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Le Courrier des addictions (8), n° 1, janvier-février-mars 2006
fréquentes chez les personnes d’origine
asiatique que chez les autres.
Le bétel induit également une ulcération de
la muqueuse gastrique avec diminution de
la production locale de mucus (lésion
réversible sous cimétidine).
Chez la femme enceinte, la prévalence de
grossesse pathologique est très fortement
augmentée. Avec notamment des retards de
croissance in utero imputés à l’effet délétère
de l’arécoline sur le fœtus qui vient s’ajou-
ter à celui du tabac. En dehors de la gros-
sesse, la consommation chronique de bétel
est associée à un risque accru de dyspla-
sie du col de l’utérus.
Comment gagner du terrain
sur la gouvernance des étoiles
C’est riche de ce “savoir” tout neuf que je
revois Monsieur B., 15 jours après notre pre-
mier entretien. Peut-être encore un peu plus
que d’habitude, j’avais en tête de construire
l’alliance thérapeutique. Je m’efforce de lui
faire comprendre qu’elle sera la durée pro-
bable des soins. Je lui parle de pouvoir “tra-
vailler” les prochaines fois avec un interprète...
J’évoque l’importance de l’aspect psycholo-
gique dans toute dépendance. J’énumère les
types de médicaments qui pourraient éventuel-
lement l’aider. De l’autre côté du bureau, aucu-
ne manifestation affective. Visage lisse... pro-
pos affable... hochements de tête que je prends
comme autant d’acquiescements. Je prescrits
un antidépresseur et un anxiolytique (Effexor®
+ Lexomil®). Et ensemble, me semble-t-il,
nous convenons d’un rendez-vous pour la
semaine suivante : il reviendra en juin 2005.
Soit 3 ans plus tard après avoir demandé expli-
citement à la secrétaire un rendez-vous avec
moi ! À peine assis en face de moi: “Vous vous
souvenez, docteur ?” Oui, oui, je me souvenais
très bien. Et de tout mon travail. Et de mon
dépit quand, avec le temps et malgré une relan-
ce épistolaire, il s’est avéré qu’il ne reviendrait
plus. Sa consommation n’avait pas changé.
L’examen clinique était toujours normal, hor-
mis les dents. Mais il demandait cette fois des
médicaments “plus forts” ! Pourquoi ce retour
maintenant ? Parce que… selon ses calculs
astrologiques, c’était le bon moment !
Pourquoi ces trois ans de silence ? Parce que,
toujours selon les astres, les “bons moments”
sont fugaces et que celui-ci était passé ! Mais
là, il est sûr de lui : il aura arrêté fin juillet et
partira sitôt après en Inde pour quelques mois.
C’était évident d’après les critères de l’astrolo-
gie indienne qu’il pratiquait assidûment.
Il honorera régulièrement ses rendez-vous pen-
dant un peu plus d’un mois. Brève régularité
au cours de laquelle j’apprendrai un épisode
ancien d’alcoolisation chronique pour lequel il
aurait été hospitalisé quelques jours. Un sevra-
ge encore efficace aujourd’hui grâce, selon lui,
à un remède “miracle” qui lui a donné le
dégoût de l’alcool. Il était encore en Inde à
l’époque et réclame aujourd’hui avec âpreté la
même immédiateté dans l’efficacité des médi-
caments que je lui prescrits pour le Tulsi. Hélas !
Cela ne marche pas comme il l’envisageait.
Les 40 gouttes de Tercian®en quatre prises le
font dormir toute la journée et diminuent de
fait les prises de produit ce qui le remplit d’es-
poir. Mais la réduction de posologie en favori-
sant la veille voit ré-augmenter les consomma-
tions, ce qui le pousse à me demander des
médicaments encore plus forts, mais “qui ne le
fassent pas dormir”. Jusqu’à ce jeudi où il me
tend le relevé de ses prises des derniers jours :
lundi, 5 fois, mardi 10 fois, mercredi, 10 fois.
