adultes en rupture avec
leur tradition pour des raisons personnelles,
des personnes ayant eu une longue expé-
rience religieuse dans lislam,
des personnes ayant été précédemment
marquées par une pensée traditionnelle «is-
lamiste »,
des personnes marquées par la sécularisa-
tion ambiante,
des adultes se tournant vers le christia-
nisme à partir dun appel intérieur,
des jeunes ou des adultes en relation avec
des chrétiens,
des jeunes et des adultes ayant connu le
christianisme par la Bible ou des émissions
religieuses.
Même si le candidat au baptême a peu de
connaissance de lislam, il sera très habituel-
lement marqué par une certaine culture isla-
mique du fait de sa famille et de son milieu
dorigine.
Un cheminement catéchuménal
particulier
Parfois le choix du christianisme pose des
questions très sérieuses pour la famille du
catéchumène qui risque dy voir une erreur
grave et un abandon de la communauté
musulmane (Umma) considérée comme la
«Meilleure des Communautés». Doù les
risques de rejet du milieu dorigine.
Il sera habituellement difficile, pour le caté-
chumène lui-même, de quitter la communauté
musulmane (car le sens communautaire est
très développé dans le monde musulman), et
de perdre ainsi des relations importantes
pour lui.
Certains ont rencontré ou rencontrent
encore de grandes difficultés matérielles et
sociales (titre de séjour, chômage, crise
didentité, etc.).
Il arrive aussi que des catéchumènes
éprouvent de linquiétude en abordant le
milieu chrétien encore très mal connu.
Compte tenu de toutes ces raisons, il est
possible que le catéchumène ait connu un
cheminement difficile et parfois douloureux.
De plus, les itinéraires suivis par ces caté-
chumènes pour en arriver à poser la question
du baptême sont très différents. Mais ils vi-
vent souvent une démarche catéchuménale
de qualité marquée par une grande générosité
et une volonté dattachement au Christ.
Quoiquil en soit, la nature particulière de
ces cheminements et lorigine de ces caté-
chumènes demandent une attention particu-
lière et un accompagnement adapté. Et sil
importe de procéder avec prudence et discer-
nement, les accompagnateurs nont cepen-
dant pas à craindre de sengager dans cette
démarche.
34 Questions actuelles
Nous avons demandé au
Père Jean-Marie Gaudeul,
secrétaire du SRI, de
commenter le phénomène
des conversions de
musulmans au christianisme
et de chrétiens à lislam.
Voici sa réponse :
Des musulmans deviennent
chrétiens et des chrétiens
deviennent musulmans!
Faut-il respecter ces deux
démarches opposées? Faut-il
y reconnaître un appel divin?
« Dieu est plus grand que
nos pensées » (1 Jn 3, 20).
Cette phrase de la Bible doit
être constamment présente à
notre esprit quand nous parlons
des choses de Dieu. Ni les
chrétiens ni les musulmans
ne peuvent réduire Dieu à
ce que leur pensée humaine
comprend de Lui. Il est au-delà.
Dieu veut-Il le triomphe des
uns sur les autres? La réponse
est NON. Dieu nest pas au
service de nos petites causes,
et sa gloire ne consiste pas
à faire triompher une
communauté sur lautre. Quel
serait dailleurs ce triomphe?
Celui de notre orgueil collectif,
de nos arguments, de nos
combines et de notre puissance
militaire ou médiatique?
Et pourtant il nous appelle.
Oui, les chrétiens, comme les
musulmans, croient que Dieu
appelle chacun à connaître la
Vérité, et à se donner à Lui dans
ladoration et lobéissance.
Si tout était parfait en ce monde,
si lappel de Dieu était
correctement perçu par chacun,
tous entreraient dans lislam,
selon les musulmans ou dans
le christianisme, selon les
chrétiens. Mais tout nest pas
parfait et personne nest
réellement capable de
comprendre tout ce que Dieu
nous dit et nous révèle. Quand
bien même lenseignement
que nous avons reçu de nos
Écritures et de notre Tradition
aurait été parfaitement correct
chacun de nous, chrétien ou
musulman, a sa façon bien à lui
de réinterpréter ce quil entend.
Peut-être est-ce que nous vivons
dans des cultures différentes,
et que nous navons pas la
possibilité de tout comprendre
des enseignements divins.
Les idées de Dieu, si je puis
dire, sont plus vastes que toutes
les cultures prises ensemble et
nous dépassent. Lun comprend
ceci, lautre cela
Certains enseignements nous
sont incompréhensibles jusqu’à
ce que notre culture particulière
parvienne à se fabriquer des
mots nouveaux pour les
exprimer.
Dieu est le Dieu de tous.
Dieu est unique, son appel est
sans doute unique, son
enseignement aussi. Les
musulmans et les chrétiens le
disent bien. Mais il est aussi le
Dieu de tous. Parce quIl est
Dieu, Il veille à guider chacun
en lappelant de la façon qui lui
convient le mieux.
Le musulman peut être
convaincu que lislam est la
seule vraie révélation. Il prie
Dieu de le guider et se sent
confirmé dans sa foi. Dieu lui
fait sûrement ressentir son appel
à travers lislam dans tout ce
que cette religion peut contenir
de vérité. Comment ne pas sen
réjouir?
De même, le chrétien croit que
le Christ est le seul sauveur de
tous les hommes. Il prie le Christ
et se sent aimé, pardonné,
conduit par Lui vers le Père. Là
est son appel!
Il semble cependant que
certains chrétiens et musulmans
narrivent pas à se sentir
apaisés dans leur foi. Ces
croyants connaissent donc un
malaise quils ne sexpliquent
pas toujours. Quand ils
rencontrent une autre religion,
le chemin de Dieu y semble
parfois plus vrai, plus pacifiant,
que ce quils avaient compris
jusque là. Les enseignements
qui sont au centre de cette
nouvelle religion correspondent
à ce qui les motive en priorité.
Quand ils prient pour être
guidés, quelque chose en eux
(ou Quelquun) semble
reconnaître la Vérité, lAppel de
Dieu. Ils y répondent.
Ceci ne veut dire ni que leur
religion dorigine n’était que
mensonge ni que leur nouvelle
religion est la seule vraie.
Cela signifie que, pour eux, cette
nouvelle religion leur a permis,
à un moment, dentendre
lappel de Dieu comme ils
navaient pu le faire avec lautre.
Sur le plan des consciences
Nous nous plaçons ici sur
le plan des consciences et non
sur le plan des principes. Quels
que soient les principes et les
doctrines, lappel de Dieu atteint
tout homme au plus profond de
lui-même. Cest là que cet Appel
(da`wa) est décrypté et interprété
par chacun dune manière
unique. Certains, cependant,
changent de religion et entrent
dans lislam ou dans le
christianisme sans aucunement
répondre à un Appel intérieur,
pour des motifs plus ou moins
inavouables. Ceux qui, chrétiens
ou musulmans, acceptent,
sans réagir, ces adhésions
de surface, déshonorent leur
religion et la ravalent au niveau
dune société vénale et
intéressée qui ne recherche pas
vraiment la gloire de Dieu.
Ce phénomène est analysé en profondeur
par le P. Gaudeul dans son livre Appelés
par le Christ, ils viennent de lIslam, Le
Cerf, 1991.
LE MYSTÈRE DES CONVERSIONS
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