Dans le sillage du 17 avril, journée mondiale
des luttes paysannes, Entraide et Fraternité
propose une analyse qui interroge
l’accessibilité sociale des alternatives
alimentaires. Alors que la journée des luttes
paysannes est l’occasion de rappeler la
nécessité d’une « révolution
agroalimentaire » en marche à travers le
monde, il est également utile de se demander
qui sont les acteurs impliqués dans ce
mouvement et quels sont ceux qui en sont
exclus.
Depuis une dizaine d’années, l’alimentation
locale connaît un succès grandissant en
Belgique et ailleurs dans le monde. Ce
mouvement se traduit principalement par le
développement et la diversification
d’alternatives autour d’une alimentation hors
des circuits conventionnels de l’agro-
alimentaire, et qui est porteuse de valeurs
plutôt que guidée par une logique de
marchandisation. Ces alternatives cherchent à
répondre à des enjeux sanitaires,
environnementaux, sociaux, … en diminuant
le nombre d’intermédiaires pour relocaliser
l’alimentation. Les portes d’entrées sont
nombreuses pour les acteurs de ces réseaux :
adopter une alimentation plus saine, porter
une forme de solidarité concrète vis-à-vis
d’agriculteurs, diminuer l’impact écologique
de son alimentation, recréer des liens de
convivialité autour de l’alimentation, …
Si les groupes d’achats communs et les
circuits courts ont constitué une des premières
formes de cette alimentation alternative, ils
sont aujourd’hui loin d’en constituer la seule :
potagers urbains, épiceries bio, supermarchés
coopératifs, ventes en ligne, mais aussi
animations variées autour de l’alimentation
durable, cours de cuisine, … Cette évolution
témoigne de l’importance croissante de
l’alimentation locale en Belgique, mais aussi
de sa transformation par l’entrée en scène
d’une diversité d’acteurs parmi lesquels les
institutions publiques -ce qui est notamment
le cas de la stratégie Good Food de la Région
de Bruxelles Capitale
-. Dès lors, si l’esprit
militant des premières alternatives demeure,
on ne peut comprendre ce mouvement
aujourd’hui sans analyser sa part
d’institutionnalisation (Pleyers, 2017 [à
paraître]).
La critique de l’accessibilité
Rapidement, ces « réseaux alimentaires
alternatifs » (RAA) ont fait face à la critique
d’un certain élitisme social dont ils sont
porteurs. Ainsi, des auteurs (voir notamment
Allen, 2004 ; Verhaegen, 2012) ont pointé le
fait que les membres de ces réseaux
alimentaires alternatifs étaient marqués par un
capital social et culturel relativement élevé.
Aux Etats-Unis, cette critique s’articule
fortement avec celles des dominations
raciales, la « blancheur » qui caractérise le
food movement ayant également été pointée
(Guthman, 2011). En réponse à ce constat
partagé, un food justice movement a émergé