De fait, il a réussi à diminuer. Il a rendez-vous
avec le dentiste dans quelques jours. Il retra-
vaille à la journée avec en vue un contrat de 3
mois et repousse d’autant le voyage prévu en
Inde. Mais il ne valorise pas cette évolution,
pourtant positive, et me confronte à chaque
consultation à mon impuissance à le guérir.
“Vous êtes sûre, docteur, qu’il n’y a pas de
médicaments plus forts ?” tout en se plaignant
toujours de somnolence. Je diminuerais de
moitié le Tercian®en étalant un peu plus sur le
nycthémère avec une prise toutes les 2 heures
et, si besoin, entre temps d’avoir quelque
chose en bouche, je conseille des comprimés
à mâcher d’un sédatif homéopathique. Grâce
à quoi, il réussit à “tenir” 5 heures durant. Et
puis, pour le détourner du Tulsi, j’évoque son
autre passion : l’astrologie. Chaque jour, il y
travaille plusieurs heures. Et il se met à me
décrire, avec la gourmandise de celui qui étale
ses connaissances, les événements qui, selon
lui, se dérouleront dans les prochains mois
dans différents pays et pour quelques chefs
d’État. Emporté par son élan, il va jusqu’à me
proposer de me ramener la prochaine fois ce
qu’il pense pouvoir déterminer en ce qui
concerne mon avenir… si je veux bien
consentir à lui donner mes date et lieu de nais-
sance ! En repositionnant le cadre, me revient
en mémoire ce livre de mon adolescence :
Feuille de bétel, dont l’action se déroule à
proximité du village natal de mon père. Je
m’interroge sur sa dépendance, avec son
revers, le manque, qui, l’une et l’autre, le rat-
tachent à sa culture d’origine... Cette “misè-
re”, et puis cet autre “pouvoir” traditionnelle-
ment réservé aux sages, de prédire l’avenir...
Mais comment le lui dire quand il semble que
les mots glissent sur lui comme un vêtement
trop bien repassé ? Quand chaque semaine il
me faut gagner le rendez-vous suivant sur la
gouvernance des étoiles ? D’ailleurs, après
cette consultation mémorable, il ne reviendra
qu’une seule fois. Toujours très clean.
Toujours avec la même plainte. Toujours avec
la même quête de l’impossible miracle. Et
puis à nouveau plus rien. Les astres avaient
sans doute tourné ! Le reverrais-je un jour
? Et quel sens aurait alors ce suivi “à larges
trous” ?
Les “vertus” thérapeutiques
du bétel
•
•En médecine traditionnelle, la poudre de
noix de bétel, en Chine et en Inde, est
incluse dans des sirops vermifuges (contre
les taenia).
•
•Du fait de ses effets rafraîchisseurs d’ha-
leine, la noix de bétel participe également à
la composition de pâtes dentifrice.
•
•Ailleurs, on retrouve des indications pour
le mal de tête, la fièvre et les rhumatismes.
•
• Les feuilles, du fait de propriétés antisep-
tiques et sialagogues, sont utilisées en cata-
plasmes ou en gargarismes dans le traite-
ment des catarrhes respiratoires.
•
• En Inde, les femmes s’en servent égale-
ment pour arrêter la sécrétion de lait en cas
d’abcès au sein.
•
•Son usage est sensé procurer une sensa-
tion de bien-être, d’euphorie, de douceur,
avec accroissement de la vigilance et des
capacités de travail. Cet effet psychostimu-
lant s’accompagne d’une hypersalivation,
d’un rafraîchissement de l’haleine, d’une
sensation de chaleur à travers tout le corps
et d’une facilitation de la digestion.
Plus le droit de fumer au travail
en Belgique et en Espagne
Une mesure plus stricte qu’en France puisqu’il n’est même pas prévu
de pouvoir aménager un fumoir. De plus,en Espagne, l’interdiction est
étendue aux restaurants et aux lieux de loisirs,
avec cette nuance : s’ils font moins de 100 m2, ils
peuvent choisir d’être fumeurs ou non-fumeurs
et plus de 100 m2, aménager, d’ici l’automne, une zone “fumeurs”.
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